vendredi 17 janvier 2025

Le bois dans l'Aube (10)

 

DEMAIN, Dès l’Aube

Au seuil de cet ouvrage, je me dois de déclarer que seule la maîtrise d'un historien serait habile à relater une « Histoire » de tel ou tel endroit.

En écrivant ces pages, je n'ai nullement eu l'intention ni la prétention de m'arroger semblable titre.

J'ai simplement rapporté ce que les archives départementales, communales ou paroissiales pouvaient recéler d'intéressant. Par ailleurs, et sans prétendre les avoir tous réunis et ordonnés, je me suis contenté de rassembler divers documents puisés auprès des spécialistes en la matière et dont les œuvres auxquelles je me suis scrupuleusement référé, sont mentionné de leurs auteurs.

L’idée du patrimoine a pris aujourd’hui une dimension sans précédent. Je ne citerai pour exemple que la notion d’archéologie ou de patrimoine industriel, que la société post-industrielle a fait surgir voici quelques années.

Les objets mobiliers, les collections ou encore l’ouvrage monumental, chefs-d’œuvre pris dans leur acception classique et romantique, n’ont plus le seul et unique privilège d’être « patrimoine ». Un tissu urbanisé, un paysage rural ou encore un espace de travail en font désormais partie intégrante.

Séquences d’émotion, le patrimoine représente ainsi des temps forts de l’affectivité urbaine ou rurale. Il est ce qui crée pour chacun un sentiment d’appartenance à une communauté humaine donnée.

Pourtant, il n’en est pas moins fragile. Par ignorance, par mode parfois, mais surtout par le temps et la nécessité d’urbanisme, combien de ces témoignages privilégiés ont disparu à jamais ? Il aura fallu près d’un siècle et demi pour que l’État parvienne à une politique cohérente en matière d’ensembles urbains anciens. Il aura fallu également la perception aiguë et visionnaire d’une personnalité hors pais : j’ai nommé André Malraux.

Sous son impulsion fondamentale, la législation française s’est enrichie en matière de protection mais aussi de mise en valeur du patrimoine historique national, grâce aux « secteurs sauvegardés ».

Manoir de Vanlay XVe et XVIe siècle (inv. suppl. MH)

C’est ainsi qu’à Troyes, principale métropole auboise, un important patrimoine « urbanistique » a été préservé au titre de Secteur sauvegardé selon la loi Malraux, créée dès 1964, dans le centre historique de la ville. Dans un périmètre de cinquante-trois hectares, se développent de rares ensembles immobiliers. Pris Europa Nostra 1979, restaurés ou rénovés dans la tradition architecturale champenoise, en particulier celle du pan de bois. Celle-ci reste d’ailleurs très présente dans la plupart des centres urbains du département où divers exemples de ces pittoresques maisons y ont été mis en valeur.

L’architecture civile s’exprime aussi à traves de belles demeures. Troyes possède ainsi différents hôtels particuliers du XVIe siècle, pour la plupart restaurés. Plusieurs châteaux ou manoirs subsistent encore dans l’Aube, parmi lesquels je citerai le manoir de Rumilly-lès- Vaudes, le châtelet de Dampierre ou celui de Vermoise, tous trois vestiges de la Renaissance. Le siècle suivent est illustré principalement par le château de Barberey, avec son pavillon Louis XIII. Des époques postérieures, j’évoquerai bien sût, le château de Brienne, celui de Vendeuvre-sur-Barse, de Dampierre ou encore celui de Pont sur Seine, sans oublier le très beau château de la Motte Tilly, édifié sur les plans de l’architecte Lancret.

Ceux qui s’intéressent à l’architecture religieuse découvriront dans notre département un patrimoine particulièrement riche. La seule ville de Troyes réunit neuf églises classées, représentatives de l’architecture du XIIe au XVIIIe siècle. Maintes églises ou chapelles rurales conservées témoignent d’un art Roman, Gothique ou Renaissance éminemment florissant dans l’Aube. Ce que l’on connaît beaucoup moins, c’est la qualité et l’importance des vitraux et de la statuaire que nombre d’entre elles renferment. Une véritable école locale de peintres-verriers a existé à Troyes et dans sa région, se perpétuant jusqu’au XVIIIe siècle. Avec des grisaille, en passant par des bleus de Chartres, des sanguines dites « Jean Cousin » ou encore des grisailles en camaïeu, les verrières auboises offre en quelque sorte une synthèse de l’art des  « maîtres de la lumière », tout en constituant près du tiers de la surface du patrimoine français en la matière.

De même, pour la sculpture, un courant artistique foncièrement original a pris naissance au XVIe siècle. Nombre de ses œuvres se retrouvent à Troyes mais aussi à Chaource, à Mussy-sur-Seine, à Rumilly, à Bayel, à Lhuître ou encore à Bar-sur-Aube.

Composante de notre mémoire collective, le patrimoine historique et artistique de Troyes et sa région reste donc bien vivant, grâce en particulier, à une politique active de remise en valeur et de conservation menée depuis plusieurs années à tous les niveaux. Mais au-delà, nous aurons su développer dans l’espace urbain et rural, à travers toutes ces actions, le concept de qualité du cadre de vie.

 

Musée d’Art Moderne de la ville de Troyes installé dans l’ancien évêché 
(classé MH) des XVIe, XVIIe, XIXe siècles.


