Le nouveau mobilier de ND de Paris
« J’étais moi-même debout dans la foule, près du
second pilier à l’entrée du chœur à droite du côté de la sacristie. Et c’est
alors que se produisit l’événement qui domine toute ma vie. En un instant mon
cœur fut touché et je crus. Je crus, d’une telle force d’adhésion, d’un tel
soulèvement de tout mon être, d’une conviction si puissante, d’une telle
certitude ne laissant place à aucune espèce de doute, que, depuis, tous les
livres, tous les raisonnements, tous les hasards d’une vie agitée, n’ont pu
ébranler ma foi, ni, à vrai dire, la toucher. J’avais eu tout à coup le
sentiment déchirant de l’innocence, l’éternelle enfance de Dieu, une révélation
ineffable ».
voir : Ma Conversion de Paul Claudel
Aujourd’hui, il revient à l’archevêque de Paris de
choisir le projet de l’artiste qui réalisera le mobilier liturgique de Notre‑Dame
de Paris pour sa réouverture à la fin de l’année 2024. C'est ce projet qui sera
présenté à la CNPA du 13 juillet. Je mesure la responsabilité qui est la
mienne. Je ne la prends pas, en ce jour, sans avoir nourri ma réflexion auprès
d’experts reconnus dans les domaines de la liturgie, de la conservation des
monuments historiques, de la création artistique, et naturellement auprès des
plus grands experts de notre cathédrale et ceux qui œuvrent depuis plus de
quatre ans à la relever.
« C’est le sens de ma décision de m’entourer, à
l’automne dernier, d’un Comité artistique pour conduire avec moi la consultation
à laquelle ont répondu 69 artistes. Parmi eux, en janvier dernier, j’en ai
retenu cinq qui ont travaillé jusqu’à la fin du mois de mai pour préciser leur
projet, par écrit, par dessins et par maquettes. Chacun de ces artistes a été accompagné
au cours de ces mois ; pour finir, chacun successivement a été auditionné par
le Comité artistique qui a pu faire devant moi toutes les observations que
suscitaient ces œuvres.
Au début du travail de ces cinq artistes, je leur
avais demandé, en raison de la responsabilité propre de l’archevêque, « le
grand prêtre de la liturgie de son diocèse » selon l’expression consacrée au
Concile Vatican II, de travailler leur projet en veillant à ce que je rappelle maintenant.
Le mobilier que nous commandons à l’artiste choisi
est constitué de cinq pièces majeures : l’autel, le baptistère, l’ambon, la
cathèdre de l’évêque et le tabernacle. La destination et l’usage, ainsi que la localisation
de chacune de ces pièces sont précisés dans les pages qui suivent ; si chaque
pièce doit montrer de façon claire et lisible sa raison d’être, l’ensemble doit
constituer une harmonie qui montre que c’est le mystère même de la foi chrétienne
qui est exprimé, ainsi que l’unique vie sacramentelle des fidèles.
J’ajoutais trois indications, majeures de mon point
de vue, pour entrer dans la bonne compréhension du travail à faire :
• Les œuvres présentées devront être respectueuses
du lieu, de son histoire, de son fort symbolisme constitué par la mission qu’il
a remplie au long des siècles.
• Les oeuvres présentées devront respecter l’esprit
de la liturgie catholique, selon les significations et les normes établies à la
suite du Concile Vatican II, et présenter un caractère aisément praticable par les
ministres et les assemblées qui se réuniront dans la cathédrale.
• Enfin, nous ne devons pas penser seulement au
présent, mais aux générations futures. Il s’agit en effet d’envisager un
mobilier qui soit une œuvre d’aujourd’hui, mais puisse se recevoir comme
durable : les autels romans, ou ceux de période classique, ont servi souvent
pendant des siècles. »
PREFACE
Bref, ce qui devait nous être présenté devrait
s’inspirer de la « noble simplicité » que revêtent les rites de notre liturgie,
selon la Constitution conciliaire sur la sainte liturgie, Sacrosanctum
Concilium, et qui s’applique aussi à l’art sacré.
