La Règle
de saint Benoît
Traduite en français
par Germain Morin
de l’abbaye de Maredsous
1944
Révisée sur la traduction
de Philibert Schmitz
de la même abbaye
2023
Prologue
1er janvier, 2 mai & 1er septembre
1.Écoute, ô mon fils, les préceptes du
Maître [ Pr 1, 8 ], et prête l’oreille de ton cœur[ Pr 4, 20 ]. Reçois
volontiers l’enseignement (lit. admonition : voisin de l’hébreux moussar, terme
de la sagesse biblique qui signifie à la fois exhortation, éducation et
correction) d’un père plein de tendresse et mets-le en pratique, afin que le
labeur de l’obéissance te ramène à celui dont t’avait éloigné la lâcheté de la
désobéissance. À toi donc s’adresse maintenant ma parole, qui que tu sois, qui
renonces à tes propres volontés, et pour combattre sous le vrai Roi, le
Seigneur Christ, prends en main les puissantes et glorieuses armes de
l’obéissance.
2 janvier, 3 mai & 2 septembre
2. D’abord, en tout bien que tu
entreprennes, demande-lui par une très instante prière qu’il le mène à bonne
fin. Ainsi, lui qui a daigné nous compter parmi ses fils n’aura pas un jour à
s’attrister de nos mauvaises actions. Il nous faut, en effet, lui obéir en tout
temps, à l’aide des biens qu’il a mis en nous, afin que non seulement, en père
offensé, celui-ci n’ait pas à déshériter un jour ses enfants, mais encore qu’en
maître redoutable, irrité par nos méfaits, il n’ait pas à nous livrer à la
peine éternelle, comme de très mauvais serviteurs qui n’auraient pas voulu le
suivre jusqu’à la gloire.
3 janvier, 4 mai & 3 septembre
3.Levons-nous donc enfin à cette exhortation
de l’Écriture qui nous dit : L’heure est
venue de sortir de votre sommeil.[ Rm 13, 11 ]
Les yeux ouverts à la lumière divine et les oreilles attentives,
écoutons l’avertissement que nous adresse chaque jour cette voix de Dieu qui
nous crie : Aujourd’hui, si vous
entendez sa voix, n’endurcissez vos cœurs ![ Ps 94, 8 ] ; et encore : Qui a des oreilles entende ce que l’Esprit
dit aux Églises ![ Ap 2, 7 ] Et que
dit-il ? Venez, mes fils, écoutez-moi :
je vous enseignerai la crainte du Seigneur[ Ps 33, 12 ]. Courez, tant que vous
avez la lumière de la vie, de peur que les ténèbres de la mort ne vous
saisissent ![ Jn 12, 35 ]
4 janvier, 5 mai & 4 septembre
4. Et le Seigneur, cherchant son ouvrier
dans la multitude du peuple auquel il crie, dit encore : Quel est l’homme qui veut la vie et désire
voir des jours heureux ?[ Ps 33, 13 ]
Que si, à cette parole, tu réponds :
C’est moi ! , Dieu te dit alors :
Si tu veux avoir la vie véritable et éternelle, garde ta langue du mal
et tes lèvres des paroles trompeuses ; détourne-toi du mal et agis bien ;
cherche la paix et poursuis-la[ Ps 33, 14-15 ]. Et lorsque vous aurez fait ces
choses, mes yeux seront sur vous et mes oreilles attentives à vos prières[ Ps
33, 16 ], et avant même que vous m’invoquiez, je dirai : Me voici.[ Is 58,
9 ] Quoi de plus doux pour nous, mes
très chers frères, que cette voix du Seigneur qui nous invite ? Voici que, dans
sa bonté, le Seigneur nous montre le chemin de la vie.
5 janvier, 6 mai & 5 septembre
5. Nos reins ceints de la foi et de
l’observance des bonnes œuvres[ Is 11, 5 ][ Ep 6, 14 ], sous la conduite de
l’Évangile, marchons donc dans ses sentiers, afin de mériter de voir celui qui
nous a appelés à son règne. Si nous voulons habiter sa demeure, il nous faut y
courir par les bonnes œuvres, sans lesquelles on n’y parvient pas.
6 janvier, 7 mai & 6 septembre
6. Interrogeons toutefois le Seigneur
avec le Prophète, en lui disant :
Seigneur, qui habitera dans ta demeure ? Qui reposera sur ta montagne
sainte ?[ Ps 14, 1 ] Après cette
demande, mes frères, écoutons le Seigneur qui répond et nous indique la voie
qui conduit à cette demeure, en disant :
C’est celui qui marche sans tache et pratique la justice ; celui qui dit
la vérité du fond de son cœur, qui n’a pas usé sa langue à la tromperie, qui
n’a pas fait de mal à son prochain, ni accueilli des discours injurieux contre
lui.[ Ps 14, 2-3 ] C’est celui qui
repousse le malin conseil du diable et ses suggestions loin des regards de son
cœur, les réduit à rien, saisit les premiers rejetons de la pensée diabolique
et les brise contre le Christ.
7 janvier, 8 mai & 7 septembre
7.Ce sont ceux qui, craignant le
Seigneur, ne s’exaltent pas de leur bonne observance, et persuadés que ce
qu’ils ont de bien ne vient pas d’eux-mêmes mais du Seigneur, glorifient son
œuvre en eux et disent avec le Prophète :
Non pas à nous Seigneur, non pas à nous, mais à ton nom donne la
gloire.[ Ps 113, 1 ] De même aussi,
l’Apôtre Paul ne s’est rien attribué à lui-même du succès de sa prédication,
mais a dit : C’est par la grâce de Dieu
que je suis ce que je suis[ 1 Co 15, 10 ] ; et encore : Que celui qui se glorifie, se glorifie dans
le Seigneur.[ 2 Co 10, 17 ]
8 janvier, 9 mai & 8 septembre
8. De même, le Seigneur dit dans
l’Évangile : Celui qui écoute mes
paroles que voici et les met en pratique, je le comparerai à l’homme sage qui a
bâti sa maison sur le roc. Les fleuves ont débordé, les vents ont soufflé et se
sont déchaînés contre cette maison ; et elle n’est pas tombée, parce qu’elle
était fondée sur le roc.[ Mt 7, 24-25 ]
9. Finalement, le Seigneur attend de
jour en jour que nous répondions par des actes à ses saints avertissements.
C’est pour l’amendement de nos fautes que les jours de cette vie nous sont
prolongés comme une trêve, selon la parole de l’Apôtre : Ignores-tu que la patience de Dieu t’entraîne
à la pénitence ?[ Rm 2, 4 ] Car le
Seigneur miséricordieux le déclare : Je ne
veux pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive.[ Ez 33,
11 ]
9 janvier, 10 mai & 9 septembre
10. Mes frères, lorsque nous avons
interrogé le Seigneur sur celui qui habitera dans sa demeure, nous avons
entendu ce qu’il faut faire pour y habiter. Puissions-nous donc accomplir ce
qui est exigé de cet habitant !
11. Par conséquent, il nous faut préparer
nos cœurs et nos corps à combattre sous la sainte obéissance à ses
commandements. Quant à ce qui en nous paraîtrait impossible à notre nature,
prions le Seigneur qu’il veuille nous prêter le secours de sa grâce. Et si pour
échapper aux peines de l’enfer nous voulons parvenir à la vie éternelle, tandis
qu’il en est encore temps, que nous sommes en ce corps et que nous pouvons, à
la lumière de cette vie, accomplir toutes ces choses, alors il nous faut courir
et agir dès maintenant au profit de l’éternité.
10 janvier, 11 mai & 10 septembre
12. Nous allons donc constituer une
école où l’on apprenne le service du Seigneur. Dans cette institution, nous
espérons ne rien établir de rude ni de trop pénible. Si pourtant, guidé par un
motif d’équité, nous allons jusqu’à imposer un peu de rigueur, pour corriger
les vices et conserver la charité, garde-toi de fuir aussitôt — pris de terreur
— la voie du salut, dont l’entrée, au début, est nécessairement étroite.
11 janvier, 12 mai & 11 septembre
13. En effet, à mesure que l’on avance
dans la vie religieuse et dans la foi, le cœur se dilate et l’on se met à
courir dans la voie des commandements de Dieu avec une ineffable douceur
d’amour. Ainsi donc, ne nous écartant jamais de son enseignement, et
persévérant en sa doctrine dans le monastère jusqu’à la mort, participons par
la patience aux souffrances du Christ, afin de mériter d’avoir part également à
son règne. Amen.
1. Les diverses espèces de moines
12 janvier, 13 mai & 12 septembre
14. Il est manifeste qu’il y a quatre
espèces de moines. La première est celle des Cénobites, c’est-à-dire de ceux
qui vivent dans un monastère, et combattent sous une Règle et un Abbé.
15. La deuxième espèce est celle des
Anachorètes ou Ermites. Ceux-ci n’en sont plus, dans la vie religieuse, à la
ferveur du début : l’épreuve prolongée du monastère, jointe aux leçons et au
soutien d’un grand nombre, leur a appris à lutter contre le diable. Bien
exercés, ils sortent des rangs de leurs frères pour se livrer au combat
singulier du désert, et assurés de pouvoir désormais se passer de l’assistance
d’autrui, ils sont en état, avec l’aide de Dieu, de soutenir par leur seule
main et leur seul bras la lutte contre les vices de la chair et des pensées.
13 janvier, 14 mai & 13 septembre
16. La troisième espèce de moines,
vraiment détestable, est celle des Sarabaïtes(le mot est emprunté à Jean
Cassien, qui l’aura trouvé en usage chez les moines d’Égypte, en partant de sa
probable racine copte sarakôte : errant ou vagabond). Ils ne sont astreints à
aucune règle, l’expérience seule est leur maîtresse, mais au lieu d’en être
purifiés comme l’or dans la fournaise, ils en sont plutôt amollis comme le
plomb. Ils témoignent par leurs œuvres de leur foi mondaine et mentent à Dieu
par leur tonsure(au 6e siècle, celle-ci consistait à porter les cheveux courts,
ni rasés comme ceux des prêtres égyptiens, ni trop longs comme chez les
barbares). On les voit se renfermer sans pasteur deux ou trois ensemble, ou
même seuls, dans leur propre bergerie et non dans celle du Seigneur. Ils n’ont
d’autre loi que la satisfaction de leurs désirs ; tout ce qu’ils pensent ou
préfèrent, ils le tiennent pour saint, et ce dont ils ne veulent pas, ils le
regardent comme illicite.
17.La quatrième espèce de moines est
celle des Gyrovagues. Ils passent toute leur vie à courir de pays en pays,
restant trois ou quatre jours comme hôtes dans les demeures des uns et des
autres ; sans cesse errants, jamais stables, esclaves de leurs passions et des
plaisirs de la bouche, enfin, pires en tout que les Sarabaïtes.
18.Leur manière de vivre à tous est des
plus misérables, mieux vaut se taire que d’en parler. Laissons-les donc et
occupons-nous, avec l’aide du Seigneur, à régler ce qui concerne la plus forte
espèce de moines, celle des Cénobites.
Prologus
1. Obsculta, o fili, præcepta magistri,
et inclina aurem cordis tui, et admonitionem pii patris libenter excipe et
efficaciter comple, 2. ut ad eum per obœdientiæ laborem redeas, a quo per
inobœdientiæ desidiam recesseras. 3. Ad te ergo nunc mihi sermo dirigitur,
quisquis abrenuntians propriis voluntatibus, Domino Christo vero regi
militaturus, obœdientiæ fortissima atque præclara arma sumis.
4. In primis, ut quicquid agendum
inchoas bonum, ab eo perfici instantissima oratione deposcas, 5. ut qui nos iam
in filiorum dignatus est numero computare non debet aliquando de malis actibus
nostris contristari. 6. Ita enim ei omni tempore de bonis suis in nobis
parendum est ut non solum iratus pater suos non aliquando filios exheredet, 7.
sed nec, ut metuendus dominus irritatus a malis nostris, ut nequissimos servos
perpetuam tradat ad pœnam qui eum sequi noluerint ad gloriam.
8. Exsurgamus ergo tandem aliquando
excitante nos scriptura ac dicente :
Hora est iam nos de somno surgere , 9. et apertis oculis nostris ad
deificum lumen, attonitis auribus audiamus divina cotidie clamans quid nos
admonet vox dicens : 10. Hodie si vocem
eius audieritis, nolite obdurare corda vestra.
11. Et iterum : Qui habet aures
audiendi audiat quid Spiritus dicat ecclesiis.
12. Et quid dicit ? Venite,
filii, audite me ; timorem Domini docebo vos. 13. Currite dum lumen vitæ
habetis, ne tenebræ mortis vos comprehendant.
14. Et quærens Dominus in multitudine
populi cui hæc clamat operarium suum, iterum dicit : 15. Quis est homo qui vult vitam et cupit videre
dies bonos ? 16. Quod si tu audiens respondeas : Ego , dicit tibi Deus : 17. Si vis habere veram et perpetuam vitam,
prohibe linguam tuam a malo et labia tua ne loquantur dolum ; deverte a malo et
fac bonum, inquire pacem et sequere eam. 18. Et cum hæc feceritis, oculi mei
super vos et aures meas ad preces vestras, et antequam me invocetis dicam
vobis : Ecce adsum. 19. Quid dulcius
nobis ab hac voce Domini invitantis nos, fratres carissimi ? 20. Ecce pietate
sua demonstrat nobis Dominus viam vitæ.
21. Succinctis ergo fide vel observantia
bonorum actuum lumbis nostris, per ducatum Evangelii pergamus itinera eius, ut
mereamur eum qui nos vocavit in regnum suum videre. 22. In cuius regni
tabernaculo si volumus habitare, nisi illuc bonis actibus curritur, minime
pervenitur.
23. Sed interrogemus cum Propheta
Dominum dicentes ei : Domine, quis habitabit
in tabernaculo tuo, aut quis requiescet in monte sancto tuo ? 24. Post hanc interrogationem, fratres,
audiamus Dominum respondentem et ostendentem nobis viam ipsius tabernaculi, 25.
dicens : Qui ingreditur sine macula et
operatur iustitiam ; 26. qui loquitur veritatem in corde suo, qui non egit
dolum in lingua sua ; 27. qui non fecit proximo suo malum, qui opprobrium non
accepit adversus proximum suum ; 28. qui malignum diabolum aliqua suadentem
sibi, cum ipsa suasione sua a conspectibus cordis sui respuens, deduxit ad
nihilum, et parvulos cogitatos eius tenuit et allisit ad Christum ; 29. qui,
timentes Dominum, de bona observantia sua non se reddunt elatos, sed ipsa in se
bona non a se posse, sed a Domino fieri existimantes, 30. operantem in se Dominum
magnificant, illud cum propheta dicentes :
Non nobis, Domine, non nobis, sed nomini tuo da gloriam ;
31. sicut nec Paulus apostolus de
prædicatione sua sibi aliquid imputavit, dicens : Gratia Dei sum id quod sum ; 32. et iterum
ipse dicit : Qui gloriatur, in Domino
glorietur. 33. Unde et Dominus in
Evangelio ait : Qui audit verba mea hæc
et facit ea, similabo eum viro sapienti qui ædificavit domum suam super
petram ;
34. venerunt flumina, flaverunt venti,
et impegerunt in domum illam, et non cecidit, quia fundata erat super
petram. 35. Hæc complens Dominus
expectat nos cotidie his suis sanctis monitis factis nos respondere debere. 36.
Ideo nobis propter emendationem malorum huius vitæ dies ad indutias relaxantur,
37. dicente Apostolo : An nescis quia
patientia Dei ad pænitentiam te adducit ?
38. Nam pius Dominus dicit : Nolo
mortem peccatoris, sed convertatur et vivat.
39. Cum ergo interrogassemus Dominum,
fratres, de habitatore tabernaculi eius, audivimus habitandi præceptum, sed si
compleamus habitatoris officium.
40. Ergo præparanda sunt corda nostra et
corpora sanctæ præceptorum obœdientiæ militanda. 41. Et quod minus habet in nos
natura possibile, rogemus Dominum ut gratiæ suæ iubeat nobis adiutorium
ministrare. 42. Et si, fugientes gehennæ pœnas, ad vitam volumus pervenire
perpetuam, 43. dum adhuc vacat et in hoc corpore sumus et hæc omnia per hanc
lucis vitam vacat implere, 44. currendum et agendum est modo quod in perpetuo
nobis expediat.
45. Constituenda est ergo nobis dominici
schola servitii. 46. In qua institutione nihil asperum, nihil grave, nos
constituturos speramus ; 47. sed et si quid paululum restrictius, dictante
æquitatis ratione, propter emendationem vitiorum vel conservationem caritatis
processerit, 48. non ilico pavore perterritus refugias viam salutis quæ non est
nisi angusto initio incipienda. 49. Processu vero conversationis et fidei,
dilatato corde inenarrabili dilectionis dulcedine curritur via manda torum Dei,
50. ut ab ipsius numquam magisterio discedentes, in eius doctrinam usque ad
mortem in monasterio perseverantes, passionibus Christi per patientiam
participemur, ut et regno eius mereamur esse consortes. Amen.
2.
Les qualités que doit avoir l’Abbé
14 janvier, 15 mai & 14 septembre
19.L’Abbé jugé digne d’être à la tête
d’un monastère doit se rappeler sans cesse comment on l’appelle, et porter par
ses actes le nom de supérieur.
20.En effet, il est considéré comme
tenant dans le monastère la place du Christ, puisqu’il est appelé d’un nom
employé pour désigner le Seigneur, selon ces paroles de l’Apôtre : Vous avez reçu un Esprit qui fait de vous des
fils adoptifs ; et c’est en lui que nous crions : Abba !, c’est-à-dire
Père.[ Rm 8, 15 ][ Ga 4, 6 ]
21.C’est pourquoi l’Abbé ne doit rien
enseigner, rien établir ou commander qui ne soit conforme aux préceptes du
Seigneur ; mais ses ordres et son enseignement doivent se répandre dans les
esprits de ses disciples comme un levain de justice divine.
15 janvier, 16 mai & 15 septembre
22.L’Abbé doit se souvenir constamment
qu’au redoutable jugement de Dieu il devra rendre compte de ces deux points :
son enseignement et l’obéissance de ses disciples. Et qu’il sache bien qu’il
sera imputé au pasteur, comme faute, tout ce que le Père de famille pourra
trouver de mécompte dans ses brebis. Dans le cas où il s’agirait d’un troupeau
turbulent et indocile, du moment qu’il lui aura consacré toute sa sollicitude
de pasteur, s’appliquant à guérir leurs maladies spirituelles ; alors — mais
alors seulement — il sera absous au jugement du Seigneur et pourra lui dire
avec le prophète : Je n’ai pas caché ta
justice dans mon cœur, j’ai annoncé ta vérité et ton salut[ Ps 39, 11 ] ; mais
ils n’en ont fait aucun cas et ils m’ont méprisé.[ Is 1, 2 ][ Ez 20, 17 ] Et alors les brebis qui ont résisté à ses
soins auront pour punition la mort même, qui aura finalement raison d’elles.
