samedi 5 avril 2025

CHARLES IX à Troyes

 



La reine Catherine de Médicis, entreprend un voyage à travers la France, afin d’apaiser les esprits après les querelles religieuses entre catholiques et calvinistes.

Elle désire montrer à ses sujets le jeune monarque Charles IX, alors âgé de quatorze ans (venant donc d’atteindre sa majorité), accompagné de son frère, le duc d’Orléans, le futur Henri III, âgé de treize ans, et de sa sœur, la future reine Margot, qui a onze ans.

La cour arrive à Troyes, le 23 mars 1564.




Le corps constitué et les habitants vont au-devant du roi.

Selon un déguisement fort à la mode à l’époque, font partie du cortège, un grand nombre " de sauvages bien accoutrés ", les uns montés sur des ânes, les autres sur des boucs et sur des chèvres. Ils sont armés de flèches et de massues. Ensuite, vient une troupe de satyres armés d’arcs, de flèches, de casse-têtes, d’où pendent de petites boules garnies de pointes. Vient ensuite une compagnie richement vêtue de bourgeois et marchands portant la livrée du roi, puis le maire, les échevins et les conseillers, portant des robes de damas de soie mi-rouge, mi-bleue. Ils se mettent à genou, le maire présente au roi les clefs de la ville, et fait une harangue à laquelle le roi répond, puis ils remontent à cheval.

Chaque porte de la ville est décorée de groupes représentant Charlemagne, Minerve, la Victoire… avec des vers disant que les vertus du roi n’étaient pas moindres que celles du grand empereur.

La ville offre à la reine un présent de linge fin, à tous, les vins de la ville. Le présent fait au roi est un vase d’argent orné de figures, pesant 35 marcs, avec orfèvrerie et ciselure.

L’acte politique le plus important réalisé pendant ce séjour, est le traité passé entre le roi de France et la reine d’Angleterre.

La cour suit scrupuleusement les règles du carême : le roi, la veille des Rameaux, touche des scrofuleux, et, le jeudi saint, Charles IX et sa mère lavent les pieds de treize jeunes garçons et de treize jeunes filles pauvres.

Pour fêter ce deuxième traité de Troyes, de paix avec l’Angleterre, qui met fin à la longue querelle entre les deux pays, en rendant Calais et Le Havre à la France, des réjouissances sont organisées dans les jardins du palais des Comtes.

Une jeune fille, debout sur un char de triomphe, remet une bague au roi, tout en récitant un quatrain de Jean Passerat, il y a des joutes, un carrousel, une course dans le cloître Saint-Etienne, un feu d’artifice...

 Un historien contemporain signale que " Charles IX regarde dans le jardin de l’Evêché... les jeunes filles peu vêtues ".

Un autre déclare " qu’on voulut égayer le roi par un dernier spectacle. On le conduisit dans un jardin voisin de l’Evêché, où de jeunes personnes d’une grande beauté et entièrement nues, exécutaient des danses ! ".

Enfin, un troisième relate d’abord le séjour royal à Troyes, et signale qu’après Pâques "il ne fut plus question en cour que de jeux, festins, ébats et passe-temps, avec feux de joie, qui ont suivi la proclamation de la paix entre sa majesté et celle d’Elisabeth reine d’Angleterre... Depuis l’arrivée de la cour, la ville de Troyes se trouva grièvement affligée de peste... dont la reine mère fut bien avertie... Si est-ce que tout en un instant, elle résolut, contre l’opinion de la plupart des courtisans, de faire partir la cour. Etant le roi sur son départ, et déjà tout botté, on lui fit voir en un certain jardin de la maison épiscopale qui était proche d’icelle, une troupe de femmes, aussi peu honnêtes, que celles qui publiquement font marchandise de leur corps, pensionnaires des prêtres et chanoines, lesquelles d’une impudence et façon effrontée, familières à telles gens, chantaient des chansons vilaines et impudiques, sautaient et jouaient à la pet en gueule, se culbutant l’une l’autre, et découvrant parfois, en ce faisant, leur vergogne, devant les yeux de sa majesté, qui était assisté d’un côté du Cardinal Charles de Bourbon, et de l’autre de celui de Guise (Louis). Et après avoir repu les yeux de la tendre jeunesse du roi de cette effrontée et impudique contenance, la reine sa mère le fit monter à cheval, le dimanche seizième jour d’avril... "

Le jeu de pet-en-gueule, très en honneur vers la fin du XVI° siècle, " consiste simplement à faire une sorte de roue animée formée par l’entrelacement de deux joueurs. Il est plus badin que violent lorsque l’on a les reins souples, et s’il y a quelque chose à craindre pour les joueurs, c’est quelque mauvais vent, dont il est difficile de se garantir ..."

Au moment du départ de la cour de Troyes, " la reine mère laissa à sa partance les mesures des hauteurs du roi, de Monsieur son frère, et de Madame Marguerite sa sœur, engravées en la jambe d’une cheminée de l’une des chambres de la maison épiscopale, avec cette inscription : Charles neuvième, Alexandre (Henri), duc d’Orléans, Marguerite, fille du roi Henry second et sœur du roi Charles neuvième, furent mesurés par leur mère, à son appartement de cette ville, après avoir fait la paix avec l’Anglais, et mis le royaume en repos ".

 

Dépenses du roi Charles IX à Troyes




Je vous reproduis ci-dessous, textuellement, l’état des dépenses faites par Charles IX, le 8 avril 1564, lors de son séjour à Troyes, retrouvé sur un parchemin scellé et signé par le maître d’hôtel du roi,

Ce récit est d’un certain intérêt, il nous fournit, d’abord, le détail du menu de la table royale un jour maigre, et nous permet ensuite de pouvoir comparer approximativement la valeur des objets de consommation de l’année 1564, avec ceux de 1859 (que nous avons par ailleurs). A l’exception cependant du pain et du vin, dont le poids de l’un et la mesure de l’autre ne sont pas indiqués. On verra que, pour un roi de France, la somme de 13 f 92 de vin est on ne peut plus modeste, et encore il est supposable que sa majesté avait une nombreuse compagnie à sa table, témoins les 14 douzaines de pains qui sont affectés à la table royale.