À la réception des travaux qui ont été préparés par
les cinq artistes Nicolas Alquin et Marc Alechinsky ensemble, Guillaume Bardet,
Pascal Convert, Laurent Grasso et Constance Guisset, j’ai apprécié et mesuré
l’immense travail accompli, le désir de répondre aux attentes formulées, la
qualité de la recherche entreprise, tant aux points de vue des matériaux choisis
que de l’importance accordée aux choix symboliques exprimés dans les textes de
présentation et à la réalisation des dessins et maquettes. Lors de l'audition
des artistes, tous les membres du Comité artistique, avec moi-même, ont été
touchés de l’engagement personnel de chacun d’entre eux dans ce travail : la
recherche spirituelle, le désir de servir la prière des croyants et
d’accompagner la quête intérieure de tous. Manifestement, cette opportunité de
concourir à la redécouverte de Notre Dame de Paris a été un moment décisif de
leur vie. En ce moment solennel, c’est un grand et sincère remerciement que je
désire leur adresser personnellement, mais aussi au nom du Comité artistique et
de l’Église diocésaine tout entière.
La richesse des échanges au sein du Comité, que je
veux remercier ici d’avoir accepté d’entreprendre cette démarche à mes côtés,
m’a conduit à demander à Guillaume Bardet de réaliser les cinq éléments
principaux du mobilier liturgique. Sans développer une lecture très
approfondie, je voudrais simplement dire quelques raisons fortes de mon choix.
L’ensemble qu’il a construit me paraît présenter des
qualités qui se conjuguent bien les unes aux autres et en font un projet
cohérent, même si des modifications interviendront pour lui donner encore plus d’unité.
Le matériau choisi, le bronze, entre dans un dialogue franc avec l’édifice de
pierre, c’est le premier saisissement. Puis s’impose la lisibilité immédiate de
chacune des pièces : le surgissement du baptistère dès l’entrée dans la
cathédrale ouvre la porte du mystère du Christ ; et le bloc de l’autel, comme une
pierre issue de la terre pour le sacrifice, s’apprête en une table fraternelle
pour le repas du Seigneur.
Mais aussi la pureté des lignes, leur simplicité,
est extrêmement accessible voire accueillante ; une puissance de vie, une force
apaisée émanent de cette simplicité même. Peu à peu, ces ouvres nous marqueront
et toucheront aussi les visiteurs de notre cathédrale, j’en suis sûr.
J’ai également demandé à Ionna Vautrin de réaliser
les futures chaises de Notre-Dame. J’avais souhaité que les chaises de
Notre-Dame soient « silencieuses », c’est-à-dire montrant bien que les
communautés priantes sont en permanence présentes dans la cathédrale, mais en même
temps discrètes, tout en garantissant le confort des fidèles.
La proposition d’une chaise ajourée, aérienne, m’a
paru se conjuguer avantageusement à la fois avec cet impératif, et avec la
proposition de Guillaume Bardet pour le mobilier liturgique. Tous deux
rejoignent Sylvain Dubuisson, que j’avais déjà retenu pour réaliser le nouveau reliquaire
de la Couronne d’épines du Christ, et tous les artistes chargés de travailler
sur le chemin de pèlerinage, mais également le son, la lumière, et l’équipement
audiovisuel de notre cathédrale.
Leurs œuvres rejoindront, d’ici à l’automne 2024,
leur emplacement définitif à l’intérieur de Notre-Dame, que les compagnons, les
artisans et les ouvriers restaurent avec passion et courage depuis le lendemain
de l’incendie.
A tous, j’adresse mes plus sincères remerciements et
mes plus vifs encouragements dans leur mission. Que le Seigneur bénisse le travail
de chacun.
