L’Ordre des Prémontrés (O.PRAE.)
Il fut créé jusqu’à 650 maison en Europe. L’Ordre compte aujourd’hui dans le monde 32 abbayes d’hommes (2 en France : Saint Michel de Frigolet à Tarascon (Bouches-du-Rhône) et Saint Martin de Mondaye près de Caen (Calvados), 7 monastères de religieuses et 5 congrégations de sœurs.
Norbert (1080-1134) Evêque.
Fête le 6 juin. Né à Xanten, issu d’une famille de la noblesse rhénane, il rompt radicalement avec son passé en 1115 après une vie dissipée. Ordonné prêtre peu après, il se voue à une vie austère et à une prédication itinérante à travers l’Europe.
N’ayant pu réformer les chanoines de Saint-Martin de Laon, il fonde en 1120, dans la forêt voisine de Voas à Prémontré (Aisne) une communauté de chanoines réguliers, qui associe vie contemplative en commun et service des paroisses. C’est l’origine des Prémontrés ou Norbertins.
Norbert, tout en s’inspirant de l’exemple de Cîteaux, qui vit sous la règle de saint Benoit, donne à son ordre la règle de saint Augustin.
En 1120, l'évêque de Laon, Barthélemy de Jur donne à Norbert de Xanten un terrain dans la forêt de Voas (aujourd'hui la forêt de Saint-Gobain dans l'Aisne) au lieu-dit « Presmontré » pour y fonder une abbaye. Norbert y installe une communauté de chanoines réguliers, soumis à la règle de saint Augustin, ainsi qu'une communauté de femmes. Plus tard ces chanoines réguliers seront appelés Prémontrés ou Norbertins. Dès l'origine, les prémontrés ont une structure triple : un ordre d'hommes, un ordre de femmes et un tiers-ordre, ajouté en 1122 par Norbert, de laïcs voulant s'associer à la spiritualité de l'ordre.
Les prémontrés ont une double mission : l'apostolat,
en tant que clercs, c'est-à-dire l'action auprès des fidèles dans les
paroisses, et l'Office divin, comme les moines. Cette double mission répond à
la devise augustine sanctitatem et clericatum (de sainteté et d'apostolat). Ils
sont parfois considérés comme des précurseurs des ordres mendiants.
En 1126, il est nommé évêque de Magdebourg ; il travaillera à réformer dans son diocèse jusqu’à sa mort à 54 ans. .
L'ordre des prémontrés a eu un rite liturgique
propre entre le XIIe siècle et 1970 : le rite prémontré.
En 1130, les prémontrés sont déjà cinq cents frères
et plus de mille religieuses. Quatre ans plus tard, Norbert meurt.
Les prémontrés portent l'habit et le scapulaire
blancs. Les chanoines avaient adopté le costume canonial - surplis de lin et
chape de laine noire et l'aumusse, un capuchon de fourrure que les moines se
mettaient sur la tête durant les offices en hiver.
Les établissements prémontrés sont regroupés en
circaries. Au début du XVIIe siècle, en Lorraine d'abord, l'abbé de
Sainte-Marie-au-bois, Servais de Lairuelz, est l'initiateur de la réforme de
l'ordre, appelée également « réforme de Lorraine », et entraîne dans sa «
Communauté de la primitive rigueur » une quarantaine d'établissements de
prémontrés dont l'abbaye Sainte-Marie-Majeure de Pont-à-Mousson sera l'abbaye
mère.
À Haguenau (Alsace), notamment, après l'occupation
de la ville par les troupes françaises en 1635, les prémontrés du monastère
d'Allerheiligen en Forêt-Noire, rachètent l'église et le couvent et reprennent
leur service à l'église Saint-Nicolas ; ils la conserveront jusqu'à la
Révolution française de 1789.
À la Révolution française la plupart des abbayes
disparaissent ; comme les autres religieux, les prémontrés doivent quitter
leurs abbayes. Leurs biens sont confisqués et vendus comme « biens nationaux ».
Certains s'exilent, d'autres deviennent curés de paroisse.
En 1858, les premières restaurations d'abbayes prémontrées ont lieu à Mondaye dans le Calvados et à Frigolet dans les Bouches-du-Rhône. Après les lois d'expulsion du début du siècle, les prémontrés sont de retour dans les abbayes en 1921.
Charte
de fondation de l’abbaye de Prémontré 1121
L’abbaye de Prémontré est fondée en un lieu de culte
frisant le paganisme, au lieu mythique ou selon la légende le sieur de Coucy a
tué un lion qui lui avait été "de prés montré" et qui terrorisait ses
paysans.