16 janvier, 17 mai & 16 septembre
23.Lorsque quelqu’un accepte le nom
d’Abbé, il doit conduire ses disciples par un double enseignement : montrer
tout ce qui est bon et saint par ses actes plus encore que par ses paroles.
Ainsi, à ses disciples capables de le comprendre, il enseignera en paroles les
commandements du Seigneur, et à ceux qui ont le cœur dur et aux simples, il
fera connaître par ses actes les préceptes divins. Tout ce qu’il aura dénoncé à
ses disciples comme illicite, il devra leur faire voir par sa conduite qu’il ne
faut pas le faire de peur qu’après avoir
prêché aux autres, il ne soit lui-même réprouvé[ 1 Co 9, 27 ] , et que Dieu ne
lui dise un jour à cause de ses péchés :
Pourquoi proclames-tu mes lois et déclares-tu mon alliance par ta
bouche, toi qui haïssais la discipline et qui rejetais derrière toi mes
paroles ?[ Ps 49, 16-17 ] ; et encore :
Toi qui voyais la paille dans l’œil de ton frère, tu n’as pas vu la
poutre dans le tien.[ Mt 7, 3 ]
17 janvier, 18 mai & 17 septembre
24.Que l’Abbé ne fasse de distinction en
faveur de personne dans le monastère. Que l’un ne soit pas plus aimé que
l’autre, si ce n’est celui qu’il aura trouvé meilleur dans les bonnes œuvres et
l’obéissance. Que l’homme libre ne soit pas préféré à celui qui sera venu de
l’esclavage, à moins qu’il n’y ait à cela un autre motif raisonnable. Que si,
pour un juste motif, il semble à l’Abbé qu’il doive faire cette distinction,
qu’il en use ainsi à l’égard de chacun, sans considérer le rang social : sinon,
que chacun garde sa place. Car tous,
l’esclave comme l’homme libre, nous sommes un dans le Christ[ Ga 3, 28 ][ Ep 6,
8 ] , et nous livrons le même combat au service d’un seul Seigneur. En effet, auprès de Dieu il n’y a de partialité envers
personne.[ Rm 2, 11 ][ Col 3, 25 ] La
seule chose qui nous distingue à ses yeux, c’est le fait d’être préférables aux
autres dans les bonnes œuvres et dans l’humilité. Que l’Abbé ait donc une égale
charité pour tous ; qu’il n’y ait pour tous qu’une même discipline, appliquée
selon les mérites de chacun.
18 janvier, 19 mai & 18 septembre
25.Dans sa manière d’enseigner, l’Abbé
doit toujours observer la forme donnée par l’Apôtre en ces termes : Reprends, supplie, menace[ 2 Tm 4, 2 ] ,
c’est-à-dire qu’il doit varier sa manière d’agir selon les moments et les
circonstances, joignant les douceurs aux menaces, montrant tantôt la sévérité
d’un maître, et tantôt la tendresse d’un père. Ainsi, il lui faudra reprendre
plus durement ceux qui sont indisciplinés et turbulents, tandis qu’il lui
suffira d’exhorter à faire de nouveaux progrès ceux qui sont obéissants, doux
et patients. Quant à ceux qui sont négligents ou dédaigneux, nous l’avertissons
de les réprimander et de les corriger.
19 janvier, 20 mai & 19 septembre
26.Qu’il ne ferme pas les yeux sur les
fautes des délinquants ; mais qu’il s’applique, autant qu’il le pourra, à les
retrancher jusqu’à la racine, dès qu’elles commencent à paraître, se souvenant
du danger auquel s’exposa Héli, le grand-prêtre de Silo(celui-ci avait négligé
de corriger ses deux fils débauchés, et mourut de chagrin en apprenant leur
mort brutale et la capture de l’Arche par les Philistins)[ 1 S 2,
12-17.22-25 ][ 1 S 4, 1.12-18 ]. Ceux qui ont l’âme plus délicate et qui savent
comprendre les choses, il suffira qu’il les reprenne par des paroles au moyen
d’un ou deux avertissements ; mais ceux qui sont mauvais et durs de cœur,
arrogants et désobéissants, il les réprimera par des coups de bâton et autres
punitions corporelles, dès qu’ils commencent à mal faire, sachant qu’il est
écrit : L’insensé ne se corrige pas par
des paroles[ Pr 29, 19 ] ; et encore :
Frappe du bâton ton fils , et tu délivreras son âme de la mort.[ Pr 23,
14 ]
20 janvier, 21 mai & 20 septembre
27.L’Abbé doit sans cesse se souvenir de
ce qu’il est, se souvenir du nom qu’il porte, et savoir qu’il est plus exigé de
celui à qui il est confié davantage. Qu’il sache aussi combien est difficile et
ardue la charge qu’il a reçue de conduire les âmes, et de s’accommoder aux
exigences de tels caractères : pour un des douceurs, pour un autre des
réprimandes, pour un autre encore de la persuasion. Il doit donc se conformer
et s’adapter à tous selon les dispositions et l’intelligence de chacun, afin
que non seulement il préserve de tout dommage le troupeau qui lui est confié,
mais qu’il se réjouisse de l’accroissement de son bon troupeau.
21 janvier, 22 mai & 21 septembre
28.Avant tout, qu’il se garde de
négliger ou de compter pour peu de chose le salut des âmes qui lui sont
confiées, sans donner plus de soins aux choses passagères, terrestres et
dépassées. Qu’il considère toujours que ce sont des âmes qu’il a reçues à
conduire et dont il devra rendre compte. Qu’il ne prétexte pas l’insuffisance
des ressources du monastère, se souvenant qu’il est écrit : Cherchez d’abord le règne de Dieu et sa
justice, et le reste vous sera donné par surcroît[ Mt 6, 33 ] ; et
encore : Rien ne manque à ceux qui le
craignent.[ Ps 33, 10 ] 22 janvier, 23 mai & 22 septembre
29.Qu’il sache donc bien que celui qui a
reçu des âmes à conduire doit se préparer à en rendre compte. Quel que soit le
nombre des frères confiés à ses soins, qu’il tienne pour certain qu’au jour du
jugement il aura à répondre au Seigneur de leurs âmes à tous, en plus, sans nul
doute, de la sienne propre. Ainsi, continuellement dans la crainte de l’examen
qui attend le pasteur au sujet de ses brebis, ce compte qu’il doit rendre
d’autrui le rendra attentif au sien, et en corrigeant autrui par ses
instructions, il se corrigera lui-même de ses propres défauts.
3. L’appel des frères en conseil
23 janvier, 24 mai & 23 septembre
30.Toutes les fois qu’il y aura dans le
monastère des affaires importantes à traiter, l’Abbé convoquera toute la
communauté, puis il exposera lui-même ce dont il s’agit. Après qu’il aura
entendu l’avis des frères, il examinera la chose en privé et fera ensuite ce
qu’il aura jugé le plus utile. Si nous avons dit que tous doivent être appelés
au conseil, c’est que souvent le Seigneur révèle à un plus jeune ce qu’il y a
de mieux à faire.
31.Les frères donneront leur avis en
toute humilité et soumission. Ainsi, ils n’auront pas la présomption de
soutenir avec arrogance leur manière de voir ; il dépendra de l’Abbé de décider
selon ce qu’il jugera meilleur, et tous se soumettront à sa décision. Mais de
même qu’il convient aux disciples d’obéir au maître, il faut aussi que le
maître dispose tout avec prévoyance et équité.
24 janvier, 25 mai & 24 septembre
32.Que tous suivent donc en tout cette
maîtresse qu’est la Règle, et que personne n’ait la témérité de s’en écarter.
Que nul dans le monastère ne suive la volonté de son propre cœur ; que personne
non plus n’ait la présomption de contester son Abbé effrontément ou hors du
monastère. Si quelqu’un ose se le permettre, qu’il soit soumis à la discipline
régulière.
33. Néanmoins, l’Abbé doit faire toutes
choses dans la crainte de Dieu et conformément à la Règle, sachant que, sans
aucun doute, il devra rendre compte de toutes ses décisions à Dieu, ce juge
souverainement équitable.
34.Quant aux affaires moins importantes,
d’usage dans le monastère, l’Abbé prendra conseil des anciens seulement, selon
qu’il est écrit : Fais tout avec
conseil, et après l’avoir fait, tu n’auras pas de regret.[ Si 32, 24 ]
4.
Les instruments des bonnes œuvres
25 janvier, 26 mai & 25 septembre
35.Avant tout, aimer le Seigneur Dieu de
tout son cœur, de toute son âme et de toute sa force[ Dt 6, 5 ][ Mt 22,
37 ][ Mc 12, 30 ] ; ensuite le prochain comme soi-même[ Mt 22, 39 ][ Mc 12,
31 ][ Lc 10, 27 ].
36.Ensuite ne pas tuer[ Ex 20, 13 ][ Dt
5, 17 ][ Lc 18, 20 ], ni commettre d’adultère[ Ex 20, 14 ][ Dt 5, 18 ][ Mt 5,
27-32 ], ni voler[ Ex 20, 15 ][ Dt 5, 19 ], ni convoiter[ Ex 20, 17 ][ Dt 5,
21 ][ Rm 13, 9 ], ni porter de faux témoignage[ Ex 20, 16 ][ Dt 5, 20 ][ Mt 19,
18-19 ][ Mc 10, 19 ][ Lc 18, 20 ].
37. Honorer tous les hommes[ 1 P 2,
17 ], et ne pas faire à autrui ce qu’on ne ne veut pas qu’on nous fasse[ Tb 4,
15 ][ Mt 7, 12 ].
26 janvier, 27 mai & 26 septembre
38. Renoncer à soi-même pour suivre le
Christ[ Mt 16, 24 ][ Lc 9, 23 ].
39.Réprimer son corps[ 1 Co 9, 27 ] ; ne
pas aspirer aux délices[ 2 P 2, 13 ], mais aimer le jeûne[ Jl 1, 14 ][ Jl 2,
12.15 ].
40.Soulager les pauvres[ Tb 4, 7 ],
vêtir celui qui est nu[ Is 58, 7 ], visiter les malades[ Mt 25, 36 ], ensevelir
les morts[ Tb 1, 17 ][ Tb 2, 4 ], secourir ceux qui sont dans l’épreuve[ Is 1,
17 ] et consoler les affligés[ Is 40, 1 ][ Is 61, 2 ][ 2 Co 1, 4 ][ 1 Th 5,
14 ].
27 janvier, 28 mai & 27 septembre
41.Se rendre étranger aux préoccupations
du monde[ Jc 1, 27 ] et ne rien préférer à l’amour du Christ[ Mt 10, 37-39 ].
42.Ne pas satisfaire sa colère[ Mt 5,
22 ], ni se réserver un temps pour exercer sa vengeance[ Ep 4, 26 ].
43.Ne pas entretenir de fausseté dans
son cœur[ Ps 14, 2 ], ni donner une fausse paix[ Ps 27, 3 ][ Rm 12, 9 ].
44. Ne pas abandonner la charité[ 1 Co
13, 8 ][ 1 P 4, 8 ].
45. Ne pas jurer, de crainte de se
parjurer[ Mt 5, 33-37 ], et dire la vérité du cœur comme des lèvres[ Ps 14,
2 ].
28 janvier, 29 mai & 28 septembre
46.Ne pas rendre le mal pour le
mal[ 1 Th 5, 15 ][ 1 P 3, 9 ].
47.Ne faire d’injustice à personne, mais
supporter patiemment celle qu’on nous fait[ 1 Co 6, 7 ].
48.Aimer ses ennemis[ Mt 5, 44 ][ Lc 6,
35 ].
49.Ne pas répondre par la malédiction à
ceux qui nous maudissent, mais plutôt les bénir[ Lc 6, 28 ][ 1 Co 4, 12 ][ 1 P
3, 9 ].
50.Soutenir la persécution pour la
justice[ Mt 5, 10 ][ 1 P 3, 14 ].
51.Ne pas être orgueilleux, ni adonné au
vin[ Tt 1, 7 ][ 1 Tm 3, 3 ], ni gourmand[ Si 37, 29 ], ni somnolent[ Pr 20,
13 ], ni paresseux[ Rm 12, 11 ], ni prompt au murmure[ 1 Co 10, 10 ] ou
médisant[ Sg 1, 11 ].
29 janvier, 30 mai & 29 septembre
52.Mettre en Dieu son espérance[ Ps 72,
28 ][ Ps 77, 7 ].
53.Ce que l’on verra de bon en soi, le
rapporter à Dieu et non à soi-même[ 1 Co 4, 7 ]. Quant au mal, comprendre
toujours qu’on l’a fait soi-même et le mettre à son compte.
54.Craindre le jour du jugement[ Jb 31,
14 ] ; redouter l’enfer[ Mt 10, 28 ] et désirer la vie éternelle de toute
l’ardeur de son esprit[ Ph 1, 23 ].
30 janvier, 31 mai & 30 septembre
55.Avoir tous les jours la mort présente
devant les yeux[ Mt 24, 42 ] ; veiller à toute heure sur les actions de sa
vie[ Dt 4, 9 ] et tenir pour certain qu’en tout lieu Dieu nous regarde[ Ps 13,
2 ][ Pr 5, 21 ].
56.Briser contre le Christ les pensées
mauvaises, aussitôt qu’elles se présentent au cœur[ Ps 136, 9 ], et s’en ouvrir
à un ancien doté d’esprit[ Si 8, 11 ].
57.Garder sa langue de tout propos
mauvais ou nuisible[ Ps 33, 14 ] ; ne pas aimer à beaucoup parler[ Pr 10, 19 ],
ne pas dire de paroles vaines ou qui ne portent qu’à rire[ Mt 12, 36 ], et ne
pas aimer le rire trop fréquent ou trop bruyant[ Si 21, 20 ].
31 janvier, 1er juin & 1er octobre
58.Entendre volontiers les lectures
saintes[ Lc 11, 28 ].
59.S’appliquer fréquemment à la
prière[ Col 4, 2 ] ; y confesser chaque jour à Dieu, avec larmes et
gémissements, ses fautes passées[ Ps 6, 7 ], et à l’avenir se corriger de ces
fautes.
60.Ne pas satisfaire les désirs de la
chair[ Ga 5, 16 ] et haïr la volonté propre[ Si 18, 30 ].
61.Obéir en tout aux ordres de l’Abbé,
même si — pourvu que non ! — il agirait autrement, nous rappelant ce précepte
du Seigneur : Ce qu’ils disent,
faites-le ; mais ce qu’ils font, ne le faites pas.[ Mt 23, 3 ]
62.Ne pas vouloir être appelé saint avant de l’être, mais l’être d’abord, afin qu’on le dise avec plus de vérité[ Mt 6, 1 ].
1er février, 2 juin & 2 octobre
63.Accomplir chaque jour par ses œuvres
les préceptes de Dieu[ Si 6, 37 ].
64.Aimer la chasteté[ 1 Tm 5, 22 ].
65.Ne haïr personne[ Lv 19, 17 ], ne pas
avoir de jalousie[ Jc 3, 14-16 ], ne pas agir par envie[ Ga 5, 26 ], ne pas
aimer à contester[ 2 Tm 2, 14.24 ] et fuir l’exaltation du cœur[ Ps 130,
1 ][ Pr 16, 5 ].
66.Vénérer les anciens[ Lv 19, 32 ] et
aimer les plus jeunes[ 1 Tm 5, 1 ].
67.Prier pour ses ennemis dans l’amour
du Christ[ Mt 5, 44 ].
68.Rétablir la paix avant le coucher du
soleil avec celui dont nous sépare la discorde[ Ep 4, 26 ], et ne jamais
désespérer de la miséricorde de Dieu[ Ps 51, 10 ].
2 février, 3 juin & 3 octobre
69.Voilà quels sont les instruments de
l’art spirituel. Si nous en faisons un usage constant, le jour et la nuit,
alors quand au jour du jugement nous les remettrons, notre récompense sera
celle que le Seigneur a promis : Ce que
l’œil n’a pas vu, ni l’oreille n’a entendu, ce que Dieu a préparé pour ceux qui
l’aiment.[ 1 Co 2, 9 ]
70.Or, l’atelier où nous devons
travailler diligemment à l’aide de ces instruments, c’est l’enceinte du
monastère avec la stabilité dans la communauté.
5.
L’obéissance
3 février, 4 juin & 4 octobre
71.Le premier degré d’humilité est
l’obéissance sans délai. Elle convient à ceux qui n’ont rien de plus cher que
le Christ. Mus par le service sacré dont ils ont fait profession, par la
crainte de l’enfer et par le désir de la gloire de la vie éternelle, dès que le
supérieur a commandé quelque chose, comme si Dieu lui-même en avait donné
l’ordre, ils ne peuvent souffrir de délai dans l’exécution. C’est d’eux que le
Seigneur a dit : Dès que son oreille a
entendu, il m’a obéi.[ Ps 17, 45 ] Et il
dit de même à ceux qui enseignent : Qui
vous écoute m’écoute.[ Lc 10, 16 ]
4 février, 5 juin & 5 octobre
72.Ceux donc qui vont ainsi, abandonnant
aussitôt leur intérêt et renonçant à leur volonté propre, quittent ce qu’ils
avaient en mains et laissent inachevé ce qu’ils faisaient. Ils suivent d’un
pied si prompt la voix du commandement que, dans l’empressement qu’inspire la
crainte de Dieu, il n’y a pas d’intervalle entre l’ordre du supérieur et
l’action du disciple, les deux s’accomplissant au même moment. Ainsi agissent
ceux qui aspirent ardemment à la vie éternelle.