† Laurent Ulrich
Archevêque de
Paris
Il y a plus de 850 ans, la cathédrale Notre-Dame de
Paris a été bâtie pour rendre gloire à Dieu, accueillir les fidèles chrétiens et
célébrer le culte. Un chef-d’œuvre architectural a ainsi été conçu qui traverse
les siècles. Devant un tel édifice, dont plus de onze millions de visiteurs
avaient à cœur avant l’incendie de découvrir la beauté et la dimension
spirituelle, on ne peut qu’être humble. Humble devant ceux qui l’ont construit,
humble devant tous ceux qui nous l’ont transmis au fil des siècles, humble
devant ceux qui l’ont sauvé de l’incendie, humble devant ceux qui l’ont
restauré et permettront qu’il soit à nouveau ouvert aux célébrations et à la
visite à la fin de l'année 2024. Il convient de saluer la ténacité de l’Établissement
public créé pour la restauration de la cathédrale, l’extraordinaire efficacité
des architectes face au défi si intense d’un immense chantier que l’on peut
qualifier de chantier du siècle, et dire notre gratitude aux compagnons et aux
corps de métier qui œuvrent aujourd’hui sans relâche à l’intérieur de la
cathédrale. Il convient également de saluer l’ensemble des donateurs et
mécènes, français et du monde entier, qui par des actes remarquables de
générosité ont concouru, dans les heures qui ont suivi l’incendie et depuis
lors, à lancer cette restauration et à permettre de relever cet immense défi.
Cette mobilisation inédite dans l’histoire nous fait
plus encore prendre conscience de la valeur universelle exceptionnelle de cet
édifice qui tout à la fois nous dépasse et nous rassemble. Dans l’objectif de
construire un projet cohérent et global, quatre grands chantiers ont été
conduits par un collectif d’experts :
I. Le mobilier liturgique
II. Les assises
III. Le parcours de visite et le chemin de
pèlerinage
IV. La lumière, le son et l’audiovisuel
Plan du nouveau mobilier dans la cathédrale
1
Le Baptistère
2
Autel majeur
3
Ambon
4
Cathèdre
5
Tabernacle
6
Châsse reliquaire (couronne d’épines)
7
Les chaises
I
LE MOBILIER LITUGIQUE
En lien avec le ministère de la Culture et l’Établissement public en charge de la restauration de la cathédrale (EPRNDP), et dans le cadre des travaux, le diocèse de Paris assume actuellement quatre missions spécifiques. Puisque Notre-Dame de Paris a été construite pour être un lieu de culte et que l’autel qui réalisé par Jean Touret en 1989 a été fortement endommagé par l’effondrement de la voûte, il convenait de réfléchir à un nouvel ensemble pour le mobilier liturgique, en le confiant à un seul artiste, selon les recommandations de la Commission Nationale du Patrimoine et de l’Architecture (CNPA) en décembre 2021 (placée auprès de la ministre de la Culture, la Commission nationale du Patrimoine et de l’Architecture est présidée par le Sénateur Albéric de Montgolfier).
L’archevêque
de Paris a donc constitué un Comité artistique composé de 18 personnalités :
ministère de la Culture, Établissement public chargé de la conservation et de la
restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris, ainsi que de personnalités
qualifiées dans les domaines de l’aménagement liturgique, de la théologie et de
l’histoire de l’art, du design, de la création artistique et des monuments historiques.
C’est ce Comité artistique qui a conduit, sous la
présidence
de l’archevêque de Paris, la consultation, large et ouverte, par un appel à
candidatures pour le dessin des cinq éléments de mobilier liturgique.
Il
s’agit en premier lieu du baptistère qui sera situé à l’entrée de la cathédrale,
de l’autel majeur à la croisée de la nef et du transept, de l’ambon d’où sont
proclamées les lectures, qui sera au pied de la statue de Notre-Dame de Paris à
la pile sud-est de la croisée, de la cathèdre, siège l’évêque, situé à l’opposé
symétriquement à la pile nord-est, et enfin, sur l’autel, au pied de la Pietà
du Vœu de Louis XIII et de la croix réalisée en 1994 par le plasticien Marc
Couturier, du tabernacle dans lequel sont conservées les hosties consacrées.
