La
porte maudite de l’église de Saint-André-les-Vergers
A gauche du grand portail « des maraîchers »
(Ouest) de l’église paroissiale, existe une porte secondaire dont les clous,
disposés en forme de X rappellent la croix de Saint André. Cette porte mystérieuse,
est « la porte des Lépreux », laquelle d’ailleurs fut longtemps
condamnée et murée à la suite de l’épisode suivant :
Deux enfants Dryats venaient de se marier. Leur bonheur
paraissait sans mélange si la lèpre, une lèpre affreuse, n’était venue attaquer
les membres et le visage du jeune époux. Défiguré, hideux et surtout
contagieux, celui-ci fut bientôt retranché de la communauté des vivants selon
l’usage habituel déterminé en pareille circonstance.
Sur convocation du curé faite au son lugubre du glas, la
foule des grands jours se rassemble à l’église. L’époux, atteint de la lèpre
est introduit par la porte dérobé qui se referme sur lui, il dirige ses pas
vers la chapelle ardente dressée au milieu du bas-côté nord de l’édifice. La
cérémonie macabre se déroule selon le rituel en vigueur, l’époux est placé sous
le drap mortuaire, le prêtre alors commence l’office des morts, il récite les
prières des défunts avec les aspersions et les encensements accoutumés il
dit :
« À partir de ce jour
tu te tiendras face au vent et tu ne parleras, à personne autrement. Tu ne
quitteras ta maladrerie que pour te rendre à la messe et resteras avec les autres
lépreux. Tu ne dépasseras point ta borde ».
Ensuite, le drap mortuaire est enlevé, le ladre prend une
jaquette grise (sa housse), on lui met une besace sur le dos, une talevelle
(crécelle) en main. Le lépreux est conduit à la ladrerie, suivie par son épouse.
Derrière le prêtre le convoi funèbre s’ébranle, il se dirige non pas vers la
maladrerie de Rosières, pourtant toute proche, mais vers celle des Deux Eaux à
quatre kilomètres de là en direction de Bréviandes.
A Bréviandes, lépreux et lépreuses des Deux Eaux sont là,
ils attendent à distance le nouveau venu auquel le prêtre adresse les défenses
et interdictions qui le concernent. Alors, pour bien marquer que tout est fini,
trois pelletées de terre prises au cimetière, sont jetées sur sa tête avec ces
mots significatifs :
« Mon amy, ci est
signe que tu es mort quant au monde »
Ensuite, le ladre disparait, le cortège prend le chemin
du retour vers l’église de Saint-André où le « mort vivant » est
recommandé une dernière fois au pied des autels.
La jeune femme qui enterre son mari de la façon la plus
affreuse, a suivi cette cérémonie jusqu’au bout. C’est une personne jolie, d’un
caractère doux, d’une intelligence vive, d’un cœur magnanime. Dans sa démarche
rien n’a faibli, sa douleur contenue prend un caractère saisissant qui
bouleverse l’assemblée. Un silence de mort plane sur la foule ; immobile
et calme, la jeune femme alors déclare ceci :
« Mon malheureux époux est un objet d’horreur pour
les autres, mais il reste toujours la moitié de moi-même. Ensemble nous devons
partager la bonne et la mauvaise fortune, je gagnerai donc la lèpre avec
lui : la cérémonie est terminée, elle vaut pour deux ! ».
Aussitôt,
elle abandonne ses vêtements, elle prend les habits de deuil comme signe d’un
mal qu’elle ne ressent pas encore. Pour bien marquer sa résolution, elle quitte
l’église par la porte dérobée qui a servi à son mari, elle refait seule le
chemin qu’elle vient de parcourir avec tous, elle se dirige vers la maladrerie
des Deux Eaux où, bien sûr, personne ne l’attend, pas même son mari, elle
deviendra sa chambrière comme il est d’usage en ces temps là.
Ce qui devait arriver ne manque pas de se produire. Bientôt les joues fraiches de la belle perdent leur couleur de pourpre, les uns après les autres ses charmes s’évanouissent, elle tombe en langueur.
A quelque temps de là, cette
fidélité dans les sentiments eut pourtant l’effet le plus surprenant :
Un miracle ayant eu lieu, le mari est guéri et sa belle aussi ; l’un de sa lèpre, l’autre de son état de langueur.
Après avoir écoulé ensembles des jours heureux, lorsque la mort se présenta, les deux époux se trouvèrent encore unis : Ils furent ensevelis côte à côte sous une double pierre tumulaire qui détermina longtemps le nom de la contrée appelée « Les Deux Tombes ». L’endroit était entre l’abbaye de Montier-la-Celle et la croix Saint Roch, près des champs de Saint-André, à proximité de l’église Saint Michel, mieux connue sous le nom de St Michau.
Ces évènements extraordinaires produisirent à Saint-André une grosse émotion ; les habitants voulurent y voir un signe du ciel qui les invitait à condamner, à murer la porte maudire de l’édifice religieux.
Vaincue par l’amour, la lèpre n’entra plus jamais à l’église de Saint-André
La porte des « lépreux » a été
restaurée et démurée dans les années 1960.
Une inscription hébraïque était sur le linteau de la porte, malheureusement disparue lors des restaurations de la façade Ouest en 2005, par un artisan ignorant et peu scrupuleux. A l’occasion de ces restaurations, le portail des Maraîchers a retrouvé toute sa splendeur de la Renaissance.
De nombreuses églises de France et de
Navarre avaient leur porte des lépreux.
NB : Autrefois,
seuls les chrétiens qui avaient reçus le baptême avait le droit de pénétrer
dans une église.