Par contre, le personnel qui accompagne le roi consomme pour 265 f de vin, somme assez ronde pour une seule journée. Du reste, un personnel qui consomme pour 73 f 94 de pain et 265 f de vin, doit être nombreux, car admettant que chaque personne ait absorbé 1 kg de pain, en le mettant en rapport avec la valeur des autres objets de consommation, nous pourrions admettre que 150 personnes au moins accompagnaient le roi.

Le pain était une des denrées alimentaires la moins chère : les 28 douzaines + 8 pains qui figurent sur l’état, montrent que chaque pain était de 2 livres et aurait coûté environ 22 c le kg. Le pain royal revient à 37 c la douzaine. La table royale ne se compose que de poissons, mais de 9 sortes. Le poisson de mer n’est pas plus cher que celui d’eau douce, ce qui est surprenant, car à cette époque, l’éloignement, le manque de moyens de communications, devaient le rendre rare et cher. Comparativement, le poisson d’eau douce est d’un prix très élevé, et cela dans un pays très poissonneux. A cette époque, le poisson, le sel et le vin étaient du nombre des denrées les plus chères, cependant, la truite de la Laigne, celle de la Haute-Seine, étaient en très grande réputation. 20 années plus tard, nous voyons Henri IV savourer les pâtés de truites qu’il arrosait de ce bon petit vin d’Avirey que lui envoyait le maréchal de Praslin, et qu’il aimait tant. La côte du Val des Riceys, près d’Aviray, fournissait un vin très renommé, qui a figuré longtemps sur les tables royales.

Si de la table royale, nous passons à celle du commun, nous y trouvons 1 brochet à un prix supérieur à celui acheté pour le roi. Chose remarquable, le poisson destiné à la table de Charles IX est infiniment meilleur marché que celui du commun. Le beurre est d’un prix fort élevé, les œufs, les chandelles sont les prix du marché. Un arrêt du Parlement de 1565 fixe à 3 sous tournois la livre de chandelle faite avec du suif de bœuf, à 3 s 6 d celle qui était faite avec du suif de mouton. Or, le premier revenait à 4 f 54 et le second à 4 f 79. Les prix avaient sensiblement changé dans l’espace d’une année. Le boucher vendait les jours maigres, un certain poisson blanc, du beurre et des œufs, comme le fruitier vendait de la cire blanche et jaune, qui servait pour l’éclairage.

En général, tous les objets de consommation détaillés dans cet état de dépenses sont d’un prix aussi élevé que ceux de 300 ans plus tard ! La somme de 154 livres 6 sous 11 deniers, dépensée par le roi et sa suite, formerait un total de 4.567 f 40 de la monnaie 300 ans plus tard, chiffre peu élevé pour la journée d’un roi en voyage et accompagné de plus de 100 personnes.

Vous trouverez ci-dessous cet état des dépenses, avec en regard, la valeur approximative de la monnaie de 1859. 

 












Henri II à Troyes / Henri IV à Troyes

 


C’est sous le règne de Henri II que la ville de Troyes atteint son apogée : on élève des églises, on les restaure, on les décore de vitraux et de statues, on construit des hôtels en pierre et des maisons en bois décorées de sculptures…

Toute une pléiade de peintres et de sculpteurs, qu’on appelle alors des tailleurs d’image, est occupée à ces travaux.

L’italien Dominique Florentin célèbre à la fois comme peintre, sculpteur, architecte et graveur, s’est fixé à Troyes, et c’est à lui que l’échevinage demande " de conduire les ouvrages " pour l’entrée de Henri II : 6 échafauds sur le parcours du cortège, une fontaine décorée par 3 vertus, devant l’hôtel de ville, une porte de triomphe, ornée de 12 colonnes à chapiteaux sculptés sur l’Etape-au-Vin (Place Audiffred)…

On va rechercher le preux Hector et Atlas rangés dans une grange après la visite du dernier roi, mais ils sont en très mauvais état, et il faut " les raccoutrer ".

On construit un cheval, un Pégase, qui doit figurer sur un échafaud en face de l’hôtel de la Cloche.

François Gentil, notre artiste au grand talent, est chargé de réaliser le modèle du présent que l’on doit donner au roi.

Les rues sont garnies de lierre, d’écussons, d’inscriptions placées sur des tableaux. On y voit l’arbre des 12 pairs, accompagnés de leur écussons, un jardin rempli de bergers, au milieu desquels se trouve le dieu Pan, et trois mannequins de bois représentant les enfants de Henri II et de Catherine de Médicis : François (qui deviendra François II), Elisabeth (qui épousera Philippe II roi d’Espagne), et Claude (qui devint duchesse de Lorraine). Tous trois sont habillés et coiffés, afin " que l’illusion fût plus complète ".

Enfin, un engin est installé, qui doit faire descendre du haut de la porte du Beffroi, la belle fille chargée d’offrir au roi et à la reine un lis d’argent et un cœur d’or.

Henri II, arrive à Troyes le 9 mai 1548 (il y reste jusqu’au 14), accompagné de sa femme et d’un brillant cortège : Marguerite de France, sœur du roi, le connétable de Montmorency, les ducs de Nevers, de Guise et d’Aumale, les maréchaux de Saint-André et de la Mark, les cardinaux de Lorraine, de Guise et de Chatillon, Madame la grande maréchale Diane de Poitiers.

 Le roi est précédé et suivi de cinq compagnies d’archers de sa garde, de compagnies de suisses attachées à sa personne et à celle de la reine, de son trompette, des joueurs de fifre et de tambour, d’archers, du héraut d’armes, des huissiers, des chambellans… enfin, de la foule des laquais du roi et de la reine.