1 l’Ambon
2 la cathèdre
3 Le siège associé
4 l’autel majeur
5 le tabernacle
6 le baptistère (détail)
II
LES ASSISES
Puisqu’il
s’agit d’un lieu de culte, il est en effet important que fidèles et visiteurs
puissent s’asseoir dans une cathédrale aux dimensions imposantes et dans
laquelle 1500 assises sont prévues pour les accueillir. Le choix de Mgr Ulrich
s’est porté sur des chaises. Faciles à manipuler, elles apporteront un effet de
légèreté nécessaire dans la cathédrale. Discrètes, robustes, solidaires par rangées,
confortables, ces chaises doivent pouvoir s’intégrer dans l’architecture des
lieux et faire preuve de la plus haute exigence en matière de design. Il était
souhaité que ces chaises soient « silencieuses », pour laisser non seulement la
primauté aux éléments du mobilier liturgique, et notamment à l’autel qui manifeste
la présence du Christ, mais aussi gêner le moins possible la perception de
l’élévation architecturale de la nef. C’est une consultation restreinte qui a
été lancée auprès de quatre artistes : Martine Bedin, Patrick Jouin, Martin
Szekely, Ionna Vautrin. À l’issue de la séance du Comité artistique du 20
janvier 2023, l’archevêque en a retenu deux : Patrick Jouin et Ionna Vautrin.
Ils ont remis leur offre finale le 5 juin dernier et, à l’issue de la réunion
du Comité artistique du 20 juin, l’archevêque a retenu le projet de Ionna
Vautrin, dont la chaise sera produite à 1500 exemplaires par le fabricant français
Bosc.
Ce
deuxième chantier s’articule étroitement avec le premier, dans une réponse et
une correspondance entre ces chaises et le mobilier liturgique choisi pour
former un ensemble cohérent.
Enfin, dans la chapelle axiale, derrière la Croix et la Gloire de Marc Couturier, qui brillaient au milieu des décombres au lendemain de l’incendie, prendra place la commande confiée par l’archevêque à l’artiste Sylvain Dubuisson. Il s’agit du réceptacle qui abritera la Couronne d'épines, un fragment du Bois de la Croix et un Clou de la Passion, reliques parmi les plus importantes de la foi chrétienne, porteuses de plus de seize siècles de prière fervente. À la demande du diocèse, l’artiste a conçu une châsse-reliquaire à la mesure des reliques insignes qu’elle conservera et de l’importante dévotion qui leur est vouée par les fidèles. Les visiteurs venant de tous les continents pourront l’exprimer en touchant ce reliquaire et en déposant des bougies en signe de respect et en témoignage de leur prière. Cette châsse-reliquaire de Sylvain Dubuisson répond à toutes ces exigences en faisant de la Couronne le foyer d’une auréole de cabochons quadrangulaires à fond d’or irradiant le motif de la Croix, au centre d’une claie de bois sertie d’épines de bronze. Si les épines de bronze peuvent être touchées par l’arrière de la châsse, la Couronne est en revanche inaccessible et elle se détache dans une demi-sphère d’un bleu profond qui l’arrache à toute dimension spatiale. L’anneau reliquaire de cristal de 1896, tissé d’un feuillage d’or, se détache dans une demi-sphère d'un bleu profond qui l'extrait de toute dimension spatiale : comme dans la Pietà du Vœu, à Notre-Dame c’est toujours Marie qui expose le Fils livré.
Cette sculpture date du milieu du XIVe siècle. Elle provient de la chapelle Saint-Aignan, située dans l’ancien cloître des chanoines, sur l’île de la Cité. En 1818, elle est transférée à Notre-Dame pour être placée au trumeau du portail de la Vierge, en remplacement de la Vierge du XIIIe siècle, détruite en 1793. Puis, en 1855, Viollet-le-Duc décide de la déplacer pour l’adosser au pilier sud-est du transept de la cathédrale. Un autel dédié à la Marie se trouve à cet emplacement depuis le Moyen Âge et reste un haut lieu de dévotion. Depuis le milieu du XIXe siècle, cette statue est priée sous le vocable de « Notre Dame de Paris », et incarne l’image de la cathédrale, « Notre Dame de toute l’Humanité ».
