Jean-Baptiste, Prosper-Désiré Argence
Rue Argence, fontaine Argence, espace Argence...
mais qui est donc cet Argence ?
Le 8 février 1812, naît à Troyes, place saint
Pierre, Prosper-Désiré Argence, fils de Jean-Baptiste Capitaine commandant le
recrutement de l’Aube, et d'une mère d'origine italienne.
En 1879, il épouse Anne-ErnestineTravailliot, née en
1836 à Chavanges et veuve d'Auguste Varennes, magistrat.
Désiré Argence est un personnage important, tout en
restant modeste.
Ancien élève du lycée de Troyes, avocat, avec une
licence en droit, il devient conseiller général d'Aix-en-Othe de 1855 à 1863,
puis président de 1865 à 1870. Il est député de l’Aube de 1869 à 1870. Il est
président de la nouvelle Société Horticole en 1866-1867, et en 1863, membre résidant de la Société
académique. Il est élu maire de Troyes du 19 février 1859 au 8 septembre 1870.
Franc-maçon de la loge l’Union Fraternelle de
Troyes, il en devient maître en 1851, vénérable en 1862, et vénérable d'honneur
en 1868.
Les puits de la ville de Troyes livraient une
boisson douteuse, les enfants contractaient la pierre, et les adultes se
plaignaient de la scrofule et des goitres.
En 1852, un citoyen généreux, Jaillant Deschainets,
lègue à la Ville 400.000 francs.
Alors, Argence, conseiller municipal, présente un
rapport déterminant. L’eau serait prélevée dans la Seine, au Vouldy, en plein
courant, pour qu’elle soit pure. Deux machines à vapeur aspireraient l’eau et
la renverraient dans un réservoir place Casimir-Périer, lieu le plus élevé de
la ville. Il pourrait contenir la consommation de cinq jours.
L’installation comporterait 138 bornes-fontaines, 66
bouches sous trottoirs, 19 vespasiennes, 4 cascades dans les jardins publics,
et 525 abonnés desservis. Fini de tourner la manivelle, il suffit de peser sur
un bouton pour remplir le seau !
De ce moment disparaissent les vieux puits.
Argence veut embellir sa cité. Il démolit les
murailles, n‘épargnant ni tours, ni portes. Les fossés sont remplacés par des
boulevards et des jardins publics, avec une rue du côté de la ville et des
mails à l’extérieur. On lui doit en particulier la Vallée Suisse.
C’est, à l’époque, un enthousiasme délirant devant
cette adaptation si bien réussie.
En plus, il construit les premières écoles primaires,
élargit la voirie, et débute les œuvres sociales.
Il meurt à 78 ans, après un accident de voiture
survenu en visitant à Paris, l’Exposition Universelle, le 29 octobre 1889.
A l’étonnement général, ce candidat battu en dernier
lieu aux élections législatives, partisan d’un régime décrié, laisse toute sa
fortune, non à sa veuve, mais à la Ville de Troyes, pour lui montrer qu’il n’a
jamais cessé de l’affectionner.
Le testament est divisé en deux parties. Dans la
première il fonde deux lits à l’Hôtel-Dieu, un prix de vertu à décerner à des
femmes méritantes, il cède son hôtel familial à condition que le revenu serve à
encourager des vocations artistiques, il consacre 5.000 francs pour les secours
mutuels, un don de tableaux et d’objets d’art enrichit le musée...
Une seconde partie concerne l’embellissement de la
Ville, cette grande idée qui a constamment guidé le défunt.
Argence prévoit aussi dans son testament, 10.000
francs pour sa tombe.
Le conseil respecte les vœux du vieux bonapartiste,
et lui apporte la suprême preuve de sa considération. C’est pourquoi nous
pouvons voir aujourd’hui, ce monument bien placé au cimetière de Troyes, à
l’entrée de l’allée centrale.
Comme Argence occupa la première place dans la
ville, il occupe la première place dans la nécropole.
La tombe en granit n’ayant coûté que 4.500 francs,
c’est donc une bonne affaire pour le budget de la ville qui a réalisé un boni
de 5.500 francs !
Malgré son retrait des affaires publiques, ses adversaires politiques (Républicains opportunistes et radicaux) savent fort bien que si un adversaire vivant a droit à tous les dénigrements, par contre, un adversaire défunt est digne de tous les éloges.
La Ville de Troyes assure à son ancien magistrat
municipal, de grandes funérailles. Des orateurs qualifiés en vantent les
mérites, et concluent :
" Les embellissements qu’Argence a apportés à
notre vieille cité, l’air qu’il lui a donné, les ceintures de jardins dont il
l’a entourée, apprendront son nom aux générations futures et le mettront au
premier rang parmi nos bienfaiteurs. "
Ce qu’il n’a pu réaliser de son vivant, est réalisé
après sa mort.
En 1895, le Conseil Municipal ayant accepté le
cadeau posthume de M. Argence, se devait maintenant remplir les conditions
imposées par le testament, dont une fontaine monumentale comme on n’avait encor
aucune idée à Troyes. M. Mony, Maire, en
fait voter les travaux en 1896.
C’est ainsi que naît la Fontaine Argence que tous
les Troyens connaissent si bien. Grâce à un petit moteur électrique, c’était
toujours la même eau qui fonctionnait en circuit fermé, et ainsi pas une goutte
n'était perdue.
Par décision du Conseil Municipal du 13 février 1895, approuvée par le président de la République Félix Faure, la rue de la Vallée Suisse s’appelle désormais rue Argence.