Le roi est sous un dais de velours rouge et violet brodé d’or de Chypre et d’argent.

Selon l’usage, les magistrats municipaux les attendent, habillés de neuf, avec des robes de velours rouge et violet, précédés de leurs sergents également habillés de neuf. Ils sont accompagnés de 4.000 hommes des compagnies bourgeoises avec leurs bannières. Selon l’usage, " on costume et travestit à la moresque une compagnie de gens de pratique et le prince des sots avec ses suppôts est travesti en sauvage. " Cette double mascarade plut au roi qui " prit un plaisir extrême à en voir les ébats."

Tous les enfants sur les échafauds, richement vêtus des couleurs du roi et de la reine, les uns en noir et blanc, les autres en blanc et vert, crient " Vive le Roi ! "

Les chanoines de Saint-Urbain, en surplis et en chapes se tiennent sous le portail de leur église, et le chapitre de la cathédrale, devant le portail.

L’affluence du peuple est immense, le succès de l’entrée est tel que les courtisans la déclarèrent " triomphante et magnifique, et qu’elle fut mise par eux comme la plus belle de toutes les villes de France. "

On interdit de sonner les cloches de Saint-Pierre, la maréchale de Saint-André étant malade et logée chez un chanoine sous l’horloge de la cathédrale.

Comme toujours, la ville prodigue les présents de vin aux grands seigneurs, les dons en argent aux archers, aux valets, à certains officiers du roi et de la reine. Elle fait offrir des corbeilles de gâteaux aux seigneurs qui passent devant l’hôtel de ville à leur entrée…

Du souvenir du passage de Henri II, il reste un souvenir : dans le fronton du portail latéral septentrional de l’église Saint-Nizier, est sculptée l’initiale de son nom, surmontée d’une couronne. Dans la frise, sont également sculptés 3 H.

En mai 1549, craignant que l’empereur Charles-Quint ne vienne troubler son royaume, Henri II revient à Troyes avec toute sa cour, car notre ville lui parait la plus importante pour sa sécurité.

 

HENRI IV




De toutes les entrées de souverains qui ont eu lieu à Troyes, celle de Henri IV est celle qui a laissé le plus de souvenirs.

Elle ne doit pas sa notoriété à la nouveauté, l’éclat, la magnificence des fêtes que l’échevinage donne à cette occasion. Elle le doit surtout aux vitraux où le dernier des grands peintres-verriers de Troyes, Linard Gonthier, a tracé, d’un pinceau agile et brillant, les principaux épisodes du passage à Troyes du premier roi de la dynastie des Bourbons.

Linard Gonthier peint, pour la compagnie des arquebusiers, quatre panneaux sur lesquels il retrace ces épisodes, et que l’on peut admirer dans la grande salle de l’ancienne bibliothèque, rue du Musée.

Le séjour de Henri IV à Troyes le 30 mai 1595, n’a pas le caractère solennel et joyeux des séjours que Charles VIII, Louis XII, Henri II et Charles IX y firent.

Le roi de Navarre n’est pas encore entièrement maître du royaume de France, et c’est en allant poursuivre les Espagnols en Bourgogne (où il les bat), que Henri IV traverse Troyes.

Prévenu de cette visite, le maire décide de préparer au roi une entrée convenable, malgré l’endettement de la ville de plus de 80.000 écus.

2.000 écus sont nécessaires pour en couvrir les dépenses, et le maire et les échevins sont obligés d’avancer une partie des fonds, de faire appel à la générosité des habitants et de s’engager à rembourser au bout de 6 mois, les sommes qu’on voudrait bien leur prêter.

On fait nettoyer les rues et les abords de la ville, on fait enlever les immondices qui se trouvent dans les rues où le roi doit passer…

On fait élever 8 échafauds sur le parcours, de la porte du beffroi à l’évêché, avec des écussons, des guirlandes, des chapeaux de triomphe…

Des filles et garçons, de 5 à 10 ans " proprement habillés et bien ajustés " sont placés sur les échafauds, avec mission de crier " Vive le roi " aussitôt qu’il paraîtra…

Sur d’autres échafauds, il y a les chantres, musiciens, symphonistes, ménétriers, joueurs de viole et d’autres instruments…

Grâce au vitrail de Linard Gonthier, nous pouvons reconstituer cette visite.

Le 30 mai, le roi arrive revêtu de sa cuirasse, il tient de sa main droite son bâton de commandement et porte son chapeau ombragé de plumes bleues et blanches, il est sur son cheval blanc caparaçonné de bleu.

La porte du Beffroi, par laquelle tous les rois sont entrés à Troyes au XVI° siècle, est précédée de deux ponts-levis et flanquée de deux grosses tours.

Au-dessus du porche sont peintes en couleurs, rehaussées d’or, les armes de la ville, soutenues par deux anges.

Le maire et les échevins, suivant l’usage, mettent un genou en terre devant le roi, et le maire lui présente les clés de la ville.

De toutes parts, le peuple se presse pour voir le roi, montant même sur les toits !

Place de l’hôtel de ville, s’élève un arc de triomphe orné de statues dorées…

Quatre canons font entendre leurs salves…

Une jeune fille, sur un char traîné par deux chevaux blancs, s’avance vers le roi et lui offre un cœur d’or fleurdelisé.

Le roi se rend à la cathédrale où il est reçu par l’évêque, qui a été son confesseur et est son grand aumônier.

Henri IV prend place dans l’oratoire qui lui a été dressé dans le chœur.

Ses armes sont peintes sur une toile semée de fleurs de lys.

Agenouillé, le roi entend le Te Deum, puis il se dirige vers l’évêché où des appartements lu ont été préparés.

Henri IV est satisfait de recueillir les témoignages de fidélité d’une grande ville qui vient de se rallier à sa cause.

Il est suivi de 1.500 hommes d’armes, et se dirige, dès le 31 mai, vers Dijon. En effet, son départ est précipité, en raison d’heureuses nouvelles reçues, Dijon s’étant déclaré en sa faveur.