«
Il est, à coup sûr, peu de plus belles pages architecturales que cette façade
où, successivement et à la fois, les trois portails creusés en ogive, le cordon
brodé et dentelé des vingt-huit niches royales, l’immense rosace centrale flanquée
de ses deux fenêtres latérales comme le prêtre du diacre et du sous-diacre, la
haute et frêle galerie d’arcades à trèfle qui porte une lourde plate‑forme sur
ses fines colonnettes, enfin les deux noires et massives tours avec leurs
auvents d’ardoise, parties harmonieuses d’un tout magnifique, superposées en
cinq étages gigantesques, se développent à l’œil, en foule et sans trouble, avec
leurs innombrables détails de statuaire, de sculpture, et de ciselure, ralliés
puissamment à la tranquille grandeur de l’ensemble ; vaste symphonie en pierre,
pour ainsi dire ; œuvre colossale d’un homme et d’un peuple, tout ensemble une
et complexe comme les Iliades et les romanceros dont elle est sœur ; produit prodigieux
de la cotisation de toutes les forces d’une époque, où sur chaque pierre on voit
saillir en cent façons la fantaisie de l’ouvrier disciplinée par le génie de l’artiste
; sorte de création humaine, en un mot, puissante et féconde comme la création
divine dont elle semble
avoir
dérobé le double caractère : variété, éternité.
Et
ce que nous disons ici de la façade, il faut le dire de l’église entière ; et
ce que nous disons de l’église cathédrale de Paris, il faut le dire de toutes
les églises de la chrétienté au Moyen Âge. Tout se tient dans cet art venu de
lui-même, logique et bien proportionné.
Mesurer
l’orteil du pied, c’est mesurer le géant. »
Victor
Hugo, Notre-Dame de Paris — Paris, 1831 — Livre III, chapitre 1
III
LE PARCOURS DE VISITE ET LE CHEMIN
DE PÈLERINAGE
Autour de ces éléments du mobilier liturgique, du reliquaire et des chaises, un chemin de pèlerinage est proposé aux visiteurs à l’intérieur de la cathédrale. Il s’agit bien de visiteurs et non pas de touristes, qui nous font l’honneur de se rendre à Notre‑Dame pour une visitation, c’est-à-dire une Rencontre. Cela vaut aussi bien pour les fidèles, par la célébration du culte à l’autel majeur de la cathédrale, que pour chacun, grâce aux œuvres d’arts, Mays* et autres tableaux, statues disposés afin de faire saisir intuitivement le sens de l’édifice. L’itinéraire sera commun ; la compréhension adaptée au rythme et aux attentes de chacun. Ce parcours débutera dès l’extérieur de la cathédrale avec la façade occidentale qui, dès qu’on l’approche, proclame le mystère de la foi chrétienne. Épargnée par l’incendie, celle-ci constitue une première clef d’intelligence, de sorte que l’attente devant le bâtiment est inséparable du parcours à l’intérieur.
Les
lignes de l’architecture sertissent la rose ouest dans le carré du monde
terrestre, évoquant l’Incarnation par où le Dieu infini s’insère dans le fini.
Au registre supérieur, Adam et Ève encadrent la Vierge à l’Enfant, tandis qu’au
sol les portes mariales, celle de la naissance de la
Vierge
et celle de son couronnement céleste, flanquent le portail central du Jugement,
comme une invitation de Marie à la découverte et à l’écoute du Christ qui ouvre
les portes de la Vie. Tel est le sens, préparé par la contemplation de la
façade, de l’entrée par le portail majeur. Non seulement celle-ci laisse le
visiteur saisi par les dimensions de la nef gothique, mais elle contribue à
l’introduire à la vocation de l’édifice.