5 février, 6 juin & 6 octobre
73.C’est pour cela qu’ils prennent la
voie étroite de laquelle le Seigneur a dit :
Étroite est la voie qui conduit à la vie[ Mt 7, 14 ]. Aussi, ne vivant plus à leur gré et n’obéissant
plus à leurs désirs ni à leurs satisfactions, ils marchent d’après le jugement
et le commandement d’autrui, et désirent, en se retirant au monastère, se
soumettre à un Abbé. Sans nul doute, de tels hommes imitent le Seigneur, quand
il dit cette sentence: Je ne suis pas
venu faire ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé.[ Jn 6, 38 ]
6 février, 7 juin & 7 octobre
74.Mais cette obéissance ne sera
agréable à Dieu et douce aux hommes que si ce qui est commandé est exécuté sans
trouble, sans retard, sans tiédeur, sans murmure ni aucune parole de
résistance. Car l’obéissance qu’on rend aux supérieurs se rapporte à Dieu
lui-même ; puisqu’il a dit : Qui vous
écoute m’écoute.[ Lc 10, 16 ] Et il faut
que les disciples obéissent de bon cœur, car
Dieu aime celui qui donne joyeusement.[ 2 Co 9, 7 ]
75.Si, au contraire, le disciple obéit
de mauvais gré, s’il murmure non seulement des lèvres mais encore dans son
cœur, quand bien même il exécuterait l’ordre reçu, son acte ne sera pas agréé
de Dieu, qui voit dans son cœur le murmure. Bien loin d’en obtenir une grâce,
il encourra la punition de qui murmure, à moins qu’il ne répare sa faute et ne
donne satisfaction.
6.
Le silence
7 février, 8 juin & 8 octobre
76.Faisons ce que dit le Prophète : J’ai dit : j’observerai mes voies, afin de ne
pas pécher par ma langue. J’ai placé une garde à ma bouche : je suis devenu
muet, je me suis tu et humilié, même s’il s’agissait de parler de choses
bonnes.[ Ps 38, 2-3 ] Le Prophète nous
montre là que s’il faut parfois s’abstenir de bons discours pour la pratique du
silence, à combien plus forte raison la peine qui suit le péché doit-elle nous
faire éviter les paroles mauvaises.
8 février, 9 juin & 9 octobre
77.On ne devra donc, en raison de l’importance
du silence, n’accorder que rarement aux disciples — fussent-ils parfaits — la
permission de parler, même à propos de choses bonnes, saintes et édifiantes.
Car il est écrit : En parlant beaucoup,
tu ne saurais éviter le péché[ Pr 10, 19 ] ; et ailleurs : La mort et la vie sont au pouvoir de la
langue.[ Pr 18, 21 ] C’est au Maître, en
effet, qu’il convient de parler et d’instruire ; le rôle du disciple est de se
taire et d’écouter.
78.C’est pourquoi, si l’on a quelque
chose à demander au supérieur, on le fera avec toute l’humilité et la
soumission qu’inspire le respect. Quant aux bouffonneries, aux paroles vaines
et qui ne sont bonnes qu’à provoquer le rire, nous les condamnons à tout jamais
et en tout lieu, et nous ne permettons pas au disciple d’ouvrir la bouche pour
de tels propos.
7.
L’humilité
9 février, 10 juin & 10 octobre
79.La divine Écriture, mes frères, nous
crie : Quiconque s’élève sera humilié,
et qui s’humilie sera exalté ![ Mt 23, 12 ][ Lc 14, 11 ][ Lc 18, 14 ] En parlant ainsi, elle nous montre que tout
élèvement est une espèce d’orgueil, contre quoi le Prophète indique qu’il se
garde, lorsqu’il dit : Seigneur, mon
cœur ne s’est pas exalté, mes yeux non plus ne se sont pas portés trop haut ;
je n’ai pas poursuivi les grandeurs, ni recherché des merveilles au-dessus de
moi.[ Ps 130, 1 ] Mais quoi alors ? Si je n’ai pas eu d’humbles sentiments, si
j’ai permis à mon âme de s’élever, tu me traiteras comme l’enfant qu’on arrache
du sein de sa mère.[ Ps 130, 2 ]
10 février, 11 juin & 11 octobre
80.Si donc, mes frères, nous voulons
atteindre le sommet de la plus haute humilité, et parvenir promptement à cette
élévation céleste ou l’on monte par l’humilité de la vie présente, il nous
faut, par les degrés ascendants de nos œuvres, dresser cette échelle qui
apparut en songe à Jacob, et par laquelle il voyait des anges descendre et
monter. Cette descente et cette montée ne signifient pas pour nous autre chose
— sans aucun doute — sinon que l’on descend par l’élèvement et que l’on monte
par l’humilité. Cette échelle ainsi dressée, c’est notre vie en ce monde, que
le Seigneur élève jusqu’au ciel, si notre cœur s’humilie. Les côtés de cette
échelle sont, selon nous, notre corps et notre âme ; sur ces montants, la
vocation divine a inséré divers échelons d’humilité et de progrès spirituel
qu’il nous faut gravir.
11 février, 12 juin & 12 octobre
81.Donc, le premier degré d’humilité est
de se mettre constamment devant les yeux la crainte de Dieu, de se garder
entièrement de l’oubli et de se souvenir sans cesse de tout ce que Dieu a
commandé. On repassera toujours dans son esprit, d’une part, l’enfer où
brûlent, pour leurs péchés, ceux qui méprisent Dieu, et d’autre part, la vie
éternelle préparée à ceux qui le craignent. Ainsi, on se préservera à toute
heure des péchés et des vices, soit de la pensée, soit de la langue, des mains,
des pieds et de la volonté propre, mais aussi des désirs de la chair. L’homme
doit être persuadé que Dieu le considère du haut du ciel à toute heure ; qu’en
tout lieu ses actes ont pour témoin le regard de la Divinité, et que les anges
en font rapport à tout moment.
12 février, 13 juin & 13 octobre
82.C’est ce que le Prophète nous fait
entendre par ces paroles, où il nous montre Dieu toujours présent à nos
pensées : Dieu scrute les reins et les
cœurs[ Ps 7, 10 ] ; et aussi : Le
Seigneur connaît les pensées des hommes[ Ps 93, 11 ] ; et encore : Tu as compris de loin mes pensées[ Ps 138,
3 ] ; et : La pensée de l’homme te sera
découverte.[ Ps 75, 11 ] Et pour exercer
la vigilance à l’égard de ses pensées perverses, le frère qui veut être utile
aux yeux de Dieu dira sans cesse en son cœur :
Je serai sans tache devant lui, si je me garde de mon iniquité.[ Ps 17,
24 ]
13 février, 14 juin & 14 octobre
83.Pour ce qui est de la volonté propre,
l’Écriture nous défend de la faire lorsqu’elle nous dit : Détourne-toi de tes volontés.[ Si 18,
30 ] Et de plus, dans l’Oraison
dominicale, nous demandons à Dieu que sa volonté soit faite en nous[ Mt 6,
10 ]. C’est donc avec raison que nous sommes avertis de ne pas faire notre volonté,
puisque par là nous évitons le danger que la sainte Écriture nous signale,
quand elle dit : Il est des voies qui
semblent droites aux hommes, et qui, à la fin, aboutissent au fond de
l’enfer.[ Pr 16, 25 ] Par là aussi nous
nous préservons de ce qui est dit des négligents : Ils se sont corrompus et ils se sont rendus
abominables en suivant leurs passions.[ Ps 13, 1 ]
14 février, 15 juin & 15 octobre
84.Quant aux désirs de la chair, croyons
que Dieu nous est toujours présent, suivant ce que dit le Prophète au
Seigneur : Tous mes désirs sont devant
toi.[ Ps 37, 10 ] Il faut donc se garder
du désir mauvais, parce que la mort est postée à l’entrée même du plaisir ; de
là vient que l’Écriture nous donne ce commandement : Ne suis pas tes convoitises.[ Si 18, 30 ]
85.Si donc les yeux du Seigneur considèrent les bons et les méchants[ Pr 15, 3 ], si, du haut du ciel, le Seigneur regarde constamment les enfants des hommes, afin de voir s’il en est un qui ait l’intelligence et qui cherche Dieu[ Ps 13, 2 ] ; si enfin les anges commis à notre garde rapportent jour et nuit au Seigneur le détail de nos œuvres, il nous faut, mes frères, demeurer à toute heure vigilants. Craignons, comme dit le Prophète dans le psaume, que Dieu ne nous surprenne au moment où — déclinant vers le mal — nous nous rendrions inutiles[ Ps 13, 3 ]. Dès lors, s’il use d’indulgence en ce temps-ci, parce qu’il est bon et qu’il attend que nous changions en mieux, qu’il n’ait à nous dire plus tard : Tu as fait cela, et je me suis tu.[ Ps 49, 21 ]
15 février, 16 juin & 16 octobre
86.Le second degré d’humilité est de ne
pas aimer sa volonté propre, et de ne pas se complaire dans l’accomplissement
de ses désirs ; mais bien plutôt de conformer sa conduite à cette parole du
Seigneur, où il est dit : Je ne suis pas
venu faire ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé.[ Jn 6,
38 ] L’Écriture dit encore : Le plaisir encourt la peine ; mais la
nécessité procure la couronne(cette sentence n’est pas tirée de l’Écriture,
mais d’Actes de martyrs romains).
16 février, 17 juin & 17 octobre
87.Le troisième degré d’humilité est de
se soumettre pour l’amour de Dieu en toute obéissance aux supérieurs ; à
l’imitation du Seigneur, dont l’Apôtre dit :
Il s’est fait obéissant jusqu’à la mort.[ Ph 2, 8 ]
17 février, 18 juin & 18 octobre
88.Le quatrième degré d’humilité est
d’embrasser la patience dans l’exercice de cette obéissance, au milieu des
difficultés, des contrariétés, et même de toutes sortes d’injustices. Dans le
silence de la conscience, on supporte ainsi tout sans se lasser ni reculer,
selon ce que dit l’Écriture : Qui aura
persévéré jusqu’à la fin, celui-là sera sauvé[ Mt 10, 22 ] ; et encore : Prends courage, et espère le Seigneur.[ Ps
26, 14 ] Et pour nous montrer que le
serviteur fidèle doit tout supporter pour le Seigneur, même les plus grandes
contrariétés, l’Écriture dit au nom de ceux qui souffrent : C’est pour toi que nous sommes tout le jour
livrés à la mort, et traités comme des brebis d’abattoir.[ Ps 43, 23 ][ Rm 8,
36 ] Sûrs dans leur espérance de la
récompense divine, ils ajoutent avec joie ces paroles : Mais en toutes ces épreuves nous remportons
la victoire, grâce à celui qui nous a aimés.[ Rm 8, 37 ]
18 février, 19 juin & 19 octobre
89.L’Écriture dit encore à un autre
endroit : Tu nous as éprouvés, ô Dieu,
et nous as fait passer par le feu comme l’argent qu’on examine dans le
creuset ; tu nous as fait tomber dans le filet et as amassé les tribulations
sur nos épaules.[ Ps 65, 10-11 ] Et pour
nous apprendre que nous devons être sous un supérieur, elle ajoute : Tu as imposé des hommes sur nos têtes.[ Ps
65, 12 ]
90.Ainsi, par la patience et la pratique
du précepte du Seigneur au milieu des adversités et des injures, s’ils sont
frappés sur une joue, ils présentent l’autre ; si on leur enlève leur tunique,
ils abandonnent aussi leur manteau ; si on les contraint de faire un
mille(c.-à-d. mille pas), ils en font deux[ Mt 5, 39-41 ] ; avec l’Apôtre Paul,
ils supportent les faux frères[ 2 Co 11, 26 ], et ils bénissent ceux qui les
maudissent[ 1 Co 4, 12 ].
19 février, 20 juin & 20 octobre
91.Le cinquième degré d’humilité est de
ne rien cacher à son Abbé, mais de lui avouer humblement toutes les pensées
mauvaises qui se présentent à l’âme, et les fautes que l’on aurait commises en
secret. L’Écriture nous y exhorte, lorsqu’elle dit : Révèle ta voie au Seigneur et espère en
lui.[ Ps 36, 5 ] Elle dit encore : Confessez-vous au Seigneur, car il est bon,
et sa miséricorde est à jamais.[ Ps 105, 1 ][ Ps 117, 1 ] Et de même le Prophète : Je t’ai fait connaître mon péché, et je n’ai
pas caché mes injustices. J’ai dit : Je déclarerai contre moi mes injustices au
Seigneur, et tu as pardonné l’impiété de mon cœur.[ Ps 31, 5 ]
20 février, 21 juin & 21 octobre
92.Le sixième degré d’humilité est qu’un
moine trouve son contentement en toute tâche vile et basse, et qu’en tout ce
qui lui est confié, il se considère comme un ouvrier mauvais et indigne, se
disant avec le Prophète : Je suis réduit
à rien et je ne sais rien ; je suis devenu devant toi comme une bête de somme ;
mais je suis toujours avec toi.[ Ps 72, 22-23 ]
93.Le septième degré d’humilité est non
seulement de se proclamer des lèvres le dernier et le plus vil de tous, mais
aussi de le croire dans le sentiment intime de son cœur, s’humiliant et disant
avec le Prophète : Pour moi, je suis un
ver et non un homme ; je suis l’opprobre des hommes et le rebut du peuple[ Ps
21, 7 ]. Après avoir été élevé, j’ai été humilié et couvert de confusion.[ Ps
87, 16 ] Et encore : Il m’a été bon que tu m’aies humilié, afin
que j’apprenne tes commandements. [ Ps 118, 71 ]
21 février, 22 juin & 22 octobre
94.Le huitième degré d’humilité est
lorsqu’un moine ne fait rien que ce qui est ordonné par la Règle commune du
monastère et ce que recommandent les exemples des supérieurs.
95.Le neuvième degré d’humilité est que
le moine interdise à sa langue de parler, demeurant en silence, sans rien dire,
jusqu’à ce qu’on l’interroge. L’Écriture nous montre en effet qu’en parlant beaucoup on ne saurait éviter
le péché[ Pr 10, 19 ] , et que le bavard
ne marchera pas droit sur la terre.[ Ps 139, 12 ]
22 février, 23 juin & 23 octobre
96.Le dixième degré d’humilité est de
n’être ni enclin ni prompt à rire, par ce qu’il est écrit : L’insensé élève sa voix quand il rit.[ Si 21,
20 ]
97.Le onzième degré d’humilité est que
lorsqu’un moine parle, il s’exprime doucement et sans rire, humblement et avec
gravité, disant en peu de mots des choses raisonnables, évitant les éclats de
voix, selon qu’il est écrit : On
reconnaît le sage à la sobriété de son langage(sentence du philosophe grec
Sextus que Rufin a traduite en l’attribuant à Sixte II, pape et martyr).
23 février, 24 juin & 24 octobre
98.Le douzième degré d’humilité est
qu’un moine ne possède pas seulement cette humilité dans son cœur, mais qu’il
la montre encore constamment par son attitude extérieure. À l’Œuvre de Dieu, à
l’oratoire, dans le monastère, au jardin, en chemin, aux champs, et partout où
il se trouve — assis, en marche ou debout —, il incline toujours la tête et
fixe son regard vers la terre, se sentant à toute heure chargé de ses péchés,
comme au moment de comparaître au redoutable jugement de Dieu. Aussi, il répète
continuellement dans son cœur ce que disait le publicain de l’Évangile, les
yeux fixés à terre : Seigneur, je ne
suis pas digne, moi pécheur, de lever les yeux vers le ciel[ Lc 18, 13 ] ; et
encore avec le Prophète : Je me tiens
courbé et humilié jusqu’au bout.[ Ps 37, 7.9 ]
24 février, 25 juin & 25 octobre
99.Une fois gravis tous ces degrés
d’humilité, le moine parviendra bientôt à cet amour de Dieu, qui — parfait —
bannit la crainte[ 1 Jn 4, 18 ], et fait que tout ce qu’il n’observait
auparavant qu’avec frayeur, il commence alors à le garder sans peine, comme
naturellement et par habitude. Il n’agira plus par crainte de l’enfer, mais par
amour du Christ, par l’habitude même du bien et par l’attrait des vertus. Voilà
ce que le Seigneur daignera faire paraître dans son ouvrier, purifié de ses
vices et de ses péchés par l’Esprit-Saint.
8.
Les offices divins durant la nuit
100.Durant l’hiver, c’est-à-dire depuis
le premier novembre jusqu’à Pâques, on se lèvera à la huitième heure de la nuit
— comme on le considère raisonnable(dans le système romain, les heures
variaient en longueur selon la saison ; en hiver, cette huitième heure de la
nuit pouvait commencer entre deux et trois heures). Ainsi les frères se seront
reposés un peu plus de la moitié de la nuit, et la digestion sera terminée
quand ils se lèveront. Ce qui reste de temps après les Vigiles sera employé à
l’étude du psautier ou des lectures, par ceux du moins qui en auront besoin.
101.Depuis Pâques jusqu’au premier
novembre, on réglera l’horaire de telle sorte que les Vigiles — après un très
court intervalle durant lequel les frères pourront sortir pour les besoins
naturels — soient immédiatement suivies des Laudes, qui doivent se célébrer au
point du jour.
9.
Combien dire de psaumes aux Heures de la nuit
102.Au temps d’hiver dont il vient
d’être parlé, on dira d’abord par trois fois le verset : Seigneur, ouvre mes lèvres et ma bouche
annoncera ta louange[ Ps 50, 17 ] À quoi
on ajoutera le psaume trois[ Ps 3 ] et le Gloria( Gloire au Père… : formule
d’acclamation qui termine le chant ou la récitation d’un psaume). Il sera suivi
du psaume nonante-quatre[ Ps 94 ] avec antienne(ancêtre du refrain, souvent
brève et de préférence chantée, accompagnant un psaume), ou tout au moins
chanté d’une façon plus lente. Puis viendra l’hymne et six psaumes avec
antiennes. Quand ils seront achevés, et le verset dit, l’Abbé donnera la
bénédiction. Et tous assis sur les bancs, les frères liront à tour de rôle dans
le livre placé sur le pupitre trois lectures, après chacune desquelles on
chantera un répons. Deux de ces répons se diront sans Gloria ; mais après la
troisième lecture, celui qui chante dira le Gloria. Au moment où le chantre le
commence, tous se lèveront de leurs sièges par honneur et révérence pour la
sainte Trinité.
103.On lira aux Vigiles les livres qui
sont d’autorité divine, tant de l’Ancien que du Nouveau Testament, et de plus
les exposés qu’en ont faits les plus renommés des Pères orthodoxes et
catholiques.
104.Après ces trois lectures avec leurs
répons, suivront six autres psaumes qui seront chantés avec Alléluia. Ensuite
viendra une lecture tirée de l’Apôtre, à réciter par cœur, puis le verset et la
prière litanique, c’est-à-dire Kyrie eleison( Seigneur, prends pitié :
invocation liturgique d’origine grecque). Ainsi se termineront les Vigiles de
la nuit.