[Ego, Bartholomeus, Dei gratia, Laudunensium presul. Cum aecclesia sancti Vincentii terram in loco, qui Premonstratus dicitur, que ad propriam mensam episcopi pertinebat, ex dono predecessoris nostri Elinandi episcopi haberet, sicut in privilegio ejusdem aecclesie continetur, monachi locum illum diu incoluerunt ; et per multos labores nullum vel parvum fructum consequebantur. Quod ego attendens, rogavi Adalberonem abbatem et monachos, ut locum supradictum mihi libere concederent, quatinus secundum voluntatem meam de eo disponere possem. Abbas autem et monachi petitioni mee assentientes, quicquid in illo loco habebant, mihi libere et sine contradictione concesserunt.
Ego vero non ingratus bone eorum voluntati, concessi aecclesie sancti Vincentii altare de Bairiaco in perpetuum salvo synodali jure habendum. Dedi eis etiam dimidium modium frumenti ad molendinum, quod apud villam situm est, que Broicurtum dicitur. Videns autem supradictum locum, qui Premonstratus dicitur, religiosis viris utillimum, fratri Norberto et subditis et posteris ejus libere et sine contradictione in perpetuum concessi habendum. Frater vero Norbertus sicut aliene rei minime cupidus, primitus noluit recipere, donec Soifridus abbas sancti Vincentii et monachi ejus, donum illud firmaverunt in capitulo, communi assensu. Que vero concessio, ne aliquo modo deinceps immutari possit, impressione nostre imaginis, et sigillo sancte Marie Laudunensis aecclesie et sigillo etiam Soifridi abbatis sancti Vincentii confirmare curavimus. Signum Bartholomei Laudunensis episcopi. Signum Soifridi abbatis sancti Vincentii. Signum Symonis sancti Nicholai de silva. Signum Widonis decani et archidiaconi. Signum Radulfi archidiaconi. Signum Blihardi cantoris. Signum Roberti decani sancti Johannis. Signum Gaufridi cantoris. Signum Roberti prepositi sancti Martini. Signum Elberti vicedomini. Signum Clarembaldi de Foro. Signum Nicholai castellani. Actum Lauduni in capitolio sancte Marie Laudunensis ecclesie, anno dominice Incarnationis M.C.XXI., indictione XIIII, epacta nulla, concurrente .V.
Ego Radulfus Laudunensis aecclesie cancellarius
subscripsi.]
[ Moi, Barthélemy, par la grâce de Dieu, évêque de
Laon. L’église de Saint-Vincent, à la suite d’un don de notre prédécesseur
l’évêque Elinand, possédait une terre dans un endroit qu’on appelle Prémontré,
qui relevait de la propre mense épiscopale, et, comme c’était inclus dans le
privilège de cette église, les moines ont longtemps cultivé ce lieu ; mais tout
en se donnant beaucoup de peine, ils n’obtenaient pas de récolte, ou si peu !
M’en étant rendu compte, j’ai demandé à l’abbé Adalbéron et à ses moines de me
céder librement le lieu susdit, dans la mesure où je pourrais en disposer à ma
volonté. L’abbé et les moines, accédant à ma demande, m’ont accordé librement
et sans objection tout ce qu’ils possédaient en cet endroit. Pour les remercier
de leur bonne volonté, j’ai accepté que l’église Saint-Vincent possède à
perpétuité l’autel de Berry, sauf le droit de synode. Je leur ai aussi donné un
demi-muid de blé sur le moulin situé près du village qu’on appelle Brancourt.
Voyant que le lieu susdit, qu’on appelle Prémontré, était très utile pour les
religieux, je l’ai concédé au frère Norbert, à ses subordonnés et à ses successeurs,
pour qu’ils le possèdent librement, à perpétuité, et sans objection. Mais le
frère Norbert, comme quelqu’un qui ne convoite pas du tout le bien d’autrui,
n’a pas voulu l’accepter avant que l’abbé de Saint-Vincent, Soifrid, et ses
moines n’aient confirmé ce don en chapitre, d’un commun accord. Et pour qu’on
ne puisse pas par la suite apporter quelque modification que ce soit à cette
concession, nous avons veillé à la confirmer par l’apposition de notre effigie
et du sceau de l’église Notre-Dame de Laon, ainsi que de celui de Soifrid, abbé
de Saint-Vincent. Ont signé Barthélemy, évêque de Laon ; Soifrid, abbé de
Saint-Vincent ; Simon, de Saint-Nicolas-aux-Bois ; Gui, doyen et archidiacre ;
Raoul, archidiacre ; Blihard, chantre ; Robert, doyen de Saint-Jean ; Geoffroy,
chantre ; Robert, prévôt de Saint-Martin ; Elbert, vidame ; Clarembaud du
Marché ; Nicolas, châtelain. Acte passé à Laon, au chapitre de l’église
Notre-Dame de Laon, l’an de l’Incarnation du Seigneur 1121, indiction 14, épact
nul, concurrent 5.
Moi, Raoul, chancelier de l’église de Laon, j’ai
souscrit.]