Ainsi,
lors de l’attente des visiteurs, que nous veillerons à réduire le plus possible
sans pouvoir la faire totalement disparaître, une présentation de la façade et
des abords sera proposée. Les visiteurs seront ensuite appelés à entrer par le
portail central, portail du jugement dernier, puis invités à tourner vers la gauche
et à effectuer ce parcours du nord jusqu’au sud, des ténèbres à la lumière.
La
configuration de ce parcours a été suggérée sur la base des éléments invariants
de la cathédrale, notamment la clôture du chœur qui comporte un remarquable mur
sculpté du XIVe siècle, séparant le chœur du déambulatoire. Ce mur sculpté illustre
les scènes de la vie du Christ, avec au nord les représentations de son enfance
et de son ministère public : il s’agit donc du mystère de l’Incarnation ; et au
sud les scènes qui traitent de sa Résurrection. Logiquement, entre l’Incarnation
et la Résurrection, la chapelle axiale est dédiée à la Passion du Christ avec
la châsse-reliquaire de la Couronne d’épines. De cet invariant résultent les
deux allées au nord et au sud, menant à cette clôture du chœur. Le
déambulatoire nord qui mène à l’Incarnation est consacré à des chapelles
constituant « l’allée de la Promesse ». Chaque chapelle a une titulature
correspondant à un personnage de l’Ancien Testament, associé à une thématique. Ainsi,
par exemple, on trouvera le personnage du Roi David à qui sont attribués les
Psaumes ou celui d’Abraham, père de la foi des nations. Au sud, à l’issue du
mur du chœur représentant les scènes après la Résurrection, le déambulatoire
est consacré à des chapelles constituant « l’allée de la Pentecôte », suite logique
de la célébration du mystère Pascal. Ces chapelles seront consacrées à divers
saints et saintes liés à l’histoire du diocèse de Paris, associés aux fruits de
l’Esprit Saint. L’ensemble des chapelles sera aménagé, en tenant compte de ce nouveau
parcours et de ce nouvel ordonnancement, avec les œuvres déjà dans la
cathédrale à la veille de l’incendie de 2019.
Le
projet présenté par le diocèse s’appuie sur la cohérence interne et intime du
lieu, tant pour la titulature des chapelles que pour le parcours que les
visiteurs sont invités à faire, l’ensemble étant mis en exergue par le mobilier
liturgique et les assises.
* Les Mays de Notre-Dame sont de grands tableaux commandés par la corporation des orfèvres parisiens en accord avec les chanoines pour les offrir le 1er mai à Notre-Dame. Ils sont réalisés entre 1630 à 1707 par des peintres célèbres à leurs époques.
Mise
en situation du projet de Chapelle de confession par Nathalie Crinière
Dans
le cadre de ce chemin de pèlerinage, il convient d’ajouter la présence de lieux
de dévotion réservés aux fidèles. Deux chapelles seront consacrées à la
confession, les dernières chapelles situées avant le transept, tant au nord
qu’au sud. La conception de ces espaces a été confiée à
l’architecte-scénographe Nathalie Crinière qui reprendra notamment, pour
l’habillage de ces lieux, les parcloses en bois sculpté d’après les dessins de
Viollet-le-Duc. Par ailleurs, après la chapelle axiale de la Couronne d’épines,
se trouve un lieu important dédié à la prière, la chapelle Saint‑Guillaume,
dans laquelle sera placé le grand crucifix Napoléon III. Un lieu tout particulier
de dévotion sera également proposé aux fidèles dans le chœur, à proximité de
l’autel de la Pietà, au plus près du Saint-Sacrement. Conformément à la demande
de la CNPA, formulée en décembre 2021, ce lieu de dévotion sera situé au bas
des marches du sanctuaire pour préserver au mieux le sol en mosaïque de marbre
du XVIIIe siècle.
IV.