10. Comment célébrer la louange divine durant les nuits d’été
105.Depuis Pâques jusqu’au premier
novembre, on observera entièrement, pour la psalmodie, la mesure fixée
précédemment( № 9 ). Toutefois, on ne lira pas de lecture dans le livre, à
cause de la brièveté des nuits ; mais à la place des trois lectures ordinaires,
on en dira seulement une de l’Ancien Testament. Elle sera récitée par cœur, et
suivie d’un répons bref. Tout le reste s’accomplira comme il a été dit. On ne
chantera jamais moins de douze psaumes aux Vigiles de la nuit, sans compter les
psaumes trois et nonante-quatre[ Ps 3 ][ Ps 94 ].
11.
Comment célébrer les Vigiles le dimanche
106.Le dimanche, on se lèvera pour les
Vigiles plus tôt qu’à l’ordinaire. Dans ces Vigiles, voici la mesure que l’on
observera. Après avoir chanté, comme nous l’avons disposé( № 9 ), six psaumes
et le verset, tous assis avec ordre et à leur rang sur les bancs, on lira dans
le livre, de la manière qu’il a été dit, quatre lectures avec leurs répons.
C’est seulement au quatrième répons que le chantre dira le Gloria, et dès qu’il
le commencera, tous se lèveront aussitôt avec respect.
107.Après ces lectures, suivront dans
l’ordre du psautier six autres psaumes avec leurs antiennes, comme les
précédents, puis le verset. On lira ensuite quatre autres lectures avec leurs
répons, dans le même ordre que précédemment. Ces lectures seront suivies de
trois cantiques tirés des Prophètes, selon que l’Abbé les aura établis. Ces
cantiques seront chantés avec Alléluia. Le verset une fois dit, et l’Abbé ayant
donné la bénédiction, on lira quatre autres lectures du Nouveau Testament, dans
le même ordre.
108.Après le quatrième répons, l’Abbé
entonnera l’hymne Te Deum laudamus(hymne composée au début du 5e S., devenue
très populaire dans l’Église). Celle-ci terminée, l’Abbé lira la lecture de
l’Évangile, tandis que tous se tiendront debout avec respect et crainte. À la
fin, tous répondront Amen. Et aussitôt, l’Abbé entonnera l’hymne Te decet
laus(cette courte hymne est d’origine grecque), puis, la bénédiction donnée, on
commencera les Laudes.
109.Cet ordre pour les Vigiles du
dimanche sera suivi en toute saison, soit en été, soit en hiver, à moins que —
pourvu que non ! — les frères ne se lèvent trop tard, et qu’il ne faille
diminuer en quelque chose les lectures ou les répons. Que l’on mette toutefois
le plus grand soin pour que ce désordre n’arrive jamais. S’il avait lieu, celui
qui l’aura occasionné par sa négligence en donnera une satisfaction convenable
à Dieu dans l’oratoire.
12.
Comment célébrer l’office solennel des Laudes
110.Le dimanche, aux Laudes, on dira
d’abord sans antienne et d’un trait le psaume soixante-six ; ensuite le
cinquante avec Alléluia, puis le cent-dix-sept et le soixante-deux ; ensuite,
le cantique des Bénédictions(ce cantique est tiré du livre de Daniel)[ Dn 2,
57-88 ] et les psaumes de Laudes[ Ps 148 ][ Ps 149 ][ Ps 150 ], une lecture de
l’Apocalypse par cœur, puis le répons, l’hymne, le verset, le cantique de
l’Évangile(c’est-à-dire le cantique de Zacharie)[ Lc 1, 68-79 ], la litanie et
l’office est achevé.
13.
Comment célébrer les Laudes aux jours ordinaires
111.Les jours ordinaires, l’office des
Laudes se fera comme suit. On dira d’abord le psaume soixante-six sans
antienne, comme le dimanche et en traînant un peu, afin que tous arrivent pour
le psaume cinquante, lequel se dira avec antienne. Après ce psaume, on en dira
deux autres, selon l’usage, à savoir : le lundi, le cinquième et le
trente-cinquième ; le mardi, le quarante-deuxième et le cinquante-sixième ; le
mercredi, le soixante-troisième et le soixante-quatrième ; le jeudi, le
quatre-vingt-septième et le quatre-vingt-neuvième ; le vendredi, le
nonante-cinquième et le nonante-et-unième ; le samedi, le cent
quarante-deuxième avec le cantique du Deutéronome, que l’on divisera en deux
Gloria. Les autres jours, on dira un cantique tiré des Prophètes, chacun à son
jour, suivant l’ordre de la psalmodie dans l’Église romaine. Viendront ensuite
les psaumes de Laudes, puis la lecture de l’Apôtre à réciter par cœur, le
répons, l’hymne, le verset, le cantique de l’Évangile, la litanie, et l’office
est achevé.
112.L’office du matin comme celui du
soir ne doivent jamais se conclure sans que le supérieur dise, en tout dernier
lieu et de manière à être entendu de tous, l’Oraison dominicale, à cause des
épines de scandales qui ont coutume de se produire. Qu’ainsi, les frères, d’un
commun accord, engagés par les paroles de cette prière : Pardonne-nous, comme nous pardonnons[ Mt 6,
12 ] , soient à même de se purifier de cette sorte de faute. Aux autres
offices, on ne dira à haute voix que la dernière partie de cette Oraison, afin
que tous s’unissent pour répondre : Mais
délivre-nous du mal.[ Mt 6, 13 ]
14.
Comment célébrer les Vigiles aux fêtes des saints
113.Aux fêtes des saints et à toutes les
solennités, on fera l’office comme le dimanche ; excepté qu’on dira les psaumes,
antiennes et lectures propres au jour même. Pour le reste, on gardera la mesure
prescrite( № 11 ).
15.
Quand dire l’Alléluia
114.Depuis la sainte Pâques jusqu’à la
Pentecôte, on dira sans interruption l’Alléluia, tant aux psaumes qu’aux
répons. Depuis la Pentecôte jusqu’au commencement du Carême, on le dira toutes
les nuits aux six derniers psaumes des Nocturnes seulement. Tous les dimanches
en dehors du Carême, on dira avec Alléluia les Cantiques, Laudes, Prime,
Tierce, Sexte et None, tandis que les Vêpres se chanteront avec antienne. Quant
aux répons, ils ne se diront jamais avec Alléluia, si ce n’est de Pâques à la
Pentecôte.
16.
Comment célébrer les offices divins durant le jour
115.Le Prophète a dit : Sept fois le jour j’ai chanté tes
louanges.[ Ps 118, 164 ] Nous remplirons
aussi nous-mêmes ce nombre sacré de sept, si aux Laudes, Prime, Tierce, Sexte,
None, Vêpres et Complies, nous nous acquittons des devoirs de notre service.
Car c’est à ces heures du jour que s’applique la parole : J’ai célébré tes louanges sept fois le jour ,
comme c’est au sujet des Vigiles de la nuit que le même Prophète a dit : Au milieu de la nuit, je me levais pour te
louer.[ Ps 118, 62 ] Offrons donc à ces
Heures-là nos louanges à notre Créateur des jugements de sa justice :
c’est-à-dire aux Laudes, Prime, Tierce, Sexte, None, Vêpres, Complies ; et la
nuit, levons-nous pour le louer.
17.
Combien dire de psaumes à ces mêmes Heures
116.Nous avons réglé précédemment
l’ordre de la psalmodie pour les Vigiles et les Laudes : voyons maintenant ce
qui concerne les Heures qui suivent.
117.À Prime, on dira trois psaumes
séparément, et non sous un seul Gloria. L’hymne de cette Heure se dira après le
verset Dieu, viens à mon aide[ Ps 69,
2 ] , avant de commencer ces psaumes. Ceux-ci achevés, on récitera une lecture,
le verset, Kyrie eleison et le renvoi.
118.Les offices de Tierce, Sexte et None
se célébreront selon le même ordre : à savoir, le verset, l’hymne de ces
Heures, trois psaumes, une lecture, un verset, Kyrie eleison, puis le renvoi.
Si la communauté est assez nombreuse, les psaumes se diront avec antiennes ;
sinon on psalmodiera tout d’un trait.
119.À la réunion des Vêpres, l’office se
composera de quatre psaumes avec antiennes. Après ces psaumes, on récitera une
lecture ; puis un répons, l’hymne, le verset, le cantique de
l’Évangile(Magnificat), la litanie et l’Oraison dominicale(Notre Père), qui
constituera le renvoi.
120.À Complies, on récita trois psaumes
d’un trait direct et sans antienne. Ensuite, l’hymne de cette Heure, une
lecture, le verset, Kyrie eleison ; le renvoi se fera par la bénédiction.
18.
Dans quel ordre dire les psaumes
121.On dira le verset : Dieu, viens à mon aide ; Seigneur, à notre
secours ! [ Ps 69, 2 ], et le Gloria, puis l’hymne de chaque Heure(il s’agit
des petites Heures du jour).
122.Ensuite, à Prime, le dimanche, on
dira quatre sections du psaume cent dix-huit. À chacune des autres Heures,
c’est-à-dire à Tierce, Sexte et None, on dira trois autres sections du même
psaume.
123.À Prime, le lundi, on dira trois
psaumes, à savoir : le premier, le deuxième et le sixième ; et de même chaque
jour jusqu’au dimanche, on dira trois psaumes par ordre jusqu’au dix-neuvième,
de façon cependant que les psaumes neuf et dix-sept soient divisés en deux.
Ainsi fait, les Vigiles du dimanche commenceront toujours par le vingtième.
124.À Tierce, Sexte et None, le lundi,
les neuf sections qui restent du psaume cent dix-huit se diront trois par trois
à ces mêmes Heures. Le psaume cent dix-huit sera ainsi distribué entre deux
jours, à savoir le dimanche et le lundi.
125.Le mardi, on chantera trois par
trois à Tierce, à Sexte et à None, les psaumes allant du cent dix-neuvième
jusqu’au cent vingt-septième, c’est-à-dire neuf psaumes. Ces psaumes seront
ainsi répétés à ces mêmes Heures jusqu’au dimanche. Pour le reste, on gardera
chaque jour l’uniformité dans la disposition que nous avons établie quant aux
hymnes, aux lectures et aux versets ; et le dimanche on reprendra toujours au
psaume cent dix-huit.
126.Aux Vêpres, on chantera tous les
jours quatre psaumes. Ces psaumes seront pris à partir du cent neuvième
jusqu’au cent quarante-septième ; excepté ceux qui sont réservés pour d’autres
Heures, à savoir depuis le cent dix-septième jusqu’au cent vingt-septième, plus
le cent trente-troisième et le cent quarante-deuxième. Tous les autres se
diront aux Vêpres. Et comme il s’en trouve trois de moins dans le nombre
susdit, on divisera en deux les plus longs, à savoir : le cent trente-huit, le
cent quarante-trois et le cent quarante-quatre. Quant au cent seizième, on le
joindra au cent quinzième, à cause de sa brièveté.
127.L’ordre des psaumes de Vêpres ainsi
réglé, le reste — c’est-à-dire les lectures, répons, hymne, verset et cantique
— se dira comme nous l’avons indiqué plus haut.
128.À Complies, on répétera chaque jour
les mêmes psaumes, à savoir les psaumes quatre, nonante et cent trente-trois.
129.L’ordre de la psalmodie pour la
journée ainsi réglé, tous les autres psaumes qui restent seront uniformément
distribués entre les sept Vigiles de la semaine, afin que les plus longs soient
divisés en deux, et qu’il y en ait douze pour chaque nuit.
25 février, 26 juin & 26 octobre
130.Nous donnons toutefois cet avertissement
que si quelqu’un ne goûte pas cette distribution des psaumes, il demeure libre
de les disposer autrement, s’il le juge préférable. Cependant, qu’on fasse en
sorte, chaque semaine, de réciter intégralement le Psautier de cent cinquante
psaumes, et qu’on le reprenne par le commencement aux Vigiles du dimanche. En
effet, des moines qui, durant le cours d’une semaine diraient moins que le
Psautier avec les cantiques ordinaires feraient preuve de trop de lâcheté dans
le service de leur dévotion. Nos saints Pères, lisons-nous, remplissaient
chaque jour vaillamment cette tâche ; puissions-nous, dans notre tiédeur,
l’accomplir du moins en une semaine entière !
19.
L’attitude durant la psalmodie
26 février, 27 juin & 27 octobre
131.Nous croyons que la divine présence
est partout, et qu’en tout lieu les yeux du Seigneur considèrent les bons et
les méchants. Soyons-en donc plus fermement persuadés lorsque nous assistons à
l’office divin. Souvenons-nous sans cesse de ce que dit le Prophète : Servez le Seigneur dans la crainte.[ Ps 2,
11 ] Et encore : Psalmodiez avec sagesse.[ Ps 46, 8 ] Et :
Je te chanterai en présence des anges.[ Ps 137, 1 ] Considérons donc comment nous devons nous
tenir en présence de sa Divinité et de ses anges, et livrons-nous à la psalmodie
de telle manière que notre esprit soit d’accord avec notre voix.
20.
La révérence dans la prière
27 février, 28 juin & 28 octobre
132.Si, lorsque nous avons une requête à
présenter aux puissants de ce monde, nous n’osons le faire qu’avec humilité et respect,
combien plus devons-nous offrir nos supplications en toute humilité et avec une
pureté pleine de dévotion au Seigneur Dieu de l’univers ! Sachons bien que ce
n’est pas en multipliant les paroles que nous serons exaucés, mais par la
pureté du cœur et les larmes de la componction. La prière doit donc être brève
et pure, à moins que, par une inspiration de la grâce divine, nous ne nous
sentions portés à la prolonger(il s’agit ici d’une oraison personnelle,
distincte de la prière liturgique). Néanmoins, en communauté, la prière sera
très courte ; et sur le signal du supérieur, tous se lèveront en même temps.
21.
Les doyens du monastère
28 février, 29 juin & 29 octobre
133.Si la communauté est nombreuse, on
choisira en son sein des frères de bonne réputation et de sainte vie, et on les
établira doyens. Ils veilleront en tout sur leurs décanies(un groupe d’une
dizaine de moines), conformément aux préceptes de Dieu et aux ordres de leur
Abbé[ Ac 6, 3 ]. On choisira pour doyens ceux d’entre eux avec lesquels l’Abbé
puisse en toute sûreté partager son fardeau. Ils ne seront pas élus d’après
l’ordre d’ancienneté, mais d’après le mérite de leur vie et la sagesse de leur
doctrine.
134.Si, par hasard, l’un de ces doyens
mérite répréhension pour s’être enflé d’orgueil, on le réprimandera une
première, une seconde et une troisième fois. S’il ne veut pas s’amender, qu’on
le destitue, et qu’à sa place on en mette un autre qui en soit digne. Et nous
établissons qu’on agisse de même à l’égard du prieur.
22. Comment dormiront les moines
135.Ils dormiront chacun dans un lit à
part. La literie qu’ils recevront sera conforme au caractère de leur profession
et aux dispositions prises par leur Abbé. Si faire se peut, ils dormiront tous
dans un même lieu ; mais si le trop grand nombre ne le permet pas, ils
reposeront par dix ou vingt, avec des anciens qui veilleront sur eux. Une
lumière éclairera le dortoir sans interruption jusqu’au matin.
136.Ils dormiront vêtus, ceints d’une
ceinture ou d’une corde ; mais ils n’auront pas alors leurs couteaux au côté,
afin de ne pas se blesser en dormant.
137.Que les moines soient toujours
prêts, et qu’au signal donné ils se lèvent sans retard, empressés à se devancer
les uns les autres à l’Œuvre de Dieu, mais cependant en toute gravité et
modestie.
138.Les plus jeunes frères n’auront pas
leurs lits placés les uns près des autres, mais répartis entre ceux des
anciens.
139.En se levant pour l’Œuvre de Dieu,
ils s’encourageront doucement les uns les autres, afin qu’il ne reste pas
d’excuse aux dormeurs.
23.
L’excommunication pour les fautes
29 février, 30 juin & 30 octobre
140.S’il se rencontre un frère
opiniâtre, ou désobéissant, ou orgueilleux, qui murmure ou qui contrevienne à
quelque point de la sainte Règle et aux ordres de ses anciens, en témoignant
pour eux du mépris, ceux-ci l’avertiront en particulier une première et une
seconde fois, selon le précepte de notre Seigneur[ Mt 18, 15 ]. S’il ne
s’amende pas, qu’il soit réprimandé publiquement devant tous.
141.Si par ce moyen non plus il ne se
corrige pas, qu’il soit soumis à l’excommunication, pourvu toutefois qu’il
comprenne la gravité de cette peine. Mais s’il n’y a rien de bon à espérer de
lui, qu’on lui inflige une punition corporelle.
24.
Quelle doit être la mesure de l’excommunication
1er mars, 1er juillet & 31 octobre
142.La mesure de l’excommunication ou de
la punition doit être proportionnée à la gravité de la faute, et cette
appréciation des fautes dépendra du jugement de l’Abbé.
143.Si un frère est coupable de fautes
légères, sa peine consistera seulement à être privé de la participation à la
table commune. Or, voici comment sera traité qui sera exclu de la participation
à la table : à l’oratoire, il n’entonnera ni psaume ni antienne et ne récitera
pas de lecture, jusqu’à ce qu’il en ait donné satisfaction. Il prendra son
repas seul, après le repas des frères ; si, par exemple, les frères dînent à la
sixième heure, il dînera lui à la neuvième ; si les frères prennent leur repas
à la neuvième, il prendra le sien le soir, et cela jusqu’à ce qu’il ait obtenu
son pardon par une satisfaction convenable.
25.
Les fautes graves
144.Le frère coupable d’une faute grave sera exclu tout à la fois de la table et de l’oratoire. Aucun frère n’aura avec lui ni rapport ni entretien. Il sera seul au travail qui lui aura été assigné, demeurant dans le deuil de la pénitence, et se rappelant cette terrible sentence de l’Apôtre, déclarant qu’un tel homme a été livré à la mort la chair, afin que l’esprit soit sauvé au jour du Seigneur.[ 1 Co 5, 5 ]
145.Il prendra seul son repas, suivant
la mesure et à l’heure que l’Abbé aura jugées convenables. Personne ne le
bénira en passant, et la nourriture qu’on lui donne ne sera pas non plus bénie.
26.
Ceux qui se joignent sans permission aux excommuniés
146.Si un frère, sans la permission de
l’Abbé, ose se joindre, en quelque manière que ce soit, à un frère excommunié,
ou lui parler, ou lui confier quelque chose, il subira la même peine de
l’excommunication.
27.
