lundi 26 mai 2025

Léon XIV - blason

 

Robert Francis Prevost Martinez

Ordre de Saint-Augustin


Fleur de Lys, Sacré-Cœur sur un livre : que représente le blason épiscopal du pape Léon XIV ?

La science des armoiries est très codifiée. Celles de Robert Prevost alors qu’il était cardinal comportent des références directes à son diocèse péruvien, comme à l’ordre de Saint-Augustin dont il se réclame.

Un «homme discret» et «missionnaire», doté d’un « sens de l’écoute et des décisions »... Quelques heures à peine après la nomination du cardinal américain Robert Prevost à la tête du Saint-Siège, les qualificatifs affluent pour tenter de dessiner le portrait du prélat de 69 ans, qui prend la succession du Pape François.

Son discours prononcé au balcon de la basilique devant la foule innombrable venue l’acclamer présage d’un pape modéré, qui semble s’inscrire dans l’héritage du pape François. Et ses quelques mots en espagnol, adressés à son diocèse péruvien de Chiclayo, où il a exercé son ministère pendant deux décennies laissent également deviner l’image d’un souverain profondément attaché à ses racines - géographiques comme intellectuelles.

Symbole de Marie

Preuve en est de son blason épiscopal, qui sera modifié pour représenter sa fonction pontificale. Selon les coutumes de l’héraldique ecclésiastique, dont l’usage perdure depuis le XIIIe siècle, le côté gauche de l’écu est dédié à la juridiction ou au territoire desservi par l’évêque. Dans le cas de celui du pape Léon XIV, cette partie est occupée par une fleur de lys blanche sur fond bleu. Cette fleur, associée à la couleur mariale, représente la Vierge Marie sous le titre d’Immaculée Conception, patronne du diocèse de Chiclayo.


Armoiries du cardinal Robert Francis Prevost Martínez, 
préfet du dicastère pour les évêques et 
président de la Commission pontificale pour l’Amérique latine. 


Dans l’héraldique ecclésiastique, la partie droite de l’écu désigne plus spécifiquement les qualificatifs de la personne. On trouve sur le blason de Robert Prevost un Sacré-Cœur percé d’une flèche, sur un livre fermé (la Bible). Ce symbole est celui de l’Ordre de Saint-Augustin, que le nouveau pape a intégré à l’âge de 22 ans, et dont il a d’ailleurs été prieur général pendant douze ans. L’ordre mendiant fondé au XIIIe siècle se réfère à la règle de Saint-Augustin, qui prêche l’unité, la pauvreté de vie et la charité, et dont la théologie met l’accent sur la recherche de la vérité intérieure. (le cœur transpercé d'une flèche qui évoque la conversion de saint Augustin dont le cœur a été transpercé par la parole du Christ et « l'amour rédempteur du Christ [dont le cœur est] blessé pour le salut du monde »).

L’écu est surmonté de sa devise, « in illo uno unum » (« Dans Celui qui est Un, soyons un »), issue d’un sermon de Saint-Augustin (Psaume 127 : « Bien que nous, chrétiens, soyons nombreux, dans l’unique Christ, nous sommes un »), qui reflète son aspiration à l’unité au sein de l’Église. En cela, ces armoiries « remplissent leur fonction symbolique, qui est d’être comprises immédiatement » par le spectateur, précise à cet effet Eric Mension Rigau, historien spécialiste de l’étude des élites.

Les ornements extérieurs comportent quant à eux un chapeau à large bord, motif traditionnel sur les blasons épiscopaux. Ce « galero » était initialement réservé au « bas clergé », soit les moines et les prêtres officiant dans les paroisses, au plus près du peuple de Dieu, jusqu’à ce que le pape Innocent IV l’impose aux cardinaux en 1245. Le couvre-chef, rouge en écho à la fonction cardinale de Robert Prevost, surplombe une cordelière à quinze houppes. Posée en pal derrière l’écu, la croix de procession à double traverse est l’unique signe que les évêques ont le droit de porter.

Clés de Saint-Pierre et mître pontificale

Élu pape le jeudi 8 mai 2025, Robert Prevost va voir son blason être modifié pour qu’il y reflète la fonction pontificale. Et là encore, les armoiries papales comportent des figures bien spécifiques.

Apparues au cours du XIIe siècle, elles sont codifiées au XVIIe siècle par le généalogiste Pierre Palliot. Elles comprennent, depuis le pape Innocent III (1198-1216), les clefs de Pierre. Ces ornements désignent le pouvoir de lier et de délier accordé par le Christ à l’apôtre et à ses successeurs.