Il n’a même pas eu le temps de demander aux habitants de Troyes, l’argent dont il a besoin. Mais dès le lendemain de son départ, le bailli de Troyes réunit le corps de ville et les plus notables bourgeois pour leur demander de prêter au roi une somme de 20.000 écus. Les habitants en offrent 10.000, et le maire est chargé de répartir à titre d’emprunt forcé, le solde, sur les " aysés " de la ville.

Le séjour rapide de Henri IV à Troyes prend une importance qu’il n’a pas eu à son origine, quand les arquebusiers recommandent à Linard Gonthier d’en faire le sujet de ses peintures. Ils veulent ainsi attester leur fidélité au roi Louis XIII, en exaltant le fondateur de sa dynastie.

 

Entrée de Henri IV à Troyes en 1629, par , Linard Gonthier, Cité du vitrail de Troyes


L’accueil des échevins en 1629 par Linard Gonthier, Cité du Vitrail, Troyes


Accueil à l’hôtel de ville, 1629 par Linard Gonthier, Cité du Vitrail, Troyes


Accueil à la Cathédrale st Pierre et st Paul de Troyes, 1629 par Linard Gonthier, Cité du Vitrail, Troyes



Louis XII à Troyes

 


Louis XII proclamé Père du peuple lors des Etats-Généraux de 1506

Les fêtes données par la Ville au XVIe siècle pour honorer l’entrée des rois de France ont eu un incontestable éclat. Elles témoignent de l’accroissement de leur pouvoir et du respect qu’il inspire.

Le 21 juillet 1500, le trompette de l’échevinage appelle les habitants. Le sergent crieur l’accompagne. De toutes parts, les passants accourent : il est annoncé la convocation immédiate d’une assemblée des habitants, pour entendre la lecture d’une lettre de Louis XII que les fourriers viennent d’apporter. Tous les chefs de famille, soit nobles, soit artisans, le bailli, le maire et les échevins, tous les notables, entourés d’environ 500 habitants, s’empressent de se rendre au couvent des Jacobins, pour apprendre que Louis XII annonce sa prochaine arrivée. Il attend des ambassadeurs d’Allemagne qui doivent venir en grand nombre, et pour les recevoir, il leur a donné rendez-vous à Troyes.

La lettre lue, il est décidé que les préparatifs pour le recevoir commenceront le jour même. A midi, des notables se rendent dans toutes les maisons pour marquer celles où l’on pourra loger les princes et autres personnages qui accompagnent le roi.

Avant tout, l’on s’assure de l’état sanitaire, précaution non superflue, en ces temps de peste. Un certificat affirmant que depuis un an, il n’y a eu à Troyes aucun malade de la peste ou d’autre maladie contagieuse, est signé des curés, des médecins et des chirurgiens. Mais, la peste sévissant à l’entour, une garde est mise aux portes, avec la mission d’empêcher d’entrer en ville les hommes qui viennent " des lieux où l’on meurt. "

Vient ensuite la question des approvisionnements. Les boulangers doivent se fournir de bonne et blanche farine en quantité double. On interdit de pêcher dans les rivières à deux lieues de distance. On invite à son de trompe tous ceux qui ont " oisons, cochons, chapons, poulets et autres volailles, et aussi foin, avoine, paille fruits et autres vivres, de les apporter incontinent en ville pour les vendre. On leur promet de les bien payer et contenter." Quant aux marchands, on leur interdit de renchérir leurs vivres, sous peine de confiscation ou d’amende. On expulse les bouches inutiles, les vagabonds, les mendiants : " Que tout homme qui n’a maison, soit vagabonds, bélîtres, malades… et autres de petit état non natif de cette ville, vident incontinent icelle ville, à peine d’être fouettés par les carrefours et après, s’ils sont trouvés faisant le contraire, d’être pendus et étranglés. "

De nombreuses ordonnances sont prises, concernant l’entretien des rues. La plupart renferment des immondices… on ordonne aux habitants de les mener à un quart de lieue de la ville, de curer les ruisseaux, on ne veut plus que les teinturiers y jettent les débris de leur industrie, on interdit à toutes personnes et même aux enfants l’usage qui existait encore de faire ses besoins dans la rue du Bois, il faut supprimer les obstacles dans les rues où le roi doit passer… Une ordonnance veut que l’on enlève sans délai les " vieilles galeries, saillies, bancs et avancées sur rues ", car les habitants vont s’entasser sur les galeries chancelantes et " en voie de choir ou de tomber " pour voir passer le roi et son cortège. On fait " relever le pavé dans les endroits défectueux ".

Un des premiers bienfaits de cette visite royale, permettait à la ville d’être nettoyée.

" Il y avait en ce moment, une admirable activité artistique à Troyes. " Un Hector, de taille gigantesque fut construit à l’entrée de la porte du Beffroy, ainsi qu’un Samson. Des poulies sont installées en haut, pour " faire dévaler une jeune fille chargée de souhaiter la bienvenue au roi. "

On prévoit une fontaine où doit couler du vin blanc, place du Marché au Blé (Jean Jaurès), plus deux Place de l’Hôtel de Ville. Près de la porte de l’Hôtel-Dieu, trois grandes tours en bois avec des peintures. Enfin, une surprise pour frapper le roi : un énorme porc-épic (son emblème), taillé dans un bloc " de pierre de Troyes ", son corps couvert de soies de pourceau et de plumes. Le tout est accompagné d’écriteaux destinés à recevoir des vers et des dictons….