DU BOIS DONT ON FAIT L’AUBE


Vieux quartiers dans le style champenois traditionnel à pans de bois à Troyes, 
 la tourelle de l’orfèvre datant de la fin du XVIe

Le pan de bois

Les constructions champenoises à pans de bois suivent les lignes de côte du Bassin parisien du crétacé supérieur, délimitant la Champagne humide et la Champagne pouilleuse. Ce secteur géographique constitue également une transition entre le climat océanique tempéré parisien et le climat plus continental. Ce mode de construction s’est maintenu ici plus longtemps qu’ailleurs : le bois a toujours été abondant en Champagne alors que la craie est trop tendre et excessivement gélive.

Résolument hostile à la pénétration des constructions romaines, la Champagne adopta tardivement le principe des fermes de charpente. En effet, il faut attendre la généralisation des premiers modèles d’étrésillons horizontaux ou les premiers entraits retroussés du XIIe ou du XIIIe siècle pour que la chaumine champenoise esquisse le premier essai de raidissement longitudinal. Ce dernier est assuré par l’adjonction d’une pièce de bois, placé en protection verticale sous le faîtage. Cette pièce, appelée joubardier (du nom de la plante que l’on disposait dans la terre glaise colmatant le faîte de la toiture de chaume), ne supporte pas la tête du chevronnage.

 

De la grande époque du XVIe il nous reste ce joyau d’architecture Renaissance,
 à Bar-sur-Seine (Ins. Suppl. MH)

En outre, c’est seulement au XVIIe siècle que les actes anciens font mention de mitoyenneté. Cette notion, propre au droit romain, inconnu jusqu’à cette époque en Champagne méridionale, explique l’indépendance des constructions et le « vide » systématique qui les sépare.

Enfin, il faut attendre le début du XIXe siècle pour que soient appliqués - et seulement dans les villes -  les règlements de sécurité prévenant les risques d’incendie. Les bois apparents des rez-de-chaussée furent interdits à Paris, dès l’édit Royal de 1607 ; aucune saillie n’était permise et un enduit devait les recouvrir. 


Détail de la maison Renaissance de Bar-sur-Seine, Saint Roch et son chien.

 

L’exemple urbain

La conception générale de la maison urbaine a dû s’implanter dès le XVe siècle, sur un parcellaire étroit et resserré. La sablière primitive, servant d’assise a  toute ossature, était à l’origine, une poutre encastrée dans du sable ou de la grève qui en assurant la conservation par chaînage. Peu à peu, cet élément sort de son milieu protecteur et se place sur un soubassement de maçonnerie.

Une des caractéristiques du pan de bois champenois réside dans le fait qu’il présente systématiquement une sablière intermédiaire, située au 2/5 de la hauteur d’un étage. Cette sablière, ou entretoise, traverse la fenêtre pour constituer le meneau horizontal qui reçoit, au droit de la fenêtre et pour marquer celle-ci, une mouluration, la plus fréquemment en forme d’accolade. Le poteau, de forte section est (parfois largement surdimensionné), traduit la volonté du charpentier de hiérarchiser les différents éléments de composition.


En champagne méridional de surtout, le poteau marque l’axe de symétrie de la façade (les exemples les plus nets s’observent à Troyes, Bar-sur-Seine, Nogent-sur-Seine). Le poteau traverse alors la fenêtre, en formant le meneau vertical de celle-ci. A ce poteau médian, parfois sculpté de frises ou de colonnettes engagées (exemple de la maison « à la turque » à Nogent-sur-Seine), correspond la poutre maîtresse supportant les  solives du plancher parallèles à la façade.

Cette disposition se généralise à Troyes, après l’incendie de 1524. Ici, les abouts de solives ne supportent pas la façade supérieure. L’unique encorbellement (il n’y a pratiquement pas de encorbellements multiples en Champagne) est constitué d’un « poitrail », s’appuyant sur les abouts des sablières latérales et de la poutre médiane. Les assemblages sont renforcés par des aisselliers très souvent doubles. Ces derniers appelés également brasseaux, reçoivent, comme le poitrail et les poteaux corniers, de belles sculptures.

Les compas (décharges ou écharpes) sont disposés systématiquement par rapport à l’axe de la façade. Ils entrecoupent les tournisses qui supportent les palessons, servant d’armature au torchis de remplissage. Le torchis est lui-même armé de paille hachée, de poil de vache ou de crin de cheval, suivant la place occupée par le propriétaire dans la hiérarchie sociale !

Le pignon surmontant la rue est souligné par les fermes d’avant d’avant-corps (triple le plus fréquemment), posées sur les doubles sablières de carré dont les abouts sont soulagés par des aisseliers doubles. Les chevrons formant ferme sont renforcés par des cerces, assemblées entre en pied sur les blochets, et en tête sur un poinçon-clef.

 

L’exemple rural

C’est à la fin du XVIIIe siècle que les locaux d’habitation se séparent des autres bâtiments utilitaires.

Auparavant, un grand toit de chaume recouvrait à la fois l’habitation, la grange et l’étable. 


Dans ce gros bâtiment allongé, l’un des rampants de toiture (orienté principalement au nord-ouest) descendait presque au ras du sol : « la basse goutte » assurait la protection contre les pluies et les vents dominants.

Le bas-côté de la maison, zone froide et humide, recevait la soue, le cellier ou la cave creusée à mi-niveau et le four à pain jumelé avec l’unique souche de cheminée.

