Notre-Dame-en-l'Isle
Les chanoines réguliers
du Val des écoliers se proposent pour établir à Troyes une maison de leur
ordre, sous l’épiscopat d’Hervée (1206-1223). On leur indique à cet effet
" un lieu proche les murs de la ville, nommé Marais du Cul-chaud ",
sur la paroisse de Saint-denis.
En 1222, les frères
Ecoliers font bâtir leur monastère et leur église sous le vocable de
l’annonciation de la sainte Vierge, d’où elle prend le nom de
Notre-Dame-en-l’Isle, parce qu’en effet, elle est comme une île, environnée de
divers canaux de la Seine.
Cette maison doit sa
plus grande magnificence au zèle de Simon Pépin qui reçut ce prieuré de son
oncle vers 1650. Simon fait de Notre-Dame-en-l’Isle un séjour très agréable par
les jardins ornés de charmilles, remplis de parterres et coupés par des canaux,
où il fait venir l’eau d’une division de la Seine. M. Huez, maître de langue
latine à Troyes chante les beautés de cette habitation et dédie son poème au
prieur Pépin, dont il exalte la piété, le caractère et l’affabilité. Il compare
la Seine qui environne la ville de Troyes aux Xanthe ou Scamandre qui arrose
l’ancienne Troie, en Phrygie.
En 1653, les chanoines
réguliers du Val des Ecoliers sont réunis à la Congrégation de France.
Le prieuré de
Notre-Dame-en-l’Isle devient un prieuré simple à collation royale.
En 1703, les Jésuites
veulent l’acheter et établir une maison de leur société, mais la ville n‘a
jamais voulu recevoir ces religieux.
En 1720, Mgr Bossuet
évêque obtient un brevet du roi, et établit dans cette maison, les prêtres de
la Mission, directeurs du Grand-Séminaire, fixés dans le diocèse (faubourg
Croncels) depuis un siècle. Les conditions de cette fondation avaient été
acceptées en 1643, par " l’instituteur saint Vincent-de-Paul, lui-même,
qui était alors à Troyes ".
En 1733, les
Missionnaires ou Lazaristes entrent à Notre-Dame-en-l’Isle. Les premiers
bâtiments ayant été construits à la hâte, ne sont pas trouvés solides, et
menacent ruine. Mgr Bossuet fait reconstruire en entier le séminaire.
Pour subvenir aux
dépenses qu’entraîne l’administration du Séminaire, et afin de procurer plus de
bourses aux jeunes ecclésiastiques pauvres, Mgr de Barral y réunit deux
prieurés : celui d’Isle-Aumont et celui de Saint-Flavit de Villemaur. Cela est
confirmé par brevet du roi de 1777, et une bulle du pape Pie VI de 1778.
En 1791, les directeurs du séminaire refusent
d’adhérer à la Constitution Civile du Clergé. Les Lazaristes abandonnent le
Grand Séminaire, qui est déclaré bien national à la Révolution. Sous la
Terreur, il sert de prison pour les "
suspects ", puis pour les prisonniers de guerre.
En 1801, la réouverture des séminaires est
autorisée par le Concordat, et le culte peut de nouveau s’exercer dans notre
ville. Mais le séminaire de Troyes est affecté par les consuls au logement des
troupes.
En 1803, Mgr de la
Tour-du-Pin consacre une partie du Palais Episcopal à l’installation du
séminaire. Cela dure 15 ans.
Louis XVIII, sur les
instances Mgr de Boulogne, lui remet en 1815, les bâtiments du grand séminaire.
Notre évêque fait toutes les réparations nécessaires, et achète les maisons
contiguës pour y installer le petit séminaire en 1819.
En 1850, Mgr Cœur obtient
du ministère une allocation pour exécuter des travaux importants, dont la
chapelle.
Depuis 1791, le Grand
Séminaire était dirigé par des prêtres du clergé diocésain. En 1876, Mgr Cortet
fait appel aux lazaristes.
Expulsés en 1901, par
la Loi sur les Associations, les lazaristes sont à nouveau remplacés par les
prêtres séculiers.
En 1905, la Loi de la
Séparation de l’Eglise et de l’Etat désaffecte l’établissement. L’ancien
séminaire est alors le siège des patronages laïques. Pendant la guerre
1914-1918 , il abrite l’hôpital militaire.
En 1906, les prêtres
trouvent asile dans une partie de l’ancienne abbaye de Saint-Martin-ès-Aires,
devenue pensionnat de jeunes-filles. L’Etablissement n’ayant pas le droit de
porter le nom de Grand Séminaire, prend celui d’Institut Saint-Loup, Ecole
Supérieure d’Etudes Religieuses et Morales, qui y reste jusqu’en 1945.