Quelle sollicitude l’Abbé doit avoir à l’égard des excommuniés
2 mars, 2 juillet & 1er novembre
147.L’Abbé doit prendre soin en toute
sollicitude des frères qui ont failli ; car
ce ne sont pas les bien portants qui ont besoin du médecin, mais les
malades[ Mt 9, 12 ] . Il doit donc, comme un sage médecin, user de tous les
moyens. Il enverra des Sympectes(l’origine du mot senpecta est obscure, mais
pourrait dériver d'un terme grec évoquant un compagnon de fortune),
c’est-à-dire des frères anciens et sages qui, comme en secret, réconfortent ce
frère chancelant et l’engagent à donner une humble satisfaction. Qu’ils
l’empêchent, par la consolation qu’ils lui procurent, de se laisser absorber
par l’excès de la tristesse ; mais, comme dit l’Apôtre : Il faut que la charité redouble à son
égard[ 2 Co 2, 7-8 ] , et que tous prient pour lui.
3 mars, 3 juillet & 2 novembre
148.L’Abbé doit donc user en ses soins
de toute sorte d’adresse et d’habileté pour ne perdre aucune des brebis qui lui
sont confiées. Qu’il sache qu’il a reçu la charge de conduire des âmes faibles
et non d’exercer sur des âmes saines un pouvoir tyrannique. Qu’il redoute la
menace du Prophète, par lequel Dieu dit :
Vous preniez pour vous les brebis qui vous paraissaient les plus
grasses, et celles qui étaient chétives, vous les rejetiez.[ Ez 34, 3-4 ] Qu’il imite plutôt l’exemple de tendresse du
bon Pasteur qui, laissant sur les montagnes ses nonante-neuf brebis, s’en alla
à la recherche d’une seule qui s’était égarée ; et il compatit tellement à sa
faiblesse qu’il daigna la charger sur ses épaules sacrées et la rapporter ainsi
au troupeau[ Lc 15, 4-5 ].
28.
Ceux qui, malgré des corrections répétées, n’auront pas voulu s’amender
4 mars, 4 juillet & 3 novembre
149.Si un frère a été souvent repris
pour une faute quelconque, si l’on a été jusqu’à l’excommunier et qu’il ne se
soit pas amendé, il faudra lui infliger une correction plus rude, c’est-à-dire
le punir de coups de bâton. Si, par ce moyen, il ne se corrige pas encore, ou
si par hasard — pourvu que non ! — il s’enfle d’orgueil jusqu’à vouloir
défendre sa conduite, l’Abbé agira alors comme fait un sage médecin : employer
les cataplasmes, l’onguent des exhortations, la médication des divines
Écritures, et en dernier lieu la brûlure de l’excommunication ou la
meurtrissure des coups. S’il voit que toute son habileté est sans résultat, il
aura recours à quelque chose de plus efficace, sa prière et celle de tous les
frères pour lui, afin que le Seigneur, qui peut tout, rende la santé à ce frère
malade. Mais si ce moyen même n’opérait pas la guérison, que l’Abbé use alors
du fer qui retranche, suivant la parole de l’Apôtre : Ôtez le mal du milieu de vous.[ 1 Co 5,
13 ] Et encore : Si l’infidèle s’en va, qu’il s’en aille[ 1 Co
5, 17 ] , de peur qu’une seule brebis malade ne répande la contagion dans le
troupeau tout entier.
29.
Si l’on doit recevoir de nouveau les frères qui ont quitté le monastère
5 mars, 5 juillet & 4 novembre
150.Si un frère sort par sa propre faute
du monastère, et qu’il veuille y rentrer, il promettra d’abord de se corriger
entièrement du vice qui a été la cause de sa sortie. Alors, on le recevra au
dernier rang, afin d’éprouver par là son humilité. S’il sortait de nouveau, il
pourra être reçu jusqu’à trois fois. Après quoi, il saura désormais que toute
voie de retour lui est refusée.
30.
Comment corriger les jeunes
151.Chaque âge et chaque degré
d’intelligence demandent une règle de conduite particulière. Aussi, lorsque les
enfants ou les plus jeunes frères, ou ceux qui sont incapables de comprendre la
portée de la peine de l’excommunication, tomberont dans une faute, on leur
infligera des jeûnes prolongés, ou on les punira par de rudes coups de bâton,
afin qu’ils guérissent.
31.
Les qualités que doit avoir le cellérier du monastère
6 mars, 6 juillet & 5 novembre
152.On choisira pour cellérier du
monastère quelqu’un qui soit sage, d’un caractère mûr, sobre, ni gourmand, ni
hautain, ni turbulent, ni injuste, ni négligent, ni prodigue, mais rempli de la
crainte de Dieu, et qui soit comme un père pour toute la communauté.
153.Qu’il prenne soin de tout. Qu’il ne
fasse rien sans l’ordre de l’Abbé. Qu’il observe exactement ce qui est
commandé. Qu’il ne contriste pas les frères. Si un frère lui fait une demande
déraisonnable, qu’il ne lui fasse pas de peine en le rebutant avec mépris ;
mais qu’il refuse avec raison et avec humilité ce qu’on lui demande mal à
propos.
7 mars, 7 juillet & 6 novembre
154.Qu’il veille à la garde de son âme,
se souvenant toujours de cette parole de l’Apôtre : Celui qui aura bien administré, s’acquiert
ainsi un rang élevé.[ 1 Tm 3, 13 ]
155.Qu’il prenne un soin tout
particulier des malades, des enfants, des hôtes et des pauvres, sachant à n’en
pas douter qu’au jour du jugement il lui faudra rendre compte de sa conduite
envers eux tous.
156.Qu’il regarde tous les objets et
tous les biens du monastère comme les vases sacrés de l’autel. Qu’il ne néglige
rien. Qu’il ne soit ni avare, ni prodigue, ni dilapidateur du patrimoine du
monastère ; mais qu’il fasse tout avec mesure et conformément aux ordres de
l’Abbé.
8 mars, 8 juillet & 7 novembre
157.Avant tout, qu’il ait l’humilité, et
s’il ne peut accorder ce qu’on lui demande, qu’il donne du moins en réponse une
bonne parole, selon qu’il est écrit :
Une bonne parole est encore le meilleur des dons.[ Si 18, 16 ]
158.Qu’il prenne soin de tout ce que
l’Abbé lui aura confié, et qu’il ne se mêle pas de ce dont il lui aura défendu
de s’occuper. Qu’il donne aux frères la portion déterminée sans contrecœur ni
résistance, de peur que ceux-ci ne se scandalisent — se souvenant de la
punition dont la parole divine menace
quiconque aura scandalisé l’un des plus petits.[ Mt 18, 6 ]
159.Si la communauté est nombreuse, il
recevra des aides ; afin qu’avec leur secours il puisse remplir son office
l’âme en paix.
160.On donnera et on demandera aux
heures convenables ce qui doit être donné ou demandé, afin que personne ne soit
troublé ni contristé dans la maison de Dieu.
32.
Les outils et les objets du monastère
9 mars, 9 juillet & 8 novembre
161.L’Abbé chargera ceux des frères dont
la vie et les mœurs lui inspirent confiance de tout ce que le monastère possède
en outils, vêtements et autres objets. Il leur en confiera le soin particulier,
selon qu’il le jugera utile à leur entretien et à leur conservation. L’Abbé en
tiendra un inventaire pour savoir, lorsque les frères se succèdent tour à tour
dans ces charges, ce qu’il donne et ce qu’il reçoit.
162.Si quelqu’un traite avec malpropreté
ou négligence les choses appartenant au monastère, il sera réprimandé ; s’il ne
s’amende pas, il sera soumis à la discipline régulière.
33.
Si les moines doivent avoir quelque chose en propre
10 mars, 10 juillet & 9 novembre
163.Avant tout, il faut retrancher
radicalement du monastère ce vice de la propriété. Que personne ne se permette
de rien donner ou recevoir sans l’autorisation de l’Abbé, ni d’avoir quoi que
ce soit en propre, absolument aucune chose — ni livres, ni tablettes, ni stylet
pour écrire ; en un mot, rien du tout — , puisqu’il n’est pas même permis aux
moines d’avoir en propre ni leur corps, ni leurs volontés, mais qu’ils doivent
attendre du père du monastère tout ce qui leur est nécessaire. Qu’il ne leur
soit donc jamais licite d’avoir quelque chose que l’Abbé n’aurait pas donné ou
permis.
164.Que tout soit commun à tous, ainsi
qu’il est écrit[ Ac 4, 32 ] ; que personne n’ait la témérité de s’approprier
quoi que ce soit, pas même en paroles. Si quelqu’un devait se complaire en ce
vice détestable, on l’avertira une première et une seconde fois ; s’il ne
s’amende pas, il sera soumis à la correction.
34.
Si tous doivent recevoir également le nécessaire
11 mars, 11 juillet & 10 novembre
165.Comme il est écrit : On partageait à chacun selon ses besoins.[ Ac
4, 35 ] Nous n’entendons pas dire par là
qu’on soit partial envers personne — pourvu que non ! — mais qu’on ait égard
aux infirmités. Celui qui a besoin de moins, qu’il rende grâce à Dieu et ne
s’attriste pas ; faut-il à un autre davantage, qu’il s’humilie de sa faiblesse
et ne s’élève pas de la miséricorde qu’on a pour lui. Ainsi tous les membres
seront en paix.
166.Avant tout, que jamais n’apparaisse le vice du murmure, pour quelque raison que se soit, ni dans le moindre mot, ni dans un signe quelconque. Si quelqu’un y est surpris, qu’il soit soumis à une correction sévère.
35.
Les serviteurs de semaine de la cuisine
12 mars, 12 juillet & 11 novembre
167.Les frères se serviront
mutuellement. Personne ne sera dispensé du travail de la cuisine, si ce n’est
pour cause de maladie ou pour s’occuper d’affaires plus utiles. C’est par cet
exercice, en effet, qu’on acquiert plus de mérite et un accroissement de
charité. On donnera des aides à ceux qui sont faibles, afin qu’ils
n’accomplissent pas cette tâche avec tristesse. Tous auront ainsi des aides,
selon que le demandera l’état de la communauté ou la situation du lieu.
168.Si la communauté est nombreuse, le
cellérier sera dispensé de la cuisine, ainsi que ceux qui ont à travailler,
comme nous l’avons dit, à des occupations plus importantes ; tous les autres se
serviront mutuellement avec charité.
169.Celui qui sort de semaine fera le
samedi le nettoyage. Il lavera les linges avec lesquels les frères s’essuient
les mains et les pieds. Il lavera aussi les pieds à tous, aidé de celui qui
doit entrer en semaine. Il remettra au cellérier, propres et en bon état, les
objets de son service. Le cellérier les confiera à celui qui entre en semaine,
afin de savoir ce qu’il donne et ce qu’il reçoit.
13 mars, 13 juillet & 12 novembre
170.Une heure avant le repas, les
serviteurs de semaine recevront chacun, en plus de la portion ordinaire, un
coup à boire et un morceau de pain ; afin qu’au moment du repas ils puissent
servir leurs frères sans murmure et sans trop de fatigue. Mais aux jours des
solennités, ils attendront jusqu’après la Messe.
171.Ceux qui entrent en semaine et ceux
qui en sortent se prosterneront aux genoux de tous à l’oratoire, le dimanche
aussitôt après les Laudes, et demanderont que l’on prie pour eux. Celui qui
sort de semaine dira ce verset : Tu es
béni, Seigneur Dieu, toi qui m’aides et me consoles.[ Dn 3, 52 ][ Ps 85,
17 ] Après l’avoir dit trois fois, il
recevra la bénédiction. Celui qui entre en semaine dira ensuite : Dieu, viens me délivrer ; Seigneur, viens
vite à mon secours ![ Ps 69, 2 ] Et ce
verset ayant été aussi répété trois fois par tous, il recevra la bénédiction et
entrera en fonction.
36.
Les frères malades
14 mars, 14 juillet & 13 novembre
172.Avant tout et par-dessus tout, on
prendra soin des malades, et on les servira comme s’ils étaient le Christ en
personne ; car c’est lui-même qui a dit :
J’ai été malade et vous m’avez visité[ Mt 25, 36 ] , et encore : Ce que vous avez fait à l’un de ces petits,
c’est à moi que vous l’avez fait.[ Mt 25, 40 ]
173.Les malades considéreront de leur
côté que c’est pour l’honneur de Dieu qu’on les sert, et ils ne mécontenteront
pas par des exigences superflues leurs frères qui les servent. Et pourtant, il
faudrait les supporter avec patience, parce qu’on en retire une plus large
récompense. L’Abbé veillera donc avec le plus grand soin à ce qu’ils n’aient à
souffrir d’aucune négligence.
15 mars, 15 juillet & 14 novembre
174.On affectera aux frères malades un
logement à part, et pour les servir, un frère craignant Dieu, diligent et
soigneux.
175.On offrira aux malades l’usage des
bains toutes les fois qu’il sera expédient ; mais à ceux qui sont en bonne
santé, aux jeunes surtout, on l’accordera plus rarement.
176.On accordera même l’usage de la
viande aux malades qui sont tout à fait infirmes, afin qu’ils puissent refaire
leurs forces ; mais aussitôt qu’ils seront mieux portants, ils reprendront
l’abstinence accoutumée.
177.L’Abbé veillera avec la plus grande
sollicitude à ce que les cellériers et les servants ne négligent pas les
malades ; car il est responsable de toutes les fautes dans lesquelles
tomberaient ses disciples.
37.
Les vieillards et les enfants
16 mars, 16 juillet & 15 novembre
178.Bien que l’homme par nature soit
porté à la compassion envers les vieillards et les enfants, l’autorité de la
Règle doit néanmoins intervenir en leur faveur. On aura donc toujours égard à
leur faiblesse, et on ne les astreindra pas à la rigueur de la Règle pour ce
qui est de la nourriture ; mais on usera envers eux d’une tendre
condescendance, et ils pourront devancer les heures régulières des repas.
38.
Le lecteur de semaine
17 mars, 17 juillet & 16 novembre
179.La lecture ne doit jamais manquer à
la table des frères. Il ne faut pas que le premier venu s’empare du livre et le
lise; mais un lecteur entrera en fonction le dimanche pour une semaine entière.
Après la Messe et la Communion, il commencera par se recommander aux prières de
tous, afin que Dieu détourne de lui toute exaltation d’esprit. Et il dira ce
verset que tous répéteront trois fois après lui dans l’oratoire : Seigneur, ouvre mes lèvres, et ma bouche
annoncera ta louange.[ Ps 50, 17 ] Et
après avoir ainsi reçu la bénédiction, il entrera en fonction.
180.Qu’on observe à table un silence
absolu et qu’on n’y entende ni chuchotement ni parole, hormis la voix du
lecteur. Que les frères se servent mutuellement ce qui est nécessaire en
nourriture et boisson ; afin que personne n’ait besoin de rien demander. Si
toutefois il leur manque quelque chose, ils le demanderont par un signe
quelconque, plutôt que par la parole. Que personne ne se permette de poser
alors des questions sur la lecture, ou sur tout autre sujet, afin de ne pas
causer de trouble, à moins que le supérieur ne veuille dire quelque chose en
peu de mots pour l’édification.
181.Le frère en charge de la semaine
prendra le mixte(boisson faite de vin mêlé d'eau, suivant l'usage romain, et
servant probablement d’ablution au lecteur) avant de commencer la lecture, par
respect pour la sainte Communion et afin d’éviter que le jeûne ne lui soit
pénible à supporter. Il prendra ensuite son repas avec les serviteurs de
semaine de la cuisine.
182.Les frères ne liront ni ne chanteront à tour de rang, mais ceux-là seulement qui sont capables d’édifier les auditeurs.
39.
La mesure de la nourriture
18 mars, 18 juillet & 17 novembre
183.Nous croyons que deux mets cuits
doivent suffire à toutes les tables pour le repas quotidien, tant de la sixième
que de la neuvième heure, eu égard aux infirmités diverses. Ainsi, celui qui ne
pourrait pas manger d’un plat pourra se refaire avec l’autre. Deux mets cuits
devront donc suffire aux frères, et s’il y a moyen d’avoir des fruits ou des
légumes frais, on les ajoutera en troisième plat.
184.Une livre de pain(peut-être un kilo,
sachant que le pain constituait l’essentiel de la nourriture des moines), à bon
poids, suffira pour chaque jour, soit qu’on fasse un seul repas, soit qu’il y
ait dîner et souper. Si l’on doit souper, le cellérier mettra en réserve un
tiers de cette même livre pour y être servi.
185.Si l’on a un travail plus
considérable, il dépendra de la volonté et du pouvoir de l’Abbé d’ajouter
quelque chose, au cas où il le juge opportun et en évitant tout excès, afin que
le moine ne soit jamais surpris par l’indigestion. Rien n’est aussi contraire à
tout chrétien que l’excès de table, selon cette parole de notre Seigneur : Veillez à ce que vos cœurs ne
s’appesantissent pas sous l’excès.[ Luc 21, 34 ]
186.Quant aux plus jeunes enfants, on ne
leur servira pas la même quantité de nourriture, mais une moindre qu’aux plus
grands, gardant en tout la modération.
187.Tous absolument s’abstiendront de la
viande des quadrupèdes, excepté les malades très affaiblis.
40.
La mesure de la boisson
19 mars, 19 juillet & 18 novembre
188. Chacun a reçu de Dieu son don
propre : l’un celui-ci, l’autre celui-là.[ 1 Co 7, 7 ] Ce n’est donc pas sans quelque scrupule que
nous fixons aux autres la mesure de leur aliment. Néanmoins, ayant égard au
tempérament de ceux qui sont faibles, nous croyons qu’une hémine de vin suffit
à chacun pour la journée(elle équivalait probablement à un quart de litre). Que
ceux auxquels Dieu donne la force de s’en abstenir sachent qu’ils en recevront
une récompense particulière.
189.Si la situation du lieu, ou le
travail, ou les chaleurs de l’été demandent davantage, le supérieur en
décidera ; mais il veillera en tout à ne pas laisser aller jusqu’à la satiété
ou à l’ivresse.
190.Nous lisons, il est vrai, que le vin
ne convient aucunement aux moines ; mais comme on ne peut en persuader les
moines de notre temps, convenons du moins de n’en pas boire jusqu’à satiété,
mais avec modération, car le vin fait
apostasier même les sages.[ Si 19, 2 ]
191.Si les conditions du lieu ne permettent pas de se procurer cette mesure de vin, mais beaucoup moins, ou même rien du tout, les habitants de l’endroit béniront Dieu et se garderont de murmurer ; car c’est là l’avertissement que nous donnons avant tout, qu’on s’abstienne des murmures.
41.