LA LUMIÈRE, LE SON ET L’AUDIOVISUEL
Tout cela ne pourrait pas avoir lieu s’il n’y avait un autre chantier auquel le diocèse s’est attaché. Il s’agit de celui de la lumière, le son et l’audiovisuel. Avec le dispositif de captation audiovisuelle pourra tout particulièrement s’opérer le rayonnement de ce qui se vit à l’intérieur de la cathédrale. Un agencement technique spécialement performant et discret permettra aux chaînes de télévision d’assurer la retransmission des grandes cérémonies et événements de la cathédrale, et à la chaîne de télévision catholique KTO de diffuser les offices dans près de 90 pays. Un soin spécial a été apporté au chantier du son, piloté par le designer sonore Alain Richon, dans ce lieu où sont célébrés chaque année près de 2300 offices, auxquels contribue, pour 1200 d’entre eux, la maîtrise de Notre-Dame de Paris, phalange musicale et patrimoine immatériel vivant de la cathédrale, contribuant avec talent à son rayonnement partout dans le monde.
Il
convient de s’arrêter un instant sur la lumière, chantier confié à Patrick
Rimoux, sculpteur lumière, pour mettre en valeur la dimension liturgique et
patrimoniale de la cathédrale.
Ce
travail permettra d’éclairer harmonieusement les œuvres principales abritées
par l’édifice et valorisera cette dialectique biblique entre ténèbres et
lumière, permettant de valoriser la dimension spirituelle du monument.
L’évolution de la mise en lumière de la cathédrale est particulièrement significative
pour la liturgie. Depuis l’électrification en 1903, beaucoup de projets ont été
mis en œuvre, dont les derniers sous l’épiscopat du cardinal André Vingt-Trois.
Alors que lors des décennies précédentes, l’espace liturgique était en partie éclairé
à la manière d’une scène de théâtre, la préoccupation aujourd’hui est de
permettre à la lumière d’accroître le sens de la liturgie, en permettant de
retrouver un véritable contraste entre lumière et ténèbres et en permettant que
cette lumière puisse être modulée en fonction du temps liturgique célébré, dans
une seule tonalité allant du blanc à l’ambré. Ainsi l’éclairage plénier de la cathédrale
à Pâques ne sera pas le même que celui d’une veillée d’adoration qui incitera
davantage au silence et à l’intériorité. C’est donc une modularité de la mise
en lumière de la cathédrale qui a été pensée pour mettre en valeur ce qui est
célébré, ce qui est contenu et présent dans ce sanctuaire.
CONCLUSION
Depuis
1163, date de la pose de première pierre de Notre-Dame de Paris, tous les siècles
ont apporté leur contribution à cet édifice, signe visible de l’espérance qui
offre de la consolation au cœur des hommes et témoin de la paix. En s’inscrivant
dans la continuité de son histoire, le diocèse de Paris porte ce projet, habité
par la volonté de faire percevoir le sacré à travers la beauté, afin de
permettre que ce qui se vit soit un témoignage de foi et rende également
hommage à l’histoire de notre pays, tout en répondant à l’émotion suscitée par
l’incendie en 2019.
Les
quatre chantiers conduits par le diocèse permettent à la cathédrale de demeurer
ce qu’elle a toujours été, un édifice voué au culte et un élément essentiel de
notre patrimoine, une cathédrale qui traverse les âges, l’un des sites les plus
visités du monde.
C’est
dans cet esprit que Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Paris, présentera à la
CNPA du 13 juillet prochain le projet aujourd’hui annoncé.
Guillaume Bardet
Né en 1971, Guillaume Bardet est un designer français. Diplômé de l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs (ENSAD) de Paris, où il obtient par la suite une résidence à la Villa Medicis à Rome et une bourse de l’Académie de France à Rome. Il réalise plusieurs grands projets, dont « La Fabrique du Présent, La Cène » au Couvent dominicain Sainte-Marie de La Tourette en 2017.
Intéressé
par les formes et les usages qui font le ferment de notre humanité, les réalisations
de Guillaume Bardet portent la trace sensible de leur créateur, tout en atteignant
un caractère hors du temps.
