jeudi 30 janvier 2025

Grotesques, gargouilles, chimères c'est quoi ?

 

Gargouille cathédrale d'Amiens

La plupart des gens les qualifient de gargouille, mais ce nom s’applique en fait à un type de grotesque bien précis. Quelles sont les différences ?

Grotesques, gargouilles, chimères : on fait le point


Gargouilles 


Gargouille cathédrale de Troyes


Étymologie : du latin « gurgulio », la gorge, la gueule.

Architecture : Les gargouilles sont les parties saillantes d'une gouttière destinées à rejeter les eaux de pluie à une certaine distance des murs afin de ne pas nuire aux constructions inférieures.

Les architectes les sculpteurs du XIIIe siècle, lors de l’essor du style gothique s'emparent de ces pierres saillantes pour en faire un motif de décoration des édifices.

Les gargouilles médiévales ont souvent l'aspect d'animaux fantastiques ou monstrueux qui suscitaient au Moyen Âge une très grande curiosité.

Leur fonction est double, à la fois technique et décorative. 


Gargouille ND de l'Épine


Chimères

 

Chimères ND de Paris

Etymologie et origine : du latin « chimaera », nom d'un monstre mythologique

Dans la mythologie grecque, la chimère est une créature fantastique malfaisante. Elle est généralement décrite comme un hybride avec une tête de lion, un corps de chèvre, et une queue de serpent. Elle fut tuée par le héros Bellérophon chevauchant le cheval ailé Pégase.

Le nom de chimère a été repris et étendu pour désigner toutes les créatures hybrides possédant les attributs de plusieurs animaux.

Chimères désigne aussi les rêves, les fantasmes et les utopies impossibles.

Architecture : alors que les gargouilles ne désignent que les extrémités des gouttières, les chimères sont des statues fantastiques et diaboliques qui ont une fonction purement décorative.

Les chimères ornent une série d’édifices médiévaux comme la cathédrale Notre-Dame d’ Amiens.

Ce qui n’est pas le cas de Notre Dame de Paris : elles furent ajoutées au XIXe siècle par Eugène Viollet-le-Duc, lors d’une restauration.


Chimères du XIXe siècle par Viollet-le-Duc sur ND de Paris


Interprétations : Les représentations du mal

Dans la mythologie

Les figures hybrides animales sont nombreuses : Chimère, Minotaure, Sirènes, Harpies, Cerbère, Hydre de Lerne. Elles représentent généralement des forces hostiles à combattre.

Les hybrides du cheval (Pégase et les Centaures) représentent plutôt des forces positives.

Dans la religion chrétienne

Le dragon associé au Mal et au Diable. C’est pour cette raison qu’il porte des ailes de chauve-souris, animal nocturne associé aux ténèbres et le corps du serpent, animal maudit par excellence puisqu’il est à l’origine du Pêché Originel.

Saint Georges et Saint Michel sont les plus représentés dans l’imagerie chrétienne.

 

Saint Georges terrassant le dragon - Paolo Uccello entre 1430-1435
tempera sur panneau de bois - (H103 × L131 cm) 
Musée Jacquemart-André - Paris


Dans les légendes locales

On retrouve cette figure du monstre hybride et malfaisant dans diverses régions de France (La Tarasque de Tarascon terrassée par Sainte Marthe…)

Les légendes sont des variantes locales du combat entre le bien et le mal, inspirées de la lutte de Saint Georges ou de Saint Michel.

 La fonction de signal et la fonction de gardiennes

Chimère et gargouilles symbolisent la tentation et les désirs inassouvis, issus des profondeurs de l'inconscient et assimilés par l’Eglise à des figures monstrueuses et diaboliques.

Créatures malfaisantes, elles signalent la présence du Mal et sont donc généralement situées à l’extérieur des églises.

Selon certains auteurs, leurs figures monstrueuses et leurs grimaces avaient pour fonction de repousser le Mal et assuraient ainsi une fonction de « gardiennes du temple ».

 

Lexique :

Bestiaire imaginaires

Figures animales issues de l’imaginaire de hommes (la sirène, le dragon, le basilic…)

Gouttière

Une gouttière est un ouvrage de recueil et de conduction des eaux de pluies généralement situé à la base des pentes d'un toit.

Fonction esthétique / Fonction technique / Fonction symbolique

Les gargouilles ont pour fonction technique, de recueillir les eaux de pluie, pour fonction esthétique d’être des éléments décoratifs et pour fonction symbolique de représenter le Mal.

 

 La chimère la plus célèbre de Notre-Dame de Paris

 Les grotesques ne sont pas toutes des gargouilles, mais les gargouilles sont toutes des grotesques. Créées pour raconter des histoires, elles offraient un réconfort à une époque marquée par une vie courte et des maladies, leur caractère fantaisiste aidant à relâcher la tension.

 « La clarté inquiète de la flamme les faisait remuer à l’œil. Il y avait des guivres qui avaient l’air de rire, des gargouilles qu’on croyait entendre japper, des salamandres qui soufflaient dans le feu, des  tarasques qui éternuaient dans la fumée. »

Notre-Dame, Victor Hugo


Chimère ND de Paris

Les grotesques représentaient peut-être aussi les démons contre lesquels elles étaient censées offrir une protection :

« On en triomphait en les emprisonnant sous forme de statues de pierre ».


Avec l'aide d'une quinzaine de sculpteurs, Viollet-le-Duc introduit des chimères, sculptures grotesques uniquement décoratives. Dites apotropaïques, elles repoussent le mal et les influences néfastes. Contrairement aux gargouilles, elles n’existaient pas au Moyen Âge


chimères sur ND de Paris


Gargouille cathédrale de Nevers


Les gargouilles, à la fois décoratives et fonctionnelles, servent à évacuer l’eau de pluie en la projetant loin des murs grâce à leur position en bout de gouttière.

Elles se sont multipliées et affinées au fil du temps pour mieux canaliser les écoulements en filets plus fins.

Apparues au XIIe siècle avec l’introduction des chéneaux, elles allient fonction utilitaire et symbolique.

Ornées de figures monstrueuses ou d’animaux comme des lions, des chiens ou des dragons, elles évoquent également des pécheurs pour rappeler aux fidèles la menace du démon.



Très sollicités au Moyen Âge, les tailleurs de pierre, souvent mieux payés que les maçons, travaillent principalement en taille directe. Ils réalisent des maquettes en argile, bois ou plâtre avant de tailler la pierre : débitage, équarrissage, épannelage, puis taille fine.


Gargouille Bélier - Cathédrale de Nevers


Élévation d'une tour au Moyen-Age


Les grotesques ne sont pas toutes des gargouilles, mais les gargouilles sont toutes des grotesques.




Les grotesques représentaient peut-être aussi les démons contre lesquels elles étaient censées offrir une protection :

 « On en triomphait en les emprisonnant sous forme de statues de pierre »


Grotesque à Séville - Espagne


Gargouille cathédrale de Reims, le corps est en pierre, le cou et la tête sont en plomb



Grotesques ND Paris - XIXe




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