À quelle heure les frères doivent prendre leur repas
192.Depuis la sainte Pâque jusqu’à la
Pentecôte, les frères dîneront à Sexte et souperont le soir(la sixième heure,
ou heure de Sexte, finit invariablement à midi). Durant tout l’été, à partir de
la Pentecôte, ils jeûneront le mercredi et le vendredi jusqu’à None, s’ils
n’ont pas de travaux dans les champs, ou si la chaleur excessive de l’été ne
les incommode pas. Les autres jours, ils dîneront à Sexte.
193.Cette heure de Sexte pour le dîner
devra être maintenue, si l’on a des travaux à la campagne ou si les chaleurs de
l’été sont trop fortes : le soin d’en décider appartiendra à l’Abbé. C’est à
lui de régler et disposer toute chose de telle sorte que les âmes se sauvent et
que les frères fassent leur tâche sans motif légitime de murmure.
194.Depuis la mi-septembre jusqu’au
commencement du Carême, ils prendront toujours leur repas à None.
195.Pendant le Carême jusqu’à Pâques,
ils mangeront après les Vêpres. On célébrera toutefois ces Vêpres assez tôt
pour qu’on n’ait pas besoin d’allumer une lampe pour le repas, mais que tout
puisse se terminer encore à la lumière du jour.
196.Et de même en tout temps, on réglera
l’heure soit du souper, soit du dîner, pour que tout se fasse dans la clarté.
42.
Que personne ne parle après Complies
197.Les moines doivent en tout temps
s’appliquer au silence, mais principalement durant les heures de la nuit. C’est
pourquoi, en toute saison, soit que l’on jeûne, soit que l’on dîne — si c’est
une période où il y a un dîner —, aussitôt après le souper, ils iront s’asseoir
tous ensemble, et l’un d’eux lira les Conférences ou les Vies des Pères(les Conférences
rapportent le séjour en Égypte de Jean Cassien et les Vies sont des biographies
célèbres de moines, dues à divers auteurs), ou du moins quelque chose qui
puisse édifier les auditeurs. On ne lira toutefois pas l’Heptateuque(les sept
premiers livres de la Bible : les cinq livres de la Loi ou Torah, auxquels sont
ajoutés les livres de Josué et des Juges), ni le Livre des Rois, parce qu’il ne
serait pas bon pour les esprits faibles d’entendre, à cette heure-là, cette
partie de l’Écriture. On la lira à d’autres heures.
198.Si c’est un jour de jeûne, une fois
les Vêpres dites, les frères se rendront promptement, après un court
intervalle, à la lecture des Conférences, comme nous venons de le dire. On lira
quatre ou cinq feuillets, ou autant que le temps le permettra, tandis que tous
accourent au rassemblement pendant la durée de cette lecture, y compris celui
qui serait encore occupé à la tâche qui lui a été assignée.
20 mars, 20 juillet & 19 novembre
199.Tous ainsi assemblés, on récitera
les Complies, et depuis la sortie de cet office, il ne sera plus permis de dire
quoi que ce soit à personne. Si quelqu’un enfreint cette règle du silence, il
sera soumis à une punition très sévère : excepté en cas de la réception des
hôtes ou si l’Abbé à un ordre à donner. Même alors, la chose se devra faire en
toute gravité, retenue et bienséance.
43.
Ceux qui arrivent en retard à l’Œuvre de Dieu ou à la table
21 mars, 21 juillet & 20 novembre
200.À l’heure de l’office divin, dès le
signal entendu, on laissera là tout ce qu’on a en mains, et on accourra en
toute hâte, avec gravité néanmoins, afin de ne pas alimenter la dissipation.
Que rien donc ne soit préféré à l’Œuvre de Dieu.
201.Si quelqu’un arrive aux Vigiles
nocturnes après le Gloria du psaume nonante-quatre — qui pour ce motif devra se
dire sur un rythme très lent et comme en traînant —, il ne prendra pas son rang
au chœur, mais se tiendra le dernier de tous, ou à la place à part que l’Abbé
aura attribuée aux négligents de cette sorte, afin d’être vu de lui et de toute
la communauté. Il y restera jusqu’à ce que, l’Œuvre de Dieu terminée, il fasse
pénitence par une satisfaction publique.
202.Si nous avons jugé bon de les placer
ainsi au dernier rang ou à l’écart, c’est afin que la honte qu’ils éprouveront d’être
exposés aux regards de tous serve à les corriger. Car s’ils restaient en dehors
de l’oratoire, tel irait peut-être se recoucher et dormir, ou s’asseoir dehors
et se livrer à des bavardages, offrant une occasion à l’esprit malin. Il vaut
donc mieux qu’ils entrent ; ainsi ils ne perdront pas tout, et pourront du
reste se corriger.
203.Aux Heures du jour, celui qui
arrivera à l’Œuvre de Dieu après le verset et le Gloria du premier psaume qui
suit ce verset, se tiendra à la dernière place, suivant la règle établie. Il ne
se permettra pas de se joindre au chœur des frères pour la psalmodie avant
d’avoir donné satisfaction, à moins que l’Abbé ne lui en donne la permission,
avec son pardon. Même dans ce cas, il devra encore en donner satisfaction.
204.À la table, celui qui n’arrivera pas
avant le verset, de façon que tous le disent ensemble avec la prière et se
mettent à table au même moment : si c’est par négligence ou par sa faute qu’il
n’est pas arrivé à temps, il sera repris pour cela jusqu’à deux fois. Si par la
suite il ne s’amende pas, on ne permettra pas qu’il participe à la table
commune, mais séparé de la compagnie de tous, il prendra seul son repas et sera
privé de sa portion de vin, jusqu’à ce qu’il ait donné satisfaction et se soit
corrigé. On traitera de la même manière celui qui ne sera pas présent au verset
que l’on dit après le repas.
205.Nul ne se permettra de manger ou de
boire quoi que ce soit, avant ou après l’heure fixée. Mais si le supérieur
offre quelque chose à un frère, et que celui-ci refuse de l’accepter, lorsqu’il
en viendra à désirer ce qu’il avait d’abord refusé, on ne le lui accordera pas,
ni toute autre chose, jusqu’à ce qu’il ait donné une satisfaction convenable.
44.
Ceux qui ont été excommuniés : comment ils doivent satisfaire
206.Celui qui, pour des fautes graves,
aura été excommunié de l’oratoire et de la table se tiendra prosterné devant la
porte de l’oratoire, à l’heure où l’on y célébrera l’Œuvre de Dieu. Il ne dira
rien, se contentant de demeurer étendu, la face contre terre, aux pieds de tous
ceux qui sortent de l’oratoire. Et il continuera de faire ainsi, jusqu’à ce que
l’Abbé juge qu’il a satisfait. Alors, sur l’ordre de l’Abbé, il viendra se
jeter à ses pieds et à ceux de tous les frères, afin qu’ils prient pour lui.
207.Et alors, si l’Abbé l’ordonne, il
sera reçu au chœur et au rang que l’Abbé aura déterminé. Cependant, il ne
pourra, sans un nouvel ordre de l’Abbé, ni entonner les psaumes dans
l’oratoire, ni réciter de lecture ou quoi que ce soit. Et à toutes les Heures,
au moment où se termine l’Œuvre de Dieu, il se prosternera à terre à la place
où il se trouve, et donnera ainsi satisfaction, jusqu’à ce que l’Abbé lui
ordonne de cesser désormais cette sorte de satisfaction.
208.Ceux qui, pour des fautes légères,
sont seulement excommuniés de la table, donneront satisfaction dans l’oratoire
aussi longtemps que l’Abbé l’aura ordonné. Ils continueront de faire ainsi,
jusqu’à ce que l’Abbé leur donne sa bénédiction et leur dise : Cela suffit.
45.
Ceux qui se trompent à l’oratoire
22 mars, 22 juillet & 21 novembre
209.Lorsque quelqu’un se trompe dans la
récitation d’un psaume, d’un répons, d’une antienne ou d’une lecture, s’il ne
s’en humilie pas sur place et devant tout le monde, en donnant satisfaction, il
sera soumis à une correction plus sévère ; cela pour n’avoir pas voulu corriger
par un acte d’humilité la faute qu’il a commise par sa négligence.
210.Les enfants, pour ces sortes de
fautes, seront frappés de coups de bâton.
46.
Ceux qui font des fautes en autre chose
23 mars, 23 juillet & 22 novembre
211.Lorsque quelqu’un, dans un travail à
la cuisine, au cellier, dans un atelier, à la boulangerie, au jardin, dans
l’exercice d’un métier, en quelque lieu que ce soit, fait une faute, brise ou
perd quelque chose, ou commet un délit quelconque, s’il ne vient pas aussitôt
de lui-même en donner satisfaction et s’en accuser devant l’Abbé et la
communauté, et qu’on vienne à le connaître par un autre, il sera soumis à une
correction plus sévère.
212.Mais s’il s’agit d’un péché secret
de l’âme, il s’en ouvrira seulement à l’Abbé ou aux anciens dotés d’esprit, qui
savent guérir leurs propres blessures et celles d’autrui sans les découvrir ni
les divulguer.
47.
Le signal pour indiquer l’heure de l’Œuvre de Dieu
24 mars, 24 juillet & 23 novembre
213.La charge d’annoncer l’heure de
l’Œuvre de Dieu, tant de jour que de nuit, incombera à l’Abbé(avec les moyens
de l’époque, il n’était pas facile de compter les heures, d’autant que leur
longueur variait d’un jour à l’autre). Il s’en chargera lui-même, ou la
confiera à un frère si ponctuel que tout s’accomplisse aux heures régulières.
214.Ceux qui en auront reçu l’ordre
entonneront, à leur rang après l’Abbé, les psaumes et les antiennes. Personne
n’aura la présomption de chanter ou de lire s’il ne peut remplir cette fonction
de manière à édifier ceux qui l’écoutent, mais le fera avec humilité, gravité
et crainte, et après en avoir reçu l’ordre de l’Abbé.
48.
Le travail manuel de chaque jour
25 mars, 25 juillet & 24 novembre
215.L’oisiveté est ennemie de l’âme. Les
frères doivent donc consacrer certaines heures au travail des mains et d’autres
à la lecture des choses divines. C’est pourquoi nous croyons devoir régler
comme il suit ce double partage de la journée(reprenant la tradition biblique,
la journée est découpée en douze heures de durée variable, de l'aube au
crépuscule – où la première heure correspond de nos jours à six heures du
matin).
216.De Pâques à la mi-septembre, les frères sortiront dès le matin pour s’employer aux travaux nécessaires, depuis la première heure jusque vers la quatrième. À partir de la quatrième heure jusque vers la sixième, ils vaqueront à la lecture.
217.Après la sixième heure, leur dîner
fini, ils se reposeront sur leurs lits dans un silence complet. Si quelqu’un
veut lire, qu’il lise tout bas de façon à ne pas incommoder les autres(les
anciens avaient coutume de lire, même en privé, à haute voix). None sera un peu
avancée au milieu de la huitième heure ; puis ils retourneront au travail
jusqu’aux Vêpres.
218.Si la nécessité ou la pauvreté
exigent que les frères s’occupent eux-mêmes des récoltes, qu’ils ne s’en
affligent pas ; car c’est alors qu’ils sont véritablement moines, vivant du
travail de leurs mains, comme nos Pères et les Apôtres. Que tout se fasse
cependant avec mesure, par égard pour les faibles.
219.De la mi-septembre au commencement
du Carême, ils vaqueront à la lecture jusqu’à la fin de la deuxième heure. La
deuxième heure passée, on dira Tierce ; après quoi tous s’occuperont au travail
qui leur aura été confié. Au premier coup de None, chacun quittera son ouvrage,
et ils se tiendront prêts pour le moment où l’on sonnera le second coup. Après
le repas, ils vaqueront à leurs lectures ou à l’étude des psaumes.
220.Durant le Carême, ils feront leurs
lectures depuis le matin jusqu’à la fin de la troisième heure, et ils
s’occuperont ensuite au travail qui leur aura été confié, jusqu’à la fin de la
dixième heure. En ces jours de Carême, chacun recevra un livre de la
bibliothèque(ce mot bibliotheca indique, au sens premier, qu’il s’agissait d’un
livre tiré de la Bible), qu’il lira dans l’ordre et en entier. Ces livres
seront distribués au début du Carême.
221.Qu’on ait soin avant tout de
désigner un ou deux anciens, qui circuleront dans le monastère aux heures où
les frères vaquent à la lecture, afin de voir s’il ne se rencontre pas par
hasard un frère porté à l’ennui qui, au lieu de s’appliquer à la lecture, se
livre à l’oisiveté ou au bavardage et qui ainsi, non seulement se nuit à
lui-même, mais encore dissipe les autres. Si un frère — pourvu que non ! — est
surpris en cette faute, on le reprendra jusqu’à deux fois. S’il ne s’amende
pas, qu’on le soumette à la correction régulière, de manière à inspirer de la
crainte aux autres.
222.Un frère ne se joindra pas à un
autre frère aux heures indues.
26 mars, 26 juillet & 25 novembre
223.Le dimanche, tous vaqueront à la
lecture, excepté ceux qui sont désignés pour les divers services. Si toutefois
quelqu’un était si négligent et paresseux qu’il ne voulût ou ne pût ni méditer,
ni lire, on lui assignera un ouvrage qu’il puisse faire, afin qu’il ne soit pas
oisif.
224.Quant aux frères infirmes ou
délicats, on leur assignera une occupation ou un métier qui les garde de
l’oisiveté, sans les accabler ni les porter à s’esquiver. Leur faiblesse devra
être prise en considération par l’Abbé.
49.
L’observance du Carême
27 mars, 27 juillet & 26 novembre
225. La vie d’un moine devrait être, en
tout temps, conforme à l’observance du Carême. Néanmoins, comme cette
perfection est le fait d’un petit nombre, nous recommandons aux frères de vivre
en toute pureté ces jours du Carême, et d’effacer en ces saints jours toutes
les négligences des autres temps. Nous le ferons dignement, si nous nous
préservons de toute sorte de vices, si nous nous appliquons à la prière avec
larmes, à la lecture, à la componction du cœur et à l’abstinence.
226.Donc, en ces jours, ajoutons quelque
chose à la tâche ordinaire de notre service : oraisons particulières,
abstinence de nourriture et de boisson. Ainsi, chacun offrira de sa propre
volonté à Dieu, dans la joie du Saint-Esprit, quelque chose au-dessus de la
mesure qui lui est prescrite, c’est-à-dire qu’il retranchera à son corps sur la
nourriture, la boisson, le sommeil, la conversation et la plaisanterie, et
qu’il attendra la sainte Pâque avec la joie du désir spirituel.
227.Néanmoins, chacun soumettra à son
Abbé ce qu’il veut offrir, et n’agira qu’avec sa prière et son agrément ; car
ce qui se fait sans la permission du père spirituel sera mis au compte de la
présomption et de la vaine gloire, et non du mérite. Que tout se fasse donc
avec l’assentiment de l’Abbé.
50.
Les frères qui travaillent loin de l’oratoire, ou qui sont en voyage
28 mars, 28 juillet & 27 novembre
228.Les frères qui travaillent au loin
et ne peuvent revenir à l’oratoire à l’Heure voulue — l’Abbé l’ayant jugé tel —
accompliront l’Œuvre de Dieu sur place et à genoux, avec la crainte due à la
Divinité.
229.De même, ceux qui sont conduits à
voyager ne laisseront pas passer les Heures prescrites, mais ils les diront en
particulier, comme ils pourront, et ne négligeront pas de s’acquitter du devoir
de leur service.
51.
Les frères qui vont en des lieux pas très éloignés
230.Le frère qui sort pour une affaire
quelconque et espère rentrer le jour même au monastère ne se permettra pas de
manger au dehors, même s’il est invité instamment par qui que ce soit — à moins
que l’Abbé ne l’ait peut-être autorisé. S’il agit autrement, qu’il soit
excommunié.
52.
L’oratoire du monastère
29 mars, 29 juillet & 28 novembre
231.L’oratoire sera ce que signifie son
nom. On n’y fera et on n’y déposera rien d’étranger à sa destination. L’Œuvre
de Dieu terminée, tous les frères sortiront dans un profond silence, et
maintiendront leur révérence envers Dieu ; afin qu’un frère qui veut y prier en
particulier n’en soit pas empêché par l’importunité d’autrui.
232.De même, si à un autre moment
quelqu’un veut prier avec plus de recueillement, qu’il entre simplement et
qu’il prie, non pas avec des éclats de voix, mais avec larmes et ferveur du
cœur. À qui ne se conduit pas ainsi, on ne permettra donc pas de demeurer dans
l’oratoire après l’Œuvre de Dieu, comme il a été dit, de peur que d’autres n’en
soient importunés.
53. La réception des hôtes
30 mars, 30 juillet & 29 novembre
233.Tous les hôtes qui arrivent seront
reçus comme le Christ, car lui-même dira un jour : J’ai demandé l’hospitalité et vous m’avez
reçu.[ Mt 25, 35 ] À tous on témoignera
l’honneur qui leur est dû, surtout aux proches dans la foi(l’expression
domesticis fidei désigne ceux qui font tout particulièrement partie de la
maison — domus — de l’Église, par exemple les clercs et les moines)[ Ga 6, 10 ]
et aux pèlerins.
234.Aussitôt donc qu’un hôte aura été
annoncé, le supérieur et les frères se hâteront à sa rencontre avec toutes les
marques de la charité. On priera d’abord ensemble, et ensuite on se donnera
mutuellement la paix. Ce baiser de paix ne se donnera qu’après la prière, pour
se garder de diaboliques illusions(allusion à certains récits rapportés dans
les Vies des moines d’Orient).
235.Dans la manière de saluer, on
témoignera à tous les hôtes une profonde humilité : devant ceux qui arriveront
ou partiront, on inclinera la tête, ou on se prosternera, le corps par terre,
adorant en eux le Christ même qu’on reçoit.
236.Les hôtes ainsi accueillis seront
conduits à la prière : après quoi le supérieur, ou un autre désigné par lui,
s’assiéra en leur compagnie. On lira en présence de l’hôte la divine
Écriture(lit. loi divine) pour son édification. Ensuite on le traitera avec
toute l’humanité possible.
237.Le supérieur rompra le jeûne à cause
de l’hôte, à moins que ce ne soit un des jours de jeûnes principaux qu’on ne
puisse enfreindre. Quant aux frères, ils observeront leurs jeûnes comme de
coutume.