Ionna Vautrin
Diplômée de l’école de design Nantes Atlantique en 2002, Ionna Vautrin a successivement travaillé pour Camper en Espagne, George J. Sowden en Italie et Ronan & Erwan Bouroullec en France. Elle ouvre son propre studio en 2011 après avoir remporté le grand prix de la création de la ville de Paris et collabore depuis avec différents projets.
Son
travail est une rencontre entre poésie et industrie. Elle dessine des objets du
quotidien dont l’ambition est d’être simple, évident mais surprenant. Ses
projets associent des formes géométriques et organiques, un esprit espiègle et
coloré, des usages intuitifs et fonctionnels, une présence chaleureuse et
familière. De la petite à la grande échelle, ses créations combinent douceur
et précision au service des espaces publics et privés.
Sylvain Dubuisson
Architecte et designer, Sylvain Dubuisson est né à Bordeaux en 1946. Diplômé en 1973 de l’École supérieure d’architecture de Saint-Luc de Tournai, en Belgique, Sylvain Dubuisson s’installe indépendamment, dès 1980. Dubuisson se singularise par une culture très personnelle, qui mêle des connaissances classiques et surtout littéraires à une curiosité pour les sciences et à une fascination pour les technologies de pointe.
Nathalie Crinière
Nathalie Crinière est diplômée de l’École Boulle en architecture intérieure, et de l’École Nationale supérieure des Arts Décoratifs de Paris en design industriel. Elle a profité de son cursus scolaire pour étudier à la Georgia Tech Institute of Technology d’Atlanta en Géorgie, USA. Elle s’installe ensuite pour un an à Barcelone, dans l’agence de Pepe Cortes, architecte d’intérieur. De retour à Paris, après un passage dans différentes agences, elle exerce d’abord comme indépendante avant de fonder sa propre structure.
Patrick Rimoux
Après une formation de professeur en nouvelle technologie, Patrick Rimoux s’oriente vers les Beaux-Arts de Paris, notamment dans les ateliers de Claude Viseux et Piotr Kowalski. Auprès d’eux, il se lance dans l’exploration passionnée des c h a m p s d e l a l u m i è r e : c i n é m a photographie, architecture, peinture, sculpture… Il s’applique dès lors à la rendre vivante, palpable et messagère d’émotions.
Dans
les années 1990, il fonde l’agence Patrick Rimoux, et saisit la chance offerte par
la Belgique d’œuvrer à des programmes d’envergure. De la Grand-Place de
Bruxelles aux Freedom Towers de Johannesburg, de Genève à la Guyane en passant
par l’abbaye de Dourgne, l’agence intervient depuis 35 ans dans le monde entier
par la création de réalisations pérennes ou d’événements exceptionnels et éphémères
Alain Richon
Alain Richon, compositeur et designer sonore, vit et travaille à Paris. Il entre à l’École Nationale Supérieure Louis Lumière option son et suit le cursus d’ingénieur acousticien au Conservatoire National des Arts et Métiers ; parallèlement, il est chercheur à l’IRCAM, sur les systèmes de reproduction multi-phonique et acousticien au sein de la société Diasonic et devient ensuite l’assistant de Louis Dandrel. Ayant étudié le piano dès l’âge de 8 ans, il compose également des musiques et des bandes sons pour le théâtre, la danse, les installations ou des films.
Dans
les années 2000, il se spécialise dans la maitrise d’œuvre de projets de design
sonore. En 2011, il fonde l’agence Life Design Sonore et dirige les projets à vocation
culturelle.
Cathédrale Notre-Dame de Paris
6 Parvis Notre-Dame — Place Jean-Paul II
75004 Paris
Interviews de membres du Comité
artistique
Chanoine Henry de Villefranche, chapelain de Notre-Dame de Paris
Père
Maxime Deurbergue, théologien, enseignant au Collège des Bernardins
Frère
Marc Chauveau, commissaire des expositions d’art contemporain au couvent de La
Tourette
Général
d’armée Jean-Louis Georgelin, représentant spécial du président de la République
pour la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et président de
l’Établissement public Rebâtir Notre‑Dame de Paris
à
Notre-Dame de Paris - Juin
2023