L’une, en or, qui va de dextre à sénestre (de gauche à droite), représente le pouvoir qui s’étend sur le royaume des cieux. L’autre, la clé d’argent, positionnée en sens inverse, symbolise le pouvoir pontifical sur les fidèles de la terre. Les poignées sont en bas, car elles sont dans la main du pape, tandis que les pannetons (la partie supérieure de la clé) sont en haut, car le pouvoir de lier, comme de délier, appartient au Ciel.

Les blasons des souverains pontifes comprenaient également, jusqu’à Benoît XVI, la tiare, coiffure extra-liturgique du pape en or et en argent, à trois couronnes. Ce dernier la portait traditionnellement à l’occasion des grandes solennités et surtout des cortèges. Le pape allemand a cependant retiré la tiare pour la remplacer par une mître, imité par le pape François. Léon XIV décide lui aussi de conserver la Mitre.

En revanche, l’écu du blason de Léon XIV, (soit la partie centrale, au centre des armoiries) reste semblable à son blason épiscopal, à l’instar de ses prédécesseurs.

Lors de son discours, le nouveau pontife s’est ainsi présenté comme un « fils de Saint-Augustin », avant d’entamer un « je vous salue Marie »  devant la foule, plaçant son pontificat sous le signe de la Vierge.

C’est pourquoi le symbole de l’ordre mendiant et la référence à la Vierge Marie sont conservés sur l’écu pontifical.

 


Dans une interview accordée aux médias du Vatican en juillet 2023, le cardinal Prevost lui-même a expliqué sa devise : 

« Comme le montre ma devise épiscopale, l'unité et la communion font partie du charisme de l'Ordre de Saint-Augustin et aussi de ma façon d'agir et de penser. Je pense qu'il est très important de promouvoir la communion dans l'Église et nous savons très bien que la communion, la participation et la mission sont les trois mots clés du Synode. Donc, en tant qu'augustinien, la promotion de l'unité et de la communion est pour moi fondamentale. Saint-Augustin parle beaucoup de l'unité dans l'Église et de la nécessité de la vivre ».

Le 10 mai 2025, lors d'une rencontre avec le collège des cardinaux, il explique le choix de son nom : « Il y a plusieurs raisons, principalement parce que le pape Léon XIII, avec l'encyclique historique Rerum novarum, a abordé la question sociale dans le contexte de la première grande révolution industrielle » avant d'ajouter : « Aujourd'hui l'Église offre à tous son héritage de doctrine sociale pour répondre à une autre révolution industrielle et aux développements de l'intelligence artificielle, qui posent de nouveaux défis pour la défense de la dignité humaine, de la justice et du travail ».

Distinctions

À la suite de son élection, Léon XIV est grand maître des ordres suivants :

 Ordre du Christ

 Ordre de l'Éperon d'or

 Ordre de Pie IX

 Ordre de Saint-Grégoire-le-Grand

 Ordre de Saint-Sylvestre

Décorations étrangères

Ordre souverain de Malte

Bailli grand-croix d’honneur et dévotion de l'ordre de Malte

Bailli grand-croix d’honneur et dévotion de l’ordre souverain de Malte (reçu à Versailles le 11 février 2025). Il est ainsi, après Jean XXIII et Benoît XVI, le troisième pape membre de cet ordre.


L’insigne de bailli Grand-croix d’honneur et de dévotion 
conféré au cardinal Robert Francis Prevost le 11 février 2025


[ Aujourd’hui, mardi 11 février, dans la Chapelle magistrale, le Grand Maître Fra’ John Dunlap a admis au sein de l’Ordre souverain militaire de Malte, avec la dignité et le rang de bailli Grand-croix d’honneur et de dévotion, le Cardinal Robert Francis Prevost, O.S.A., préfet du Dicastère pour les Évêques et archevêque-évêque émérite de Chiclayo.

La cérémonie s’est déroulée en présence du Grand Commandeur Fra’ Emmanuel Rousseau, du Grand Chancelier Riccardo Paternò di Montecupo, des membres du Souverain Conseil Fra’ Thomas Mulligan et Clemente Riva di Sanseverino, de l’ambassadeur de l’Ordre de Malte auprès du Saint-Siège, Antonio Zanardi Landi.

Le cardinal Robert Francis Prevost, O.S.A., est né en 1955 à Chicago (Illinois, USA) et est entré au noviciat de l’Ordre de Saint-Augustin (O.S.A.) en 1977. Il a prononcé ses vœux solennels le 29 août 1981 et a été ordonné prêtre en 1982, puis a été envoyé travailler dans la mission de Chulucanas, au Pérou (1985-1986).

En 1999, il a été élu prieur provincial de la Province « Mère du Bon Conseil » (Chicago). Après deux ans et demi, le chapitre général ordinaire l’a élu prieur général, ministère que l’Ordre lui confie à nouveau lors du chapitre général ordinaire de 2007.