Malheureusement, tous ces travaux, toutes ces dépenses furent inutiles, car au mois d’août, on apprit que l’arrivée du roi était retardée, puis le 19 septembre, annulée : " je sais bon gré aux habitants de leurs préparatifs comme si j’avais eu l’occasion d’en profiter "écrit Louis XII aux notables troyens. Cela n’empêche pas l’échevinage et la population d’éprouver une déception réelle. Il fallut démolir les fontaines, les charpentes, enlever les pieux des rues, démonter Hector et Samson… il y avait eu des dépenses considérables : achat des présents et notamment les vins que, suivant l’antique usage, on devait présenter au roi et aux seigneurs de sa suite. On en donna à quelques grands personnages (chancelier, gouverneur de la Champagne…) qui passèrent à Troyes à cette époque, plusieurs notables en achetèrent, le reste fut vendu au public, mais en subissant des pertes sensibles ! La ville avait en outre acheté du foin, de la paille et de l’avoine. L’échevinage avait aussi commandé à l’un de nos réputés orfèvres, une coupe en or, destinée au roi.

Le roi ne vint à Troyes qu’en avril 1510. Ce fut à nouveau un branle-bas général. " 80 jeunes bourgeois, vêtus très magnifiquement de soie, la tête couverte de toques rouges montés sur de chevaux bien harnachés s’avancèrent jusqu’à St-Martin-ès-Vignes à la rencontre de Louis XII. Dans les faubourgs, les habitants avaient dressé devant leurs maisons des tables, sur lesquelles ils avaient placé du pain, du vin et des fruits. " Le roi était accompagné d’une suite nombreuses de seigneurs, d’officiers et de serviteurs. Quatre échevins portaient le dais qui devait l’abriter. A la porte du Beffroy, on offrit au roi, un cœur d’or qui s’ouvrait pour laisser apparaître une fleur de lys, plus un porc-épic en or écrasant un serpent. Le roi fut flatté de ces présents, " mais surtout touché plus vivement par l’enthousiaste accueil qui lui fut fait. "

Des fontaines, des emblèmes, des statues avaient été dressées dans les carrefours comme en 1500. Toutes les rues qui conduisaient à la cathédrale étaient tendues " de la plus belle tapisserie qu’on avait trouvé ". Le peuple se pressait sur les galeries, aux fenêtres, aux lucarnes, une foule émerveillée, enthousiaste se montrait, parée de ses plus beaux habits de fête. Sur les gradins, plusieurs milliers d’enfants habillés à la livrée du roi chantaient des vers à son honneur.

Louis XII s’avançait au son des cloches, au milieu des cris de "Vive le roi " !

Les échevins " se multipliaient pour que les approvisionnements ne vinssent point à manquer… engageant les boulangers à faire du bon pain blanc, les bouchers à ne point renchérir leur chair, stimulant les pêcheurs… " L’affluence ne diminua pas pendant les 15 jours du séjour du roi.

La présence du roi était l’occasion pour faire connaître les besoins de la ville, obtenir la confirmation de ses privilèges, en demander de nouveaux : création d’une novelle foire (elle fut accordée du 7 au 22 mai), abolition de l’impôt de 12 deniers…

Louis XII laissa un souvenir durable de son passage, contribuant à la construction de la tour de la cathédrale, en renouvelant un droit d’un denier sur le minot de sel.

Le nom de " Père du Peuple " lui fut donné.


« de près et de loin » (Cominus eminus)





Louis XI à Troyes

 

Les Troyens connaissent Louis XI, pour l’avoir vu, du temps qu’il n’était que dauphin, séjourner à Troyes avant et après son expédition en Suisse. Mais ils ne savent pas tout ce qu’il y a de malice et d’astuce, de perfidie, de science et même de génie en lui. Assurément, Louis XI a mieux jugé les Troyens qu’ils ne l’avaient jugé lui-même. D’un seul coup d’œil, il a découvert des gens sensés, laborieux, dévoués à l’autorité royale, braves au besoin. Il devine, en outre, qu’ils ont de l’argent dans leur bourse, ce qui ne gâte jamais rien aux yeux des rois, et il se permit de faire plus ample connaissance avec eux et avec leur argent !

Devenu roi, Louis XI qui pressent une guerre prochaine avec le puissant duc de Bourgogne, et ne néglige rien pour s’attacher cette brave population troyenne, si voisine des états de son ennemi. Il sait si bien flatter les gens dont il a besoin ! Lors de la fameuse « Ligue du Bien public », Louis XI n’est avare ni de ses promesses, ni de sa prose, pour se faire des amis des Troyens. Ce sont des lettres à « ses chers et bien aimés habitants de sa bonne ville de Troyes », dans lesquelles il les informe de ses faits et gestes durant la guerre, les assure de son amitié et de sa confiance, leur recommande bonne garde et bon espoir, les remercie avec effusion de leurs loyaux services… Jamais la France n’eut un roi aussi « épistolacier ». On s’explique qu’il soit devenu l’inventeur de la poste aux lettres (les postes telles que les a organisées Louis XI, sont réservées au service du roi. Ce n’est que sous Louis XIII que l’on permet aux courriers royaux de se charger des lettres des particuliers).

Tant qu’il a peur de Philippe le Bon ou de Charles-le-Téméraire, le roi a à cœur de bien traiter les Troyens. En 1465, il fait leur évêque Louis Raguier, président de la cour des Aides, en 1466, il le nomme son ambassadeur auprès de la commune de Liège. En 1468, il déclare aux Troyens qu’il a été forcé par le traité de Péronne, de céder la Champagne à son frère Charles, mais, que ne voulant pas se séparer d’aussi bons sujets, il est parvenu à lui faire accepter la Guyenne.

En 1470, il accorde aux habitants de la bonne ville de Troyes « la faculté de jouir et d’user perpétuellement d’échevinage », les remercie de leur attachement à sa personne et les prie « de continuer à s’employer libéralement à son service » et leur promet « d’avoir leurs affaires de plus en plus bonne considération ». En 1474, les préparatifs d’une guerre contre la Bourgogne provoquent la levée de la noblesse de Champagne. Le sire de Châtillon (sur ordre du roi) déclare que tout se bornera à une revue et que la noblesse ne quittera pas le pays. La guerre se fait en Bourgogne, le sire de Châtillon écrit lui aussi lettres sur lettres aux Troyens, pour les informer de ses marches et contre-marches à travers le pays ennemi. Les bourgeois sensibles à de telles gracieusetés, lui accordent, sans murmurer, les subsides qu’il demande.