Les toitures de tuiles ou de chaume reposaient sur des « grandes ramées »  (grands chevrons d’un seul tenant) de baliveau, opposées au faîte et fixées sans soutien intermédiaire. Les décharges obliques s’opposaient au déversement de l’ossature, mais les assemblages des baliveaux étaient faibles ; ils étaient constitués de petits tenons cylindriques exécutés aux extrémités des bois de remplissage.

La cuisine et la chambre étaient principalement orientées au levant, les deux autres pièces plus petites et non chauffées donnaient au sud et au nord.

Au XIXe siècle (surtout après la guerre de 1870), les nouvelles constructions optent pour une façade occidentale en maçonnerie : de brique, de terre cuite ou de craie.


Ces façades, surmontées parfois de très belles corniches, conservent leur aspect dissymétrique. Les constructions restent fidèles à la basse goutte : le mur se termine en pan coupé et la corniche suit la même inclinaison.

Variété des pans de bois

En champagne humide, la façade de la maison est marquée, aux deux-tiers de la hauteur, par la sablière de plancher du grenier. Le rez-de-chaussée est souligné également par une sablière intermédiaire, interrompues par les ouvertures et reliée aux décharges symétriques. C’est le style disposition le plus fréquent.

Les colombages des pans de bois de la Champagne pouilleuse et du Perthois sont disposés de façon plus régulière.

De ces bâtisses émane un effet de verticalité : à la haute fenêtre éclairant l’habitation correspond l’accès au sinot,  installé en combles pour remiser le foin. Ce type de pan de bois se distingue de celui de la Champagne humide : il n’y a pas d’entretoise intermédiaire, ni de linteau au-dessus des ouvertures. Le remplissage des pans est fait principalement de parpaings de tuf, composés de petits morceaux de craie liés par un mortier de terre jaune.

Les pans de bois du bocage (région du Der) nous permettent de mieux définir l’élément propre à la Champagne : l’entretoise. Cet élément possède néanmoins, dans cette région, une particularité : il reçoit de petites décharges disposées en épis ou en arêtes de poisson.

Exemple d’une restauration

Façade ouest (1510) de l’Hôtel du Petit Louvre à Troyes (Inv. Suppl. MH ) 
est un modèle d’architecture de bois de conception médiévale

L’hôtel du Petit Louvre appartient à un ensemble urbain très important pour l’histoire de Troyes. Situé sur l’un des accès les plus pittoresques du parvis de la cathédrale Saint-Pierre, il présente des vestiges de la porte fortifiée de l’ancienne cité des Tricasses.

Le contraste est saisissant entre l’austérité des façades extérieures de cette ancienne maison Canoniale et les élévations en pans de bois qui forment la cour intérieure.

Pleine de verve, la façade en encorbellement de l’aile principale (reconstruite tout d’abord vers 1510 par Louis Budé, frère du célèbre humaniste) est un modèle d’architecture de bois de conception médiévale. Les différents éléments de l’ossature sont extrêmement bien hiérarchisés et proportionnés. Les abouts des entraits principaux présentent des sculptures d’origine. A cette époque, les imagiers se plaisaient à façonner en toute liberté jusque dans la demeure des évêques, des scènes bouffonnes, symboles de la folie, tel l’ivrogne élevant joyeusement un énorme broc de vin.

Les fenêtres ont retrouvé leurs proportions originales et leurs meneaux ont été remis en place. Les gros liens courbes et moulurés et reposent sur des culs-de-lampe sculptés. Parmi ces derniers, on observe encore les traces du blason d’Odart Hennequin, évêque de Troyes, qui fit reconstruire, après l’incendie de Troyes en 1524, l’aile nord en retour.

Les pans de bois de l’aile nord répondent aux mêmes caractéristiques structurelles. Toutefois, les sections des différents éléments de la poutraison s’avèrent plus uniforme.

Les principes de rationalisation de mise en œuvre ont été acquis très vite par les charpentiers champenois qui ont dû, après 1524, faire face aux besoins de reconstruction des trois-quarts de la ville.

Cette partie reçoit les influences de l’architecture officielle, conçue à la manière italienne. C’est notamment le cas de la baie en loggia de l’escalier, qui a été restituée, ainsi que l’about de poutre sculptée en médaillon.

L’un des intérêts majeurs, que présentent ces bâtiments, réside en cette comparaison (unique en Champagne) entre ces deux façades en bois juxtaposées. Elles sont le reflet de deux stades évolutifs de cette architecture de bois, à un moment de notre histoire pleine de bouleversements.

La baie en loggia de l’escalier de la façade nord, reconstruite après 1524,
 marque le début d’une influence italienne.



ÉGLISES ET CHAPELLES


Église Saint-Jacques-et-Saint-Philippe de Lentilles (Aube-10) (MH) 

Bâtie au XVIème siècle, l’église de Lentilles a toujours été réputée comme l’église à pans de bois la plus typique du territoire champenois.

Précédée d’un porche couvert, l’église se compose d’une nef à quatre travées flanquée de bas-côtés et se termine par un chœur d’une travée et d’une abside à trois pans. On y retrouve des vitraux en médaillon datant du XVIème siècle.

A l’intérieur de l’église, la charpenterie est très soignée, avec des culots sculptés sur les poteaux. 
Les lattes entrecroisées du plafond de bois forment des losanges.