238.L’Abbé versera de l’eau sur les
mains des hôtes ; lui même, avec la communauté entière, lavera les pieds à tous
les hôtes. Après quoi, ils diront ce verset :
Nous recevons, ô Dieu, ta miséricorde au milieu de ton temple.[ Ps 47,
10 ]
239.On montrera une sollicitude et un
soin tout particulier dans l’accueil des pauvres et des pèlerins, parce que
c’est surtout en leurs personnes qu’on reçoit le Christ. Pour les riches, en
effet, la crainte qu’ils inspirent porte d’elle-même à les honorer.
31 mars, 31 juillet & 20 novembre
240.La cuisine de l’Abbé et des hôtes
sera à part, afin que les frères ne soient pas troublés par les hôtes qui
arrivent à des heures incertaines, et ne manquent jamais au monastère.
241.Chaque année, deux frères capables
de bien remplir leur office entreront au service de cette cuisine. On leur
donnera, au besoin, des aides afin qu’ils servent sans murmure. Et quand, au
contraire, ils n’auront pas assez d’occupation, ils iront à l’ouvrage qu’on
leur commandera.
242.Et cette disposition vaut non
seulement pour eux, mais encore pour tous les offices du monastère : quand les
frères auront besoin d’aides, on leur en donnera ; et lorsqu’ils manqueront
d’occupation, qu’ils obéissent en faisant ce qui leur sera commandé.
1er avril, 1er août & 1er décembre
243.Quant au logement des hôtes, on en
confiera la charge à un frère dont l’âme soit remplie de la crainte de Dieu. Il
y aura des lits garnis en nombre suffisant, et on fera en sorte que la maison
de Dieu soit sagement administrée par des gens sages.
244.On n’abordera pas les hôtes, ni ne
leur parlera sans permission. Si on les rencontre ou les aperçoit, on les
saluera humblement, comme il a été dit, et après avoir demandé une bénédiction,
on passera outre en disant ne pas avoir la permission de s’entretenir avec un
hôte.
54.
Si un moine peut recevoir des lettres ou autre chose
2 avril, 2 août & 2 décembre
245.Il n’est pas permis à un moine, sans
l’autorisation de l’Abbé, de recevoir ni de ses parents, ni de qui que ce soit,
pas même de ses confrères, des lettres, des dons(lit. eulogies : aliments
bénits, médailles, reliques ou images qu’on s’offrait, surtout après l’Eucharistie,
en témoignage de communion à une même foi), ou de petits cadeaux, et pas plus
d’en donner.
246.Si ses parents lui envoient quelque
chose, il ne se permettra pas de le recevoir avant que l’Abbé en ait été
informé. Si l’Abbé permet qu’on reçoive l’objet, il dépendra de lui de choisir
à qui le donner ; et le frère à qui il était envoyé ne s’en attristera pas, de
peur de donner prise au diable[ Éph 4, 27 ][ 1 Tm 5, 14 ]. Celui qui oserait en
agir autrement sera soumis à la discipline régulière.
55.
Les vêtements et les chaussures des frères
3 avril, 3 août & 3 décembre
247.On donnera aux frères des vêtements
en rapport avec les conditions et la température des lieux qu’ils habitent,
puisqu’il leur en faut d’avantage dans les régions froides et moins dans les
pays chauds. L’Abbé doit prendre ceci en considération. Nous estimons toutefois
que, dans les endroits tempérés, une coule et une tunique suffisent pour chaque
moine, avec un scapulaire pour le travail(il s’agit très probablement des même vêtements
que portaient les paysans d’alors : la coule était un manteau à large capuchon
— cucullus —, la tunique une robe portée communément à Rome et serrée à la
taille par une ceinture, tandis que le scapulaire consistait en une longue
bande de tissus croisée sur la tunique pour la maintenir près du corps durant
le travail manuel). La coule sera velue en l’hiver, légère ou usagée en été. On
donnera aussi, pour couvrir les pieds, des sandales et des souliers(ces
sandales, sortes de bas faits d’étoffe assez résistante, enveloppaient les
pieds et étaient tenues par des lacets enroulés autour des jambes).
248.Les moines ne se mettront en peine
ni de la couleur ni de la grossièreté de ces divers objets(la couleur noire,
distinctive aujourd’hui des moines bénédictins, était considérée à l’époque
comme une marque de luxe), mais se contenteront de ce qu’on pourra trouver dans
le pays qu’ils habitent, ou se procurer à vil prix.
249.Quant à la mesure des habits, l’Abbé
veillera à ce qu’ils ne soient pas trop courts mais à la taille de chacun.
Quand on en recevra de neufs, on rendra toujours en même temps les vieux qui
seront déposés au vestiaire pour les pauvres. Il suffit, en effet, à un moine
d’avoir deux tuniques et deux coules, pour en changer la nuit et pour les faire
laver. Tout ce qui serait en plus est superflu et doit être retranché. Les
frères rendront également les chaussures et tout ce qui est usé, lorsqu’ils
recevront du neuf.
250.On donnera du vestiaire des caleçons à ceux qui doivent aller en voyage ; ils les restitueront à leur retour, après les avoir lavés. Les coules et les tuniques seront un peu meilleures que celles qu’ils portent d’habitude. Avant de se mettre en route, ils les recevront du vestiaire et les restitueront au retour.
4 avril, 4 août & 4 décembre
251.Comme garniture des lits, il suffira
d’une paillasse, d’un drap(lit. saie : manteau militaire en usage chez les
Romains et dont on se servait pour couvrir la paillasse), d’une couverture et
d’un oreiller. L’Abbé fera souvent la visite de ces lits, de crainte qu’il ne
s’y trouve un objet qu’on se serait approprié. Et celui chez qui l’on
découvrirait quelque chose qu’il n’ait reçu de l’Abbé, sera soumis à une très
rigoureuse correction.
252.Et pour que ce vice de la propriété
soit coupé jusqu’à la racine, l’Abbé donnera tout ce qui est nécessaire, à
savoir : une coule, une tunique, des sandales, des souliers, une ceinture, un
couteau, un stylet, une aiguille, un mouchoir, des tablettes — afin d’ôter
toute excuse tirée de la nécessité(il n’est pas fait mention d’un rasoir, car
les moines anciens considéraient le fait de se couper la barbe comme une injure
à l’œuvre du Créateur).
253.Cependant, l’Abbé doit toujours
prendre en considération cette sentence des Actes des Apôtres : On donnait à chacun selon ses besoins.[ Ac 4,
35 ] L’Abbé aura donc égard aux besoins
des faibles et non à la mauvaise volonté des envieux. Il se souviendra, en
toutes ses décisions, que Dieu lui en tiendra compte.
56.
La table de l’Abbé
254.L’Abbé prendra toujours ses repas
avec les hôtes et les pèlerins. Lorsque les hôtes seront moins nombreux, il
pourra appeler à sa table ceux des frères qu’il voudra. Il laissera néanmoins
toujours avec les frères un ou deux anciens, pour le maintien de la discipline.
57.
Les artisans du monastère
5 avril, 5 août & 5 décembre
255.S’il y a des artisans dans le
monastère, ceux-ci exerceront leur métier en toute humilité, si l’Abbé le
permet. Si l’un d’eux venait à s’enorgueillir de ce qu’il sait faire, parce
qu’il semble procurer un avantage au monastère, on lui retirera l’exercice de
son métier et il ne s’en occupera plus, à moins qu’il ne s’humilie et que
l’Abbé ne le lui commande .
6 avril, 6 août & 6 décembre
256.Si l’on doit vendre des ouvrages de
ces artisans, ceux par les mains desquels ces objets doivent passer se
garderont bien de commettre aucune fraude. Ils se souviendront toujours
d’Ananie et de Saphire(ce couple, après avoir vendu une propriété pour en faire
don à l’Église, décida de conserver — en la dissimulant — une partie de
l’argent ; ce qui leur fit perdre la vie en face des Apôtres)[ Ac 5, 1-11 ], de
peur que la mort que ceux-ci subirent dans leur corps ne les éprouve dans leur
âme, eux et tous ceux qui frauderaient avec les biens du monastère.
257.On veillera à ce que le mal de
l’avarice ne se glisse pas dans les prix. Au contraire, on vendra toujours un
peu moins cher que les séculiers, afin qu’en tout Dieu soit glorifié[ 1 P 4,
11 ].
58. La manière de recevoir les frères
7 avril, 7 août & 7 décembre
258.Lorsque quelqu’un se présente pour
embrasser la vie religieuse, on ne doit pas facilement lui accorder l’entrée ;
mais on fera ce que dit l’Apôtre :
Éprouvez les esprits pour voir s’ils sont de Dieu.[ 1 Jn 4, 1 ] Si un nouveau venu persévère à frapper à la
porte, et si après quatre ou cinq jours on reconnaît qu’il est patient à
supporter les rebuffades et les difficultés mises à son admission, et qu’il
persiste dans sa demande, on consentira à le faire entrer et à le loger
quelques jours à l’hôtellerie. Ensuite, il passera au logement des novices, où
ceux-ci méditent, mangent et dorment(c’est le noviciat : bâtiment ou quartier
du monastère dédié à la formation des jeunes moines).
8 avril, 8 août & 8 décembre
259.On désignera pour lui un ancien qui
soit apte à gagner les âmes et qui le surveillera avec le plus grand soin(ce
moine « doté d’esprit » porte communément le nom de maître des novices). Il
examinera avec sollicitude s’il cherche vraiment Dieu, s’il est attentif à
l’Œuvre de Dieu, à l’obéissance et aux humiliations. On lui fera connaître
toutes les choses dures et âpres par lesquelles on va à Dieu.
260.S’il promet de persévérer dans sa
stabilité, après deux mois, on lui lira cette Règle en entier(lit. par ordre),
puis on lui dira : Voici la loi sous
laquelle tu veux combattre. Si tu peux l’observer, entre ; mais si tu ne le
peux pas, tu es libre de te retirer.
S’il persiste, on le reconduira au noviciat, et l’on continuera de
l’éprouver en toute patience.
9 avril, 9 août & 9 décembre
261.Au bout de six mois, on lui lira
encore la Règle, afin qu’il sache bien à quoi il s’engage. S’il persévère,
après quatre autres mois, on lui lira à nouveau cette même Règle. Et si après
mûre délibération, il promet de la garder en tous points et d’observer tout ce
qui y est commandé, alors il sera reçu dans la communauté ; mais qu’il sache
aussi qu’en vertu de la loi portée par la Règle il ne lui sera plus permis de
quitter le monastère à partir de ce jour, ni de secouer le joug de cette Règle,
qu’après une aussi longue délibération il était à même de refuser ou
d’accepter.
10 avril, 10 août & 10 décembre
262.Avant d’être reçu, il promettra
devant tous, dans l’oratoire, stabilité, vie religieuse et obéissance, en
présence de Dieu et de ses Saints(ce sont les vœux monastiques : la stabilité
se rapporte à une communauté et à un lieu, qui lie pour la vie — sauf cas
exceptionnel — un moine à un monastère particulier ; et la vie religieuse
désigne une conversion aux mœurs du moine et à son mode de vie particulier) ;
afin que si un jour il faisait autrement, il serait condamné par Celui dont il
se serait joué.
263.Il fera de cette promesse une charte
au nom des Saints dont les reliques sont en ce lieu(cette demande écrite — ou
pétition — est présentée par le moine à la communauté lors d’une cérémonie de
profession monastique), et de l’Abbé présent. Il écrira cette charte de sa
propre main ; ou s’il est illettré, un autre prié par lui l’écrira. Le novice
lui-même la signera, puis il la placera de sa propre main sur l’autel.
Lorsqu’il l’y aura déposée, il entonnera aussitôt ce verset : Reçois-moi,
Seigneur, selon ta parole, et je vivrai ; et ne me confonds pas dans mon
attente[ Ps 118, 116 ]. Toute la communauté répétera trois fois ce verset, en y
ajoutant le Gloria. Le frère novice se prosternera ensuite aux pieds de chacun
des frères, leur demandant de prier pour lui. À dater de ce jour, on le tiendra
pour membre de la communauté.
11 avril, 11 août & 11 décembre
264.S’il possède quelques biens, il
devra préalablement ou les distribuer aux pauvres, ou les conférer par une
donation solennelle au monastère, sans rien se réserver du tout ; car il sait,
dès cet instant, ne plus même pouvoir disposer de son propre corps.
265.On le dépouillera donc
immédiatement, dans l’oratoire, des habits personnels dont il était vêtu, et on
le revêtira d’habits appartenant au monastère(il n’y avait donc de changement
d’habit qu’à la profession ; de là vient que celui-ci fut longtemps considéré
comme le symbole même de cet engagement : l’habit fait le moine). Les vêtements
qu’il aura quittés seront déposés au vestiaire, pour y être conservés, afin
que, si un jour, à l’instigation du diable, il se décidait — pourvu que non ! —
à sortir du monastère, on puisse alors lui ôter les habits du monastère, et le
chasser. On ne lui rendra pas néanmoins sa charte que l’Abbé a prise jadis sur
l’autel, mais on la gardera dans le monastère.
59.
Les fils de nobles ou de pauvres qui sont offerts
266.Lorsque quelqu’un de noble veut
offrir son fils à Dieu dans le monastère, si l’enfant est en bas âge, ses
parents feront eux-mêmes la demande écrite dont nous avons parlé( № 58 ). Ils
envelopperont cette charte et la main de l’enfant, avec l’oblation(l’offrande
du pain et du vin faite lors de l’Eucharistie), dans la nappe de l’autel, et
ils l’offriront ainsi.
267.Quant à leurs biens, ils promettront
sous serment, dans la charte qu’ils présentent, de ne jamais rien lui en
donner, et de ne lui fournir aucun moyen d’y avoir part, ni par eux-mêmes, ni
par une personne interposée, ni d’aucune autre manière ; ou bien, s’ils ne
veulent pas agir ainsi, et qu’ils veuillent cependant offrir quelque chose en
aumône au monastère pour leur mérite, ils en feront don à la communauté, s’en
réservant l’usufruit s’il leur plaît. Par ce moyen, on fermera toute issue, si
bien qu’il ne restera plus à l’enfant rien à en attendre, ce qui ne servirait —
pourvu que non ! — qu’à le tromper et à le perdre, ainsi que nous l’avons
appris par expérience.
268.Ceux qui sont plus pauvres agiront
de la même manière. Quant à ceux qui n’ont rien du tout, ils feront simplement
leur charte et offriront leur fils, avec l’oblation, en présence de témoins.
60.
Les prêtres qui voudraient se fixer dans le monastère
12 avril, 12 août & 12 décembre
269.Si un prêtre demande à être reçu
dans le monastère, on ne l’acceptera pas trop vite. Toutefois, s’il persiste
absolument dans sa demande, il faut qu’il sache qu’il sera tenu à toute la
discipline de la Règle, et qu’on n’en relâchera rien en sa faveur, afin qu’on
puisse lui dire, comme il est écrit :
Mon ami, dans quel dessein es-tu venu ?[ Mt 26, 50 ]
270.On lui accordera néanmoins de
prendre rang après l’Abbé, de donner les bénédictions et de célébrer la Messe,
si toutefois l’Abbé l’y autorise(il y avait alors très peu de moines ordonnés,
et l’Abbé lui-même n’était généralement pas prêtre). Sinon, il ne doit se
prévaloir de rien, sachant qu’il est soumis à la discipline régulière et qu’il
se doit de donner plutôt à tous des exemples d’humilité.
271.S’il vient à être question dans le monastère de charge à remplir ou d’affaire à traiter, il considérera comme sienne la place que lui a valu son entrée au monastère, et non celle qu’on lui a concédée par respect pour son sacerdoce.
272.Si un clerc, poussé par le même
désir, veut se joindre au monastère, on le placera dans un rang moyen, à
condition toutefois qu’il promette, lui aussi, d’observer la Règle et de garder
la stabilité.
61.
Comment recevoir les moines étrangers
13 avril, 13 août & 13 décembre
273.Si un moine étranger, venu de
contrées lointaines, se présente au monastère, s’il veut y séjourner comme
hôte, et se contente de la vie qu’on y mène, on le recevra aussi longtemps
qu’il le désire, pourvu qu’il ne trouble pas le monastère par ses exigences,
mais s’accommode simplement de ce qu’il trouve.
274.Si ce moine trouvait à reprendre ou
à remontrer quelque chose avec raison et dans l’humilité de la charité, l’Abbé
examinera avec prudence si ce ne serait pas pour cela même que le Seigneur l’a
envoyé.
275.Si, par la suite, il veut fixer sa
stabilité, on ne s’opposera pas à son dessein, d’autant plus qu’on a pu se
rendre compte de sa manière de vivre durant son séjour à l’hôtellerie.
14 avril, 14 août & 14 décembre
276.Mais si, pendant son séjour comme
hôte, on s’est aperçu qu’il est exigeant ou vicieux, non seulement on ne devra
pas l’adjoindre au corps du monastère ; mais on lui dira honnêtement de se
retirer, de peur que sa misère ne fasse du tort aux autres.
277.Si, au contraire, sa conduite ne lui
mérite pas d’être congédié, non seulement, s’il le demande, il faut l’admettre
dans la communauté, mais il faut lui conseiller de s’y fixer, afin que les
autres soient instruits par son exemple, et parce qu’en tout lieu on sert un
seul Seigneur, on combat sous un seul Roi. Si même l’Abbé l’en juge digne, il
pourra le placer à un rang un peu plus élevé que celui de son entrée.
278.Et ce n’est pas seulement à l’égard
d’un moine qu’on agira ainsi, mais aussi des prêtres et des clercs dont il a
été question( № 60 ) ; l’Abbé pourra les placer à un rang supérieur à celui de
leur entrée, s’il reconnaît que leur vie le mérite.
279.Mais que l’Abbé se garde bien de
recevoir à demeure un moine d’un autre monastère connu, sans le consentement de
son Abbé ou sans lettres de recommandation ; car il est écrit : Ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas
qu’on te fasse à toi-même.[ Tb 4, 15 ][ Mt 7, 12 ]
62.
Les prêtres du monastère
15 avril, 15 août & 15 décembre
280.Si l’Abbé désire faire ordonner un
prêtre ou un diacre pour son monastère, il choisira parmi les siens quelqu’un
qui soit digne des fonctions sacerdotales[ Si 45, 15-17 ]. Celui qui aura été
ordonné se gardera de l’exaltation et l’orgueil, n’entreprendra rien sans ordre
de l’Abbé, se sachant dès lors bien plus assujetti à la discipline régulière.
Il ne prendra pas prétexte de son sacerdoce pour oublier l’obéissance à la
Règle et sa discipline, mais se bonifiera de plus en plus en Dieu.