En 1474, le duc de Bourgogne se fait battre, Louis XI, qui n’a plus peur de lui, change de ton avec les Troyens. Un jour, pour leur faire bien constater qu’il est le maître, il révoque la charte d’échevinage et fait remettre l’administration de la cité à une commission spéciale où il ne compte que des gens dont il est sûr. Mais il n’ose pas en venir à une rupture ouverte : Charles-le-Téméraire vit encore ! Le coup de griffe donné, il fait patte de velours. Dans une lettre, il assure les troyens « qu’il les tient et répute ses bons et loyaux sujets et qu’il les traitera aussi bien ou mieux que sujets de son royaume ». Ceux-ci ne le croient pas, et le roi écrit : « J’ai été averti que aucun ont donné à entendre à ceux de ma bonne ville, que j’ai imagination sur eux autre que bonne… je vous ai chargés de leur déclarer le contraire…».

Par mesure de sûreté le roi fait faire le recensement des armes possédées par chacun des habitants, à leur domicile. Ces armes viennent s’ajouter à celles que la ville conserve dans son arsenal. La précaution est inutile, les Troyens sont dévoués à la cause de la monarchie. Lorsque Louis XI se trouve de nouveau aux prises avec le duc de Bourgogne en 1474, ils se signalent par la prise de Bar-sur-Seine.

En 1476, Charles-le-Téméraire est battu, et en 1477 il est tué devant Nancy. Alors, le roi qui, jadis avait osé demander à Troyes de fortes sommes à titre d’emprunt (en 1471, 1.500 écus d’or), ne se gêne plus, pour en exiger impérieusement des aides de toute nature : les Troyens ne cessent de payer d’énormes subsides, en argent, blé, vin, avoine, bœufs, moutons, bandes de lard, fromages, canons, salpêtre…Louis XI n’est pas encore satisfait. Il envoie 2.000 soldats suisses tenir compagnie aux Troyens en 1480, violant un des privilèges de la ville, passé avec Charles VII en 1429, ne devant pas recevoir de garnison.

 En 1479, Arras ayant osé le braver, le roi rase les murs de la ville, et expulse ses habitants en masse. Pour la repeupler, il ordonne aux bonnes villes de son royaume d’y envoyer un nombre déterminé de bourgeois et d’artisans. Le contingent de Troyes est fixé à 100 « ménagers ». Ils partent traînant derrière eux leurs meubles et leurs instruments de travail. A peine installés, ces malheureux qui s’étaient mis en marche avec plus de belles promesses que d’écus, éprouvent toutes les horreurs de la misère. Faute de travail, ils vendent leurs meubles pour avoir du pain. La peste suit la famine. La moitié des colons s’enfuient pour échapper à la mort. Louis XI, furieux de voir échouer ses plans de colonisation, exige de nouveaux sacrifices d’hommes et d’argent. Nous voyons nos compatriotes périr les uns après les autres, sans pouvoir rien faire pour les sauver.

Sur les derniers jours de sa vie, en 1481, le roi délivre aux Troyens une nouvelle charte d’échevinage, et prescrit la rédaction des diverses coutumes de France. Celle de Troyes est discutée, rédigée et imprimée presque aussitôt. La principale originalité de la coutume de Troyes réside dans son article 1er : la noblesse est maternelle, c’est-à-dire qu’une fille noble épousant un roturier, les enfants sont nobles, contrairement à la législation française. C’est ainsi que c’est sous ce régime dur et répressif que notre ville entre, pour la première fois, en possession régulière de ses libertés municipales, et qu’elle voit s’introduire chez elle l’imprimerie.

Louis XI désire stimuler l’activité économique. Il projette de créer une société pour le commerce dans les murs du Levant. De notables bourgeois, représentant la ville de Troyes, sont convoqués à Tours 50 jours durant. Ils délibèrent, mais ne croient pas possible de voguer dans le sillage de Jacques Cœur. Par contre, se souvenant de l’antique prospérité des Foires de Troyes, Jean de Mauroy et Jean Hennequin demandent leur rétablissement, au moyen d’un abaissement des droits sur la circulation des marchandises et d’une sérieuse propagande en Italie.          


Fête de Jeanne d'Arc en 1910

Jeanne à cheval, rue de la Cité, près de l’hôtel Dieu à Troyes dans les années 1970


Chaque année, Troyes avait la réputation bien établie de faire une « Fête de Jeanne d’Arc ». La journée était toujours réussie, sinon, Troyes aurait manqué à sa réputation solidement établie. Pour Troyes, c’était la « fête nationale ».

Prenons l’exemple de celle du 22 mai 1910, qui fut particulièrement brillante et enthousiaste.

Comme tous les ans, l’empressement populaire répondit avec élan au zèle des organisateurs et des organisatrices qui s’ingéniaient chaque fois à rendre le programme de plus en plus attrayant.

Dans les grandes lignes, c’est d’ordinaire à peu près le même plan : Messe solennelle, banquet, représentation populaire. Cependant, cette année-là, il fut constaté quelques changements. Ainsi, le salut fut donné à Saint-Jean plus rapproché de la salle du banquet que la Cathédrale, et la représentation fut transportée au Cirque, pour éviter, autant que possible, l’ennuyante nécessité de refuser des places.

Et, comme toute bonne fête à sa vigile, dès la veille, Troyes célébrait sa « Bienheureuse » (elle avait été béatifiée en 1909, et ne fut canonisée qu’en 1920), par un « Pavoisement » qui jetait sa note éclatante et multicolore, le long de toutes nos rues, aux fenêtres et balcons de très nombreuses maisons.