- traduction Maurice PERDEREAU
Aujourd’hui
Restauré après la Révolution, l’ordre de Prémontré a participé au XIXe siècle à l’effort missionnaire de l’Eglise, et il compte aujourd’hui quelque mille cinq cents religieux (dont plusieurs maisons féminines)dans les cinq continents, avec des fondations nouvelles (Californie, Amérique du Sud, Inde, etc.)
On trouve aujourd’hui deux abbayes prémontrées
françaises : Saint Martin-de-Mondaye (Normandie) et Saint Michel-de-Frigolet
(Bouches-du-Rhône) et trois autres francophones à Leffe en Belgique, à Kinshasa
au Congo et Saint Constant au Canada.
Chaque abbaye est autonome et gouvernée par un Père
abbé. Comme toutes les communautés religieuses de droit pontifical, l’Ordre de
Prémontré possède sa maison générale à Rome, où réside le Père abbé général.
Centre
d’Études et de Recherches Prémontrées (CERP)
Le Centre d’Études et de Recherches Prémontrées a
été fondé en 1976, pour créer un lien dans la francophonie entre les
chercheurs, universitaires ou non, et les amis de l’histoire de l’ordre de
Prémontré. Son rôle est de faciliter la recherche et l’étude en assurant le
contact entres les personnes et la diffusion des informations.
Le CERP est une association déclarée en 1978 avec
pour objet d’étudier et de rechercher tout ce qui touche à l’ordre de Prémontré
sur les plans spirituel, historique, artistique ou archéologique. Elle réunit
des chanoines prémontrés, des sœurs prémontrées, des chercheurs, des
historiens, des archéologues, des propriétaires et locataires d’abbayes
prémontrées, des restaurateurs et tous ceux qui s’intéressent à l’ordre de
Prémontré.
La vie contemplative prémontrée prend sa source dans la vie liturgique.
Les Prémontrés aiment la liturgie, ils tiennent cela
de saint Norbert leur fondateur. Le déploiement liturgique, les volutes
d’encens, la beauté des chants, ou la richesse de l’ornementation des églises
sont pour nous une manière de célébrer et de louer la gloire de Dieu. Au long
des jours, par la liturgie nous cherchons à nous laisser peu à peu façonner et
informer par Dieu, comme l’argile, modelée par le potier, pour devenir toujours
davantage à la ressemblance de Jésus-Christ.
L’Eucharistie, source et sommet de la vie
prémontrée.
Au centre de la journée, à midi, lorsque le soleil
est au zénith, la communauté se rassemble pour la célébration de l’Eucharistie.
Manière de placer le mystère du Christ au centre de notre vie quotidienne. Le
dimanche, mais aussi, bien souvent, en semaine, la messe rassemble autour de
notre communauté une assemblée nombreuse de fidèles : chrétiens des paroisses
alentours desservies par l’abbaye, hôtes, vacanciers ou visiteurs de passage.
La liturgie des Heures
Au cœur de notre vie prémontrés se tient
l’eucharistie. Mais cette action de grâce vient comme se déployer dans toute
notre journée grâce à la louange des psaumes qui rythme toute notre journée.
Des psaumes ? il y en a 150. Ils forment le fond de
la prière du religieux. La farine et l’eau de son pain. Ces vieux poèmes
immémoriaux, sont de bons crus. Ils gagnent à vieillir. Ils racontent l’homme.
L’homme devant Dieu, avec ses cris, ses étonnements, ses applaudissements. Dieu
parle à l’homme aussi, dans ces psaumes. Il lui dit de rester tranquille. De
prendre patience, de garder son cœur ouvert, tendre comme une cire chaude où
Lui, chaque jour, veut graver de la miséricorde, et encore de la miséricorde.
Il y en a 150, donc. Dans la stalle, les chanoines les égrènent chaque jour,
pour Dieu, et pour Dieu sait qui. L’humanité a tant besoin de tout ce qu’ils
disent à Dieu, tant besoin de tout ce qu’ils nous disent de Dieu. Braves psaumes.
On les chante de tout notre cœur « Chanter, c’est prier deux fois ! », dit un
adage attribué à saint Augustin. L’harmonie vocale vient comme façonner notre
communion fraternelle. La beauté du chant, comme celle de l’église et des
gestes liturgique sollicitent tout notre être (corps, intelligence et
sensibilité, dimension personnelle et communautaire…) pour nous ouvrir à la
prière et la louange de Dieu.
Louanges du matin, supplications du soir. C’est un
métier. L’un des plus beaux du monde, pas bruyant. Pas bien payé. Peut-être la
vie éternelle. Nous appelons cela la Liturgie des Heures. Au réveil les laudes
; après la messe et le déjeuner, l’office de milieu du jour sonne la reprise du
travail. Lorsque monte le soir, avant le dîner, nous entonnons la louange des
vêpres. À la nuit tombée, l’office des lectures ouvre le temps du silence et du
repos.
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