Joyeux Avènements des
Evêques de Troyes
Les textes relatifs à
ce « Joyeux Avènement des Evêques de Troyes », sont tirés de l’obituaire
(registre d’un monastère) de l’abbaye de Notre-Dame-aux-Nonnains (écrit en
latin), actuellement à la Bibliothèque Nationale. Un texte en français fut
écrit vers l’an 1300, car c’est à cette époque qu’eut lieu l’enquête relative
au palefroi (cheval de parade) de l’évêque Guichard : l’abbesse de
Notre-Dame-aux-Nonnains, Isabelle de Saint-Phal, réclamait le cheval sur lequel
l’évêque avait fait son entrée, disant qu’il appartenait aux écuries de
l’abbaye. L’évêque prétendait que l’abbaye n’avait aucun droit sur son cheval.
Le roi Charles Le Sage,
en 1375, était très attaché à son confesseur « par les liens de l’estime et de
la plus intime confiance », Pierre Champagne, né à Villiers-Herbisse, près
d’Arcis-sur-Aube, dont il avait anobli sa famille, en la personne de Nicolas
Champagne, son frère, et, en sa faveur, avait enrichi d’un grand nombre de
manuscrits la bibliothèque des Jacobins. Quand ce dernier devient évêque de
Troyes sous le nom de Pierre de Villiers, le Roi, pour lui donner « un
témoignage éclatant », engagea le Duc de Bourgogne, Philippe le Hardi, à
honorer de sa présence l’entrée du nouvel évêque. Par considération pour ce
Prince qui, avec Gui de la Trémoille l’accompagna à pied pendant toute cette
longue cérémonie, l’humble confesseur n’avait pas voulu monter dans la chaire,
qui lui avait été présentée par ses Barons.
Au XV° siècle, les
religieuses de Notre-Dame-aux-Nonnains assistaient aux processions publiques,
et y affichaient un luxe scandaleux. L’évêque de Troyes, Jean Léguisé essaya,
le 12 juillet 1442, de soumettre à la clôture ces religieuses, mais il dut
renoncer à cette réforme, et se contenta, par rapport aux processions
publiques, d’ordonner aux religieuses : d’y paraître seulement quand il les
appellerait, de mettre de côté leurs coiffures prétentieuses, et de porter des
vêtements simples.
Le Cérémonial du «
Joyeux Avènement des Evêques de Troyes » est donc bien antérieur à 1519, car
cette année-là, l’évêque Guillaume Parvi soumit les religieuses de
Notre-Dame-aux-Nonnains à la clôture. Or, d’après le Cérémonial, elles ne sont
pas cloîtrées, puisqu’elles vont en procession jusques à « La Croisette »,
c’est-à-dire assez loin en dehors des murs du monastère, et en 1527, à l’entrée
de l’évêque Odard Hennequin, elles allèguent qu’elles ne peuvent aller en
procession à sa rencontre jusques à la Croisette, parce qu’elles sont
cloîtrées, « ne pouvant partir ni aller audit lieu de La Croisette où ses
prédécesseurs avaient été par elles reçus auparavant leur dite réformation
».
Jusqu’au XVIIIe siècle,
un cérémonial se pratiquait donc aux entrées solennelles de nos Evêques. La
veille de son intronisation, le nouvel Evêque, arrivant en cavalcade, formée
d’une partie du clergé, des officiers de justice, des licenciés ès lois, et de
la Noblesse de Troyes, venait descendre à l’abbaye de Notre-Dame-aux-Nonnains.
A l’entrée des lisses qui ferment la place de cette abbaye, il rencontrait
l’Abbesse, et toutes les religieuses s’avançant en procession au-devant de lui.
Il mettait pied à terre, et l’Abbesse « se saisissait de la mule du révérend,
et la faisait mener comme sienne, dans l’étable de l’abbaye ». Elle prenait
ensuite l’Evêque par la main, et précédée de sa Communauté, en procession,
chantant des antiennes, elle le conduisait par le cloître, à l’église
intérieure de la maison qui demeurait ouverte au peuple de tous états,
qu’attirait la cérémonie. Après sa prière faite dans l’église, l’Abbesse, le
tenant toujours par la main, le menait au chapitre, où, après l’avoir revêtu
d’une chape, lui avoir mis une mitre sur la tête et une crosse à la main, elle
lui faisait jurer sur les évangiles de conserver et maintenir les droits et
privilèges de l’abbaye. Ce serment prêté, et le Notaire présent en ayant dressé
acte, un aumônier chantait à haute voix, et l’évêque donnait sa première
bénédiction. L’abbesse lui ayant ensuite ôté la chape et la mitre, elle le
reconduisait par la main, toujours précédée de ses religieuses, marchant en
procession et chantant, à un appartement qui lui était préparé, « en lui
déclarant qu’il devait y prendre son gîte, et coucher la nuit audit lieu, ainsi
qu’avaient toujours fait ses prédécesseurs sans aucun contredit ». L’Evêque
restait à l’Abbaye avec sa suite, y soupait de la cuisine de l’abbaye, y
couchait. Le lendemain, le chapitre faisait sa visite. Puis, c’était la
procession dans l’église de l’abbesse. L’évêque, l’abbesse à côté de lui, va au
grand autel, porté sur les épaules de « quatre pairs de Méry-sur-Seine», sur
une chaire revêtue d’un drap d’or, et il dédie à nouveau l’église.