Le pape François l’a nommé administrateur apostolique du diocèse de Chiclayo (Pérou) le 3 novembre 2014, l’élevant à la dignité épiscopale d’évêque titulaire du diocèse de Sufar ; il a ensuite été ordonné évêque dans la cathédrale de son diocèse. Le pape François l’a nommé membre de la Congrégation pour le clergé en 2019 et membre de la Congrégation pour les évêques en 2020.

Le 15 avril 2020, le pape l’a nommé administrateur apostolique du diocèse de Callao.

Depuis le 30 janvier 2023, il est préfet du Dicastère pour les Évêques et président de la Commission pontificale pour l’Amérique latine. ]

 

Archi. Ordre souverain de Malte



Archi. Ordre souverain de Malte





Acte d'acceptation du pape Léon XIV


Habemus Papam - 8 mai 2025


PREMIÈRE BÉNÉDICTION URBI ET ORBI
DU SAINT-PÈRE LÉON XIV

Loggia des bénédictions de la basilique Saint-Pierre
Jeudi 8 mai 2025


Que la paix soit avec vous tous !

Très chers frères et sœurs, telle est la première salutation du Christ ressuscité, le Bon Pasteur qui a donné sa vie pour le troupeau de Dieu. Moi aussi, je voudrais que ce salut de paix entre dans votre cœur, atteigne vos familles, toutes les personnes, où qu'elles se trouvent, tous les peuples, toute la terre. Que la paix soit avec vous !

C'est la paix du Christ ressuscité, une paix désarmée et désarmante, humble et persévérante. Elle vient de Dieu, Dieu qui nous aime tous inconditionnellement.

Nous avons encore dans nos oreilles cette voix faible mais toujours courageuse du Pape François qui bénissait Rome ! Le Pape qui bénissait Rome donnait sa bénédiction au monde, au monde entier, en ce matin de Pâques. Permettez-moi de reprendre cette même bénédiction : Dieu nous aime, Dieu vous aime tous, et le mal ne prévaudra pas ! Nous sommes tous entre les mains de Dieu. Alors, sans crainte, unis main dans la main avec Dieu et entre nous, allons de l'avant. Nous sommes disciples du Christ. Le Christ nous précède. Le monde a besoin de sa lumière. L'humanité a besoin de Lui comme pont pour être rejoint par Dieu et par son amour. Aidez-nous vous aussi, puis aidez-vous les uns les autres à construire des ponts, par le dialogue, par la rencontre, en nous unissant tous pour être un seul peuple toujours en paix. Merci au Pape François !

Je tiens également à remercier tous mes frères Cardinaux qui m'ont choisi pour être le Successeur de Pierre et marcher avec vous, en tant qu'Église unie, toujours à la recherche de la paix, de la justice, toujours en essayant de travailler comme des hommes et des femmes fidèles à Jésus-Christ, sans crainte, pour proclamer l'Évangile, pour être missionnaires.

Je suis un fils de saint Augustin, augustinien, qui a dit : « Avec vous, je suis chrétien, et pour vous, je suis évêque ». En ce sens, nous pouvons tous marcher ensemble vers la patrie que Dieu nous a préparée.

À l'Église de Rome, un salut particulier! [applaudissements] Nous devons chercher ensemble comment être une Église missionnaire, une Église qui construit les ponts, le dialogue, toujours prête à accueillir comme cette place avec les bras ouverts. Tous, tous ceux qui ont besoin de notre charité, de notre présence, de dialogue et d'amour.

Et si vous me permettez un mot, je salue tout le monde, en particulier mon cher diocèse de Chiclayo, au Pérou, où un peuple fidèle a accompagné son évêque, a partagé sa foi et a donné beaucoup, beaucoup pour continuer à être une Église fidèle à Jésus-Christ.

À vous tous, frères et sœurs de Rome, d'Italie, du monde entier, nous voulons être une Église synodale, une Église qui marche, une Église qui recherche toujours la paix, qui recherche toujours la charité, qui cherche toujours à être proche, en particulier de ceux qui souffrent.

Aujourd'hui, c'est le jour de la Supplique à Notre-Dame de Pompéi. Notre Mère Marie veut toujours marcher avec nous, être proche de nous, nous aider par son intercession et son amour.

Je voudrais donc prier avec vous. Prions ensemble pour cette nouvelle mission, pour toute l'Église, pour la paix dans le monde et demandons cette grâce spéciale à Marie, notre Mère.

Ave Maria…

 

HOMÉLIE DU PAPE LÉON XIV

Chapelle Sixtine
Vendredi 9 mai 2025

 

 Je commencerai par quelques mots en anglais, puis je poursuivrai en italien.

Mais je voudrais répéter les paroles du psaume responsorial : « Je chanterai un cantique nouveau au Seigneur, car il a fait des merveilles  ».