Avec ses 19 églises construites entièrement ou partiellement en colombage, l’Aube est le département français le plus riche en édifices religieux en bois. Sa densité en monuments de ce type n’est dépassée qu’en certaines régions d’Allemagne, de Scandinavie et d’Europe de l’Est. Ces églises ne constituent cependant que la partie méridionale du vaste ensemble des sanctuaires en bois champenois, répartis de l’Argonne aux plateaux icaunais, et qui offrent sur les plans technique, architectural et historique une réelle unité. Les édifices aubois, peuvent d’autant moins être considérés à part que bon nombre des églises en torchis de la Haute-Marne et de la Marne voisines appartenaient  avant la Révolution, à des paroisses de l’ancien diocèse de Troyes. Le fait n’empêche pas de reconnaitre à l’Aube une richesse particulière dans ce domaine.

La cartographie de ces monuments montre leur plus grande fréquence dans le Nord-Est du département, entre la vallée de l’Aube et les limites de la Marne et de la Haute-Marne. Un autre groupement peut être distingué autour du lac de la forêt d’Orient, tandis que, plus clairsemées, d’autres églises s’observent au sud du pays d’Othe, jusqu’aux environs d’Ervy-le-Châtel. Cette géographie s’éclaire si l’on ajoute à la carte actuelle la dizaine de sanctuaires disparus et si l’on considère dans son ensemble la localisation des églises en bois champenoises. Il apparait alors que celles-ci se rassemblent autour d’un axe directeur, une écharpe traversant la région du Nord-Est au Sud-Ouest, qui correspond à la Champagne humide. Cette zone, géologiquement l’une des auréoles concentriques du Bassin parisien, est définie par l’émergence des roches argileuses du crétacé. Dépourvue de pierre à bâtir, riche en bois de chêne, elle possède un habitat traditionnel marqué par l’utilisation presque exclusive du colombage. La présence d’églises en bois, datant du XVe au XIXe siècle, trouve là sa principale explication. Si quelques édifices se situent hors de la zone argileuse, en particulier en Champagne sèche, c’est que la craie, tendre et gélive, y a aussi largement cédé la place au torchis.

La seule nuance à apporter à ce déterminisme géographique tient au fait que ces sanctuaires en bois sont restés relativement exceptionnels, même au cœur de la région humide. Le principe de l’église en pierre y domine. Dans ces conditions, comment expliquer que certaines communautés aient eu recours au matériau moins noble qu’est le colombage ? Ne nous hâtons pas de conclure que les églises en bois sont réservées à des villages pauvres et peu peuplés, car la qualité et la dimension de bien des édifices l’excluent. Intervinrent plutôt des raisons tenant à l’administration paroissiale d’Ancien Régime : les organismes responsables choisirent le bois parce qu’à frais égaux, il permettait de construire plus grand et plus beau.

 

Chapelles rurales et sanctuaires paroissiaux

Il convient maintenant de partir à la découverte de ces églises. La spécificité du département de l’Aube est d’offrir à lui seul un panorama complet de cette architecture. Toutes les catégories de sanctuaires comme toutes les périodes d’édification y sont représentées. L’amateur y rencontre ainsi un choix significatif de chapelles rurales et, en particulier, leur plus parfait modèle, Saint-Jean de Soulaines, petit oratoire d’une léproserie, que les arcades trilobées de son porche conduisent à placer haut, au XVe siècle, dans l’échelle chronologique. Ces chapelles autrefois nombreuses ont été souvent détruites depuis le XIXe s. du fait de l’évolution des formes de piété.

Un exemple de leur état d’abandon, prélude fréquent à leur démolition, s’observe encore à Ervy-le-Chatel, où la chapelle Saint-Aubin de la Maladrerie (XVIIIe), longtemps ignorée a été, il y a peu, redécouverte.

La Chapelle Saint-Aubin dite de la Maladrerie date du Moyen-Age. Cette léproserie avait alors son propre cimetière avec une modeste chapelle à colombage dédiée à Saint-Aubin, évêque d'Angers.

Vers 1770, lorsque le cimetière situé au chevet de l'église s'avère trop petit, on pense à réhabiliter celui des ladres, propriété de l'Hôpital. Le terrain est acheté en 1782.

La Chapelle Saint-Aubin est démontée et reconstruite au milieu des champs encore vierges de toute sépulture.

Tous les ossements de la maladrerie sont rassemblés près de la chapelle.

Un siècle plus tard, elle est complètement en ruine et le joli retable de pierre est mutilé. Le site a fait l'objet d'une restauration en 1988, puis d'une seconde restauration en 2012.

Certaines ont disparu pour d’autres causes ; ainsi, en juin 1940, un des plus beaux témoins de cette gamme de monuments, Saint Gilles de Troyes, incendié lors d’un bombardement. Type, comme la célèbre Sainte-Catherine de Honfleur, ce sanctuaire paroissial en bois d’un faubourg urbain en expansion, elle avait été bâtie en deux temps : construits au XVe s., le chœur et la nef, de style élancé, furent au XVIe s., allongés et flanqués de croisillons. L’élégance et la qualité de l’édifice font regretter son anéantissement, mais, en raison de la préservation de son mobilier et de la connaissance précise de son dispositif, ne pourrait-on envisager sa reconstruction ?