En 1943, suite au
décret signé par Pierre Laval et Mgr Lefebvre, l’évêché rachète
l’établissement. Le Grand Séminaire retrouve sa destination première en 1945.
Il s'y était installé en 1722.
En 1960, faute de
vocations, les séminaristes sont regroupés au Grand Séminaire de Reims.
Les bâtiments reçoivent
de nouveaux services :
- " Maison
Notre-Dame-en-l’Isle ", maison d’accueil spirituel,
- l’Association Diocésaine
occupe en 1982 une aile du bâtiment,
- une autre partie plus
récente, abrite une communauté des Sœurs de la Congrégation de Notre-Dame,
- RCF, la radio
diocésaine.
En 1994, Mgr Daucourt
souhaite regrouper dans ce patrimoine les services diocésains qui sont alors
éclatés
D’importants travaux de
réhabilitation pour la mise en conformité des lieux sont alors réalisés.
Mgr Stenger inaugure en
1999, la " Maison Diocésaine Notre-Dame-en-l’Isle ", lieu d’accueil,
de rencontre, de formation.
La chapelle désaffectée
de Notre-Dame-en-l’Isle est devenue une vaste salle polyvalente de 200 à 240
places, pour des conférences, des concerts.
Dans le jardin, s’élève
une petite chapelle construite en bois, du XVIII° siècle, dite de "
l’Enfant Jésus " ou de " l’Horloge ".
Les
Antonins de Troyes
L’Ordre de Saint-Antoine de Vienne avait pour
but le soulagement des malades affligés de l’affreux mal qu’on appelait le feu
sacré, le feu infernal ou le feu de Saint-Antoine, feu étrange qui brûlait tout
noir et desséchait le membre qu’il atteignait.
L’Ordre de Saint-Antoine est établi en 1095,
au bourg de Saint-Antoine en Dauphiné, par un gentilhomme nommé Gaston et par
son fils Girinde, miraculeusement guéri du feu sacré par l’intercession de
saint Antoine.
Saint Antoine abbé XVe s. - Musée de Louvre - Paris
Les religieux Antonins s’appellent Frères, et
le supérieur Grand-Maître. Ce n’est qu’en 1218 qu’ils obtiennent du pape
Honorius III, la permission de faire les 3 vœux de religion. Ils portent au
côté gauche, sur l’habit noir et sur le manteau long, la figure du tau couleur
d’azur. A Troyes, le tau est surmonté de flammes.
Les documents relatifs aux Antonins de Troyes
sont fort rares. Le plus ancien titre qui se trouve dans les archives, est de
1268. Ce sont des lettres-patentes de Thibaut V, « roy de Navarre, comte
Palatin de Champagne et de Brie, du
lendemain de Pâques, 9 avril, par
lesquelles il permet à frère Durand, maître de l’hôpital de Troyes, de faire
entrer chacun an dans la ville, 3 tonneaux de vin pour la boisson, francs et
quittes de portage, avec défense de lui faire, pour raison de ce, aucun tort ni
grief ». L’année suivante, au mois de mars, ce prince renouvelle, par
lettres-patentes, la même grâce aux frères de Saint-Antoine de Viennois. Il est
clair, d’après ces 2 actes, que les Antonins ont, en 1268, un établissement à
Troyes. Thibaut V, prince croisé avec saint Louis vient de prendre la route de
Marseille pour s’embarquer. De Chaumont le 15 avril 1270, par de nouvelles
lettres patentes, il donne au maître et aux frères de l’hôpital Saint-Antoine,
120 arpents de bois à prendre dans la forêt d’Isle. Plus tard, les Antonins
font bâtir sur des terrains, une métairie qui est appelée
Saint-Antoine-aux-Bois. Le 25 juin, de Marseille, Thibaut adresse des
lettres-patentes, il leur donne 100 sous de rente sur le portage de Troyes. Les
religieux devront célébrer pour lui, une messe tous les ans tant qu’il vivra,
et après sa mort, il feront son anniversaire. En 1286, messire Aldobrandin de
Sienne, médecin à Troyes, donne aux Antonins plusieurs biens, entre autres,
quelques maisons, vergers et jardins, situés sur la rue de Saint-Abraham.
Où les religieux de
Saint-Antoine de Vienne sont-ils établis à Troyes ? Sans doute dans la rue des
Bûchettes (quartier de Comporté, s’est aussi appelée Clos-de-la-Madeleine), «
tenant à la maison du Maître de l’Hôpital de Saint-Antoine », d’après la
donation d’une maison qui leur est faite en 1294.