Le lendemain, tout Troyes prit des airs de grande fête. Dès le matin, des artères avoisinant la gare, on voyait défiler les sociétés musicales, les délégations diverses, les patriotes de la campagne qui venaient réclamer leur part de la fête. Les commerçants troyens, même les « moins religieux » trouvaient que la fête a du bon.

Mais c’est à la Cathédrale que les préparatifs avaient été faits avec le plus de richesse et de profusion. Le Comité des Dames de Jeanne d’Arc avait fait, comme tous les ans, décorer l’intérieur et le portail de la cathédrale afin de donner à la cérémonie un cadre digne d’elle. Des milliers de drapeaux et d’oriflammes furent placés tout le tour du chœur et de la grande nef. Les écussons, trophées, armes, draperies, tableaux et bannières se succédaient sans interruption. Au-dessus du maître-autel, l’image de la Bienheureuse se détachait, auréolée de lumières, avec de nombreux appareils à acétylène.

La messe pontificale était fixée à 10 heures, mais la foule désireuse de bien voir et de bien entendre, devançait de beaucoup l’heure officielle, et les commissaires eurent mille peines à faire respecter les droits des porteurs de cartes et à les faire entrer en possession des places qui leur avaient été réservées.

Pendant ce temps, les Sociétés de gymnastiques défilaient de la rue Jeanne d’Arc à la Cathédrale, tandis que les confréries, corporations, œuvres de jeunes gens… se groupaient sur la place Saint-Pierre, et allaient bientôt se ranger en bon ordre aux abords de la sacristie.

Au signal donné par les trompettes du haut de la tribune des orgues, le brillant cortège fit son entrée, précédant Nos Seigneurs les Evêques, tandis que trompes, clairons et fanfares se répondaient. La cérémonie fut très solennelle, avec 2 prélats (Mgr Marie-Etienne-Laurent Monnier évêque de Troyes, et Mgr Touchet évêque d’Orléans), un clergé nombreux, des personnalités de marque, comme ceux qui devaient présider les fêtes de l’après-midi, dont le Général Chanoine, ministre de la guerre.

Les Sociétés musicales rivalisèrent de talent, dont la Philarmonique de Chaource, la société Les enfants d’Essoyes, Les Trompes de la Gauloise, Les Trompettes de Saint-Martin-de-Bossenay, les clairons et tambours de l’Alerte, l’Avant-Garde, l’Alliance, la Jeanne d’Arc de Troyes, l’Avenir de Celles, l’Alsace-Lorraine de Romilly, l’Union de Blignicourt et de Rances, l’Alliance de Clérey, la Jeanne d’Arc de Saint-Julien, des Dierreys et Messon, la Jeanne d’Arc de Brienne…

Toutes ces sociétés alternaient leurs harmonies avec celles de l’orgue. Mgr Touchet, évêque d’Orléans, grand orateur, parla 1 heure, et fut écouté avec un grand silence, malgré l’immensité de l’auditoire.

A midi 20, la foule sortit. Toutes les sociétés de gymnastique et de musique défilèrent en bon ordre, au son des clairons, dans les rues de la ville, puis déposèrent une couronne au pied du Monument des Enfants de l’Aube (voir le chapitre) morts en 1870, pour la Patrie.

La Banquet : A midi et demi, plus de 500 hommes prenaient place au banquet, salle de la Halle à la Bonneterie. Plus de 80 communes du département avaient envoyé leurs délégués. Une ovation fut faite au jeune chef, puis eurent lieu plusieurs toast.

A Saint-Jean : Après tout banquet, il faut une action de grâce. Elle eut lieu dans l’église Saint-Jean qui avait été décorée pour la circonstance, et  était remplie de fidèles.

Au Cirque : Malgré les vastes proportions de l’édifice, près de 1.000 personnes n’y purent pénétrer. Le général Chanoine présidait. Plusieurs discours se succédèrent à nouveau, puis la représentation annoncée commença. Les applaudissements ne manquèrent ni aux acteurs, ni aux musiciens.

La conclusion fut faite par Monseigneur Touchet, évêque d’Orléans : « C’est la consolidation de l’esprit d’union et de fraternité qui doit régner parmi nous, c’est  l’accroissement dans les cœurs de l’amour de la Patrie, que Jeanne a aimée au point d’en être la martyre, mais d’une Patrie fidèle à son passé religieux, fidèle à son Dieu et à sa mission. Que le souvenir de ces belles fêtes fortifie les uns et encourage les autres, et la journée aura été fructueuse ».

Jusque vers 1970, la fête de Jeanne d’Arc à Troyes, fut toujours l’objet d’un grand défilé ; aujourd’hui tout cela est du passé.

voir : Jeanne d'Arc à Troyes







Louis II le Bègue et le concile de 878 à Troyes

 

Manuscrit du 14e siècle, vers 1375-1380 à Paris.
 BnF  département des Manuscrits, Français 2813 fol. 160r     


 [ Louis II le Bègue recevant les insignes royaux- Grandes Chroniques de France

Ce manuscrit, réalisé pour Charles V, raconte l'histoire de la royauté française de manière à souligner la légitimité et la puissance des Valois.

Fils de Charles le Chauve, Louis II le Bègue (846-879) dit aussi « le Fainéant », est fait roi d'Aquitaine en 867 par son père. À la mort de ce dernier en 877, l'empire est en proie à des révoltes permanentes : la succession ne va pas de soi d'autant que Louis est jugé trop faible. Mais par la volonté des Grands du royaume qui administrent le pays, il est installé sur le trône de Francie sous la tutelle d'Hugues l'Abbé. Louis tombe vite malade et meurt en 879.]

Le concile de Troyes de 878 et le sacre de Louis le Bègue

En août 878, s’ouvre à Troyes un concile convoqué et présidé par le pape Jean VIII en personne, en présence du roi de France Louis II, dit Le Bègue.

On s’expliquerait mal ces augustes présences, si n’étaient rappelés quelques éléments antérieurs et plus spécialement la situation tragique que connaissent alors les deux hôtes illustres de la cité troyenne.