A côté de ces chapelles, l’Aube conserve aussi des témoins d’édifices mineurs, mais à considérer dans une vue d’ensemble de ce mouvement architectural. Ainsi, les courtes et basses églises de plan quadrangulaire correspondant à des paroisses tard créées dans de petits hameaux ; dans ce groupe, se détache Morembert (fin XVIe s.), sauvée de la banalité par une toiture à quatre pentes et un clocheton joliment ajouré. Plus dignes d’intérêt sont les églises mixtes, associant des parties en bois à d’autres en pierre. La structure la plus courante, celle qui juxtapose un chœur en maçonnerie à une nef en colombage, s’y observe fréquemment. A Chauffour-lès-Bailly, un vaisseau unique, couvert d’une belle voûte élancée, précède le classique chœur flamboyant en craie. Mais l’Aube possède aussi les seuls exemples d’une distribution inverse – Nef en pierre, chœur en bois -  avec Juzanvigny et Dommartin-le-Coq, celle-ci dotée d’un transept à colombage.

L’église paroissiale de Juzanvigny, dédiée à saint Martin, 

est un édifice de forme très allongée, d’aspect assez homogène mais composé en fait de deux parties bien distinctes : une nef du XIIème s., construite en maçonnerie et surmontée d’un petit clocher couvert d’ardoises, un transept et une abside polygonale du XVIème s., construits en pans de bois. La nef, qui n’est pas voûtée, est ouverte de fenêtres en plein cintre. Ces fenêtres ont été reproduites dans les autres parties de l’édifice, mais la restauration doit leur redonner leur aspect primitif dans le transept : rectangulaires et séparées  en deux par un meneau. L’édifice n’a fait l’objet d’aucune mesure de protection, mais une procédure d’inscription à l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiques est engagée. L’église contient plusieurs sculptures intéressantes : une Vierge à l’Enfant en pierre polychrome  et un saint naïvement sculpté sur bois du XVIème s., un saint Nicolas en pierre du XVIIIème s. D’autre part, certaines boiseries sont du XVIIIème s. et deux cloches portent les dates de 1658 et 1666

Le chœur en bois de l’église saint Martin de Juzanvigny

 

Églises majeures

Parmi les églises majeures, se constate là encore la présence d’édifices représentatifs des phases architecturales distinguées dans l’histoire quadri séculaire de ces sanctuaires : la fin du Moyen-Age et la première Renaissance, la seconde moitié du XVIe s. et le XVIIe ; l’époque 1700-1860.

Cette dernière période est marquée par des bâtiments aux formes géométriques sévères, inspirés par les monuments en pierre contemporains. C’est à ce canon qu’est fidèle la dernière église champenoise – et sans doute française – établie en pans de bois, celle de Fays-la-Chapelle (1854). A ce haut parallélépipède à façade de briques et fronton, il faut préférer l’importante église de Mathaux (1761). A nef unique, mais munie d’un transept très débordant, elle présente une élévation simplifiée : sur chaque partie, des murs bas percés de vastes fenêtres portent des toitures à double pente peu inclinées. Mais son concepteur, un maitre charpentier du bourg voisin de Dienville, l’a pourvue en façade d’un vigoureux clocher rectangulaire, coiffé d’un beau lanternon dans le goût du XVIIIe s. L’allure extérieure y gagne ampleur et dignité. 

Église de la Nativité de la Vierge à Fays-la-Chapelle (1854)

Façade de briques, porte occidentale, Fays-la-Chapelle

L’après 1550 a pour caractéristique de larges églises-halles, couvertes d’une grande toiture unique  double rampant. Les principaux témoins sont marnais, mais l’Aube garde, avec Saint-Léger-sous-Margerie, un exemple reconnaissable malgré un remaniement postérieur. Du début du XVIIe siècle, elle comprenait un vaisseau à trois nefs, terminé par une abside à six pans. En 1788-89, les travées ouest des bas-côtés furent supprimées et les murs latéraux reportés au niveau des anciennes arcades de la nef centrale. L’édifice prit alors son allure actuelle, mais en restituant mentalement les collatéraux primitifs et leur toiture, l’on retrouve la disposition originelle à couverture enveloppante. Plus récente (milieu du XVIIe siècle), l’église de Perthes-lès-Brienne, à l’intérieur intimiste, fait observer quelques-uns des partis (la nef unique, le clocher de façade) qui s’imposèrent ultérieurement.


Les plus beaux édifices 1450-1550


Mais les connaisseurs du « miracle troyen » constatent sans surprise que l’Aube conserve avant tout les plus remarquables spécimens de la première génération des églises en bois. Les monuments de ce temps (vers 1450 – vers 1550) se distinguent par la forte articulation de leur architecture et l’accent mis sur les lignes ascendantes, soulignées par une élévation à trois degrés toujours plus élancés et définis chacun par leur couverture. Autour du haut toit de la nef, décalé d’un étage, une toiture à pan court autour du bâtiment, unissant les bas-côtés et le porche. Le troisième niveau est celui du clocher effilé, jaillissant du toit central. L’église de Longsols, isolée dans la plaine crayeuse, propose une nef de ce type, suivie des volumes sobres, au colombage soigné, des croisillons et du chœur à chevet plat. Dépourvue de transept, les églises sœurs et voisines de Lentilles et Bailly-le-Franc constituent les paradigmes de ce mode architectural tout de finesse et de légèreté. La première tranche par ses plus justes proportions et son aménagement d’un extrême raffinement ; on admirera particulièrement le magnifique revêtement de bardeaux tapissant porche, façade et flèche. Avec leurs pignons aigus, leurs toits inclinés, leurs clochers pointus, ces édifices illustrent le maintien des traditions gothiques de verticalité dans la Champagne méridionale des XVe et XVIe siècles.