Au XIIIe siècle, comme
plus tard, les quêtes sont, pour les Antonins de Troyes, la principale source
de leurs revenus. Ces religieux doivent recueillir d’abondantes aumônes, car
ils paient à la Cathédrale, pour le droit de quête dans le diocèse, une
redevance annuelle de 22 livres, somme considérable au XIII° siècle. Après 200
ans de vie florissante, l’Ordre de Saint-Antoine tombe en décadence. Le pape
Boniface VIII, en 1297, soumet les Antonins à la règle des chanoines réguliers
de Saint-Augustin, déclarant : « que le premier supérieur s’appellerait abbé,
et que toutes les maisons de l’ordre dépendraient et relèveraient de l’abbaye
ou maison mère de Saint-Antoine en Dauphiné, qu’il déclarait chef de tout
l’ordre et soumise entièrement au Saint-Siège ».
En 1338, les Antonins
de Troyes sollicitent la permission de s’établir près des murs de la ville, à
l’entrée du faubourg Saint-Martin, dans la maison qui leur a été donnée dans la
rue de Saint-Abraham, par le médecin Aldobrandin. Il leur est permis d’avoir un
oratoire ou une chapelle, avec cimetière et hôpital pour eux, ceux de leur
Ordre et pour les infirmes de la maison du feu de la saint Antoine. L’évêque de
Troyes Jean d’Aubigny accepte, à condition que ces religieux ne reçoivent pas
chez eux les habitants de Saint-Martin, en qualité de paroissiens, à moins
qu’ils ne soient attaqués de la maladie du feu. Les Antonins font bâtir une maison et une église avec
cimetière en 1341. L’hôpital en faveur des pauvres malades de Saint-Antonin est
construit en même temps
En 1590, les Troyens
appréhendent que la ville ne soit assiégée à cause des guerres civiles qui
troublent le royaume et que les ennemis s’approchent à la faveur de l’église et
des bâtiments des Antonins. Ils les font raser.
L’une des principales
gloires de l’Ordre de Saint-Antoine au XV° siècle, est Pierre de Provins,
précepteur de Troyes, docteur en droit canon.
Dans le cours du XV°
siècle, la Commanderie ou préceptorie de Saint-Antoine, placée à l’entrée de la
ville, sur la route de Paris, sert souvent de pied à terre aux rois et aux
princes, lorsqu’ils viennent à Troyes et font leur entrée solennelle. En 1486,
le 12 mai, le jeune roi Charles VIII venant visiter la ville de Troyes, reçoit
l’hospitalité à Saint-Antoine.
Le 25 mars 1553, le
corps du duc de Guise, assassiné devant Orléans, est reçu solennellement par
toute la ville de Troyes, dans l’église de Saint-Antoine.
Lorsqu’en 1554, Charles
IX et Catherine de Médicis se rendent à Troyes pour les conférences de la paix
avec l’Angleterre, le roi trouve à Saint-Antoine un festin qui lui a été
préparé et un cheval frais pour faire son entrée dans la ville.
En 1590, leur église
fut démolie en même temps que celle de la paroisse et la chapelle des
Trinitaires de Preize, pour fournir des pierres au boulevard de Chevreuse. A la
suite de cet événement, les Antonins, forcés d’émigrer, « jettent les
fondements de l’église et bâtiments de Saint-Martin-ès-Vignes ». Ils
construisent une maison « dans une belle et commode situation ». En 1625, le
roi Louis XIII le Juste, ayant résolu de faire solennellement son entrée à
Troyes, choisit cette maison pour y recevoir les hommages des habitants. Il se
fait une joie de voir, d’une fenêtre de son appartement, défiler devant lui et
tous les seigneurs qui l’accompagnent, la milice de la ville et des faubourgs,
qui précède ensuite le cortège royal jusqu’à la cathédrale.
Mais bientôt, c’est le
relâchement dans toutes les maisons de l’Ordre, les sujets manquent dans les
noviciats, et en 1771, il est demandé de fermer toutes les maisons où ne se
trouvent pas 20 religieux.
En 1777, les Antonins
de Troyes s’unissent à l’Ordre de Malte et sont remplacés par les Ursulines
acquéreurs de la maison en 1780.
Pendant plus de 500 ans, les Antonins de
Troyes se sont dévoués au soulagement des pestiférés et des pauvres malades.
Communauté
du Bon Pasteur
Toutes les informations
ci-dessous sont tirées de documents authentiques conservés aux archives du Bon
Pasteur et du registre de l’ancienne maison et de celui de la nouvelle, ainsi
que la vie manuscrite de M. de la Chasse, premier directeur de la maison.