281.Quant au rang, il gardera toujours celui de son entrée au monastère, sauf lorsqu’il officie à l’autel, et si le choix de la communauté et la volonté de l’Abbé lui assignent une place plus élevée, à cause du mérite de sa vie. Même dans ce cas, il saura qu’il lui faut suivre la règle établie pour les doyens et les autres officiers. S’il refusait de s’y soumettre, qu’il soit considéré non comme prêtre, mais comme rebelle. Et si, après avoir été souvent réprimandé, il ne se corrige pas, on aura recours au témoignage de l’évêque. S’il ne s’amende pas encore par ce moyen, ses fautes devenant manifestes, on le chassera du monastère, au cas toutefois où son obstination soit telle qu’il ait refusé de se soumettre et d’obéir à la Règle.
63.
Le rang à garder dans la communauté
16 avril, 16 août & 16 décembre
282.Les frères garderont leur rang dans
le monastère selon la date de leur entrée en religion(c.-à-d. le temps de leur
conversion monastique), ou selon le mérite de leur vie et la décision de
l’Abbé. Celui-ci néanmoins ne troublera pas le troupeau qui lui est confié, ni
ne prendra de décision injuste, comme s’il exerçait un pouvoir arbitraire ;
mais il songera sans cesse au compte qu’il devra rendre à Dieu de toutes ses
décisions et de tous ses actes.
283.C’est donc selon le rang qu’il aura
établi, ou celui qui revient aux frères d’après leur ancienneté, qu’ils iront
au baiser de paix et à la communion, entonneront les psaumes et se tiendront au
chœur. Nulle part il ne sera tenu compte ou préjudice de l’âge dans l’ordre à
garder, car Samuel et Daniel, encore enfants, ont jugé des anciens[ 1 S 3 ][ Dn
13 ].
284.Donc, à l’exception de ceux que,
comme nous l’avons dit, l’Abbé aura promus plus haut pour des motifs
supérieurs, ou qu’il aura dégradés pour des raisons fondées, tous les autres
tiendront le rang de leur entrée en religion : en sorte que, par exemple, celui
qui sera venu au monastère à la seconde heure du jour, quel que soit son âge ou
sa dignité, se reconnaîtra puîné(c.-à-d. cadet) de celui qui est arrivé à la
première heure. Quant aux enfants, ils seront gardés dans la discipline en tout
et par tous.
17 avril, 17 août & 17 décembre
285.Les plus jeunes honoreront donc
leurs aînés, et les anciens auront de l’affection pour leurs cadets. En se
désignant mutuellement, il ne sera permis à personne d’appeler quelqu’un par
son seul nom, mais les anciens donneront aux plus jeunes le nom de Frères, et
les plus jeunes à leurs anciens celui de Nonni(cette appellation, aujourd’hui
désuette, est d’origine égyptienne) — terme qui exprime la révérence à un père.
286.L’Abbé étant regardé comme tenant la
place du Christ, on l’appellera Seigneur((lit. Dominus : équivalent du
français Monsieur , et attribué aux
religieux sous sa forme diminutive Dom )
et Abbé, non par prétention personnelle, mais par honneur et amour du Christ.
Qu’il y réfléchisse donc et se rende digne d’un tel honneur.
287.Où que les frères se rencontrent, le
plus jeune demandera la bénédiction à l’ancien. Si un ancien vient à passer, le
plus jeune se lèvera, lui fera place pour s’asseoir, et ne se permettra pas de
se rasseoir sans que son ancien ne lui en fasse signe, afin d’accomplir ce qui
est écrit : Prévenez-vous d’honneur les
uns les autres.[ Rm 12, 10 ]
288.Les petits enfants et les adolescents garderont avec ordre et discipline leur rang à l’oratoire et au réfectoire. Mais hors de là et en tout lieu, ils seront surveillés et maintenus dans la discipline, jusqu’à ce qu’ils aient atteint un âge raisonnable.
64.
L’institution de l’Abbé
18 avril, 18 août & 18 décembre
289.Dans l’institution de l’Abbé, on
tiendra pour règle constante d’établir celui qui aura été élu d’un commun
accord, selon la crainte de Dieu, par toute la communauté, ou seulement par une
partie de la communauté, même faible, mais au jugement plus sain. Pour
l’établir, on aura égard au mérite de la vie et à la sagesse de la doctrine,
lors même qu’il occuperait le dernier rang dans la communauté.
290.Si, par malheur, il arrivait que la
communauté tout entière élût à l’unanimité une personne complice de ses
dérèglements, lorsque ces désordres parviendront à la connaissance de l’évêque
au diocèse duquel appartient ce lieu, ou paraîtront clairs aux Abbés et aux
chrétiens du voisinage, ils empêcheront l’accord des méchants de prévaloir. Ils
pourvoieront eux-mêmes la maison de Dieu d’un intendant vraiment digne, sachant
qu’ils en recevront une bonne récompense, s’ils le font avec une intention pure
et par zèle de Dieu ; comme au contraire ils commettraient un péché s’ils
négligeaient d’intervenir.
19 avril, 19 août & 19 décembre
291.L’Abbé, une fois établi, pensera
sans cesse au fardeau qu’il a reçu, et à celui auquel il devra rendre compte de
son administration. Qu’il sache bien qu’il lui faut plutôt songer à être utile
qu’à être le maître. Il doit donc être docte dans la loi divine, afin de savoir
où puiser des choses anciennes et des choses nouvelles. Qu’il soit chaste,
sobre, miséricordieux ; qu’il fasse toujours prévaloir la miséricorde sur la
justice, afin d’obtenir pour lui-même un traitement semblable. Qu’il haïsse les
vices, mais qu’il aime les frères.
20 avril, 20 août & 20 décembre
292.Dans la correction même, qu’il
agisse avec prudence et sans excès, de crainte qu’en voulant trop racler la
rouille le vase ne se brise. Qu’il ait constamment devant les yeux sa propre
fragilité et qu’il se souvienne qu’il ne faut pas briser le roseau fléchi[ Is
42, 3 ]. Nous n’entendons pas dire par là qu’il puisse laisser les vices se
développer, mais qu’il les retranche avec prudence et charité, et selon qu’il
le jugera expédient à l’égard de chacun, ainsi que nous l’avons déjà dit :
qu’il s’efforce à se faire aimer plutôt qu’à se faire craindre.
21 avril, 21 août & 21 décembre
293.Qu’il ne soit ni turbulent, ni
inquiet ; qu’il ne soit ni excessif, ni opiniâtre ; qu’il ne soit ni jaloux, ni
trop soupçonneux ; autrement, il n’aura jamais de repos.
294.Qu’il soit prévoyant et circonspect
dans ses commandements ; et, qu’il s’agisse d’œuvrer aux choses de Dieu comme à
celles du monde, qu’il use de discernement et de modération, se rappelant la
discrétion du saint patriarche Jacob, qui disait : Si je fatigue mes troupeaux en les faisant
trop marcher, ils périront tous en un jour.[ Gn 33, 13 ]
295.Imitant cet exemple et autres semblables sur la discrétion, cette mère des vertus, qu’il tempère tellement toutes choses que les forts désirent faire davantage et que les faibles ne se dérobent pas.
296.Et surtout que l’Abbé conserve en
tous points la présente Règle, afin qu’après avoir bien administré, il entende
du Seigneur la parole adressée au bon serviteur qui avait distribué en temps
opportun le froment à ses compagnons :
Amen, je vous le déclare, il l’établira sur tous ses biens.[ Mt 24, 47 ]
65.
Le prieur du monastère
22 avril, 22 août & 22 décembre
297.Il arrive assez souvent que
rétablissement du prieur occasionne de graves scandales dans les monastères.
C’est ce qui arrive lorsque quelques-uns, enflés d’un méchant esprit d’orgueil,
et s’imaginant être de seconds Abbés, s’arrogent un pouvoir tyrannique,
entretiennent des scandales et causent des dissensions dans la communauté. Cela
se produit surtout dans ces lieux où le prieur est établi par le même évêque ou
par les mêmes Abbés qui ont institué l’Abbé.
298.On voit aisément combien cela est
absurde, puisque, dès le début de son établissement, on lui fournit matière à
s’enorgueillir, lui suggérant qu’il est soustrait au pouvoir de son Abbé. Toi aussi, se dira-t-il, tu as été établi par
ceux-là mêmes qui ont institué l’Abbé.
299.De là surgissent des jalousies, des
conflits, des détractions, des rivalités, des dissensions, des désordres : car,
lorsque l’Abbé et le prieur sont ainsi divisés de sentiment, il est impossible
que leurs âmes ne se trouvent pas en péril d’une telle discorde. De même, ceux qui
sont sous leur conduite, prenant parti pour l’un ou pour l’autre, vont à leur
perte. De ce péril sont responsables au premier chef ceux qui se sont faits les
auteurs d’un pareil dérèglement.
300.C’est pourquoi nous avons constaté
qu’il est avantageux, pour conserver la paix et la charité, que l’Abbé soit
l’unique arbitre de la façon de gouverner son monastère. Et si faire se peut,
comme nous l’avons déjà établi, que tout le service du monastère soit assuré
par des doyens, selon que l’Abbé l’aura disposé : la charge étant ainsi
partagée entre plusieurs, un seul n’aura pas à s’enorgueillir.
23 avril, 23 août & 23 décembre
301.Que si, cependant, le lieu le
requiert, ou si la communauté le demande pour de bonnes raisons et avec
humilité, et que l’Abbé juge à propos, il choisira qui il voudra après avoir
pris conseil des frères craignant Dieu, et l’établira lui-même pour prieur.
302.Ce prieur néanmoins devra exécuter
avec révérence ce qui lui aura été enjoint par son Abbé, sans rien faire qui
soit contraire à sa volonté ou à ses ordres. Car, plus il est élevé au-dessus
des autres, plus il doit soigneusement observer les préceptes de la Règle.
303.Que si ce prieur venait à être
reconnu vicieux, enflé d’orgueil, ou méprisant envers la sainte Règle, on l’en
reprendra jusqu’à quatre fois. S’il ne s’amende pas, on lui fera subir la
correction de la discipline régulière. Si par ces moyens il ne se corrigeait
pas encore, on le déposera de son rang de prieur et on mettra en sa place un
autre qui en soit digne. Que si, par la suite, il ne se montrait pas tranquille
et obéissant dans la communauté, on le chasserait du monastère.
304.Que l’Abbé toutefois songe qu’il doit rendre compte à Dieu de toutes ses décisions, de crainte que la flamme de l’envie ou de la jalousie ne vienne a brûler son âme.
66.
Les portiers du monastère
24 avril, 24 août & 24 décembre
305.On placera à la porte du monastère
un sage vieillard qui sache recevoir et rendre une réponse, et d’une maturité
qui le préserve de l’oisiveté.
306.Le portier doit avoir son logement
près de la porte, afin que ceux qui surviennent trouvent toujours quelqu’un
pour leur répondre. Et aussitôt qu’on aura frappé ou qu’un pauvre aura appelé,
il répondra Deo gratias , ou Benedicite . Puis, avec toute la mansuétude
qu’inspire la crainte de Dieu, il répondra en hâte avec toute la ferveur de la
charité.
307.Si le portier a besoin d’aide, on
lui adjoindra un frère plus jeune.
308.Le monastère doit, autant que
possible, être disposé de sorte que l’on y trouve tout le nécessaire : de
l’eau, un moulin, un jardin et des ateliers pour que l’on puisse y exercer les
divers métiers à l’intérieur même de la clôture. De la sorte les moines
n’auront aucune nécessité de courir au dehors, ce qui n’est pas du tout
avantageux pour leurs âmes.
309.Nous voulons que cette Règle soit
lue souvent en communauté, afin qu’aucun frères ne s’excuse sous prétexte
d’ignorance.
67.
Les frères que l’on envoie en voyage
25 avril, 25 août & 25 décembre
310.Les frères qui doivent aller en
voyage se recommanderont à la prière de tous les frères et de l’Abbé. Après la
dernière oraison de l’Œuvre de Dieu, on fera toujours mémoire de tous les
absents.
311.À leur retour de voyage et le jour
même de leur arrivée, les frères se prosterneront à terre dans l’oratoire à
toutes les Heures canoniales, quand s’achève l’Œuvre de Dieu. Ils demanderont
la prière de tous, à cause des fautes qu’ils auraient pu commettre en voyage,
en voyant quelque chose de mal, ou en entendant de vains discours.
312.Que personne ne se permette de
rapporter à un autre ce qu’il aurait vu ou entendu hors du monastère, car cela
produit de grands dégâts. Celui qui oserait le faire sera soumis à la
correction régulière. De même celui qui aurait osé sortir de l’enceinte du monastère,
ou aller n’importe où, ou faire n’importe quoi, même de peu d’importance, sans
l’autorisation de l’Abbé.
68.
Si l’on enjoint à un frère des choses impossibles
26 avril, 26 août & 26 décembre
313.S’il l’on enjoint à un frère des
choses difficiles ou impossibles, il recevra en toute mansuétude et obéissance
le commandement qui lui est fait.
314.Cependant, s’il voit que le poids du fardeau excède tout à fait la mesure de ses forces, il fera connaître avec patience et au moment opportun, à son supérieur, les raisons de son impuissance, ne témoignant ni orgueil, ni résistance, ni contradiction.
315.Que si, sa suggestion entendue, le
supérieur maintient l’ordre commandé, l’inférieur saura que la chose lui est
avantageuse, et il obéira dans la charité, confiant que Dieu lui viendra en
aide.
69.
Que nul dans le monastère ne se permette d’en défendre un autre
27 avril, 27 août & 27 décembre
316.Il faut prendre garde que personne
dans le monastère ne se permette, en aucune circonstance, de prendre la défense
d’un autre moine et de lui servir de protecteur, et cela, quel que soit le lien
de parenté qui les unisse. Les moines ne se le permettront d’aucune manière,
car il peut en résulter une très grave occasion de scandale. Si quelqu’un transgresse
cette défense, on le punira très sévèrement.
70.
Que nul ne se permette de frapper à tout propos
28 avril, 28 août & 28 décembre
317.Il faut éviter dans le monastère
tout sujet de présomption ; pour cela, nous statuons qu’il ne sera permis à
personne d’excommunier, ni de frapper l’un de ses frères, à moins qu’il n’en
ait reçu pouvoir de l’Abbé.
318.Ceux qui commettront des fautes
seront repris devant tout le monde, afin que les autres en éprouvent de la
crainte[ I Tim 5, 20 ]. Les enfants, jusqu’à l’âge de quinze ans, seront
maintenus dans la discipline et sous la garde de tous ; mais cela avec mesure
et intelligence. Si quelqu’un se permettait quoi que ce soit, sans l’ordre de
l’Abbé, contre ceux qui sont plus âgés, ou de s’emporter contre les enfants
sans discrétion, il sera soumis à la discipline régulière ; car il est
écrit : Ce que tu ne veux pas qu’on te
fasse, ne le fais pas à autrui.[ Tb 4, 16 ][ Mt 7, 12 ]
71.
Que les frères s’obéissent mutuellement
29 avril, 29 août & 29 décembre
319.Ce n’est pas seulement à l’Abbé que
tous doivent rendre le bien de l’obéissance : il faut encore que les frères
s’obéissent les uns aux autres, sachant que c’est par cette voie de
l’obéissance qu’ils iront à Dieu.
320.Plaçant avant tout les ordres de
l’Abbé et des responsables qu’il a établis — ordres auxquels nous ne permettons
pas de préférer ceux des particuliers — tous les jeunes obéiront pour le reste
à leurs anciens, en toute charité et empressement.
321.S’il se rencontre quelqu’un qui ait
l’esprit de constestation, il sera châtié.
322.Lorsqu’un frère est repris par
l’Abbé ou par supérieur quelconque, quand ce serait pour une cause même légère,
en n’importe quelle manière, s’il s’aperçoit que l’esprit de ce supérieur est
irrité contre lui, ou ému même légèrement, aussitôt et sans délai il se
prosternera par terre à ses pieds pour faire satisfaction et demeurera ainsi
jusqu’à ce que la bénédiction lui ait fait connaître que l’émotion est calmée.
Si quelqu’un, par mépris, refuse d’en agir ainsi, il subira une punition
corporelle, et s’il demeure opiniâtre, on le chassera du monastère.
72.
Le bon zèle que doivent avoir les moines
30 avril, 30 août & 30 décembre
323.Comme il y a un zèle mauvais et
amer, qui sépare de Dieu et conduit à l’enfer : de même il y a un bon zèle qui
sépare des vices, et conduit à Dieu et à la vie éternelle. Les moines
s’exerceront donc à ce zèle avec un très fervent amour :
324.Ils se préviendront d’honneur les
uns les autres[ Rm 12, 10 ] ; se supporteront avec une extrême patience dans
leurs infirmités, tant physiques que morales, et s’obéiront à l’envi.
325.Nul ne recherchera ce qu’il juge lui
être utile, mais plutôt ce qui l’est aux autres.
326.Ils s’accorderont une chaste charité
fraternelle ; craindront Dieu avec amour, et aimeront leur Abbé d’une charité
humble et sincère.
327.Ils ne préféreront absolument rien
au Christ, lequel daigne nous conduire tous ensemble à la vie éternelle !
73.
Toute la pratique de la justice n’est pas contenue dans cette Règle
1er mai, 31 août & 31 décembre
328.Nous avons écrit cette Règle, afin
qu’en l’observant dans les monastères nous fassions preuve d’une certaine
honnêteté de mœurs, ou du moins d’un commencement de vie religieuse. Pour celui
qui aspire à la vie parfaite, il y a les enseignements des saints Pères, dont
l’observation conduit l’homme au sommet de la perfection. Quelle est en effet
la page, quelle est la parole d’autorité divine dans le Premier et le Nouveau
Testament, qui ne soit une règle toute droite pour la conduite de notre vie ?
Ou encore, quel est le livre des saints Pères catholiques qui ne nous enseigne
le droit chemin pour parvenir à notre Créateur ? En outre, les Conférences des
Pères, leurs Institutions et leur Vies(il s’agit des traités de Jean Cassien,
et des vies des Pères du désert), comme aussi la Règle de notre père saint
Basile, que sont-elles pour les moines qui vivent et obéissent comme il faut,
sinon des instruments de vertus ?
329.Pour nous autres relâchés, médiocres
et négligents, il y a là de quoi rougir de confusion.
330.Qui que tu sois donc, qui te hâtes
vers la patrie céleste, accomplis, avec l’aide du Christ, cette ébauche de
Règle écrite pour des débutants. C'est alors aux sommets de doctrine et de
vertu évoqués plus haut que, sous la protection de Dieu, tu parviendras. Amen.
Frère Jérôme, de
l’abbaye de Maredsous