D’autres point mériteraient d’être évoqués : les aspects techniques ; les aménagements intérieurs et leur évolution ; la comparaison avec les bâtiments civils en bois (maisons, halles…), dont ces églises n’apparaissent jamais architecturalement éloignées. Soulignons seulement combien ces monuments si originaux confirment l’exceptionnelle richesse du patrimoine aubois.

 

L’Église Saint Croix en son Exaltation de Bailly-le-Franc (Inv. suppl. MH) 
 La façade a gardé son  aspect du XVIe siècle. 


L’arcade sur pignon et la base du clocher sont revêtues d’essente de châtaignier.

Le chœur de l’église de Bailly-le-Franc



CHARPENTES

L’art de la charpenterie se perd dans la nuit des temps. Nos lointains ancêtres ont pu habituellement exploiter les ressources naturelles que leur procuraient les belles forêts qui couvraient la Champagne méridionale.

La charpente fut d’abord réservée à la simple habitation, mais l’évolution des techniques et l’habileté des compagnons conduisirent à une parfaite maîtrise, autorisant des franchissements de plus en plus importants.

L’Aube des charpentes se présente à nous aujourd’hui par des ensembles prestigieux qui méritent d’être encore révélés auprès du grand public. Quelques-uns demandent certainement à être connus, comme les combles « en impériale », remarqués à Nogent-sur-Seine. Cependant, la plupart des églises rurales de l’Aube possèdent des charpentes du XVe ou du XVIe siècle et qui montrent quelquefois des voûtes lambrissées, couvrant la nef, transept ou chœur.

Avant de rappeler ici quelques charpentes remarquables du département, soulignons d’abord que la nature du matériau – le chêne, le châtaignier et parfois le tremble ou le peuplier (grisard) – n’a pas permis que parviennent jusqu’à nous des ensembles antérieurs au XIIe siècle, en raison de la foudre, des incendies, des fuites de couverture ou encore des démolitions.


Charpente de la chapelle templière d’Avalleur (MH) à Bar-sur-Seine, 
édifice de transition entre le roman et le gothique.


[Située sur le plateau dominant Bar-sur-Seine, la commanderie templière d’Avalleur est un ensemble historique de grand intérêt pour le département de l’Aube et pour l’histoire de la Champagne.

Entre Bourgogne et Champagne, la terre d’Avalleur a été donnée avant 1142 à l’Ordre du Temple. La commanderie a dû s’organiser vers 1167 et s’est développée jusqu’en 1300, date de la dernière donation dont elle a bénéficié.

Quand, le 22 mars 1312, le Pape Clément V prononce la suppression de l’Ordre du Temple, il ordonne que ses biens reviennent aux Hospitaliers. Ces derniers prennent alors possession des terres d’Avalleur. Mais le domaine reste géré de la même façon. La commanderie d’Avalleur est alors l’une des plus riches commanderies de l’Ordre. Au XIIIe siècle, son expansion concerne une dizaine de villages et ses possessions s’étendent jusqu’aux portes de Troyes.

Après la Révolution, la Commanderie est devenue bien national et a été vendue au Comte de Brosse qui y a placé des fermiers.

L’abbé Prud, curée de Bar-sur-Seine, achète la chapelle en 1865, qui passera après sa mort à la paroisse de Bar-sur-Seine en 1873 puis à la commune en 1921.

Elle sera classée monument historique en 1921.

La commanderie d’Avalleur est l’un des rares ensembles templiers de France. Malgré quelques altérations, l’intérêt architectural de la commanderie d’Avalleur est indéniable. La chapelle, miraculeusement intacte, avec ses décors peints et sa belle charpente, est un exemple type des nefs templières de l’Est de la France. Quant au corps de logis, l’examen de ses murs a révélé qu’ils datent, pour l’essentiel, de son origine.]


Charpente du bas-côté Nord de l’église de saint Lyé avec au-dessus du plafond actuel et visible uniquement dans les combles, un saint Christophe peint sur le mur du transept avec au-dessus un angelot sculpté portant les armes de la Passion sur un poinçon de la charpente  (XVe siècle)


Histoire et technique

 La charpente permet de supporter une couverture ; elle est parfois apparente, c’est-à-dire visible depuis l’intérieur de l’édifice, ou plafonnée. A parti du XIIIe siècle, elle couvre le plus souvent les voûtes de pierre qui la protègent des risques d’incendie. [Notons à ce propos que la voûte de pierre protège l’intérieur de l’édifice d’une charpente en flamme (cf. la cathédrale de Troyes, en 1700)]. C’est un système léger, en comparaison d’une toiture portée par une voûte de maçonnerie, et indépendant du gros œuvre.

Notons encore que la pente de toiture dépend du matériau employé, tuile plate, tuile ronde, essentage, plomb, ardoise. C’est ainsi que des édifices romans voient aujourd’hui les toitures de leur bas-côtés dans le prolongement de celle de la nef (Savières, Colombe-la-Fosse). A l’origine, la pente de ces toitures devait être faible et couverte par de la tuile ronde (les tables de plomb semblent plutôt réservées aux édifices plus imposants).