En 1692, six dames de
Troyes « distinguées par leur piété, plus encore que par leur naissance,
entreprirent une grande œuvre ». Touchées de l’état malheureux dans lequel végétaient les filles enfermées à
l’hôpital Saint-Nicolas, qui avait été transformé en maison de correction, et
d’ailleurs désirant réunir et « ramener à la vertu un grand nombre de jeunes
personnes engagées dans le désordre », elles demandèrent à cet effet l’hôpital
Saint Bernard (maison 33, rue de la Monnaie), que les administrateurs des
hôpitaux cédèrent volontiers.
L’œuvre commença. Mais
on comprit bientôt que la maison ne pouvait marcher si quelques personnes ne se
dévouaient à cette œuvre d’une manière toute spéciale. Alors, une bonne veuve,
Madame Arson avec sa fille, et 2 dames Legrin, rentrèrent à la maison, pour en
prendre la conduite, et Denis François 1er Bouthillier de Chavigny, évêque de
Troyes, confia la direction spirituelle de Saint Bernard, à un saint
personnage, Nicolas de la Chasse, chanoine de la cathédrale. Toutefois, pendant
plusieurs années, le bien se fit d’une manière presque insensible parce que la
maison avait conservé à son ancien caractère, celui d’une maison de force. Pour
remédier à cet inconvénient et introduire un autre esprit, l’Evêque de Troyes,
sans déclarer sa pensée intime, proposa de faire venir une religieuse de la
communauté du Bon Pasteur, créée pour venir en aide aux jeunes filles et femmes
en difficulté, désireuses de se convertir et de changer de vie, qui venait
d’être fondée au faubourg Saint-Germain, à Paris, par Madame de Combé (en
quelques années, le Bon Pasteur de Paris prit une extension considérable et eu
des maisons de dépendance dans les principales villes de France. Les archives
de la maison de Paris sont perdues). Cet avis ayant été goûté par les personnes
qui s’occupaient de l’œuvre, on pria Madame Lapostole, deuxième supérieure
générale de Paris, de donner une de ses religieuses pour former et diriger la
maison de Troyes, et une fille pénitente pour servir de modèle aux recluses. Le
choix tomba sur la sœur Péclavé qui arriva à Troyes avec sa compagne au mois de
janvier 1695. Quelques jours après son arrivée, la sœur Péclavé représenta avec
toute l’énergie qu’inspire une charité ardente, qu’elle ne voulait avoir auprès
d’elle, que des pénitentes volontaires et disposées à servir Dieu par amour comme
des enfants, et non par crainte comme des esclaves. « Je ne suis pas une
geôlière, dit-elle, mais une sœur du Bon Pasteur, il faut ouvrir les portes à
toutes les personnes qui sont ici par force ». Alors, la division qui existait
depuis longtemps entre dames, par rapport à la direction à imprimer à l’Œuvre,
augmenta. Elles se retirèrent peu à peu, et elles retirèrent en même temps, les
secours qu’elles procuraient. Pendant 5 ans, il fallut à M. de la Chasse des
efforts inouïs de charité et de dévouement, pour soutenir cette Œuvre menacée
de périr à son berceau. Enfin, le 2
février 1700, Madame Arson, sa fille et les 2 dames Legrin, qui étaient encore
supérieures en titre, abandonnèrent définitivement la maison, mais elle était
fondée !
Le 11 mars 1700, la sœur Lavallée, venue du
Bon Pasteur de Paris, prenait la direction de la maison de Troyes, dont elle
fut la première supérieure en nom. M. de la Chasse, jusqu’à sa mort, qui arriva
le 29 novembre 1734, se dévoua généreusement
à consolider et à développer cette Œuvre qui devait être si utile à la
ville et au diocèse de Troyes. « Il fit fleurir au Bon Pasteur, l’esprit
religieux aussi bien que l’esprit de pénitence », et il sut préserver la maison
des doctrines jansénistes qui, à cette époque « infectèrent de leur venin », la
plupart des communautés religieuses de notre ville.