Louis le Bègue, 32 ans, appelé parfois le Fainéant, passe, de l’avis unanime pour un homme " simple et doux, aimant la paix, la justice et la religion ". Son père Charles le Chauve lui lègue à sa mort son royaume, mais, à cette époque, seule, l’adhésion des évêques et des grands féodaux peut ouvrir au prétendant, le chemin du trône.

Louis n’ignore rien de ces réalités, et c’est à coups d’abbayes, de comtés et de domaines, distribués à bon escient, qu’il se ménage des fidèles, susceptibles de lui accorder le consensus dont il ne saurait se passer.

De telles largesses ne peuvent manquer de porter leurs fruits, et Louis le Bègue est couronné roi de France, en 877.

Jean VIII est " d’une autre trempe que le roi de France : homme d’énergie peu commune, qui entend assumer toutes les responsabilités que lui confère son magistère ".

C’est bien en sa qualité de chef suprême de l’Eglise, qu’à ce concile, il souhaite décider notamment de la succession impériale et de la protection du domaine pontifical.

Fort décevant, seuls trente évêques et trois prélats italiens répondent à l’appel du pape.

Avec cette participation étrangère si réduite, les graves problèmes sont laissés en suspens, au bénéfice de questions moins complexes, visant l’administration et la discipline ecclésiastique.

Quelques problèmes sont résolus : Lambert de Spolète ayant trahi le pape est excommunié. Par contre, l’évêque de Laon, déposé en 871, obtient sa réhabilitation, encore qu’emprisonné au moment de sa disgrâce, il ait eu les yeux crevés par ses ennemis. Vendeuvre relevant du diocèse de Langres, réintègre notre diocèse…

A s’en tenir à ce bilan, en vérité fort modeste, des actes du concile de Troyes, on serait tenté de croire que les décisions qui y furent arrêtées demeurèrent de bien médiocre portée. Ce serait oublier que les délibérations d’une telle assemblée se doublent d’entretiens officieux, de négociations parallèles menées dans les " couloirs ", et dont les conséquences sont décisives.

Le comportement de Jean VIII dans notre ville est à cet égard des plus révélateurs.

Ces délicates négociations, menées en dehors des sessions officielles, constituent la face cachée du concile de Troyes. Elles en révèlent le véritable enjeu et lui confèrent une indéniable valeur historique, et expliquent la fameuse cérémonie du sacre royal.

Louis le Bèque est de nouveau couronné empereur par le pape Jean VIII, le 7 septembre 878, en notre église Saint-Jean (et non le 4 août comme certains historiens l’ont écrit !).

Un précieux vitrail commémore cet événement. Il est sérieusement endommagé lors du terrible orage du 16 mai 1728 (qui détruit 20.000 ardoises, 76.000 tuiles et plus de 100 toises de vitraux dans cette seule église).

Le 26 mai 1872, en présence du préfet et d’une foule considérable, Monseigneur Ravinet, évêque de Troyes, bénit le vitrail du sacre " si parfaitement restauré qu’on n’en distinguait à peine les parties rénovées ".

En fait, la verrière est entièrement neuve. Elle est aussi entachée d’une foule d’erreurs, le peintre-verrier y ayant transposé, avec un incroyable sans-gêne, les sujets et les personnages.

Les protagonistes de ces événements de 878, connurent un sort funeste.

Le jour du vendredi-saint 10 avril 879, meurt Louis le Bègue à l’âge de 33 ans et au terme de deux années d’un règne éphémère.

Dès février 881, le pape Jean VIII se voit contraint de sacrer empereur l’indolent Charles le Gros, fils de Louis le Germanique. L’année suivante, il périt tragiquement, le crâne défoncé à coups de marteau par l’un de ses familiers.


Le concile de Troyes de 878 s'est tenu en août de cette année-là sous l'égide du pape Jean VIII, qui cherchait refuge en Francie occidentale après avoir été chassé de Rome par les Sarrasins et des clercs romains. Ce concile avait pour objectif d'examiner le cas de Bernard de Gothie, accusé d'avoir usurpé des biens de l'Église et d'être en conflit avec Frotaire, évêque de Bordeaux, tout en se rebellant contre le roi Louis II le Bègue.

Bernard de Gothie et son frère Emenon furent destitués et excommuniés. La Gothie* passa sous le contrôle de Bernard Plantevelue*, et la marche d'Espagne fut détachée du marquisat.

Le pape Jean VIII tenta de proposer la couronne italienne à Louis II, qui refusa, puis à Boson, qui se laissa tenter et retourna en Italie avec lui.

Ce concile illustre les luttes de pouvoir entre les souverains francs et l'Église, ainsi que les efforts du pape pour maintenir son autorité face aux troubles politiques et militaires de l'époque.

* Le marquisat appelé Gothie (« pays des Goths »), est une partie de l'ancien royaume wisigoth de Toulouse. Ce marquisat est établi par les Francs après 759, occupait au moins le territoire correspondant actuellement aux départements de l’Aude, de l’Hérault et du Gard.

* Bernard II d'Auvergne dit Plantevelue ou Bernart Plantapilosa en occitan, né le 22 mars 841 à Uzès, et mort en 886, est un grand seigneur d'époque carolingienne appartenant à la dynastie des Guilhelmides. Comte d'Auvergne, il acquiert de nombreux territoires et comtés du midi carolingien. De cette manière il réunit les différentes principautés méridionales carolingiennes à son profit au sein d'une grande Aquitaine dont le centre polarisateur est l'Auvergne. Son fils, Guillaume le Pieux, fondateur de Cluny, reprendra la charge de son père, et deviendra officiellement duc d'Aquitaine.



Le comte d’Artois à Troyes

  Le comte d’Artois (futur Charles X) dans l’Aube en 1814 « Monsieur est parti de Paris le 8 septembre, à 6 h, pour visiter l’Aube qui a le ...