L’amélioration des techniques et le souci de la simplification de mise en œuvre ont produit des éléments remarquables dans l’Aube. Certains sont encore en place comme dans l’église de la Madeleine à Troyes, qui possède deux charpentes de la fin du XIIe siècle. L’une est installée au-dessus de la nef, l’autre couvre le bras sud du transept. Il est exceptionnel que ces éléments soient parvenus intacts quand on se souvient des incendies de Troyes, (le plus destructeur en 1524).

D’autres ont disparu : que savons-nous de la charpente primitive du cellier de Clairvaux qui mesurait, à l’origine près de quatre-vingts mètres ?

Certaines charpentes restent difficilement visibles, mais d’autres font partie de l’architecture du monument (Saint-Pantaléon) en contribuant à son harmonie et à son charme, soit par leur mouluration, soit par leur ornement (Villenauxe : charpente à engoulant).

 

Église st Pantaléon de Troyes


Église saint Pantaléon de Troyes : plan de charpente, plan baies hautes, plan au sol, détails clef en bois de la première travée du chœur, vue et coupe et clef en bois 1er travée nef, détails charpente chœur en coupe et élévation nord du chœur, détail en coupe des profils des baies hautes du chœur, état actuel.

Charpente de la nef (1675) de l’église Saint-Pantaléon à Troyes, coupe transversale.

 

Nef de l’église St Pierre et St Paul de Villenauxe-la-Grande

 

Charpentes conservées

 Pendant les XIIe et XIIIe siècles, les charpentes présentent une conception rudimentaire. Les exemples encore en place dans l’Aube laissent supposer que les procédés utilisés étaient les mêmes pour les grands édifices (église de la Madeleine à Troyes), que pour les simples demeures.

Les charpentes sont du type chevron formant ferme, l’ensemble formant souvent un triangle équilatéral ; c’est ce que l’on trouve à l’église Saint-Pierre-ès-liens de Clérey, édifice dont la plus grande partie date du XIIe siècle. Le comble du chevet, accessible uniquement par une petite ouverture pratiquée au-dessus de la voûte de la croisée du transept, dans le mur de la vieille tour du clocher, révèle une charpente d’époque XIIe siècle, de ce type.

Le comble du porche de l’église de Montreuil-sur-Barse est aussi du XIIe siècle. Sa charpente est très rustique ; les chevrons forment ferme et les assemblages chevillés sont à entailles à queue d’aronde.

Située non loin de Bar-sur-Seine, la chapelle d’Avalleur fait partie d’une commanderie dépendant de l’ordre des Templiers. C’est un édifice de transition entre les styles roman et gothique. La charpente est à chevron formant ferme dont le dessin s’inspire de celle de la Madeleine à Troyes, avec entrait, jambe de force et aisselier. Les restes de la base d’une flèche sont encore visibles au milieu du comble.

Chapelle de la Commanderie Templière d'Avalleur

A  Avalleur, comme à La Ville-aux-Bois, le comble à croupe parait inusité, partout il se termine en pignon.

La charpente en place au-dessus de la nef de l’église de l’Assomption à la Ville-aux-Bois date du XIIIe siècle et seul un petit beffroi, qui abrite une cloche, a dû être installé, à l’intérieur, près de l’escalier d’accès au comble, contre le revers de la façade occidentale. Cette charpente aurait été apparente jusqu’à XIXe siècle.

Peut-être cette église possédait-elle un clocher ou une flèche ? Il est vraisemblable que cet édifice, qui se présente aujourd’hui amputé de son transept et de son chevet, devait être plus vaste. Cependant, la charpente présente une belle unité. Elle est en chêne, du type chevrons formant ferme assemblés en tête à mi-bois chevillé, entaillé à queue d’aronde et à tenon et mortaise en pied de chevron.

L’ensemble restauré en totalité en 2000 présente sur les murs un décor peint du XIIIe siècle, mis à jour après dégagement des badigeons actuels.

Eglise de l’Assomption de La Ville-aux-Bois - XIIe siècle

Église de la Ville-aux-bois, 
sur le mur Est, un Roi agenouillé devant un Saint est peint sur un fond de fleurs de lys. 


Le cellier du chapitre à Troyes est un des rares édifices domestiques qui possède une charpente remarquable du XIIIe siècle encore en place. Situé en face de la cathédrale Saint Pierre et Saint Paul de Troyes, de l’autre côté du parvis, il offre un bel exemple de majesté, à la fois par la simplicité de la construction et pas l’ampleur des volumes.

 La charpente, de type chevron formant ferme avec une maîtresse ferme pour cinq travées courantes, date à l’origine du XIIIe siècle. Elle est conçue sur le modèle de celle de la Madeleine, toute proche, à ceci près que le triangle formé par les chevrons et l’entrait inférieur forme un triangle équilatéral et que les jambes de force ainsi que les aisseliers sont courbes. Ajoutons qu’une voûte de lambris (ou de plâtre sur un lattis) a pu être installée plus tardivement sur un profil en plein cintre, comme en témoignent les nombreux clous visibles en sous-face de ces éléments.

Ainsi, on pourrait imaginer que le plancher actuel a été rajouté et qu’un seul volume au XIIIe siècle comprenait l’étage et le comble actuel.

Au XIVe siècle, les dispositions des XIIe et XIIIe siècles sont poursuivies. Tous les assemblages sont à tenon et mortaise ; mais leur exécution est portée à la perfection. Le XVe siècle est marqué par l’apparition de l’étrésillonnement dans le plan des poinçons et dans le plan même des chevrons, et par l’apparition de l’emploi du fer (pour les boulons de clavettes).