Après avoir habité
l’hôpital Saint Bernard pendant 55 ans, les religieuses du Bon Pasteur furent
transférées, le 6 janvier 1750, à la rue du Bourg Neuf (du Palais de Justice),
dans la maison que venaient de quitter les Carmélites. La cour, qui essayait
par tous les moyens, depuis plus de 16 ans, d’amener ces religieuses à adhérer
à la bulle « Unigenitus », venait enfin, en désespoir de cause, de les expulser
et de les disperser dans d’autres communautés. Les religieuses habitaient
depuis 15 ans la rue du Bourg Neuf, lorsque la ville demanda leur établissement
légal. Il fut autorisé, par lettres
patentes de Louis XIV, datées de Versailles du mois de Juin 1765 :« Joseph
Claude de Barral, évêque de Troyes, et nos chers et bienaimés les maire et
échevins de la ville, nous ont fait représenter que les Sœurs dites du
Bon-Pasteur qui, depuis plus de 70 ans, s’étaient toujours comportées avec la
plus grande édification, s’occupent continuellement d’œuvres de charité et
spécialement de retirer et de ramener à Dieu des filles repenties qui voulaient
faire pénitence. Cette communauté, refermant plus de 50 de ces filles dirigées
par les religieuses, le succès de cet établissement faisant désirer aux
habitants de la ville de Troyes… ».
En 1766, les
religieuses du Bon Pasteur quittent la rue du Bourg Neuf et sont transférées à
la rue des bains, dans la maison occupée par des religieuses de la Congrégation
qui donnaient l’enseignement gratuit aux jeunes filles de la ville. Attachées
d’une manière forcenée au jansénisme, ces religieuses, après plusieurs mémoires
justificatifs de leur désobéissance et après d’insolentes remontrances,
venaient d’être supprimées par arrêt épiscopal de Claude-Mathias de Barral, le
5 juin 1766. Par le même arrêt, il leur avait donné une maison et une partie de
leurs biens aux sœurs du Bon Pasteur, cela confirmé en août par lettres
patentes de Louis XIV. Par décret, 2 sœurs devaient être chargées de tenir une
école publique pour les jeunes filles. A peine installées dans leur nouvelle
maison, les religieuses du Bon Pasteur furent tracassées par le curé de la
paroisse qui adressa une requête au Parlement contre elles, parce qu’elles
refusaient de se soumettre aux devoirs paroissiaux (présentation du pain bénit,
assistance aux offices de la paroisse, confession annuelle au propre prêtre,
communion pascale de la main du curé, derniers sacrements et sépulture par le
curé). Le 9 Janvier 1768, sœur Marie-Jeanne de Sainte-Marthe, supérieure, et sa
communauté adressèrent à leur tour au Parlement une requête solidement appuyée,
à l’effet d’être dispensées de ces mêmes devoirs paroissiaux. Le 1er mars 1768,
le Parlement envoya l’affaire à l’évêque de Troyes qui décida en faveur des
religieuses.
Le Bon Pasteur fut
fermé le 2 novembre 1792. Il y avait à cette époque 70 religieuses et
pénitentes et 2 domestiques dans la maison. Dans l’espace de 99 ans, 60
religieuses firent profession dans cette communauté qui servit de refuge à 650 repenties.
Le 13 juin 1796, la
municipalité de Troyes fait dresser un état des bâtiments nationaux. Les locaux
du Bon Pasteur abriteront les déserteurs étrangers, et un local sera destiné à
la gendarmerie.
Sœur Constance et sœur
Augustine, de l’ancienne maison, ayant conservé leur vocation, sollicitent le
rétablissement du Bon Pasteur. Le 11 juin 1818, Monseigneur de Boulogne, évêque
de Troyes, leur donne la permission de se réunir dans la maison de M. Lalauze,
curé de Sainte Madeleine, à l’entrée de la rue du Cloître Saint-Etienne, cette
maison leur était léguée. Le 23 juin, les 2 religieuses entrent dans la
nouvelle maison avec 2 jeunes personnes, sœur Constance Roizard 17 ans et sœur
Constance Germaine 16 ans, rejointes
quelques jours après par Mademoiselle Cécile Fournerot, nièce de M. l’abbé
Fournerot. Louis XVIII, par lettres patentes du 2 septembre 1815, autorise la
communauté du Bon Pasteur. Le 23 avril 1827, Charles X le confirme, et
sanctionne les constitutions. De 1818 à 1868, 49 religieuses ont fait
profession au Bon Pasteur et elles ont eu sous leur conduite, 200 jeunes
filles, qu’elles ont nourries et entretenues gracieusement. La maison n’ayant
aucun revenu, c’est à la pointe de leur aiguille que les religieuses ont
soutenu leur vie et celle des enfants que les familles leur confiaient.
En 1818, l'ancien
"Bon-Pasteur", dispersé par la tourmente révolutionnaire, se
reconstitue, sous une forme nouvelle, à Troyes, rue du Cloître Saint-Etienne.
Les sœurs du Bon-Pasteur d'Angers
reviendront, il est vrai, à la prière de Mgr Cortet, évêque de Troyes, le 6
juillet 1879, et ouvriront un Refuge, rue des Terrasses. Mais elles devront se
retirer au début de 1907, du fait des lois anticléricales.