A Saint-Lyé, l’investigation des combles de l’église nous a révélé d’heureuses surprises ; qu’on en juge : la nef et les bas-côtés sont surmontés de charpentes du XVe siècle de conception identique, mais cependant différentes, et destinées à recevoir toutes les trois une voûte lambrissée apparente, en berceau brisé, dont certains éléments étaient encore en place au-dessus du plafond du bas-côté sud. L’ensemble est aujourd’hui visible et porte la hauteur de la nef à près de treize mètres cinquante.

La charpente du nord est la plus belle et la partie des poinçons destinée à rester visible est finement sculptée d’angelots portant les armes de la Passion. Sans doute la raison en est-elle la proximité du palais des Évêques de Troyes ?

Ajoutons la présence d’une peinture murale dissimulée dans les combles, figurée sur le mur occidental du transept et représentant le buste d’un saint Christophe.

Remarquons autour de Troyes, vers le nord et non loin de Saint-Lyé, d’autres églises qui présentent des charpentes des XVE et XVIe siècles avec voûtes lambrissées : Premierfait, Savières, Vanne ou Barberey-Saint-Sulpice, ces dernières étant constituées par un remplissage en torchis sur palessons recouvert de plâtre, comme à Vailly où l’on peut admirer la belle charpente récemment mise en valeur au-dessus de la nef.

Restitution de la charpente lambrissée (XVe s.) de la nef de l’église de Saint Lyé


Au XVIe siècle, la charpente se modifie profondément. Les pentes se redressent, d’où la nécessité de doubler le sous-faitage pour emprisonner l’entrait retroussé (église Saint-Nizier, à Troyes).

L’église Notre-Dame de l’Assomption de Villemaur-sur-Vanne est surtout intéressante pour sa tour de bois abritant le clocher qui date du XVIe siècle. Celui-ci est séparé de l’église proprement dite. Construit en charpente de chêne, il est recouvert d’essentes de châtaignier sur quatre étages successifs, séparés par trois auvents formant des jupes.

 

Clocher de la Collégiale ND de l’Assomption de  Villemaur-sur-Vanne

 L’église présente également des charpentes lambrissées du XVIe s. avec entrait inférieur et poinçons apparents au-dessus de la nef et en simple berceau plein cintre pour le transept et le chœur. L’ensemble a été restauré après la dernière guerre et comporte un décor peint au pochoir sur les bardeaux.

 Grand chantier de restauration pour la Collégiale : 2021 à 2024 : restauration en 4 phases concernera l’ensemble de l’édifice. Actuellement, certains murs en craie de la collégiale Notre-Dame présentent de fortes dégradations. Cette première phase de travaux portera donc sur la restauration du jubé et des stalles. Des travaux de restauration seront également effectués sur les façades sud et est du chœur avec une reprise des fondations. Un drainage sera également effectué.

 

Collégiale ND de l’Assomption de  Villemaur-sur-Vanne
Le chœur et le magnifique jubé du XVIe siècle

 

En 1561, Philibert de l’Orme tente de révolutionner l’art et la technique de la charpente. Il invente des fermes légères, composées de planchettes (cerces) assemblées en deux ou trois épaisseurs. Ces fermes sont liées entre elles par des entretoises, bloquées par des clavettes, préfigurant nos fermettes clouées actuelles mais l’ensemble est en forme de carène renversée.

 La chapelle du monastère de la Visitation Sainte-Marie,  à Troyes présente une toiture couverte de petites tuiles vernissées, très élégante elle aussi. Le comble en impériale est réalisé sur le modèle de Philibert de l’Orme, mais avec une charpente plus traditionnelle, à chevrons, pannes et arbalétriers.

 

Chapelle de la Visitation à Troyes

Au XVIIe siècle, les charpentes à chevron formant ferme sont toujours employées, mais cette fois avec des « étages successifs », dont la mise en œuvre ne nécessite plus de grande pièce de bois (cathédrale de Troyes). Il faut noter l’apparition du comble, dit à  la Mansart (hôtel de ville de Troyes) bien que les premiers exemples datent de la fin du XVIe siècle.

 Les charpentes du XVIIIe siècle, à « étages successifs », sont plus élaborées, avec l’apparition des boulons à écrous pour fixer les moises et les étriers.

 Cette étude rapide n’est qu’un aperçu de la richesse des charpentes existant encore dans l’Aube. Ce matrimoine doit être mieux connu car il témoigne d’un savoir-faire séculaire en Champagne méridionale.

 

voir l'article : Églises en pans de bois en Champagne

Bibliographie :

BABEAU(Albert)  Le village sous l'Ancien Régime.

ROSEROT DE MELIN (Mgr Joseph) Le diocèse de Troyes, des origines à nos jours.

BONNARD (Mgr J. Dieudonné)  mon parrain, archives des diocèses de Troyes-Langres

BEAUCHAMP (Louis A. Marquis de) mon aïeul, archives familiales

BOUTIOT, Annuaire de l'Aube. Dictionnaire topographique. Etude sur les voies romaines du département de l'Aube.

COURTALON, Topographie historique de la ville et du diocèse de Troyes

D'ARBOIS de JUBAINVILLE,  Répertoire archéologique.

FICHOT, Statistique monumentale du département de l'Aube.

GALLICA, Site de la Bibliothèque nationale de France

LOUIS LE GRAND, Coutume et bailliages de Troyes.

VIOLLET-le-DUC, Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe



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