Et en effet, pas seulement pour moi, mais pour nous tous. Mes frères cardinaux, alors que nous célébrons ce matin, je vous invite à reconnaître les merveilles que le Seigneur a accomplies, les bénédictions que le Seigneur continue de répandre sur nous tous à travers le ministère de Pierre.

Vous m'avez appelé à porter cette croix et à être béni par cette mission, et je sais que je peux compter sur chacun d'entre vous pour marcher à mes côtés, alors que nous continuons à être une Église, une communauté d'amis de Jésus, des croyants qui annoncent la Bonne Nouvelle, qui annoncent l'Évangile.

 « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16, 16). Par ces paroles, Pierre, interrogé avec les autres disciples par le Maître sur la foi qu'il a en Lui, exprime en synthèse le patrimoine que l'Église, à travers la succession apostolique, garde, approfondit et transmet depuis deux mille ans.

Jésus est le Christ, le Fils du Dieu vivant, c'est-à-dire l'unique Sauveur et le révélateur du visage du Père.

En Lui, Dieu, pour se faire proche et accessible aux hommes, s'est révélé à nous dans les yeux confiants d'un enfant, dans l'esprit éveillé d'un adolescent, dans les traits mûrs d'un homme (cf. Conc. Vat. II, Const. Past. Gaudium et spes, n. 22), jusqu'à apparaître aux siens, après sa résurrection, dans son corps glorieux. Il nous a ainsi montré un modèle d'humanité sainte que nous pouvons tous imiter, avec la promesse d'une destinée éternelle qui dépasse toutes nos limites et toutes nos capacités.

Dans sa réponse, Pierre saisit ces deux aspects : le don de Dieu et le chemin à parcourir pour se laisser transformer, dimensions indissociables du salut, confiées à l'Église afin qu'elle les annonce pour le bien du genre humain. Confiés à nous, choisis par Lui avant même que nous ayons été formés dans le sein de notre mère (cf. Jr 1, 5), régénérés dans l'eau du Baptême et, au-delà de nos limites et sans aucun mérite de notre part, conduits ici et envoyés d'ici, afin que l'Évangile soit annoncé à toute créature (cf. Mc 16, 15).

En particulier, Dieu, en m'appelant par votre vote à succéder au Premier des Apôtres, me confie ce trésor afin que, avec son aide, j'en sois le fidèle administrateur (cf. 1 Co 4, 2) au profit de tout le Corps mystique de l'Église, de sorte qu'elle soit toujours plus la ville placée sur la montagne (cf. Ap 21, 10), l'arche du salut qui navigue sur les flots de l'histoire, phare qui éclaire les nuits du monde. Et cela, non pas tant grâce à la magnificence de ses structures ou à la grandeur de ses constructions – comme les édifices dans lesquels nous nous trouvons –, mais à travers la sainteté de ses membres, de ce « peuple que Dieu s'est acquis pour proclamer les œuvres admirables de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière » (1 P 2, 9).

Cependant, en amont de la conversation où Pierre fait sa profession de foi, il y a aussi une autre question : « Au dire des gens, qui est le Fils de l’homme ? » (Mt 16, 13). Ce n'est pas une question anodine, elle touche en effet à un aspect important de notre ministère : la réalité dans laquelle nous vivons, avec ses limites et ses potentialités, ses questions et ses convictions.

« Au dire des gens, qui est le Fils de l'homme ?» (Mt 16, 13). En pensant à la scène sur laquelle nous réfléchissons, nous pourrions trouver deux réponses possibles à cette question qui dessinent deux attitudes différentes.

Il y a tout d'abord la réponse du monde. Matthieu souligne que la conversation entre Jésus et ses disciples sur son identité se déroule dans la belle ville de Césarée de Philippe, riche en palais luxueux, nichée dans un cadre naturel enchanteur, au pied de l'Hermon, mais aussi siège de cercles de pouvoir cruels et théâtre de trahisons et d'infidélités. Cette image nous parle d'un monde qui considère Jésus comme une personne totalement insignifiante, tout au plus un personnage curieux, qui peut susciter l'émerveillement par sa manière inhabituelle de parler et d'agir. Ainsi, lorsque sa présence deviendra gênante en raison de son exigence d'honnêteté et de moralité, ce « monde » n'hésitera pas à le rejeter et à l'éliminer.

Il y a ensuite une autre réponse possible à la question de Jésus : celle du peuple. Pour lui, le Nazaréen n'est pas un « charlatan » : c'est un homme droit, courageux, qui parle bien et dit des choses justes, comme d'autres grands prophètes de l'histoire d'Israël. C'est pourquoi il le suit, du moins tant qu'il peut le faire sans trop de risques ni d'inconvénients. Mais ce n'est qu'un homme, et donc, au moment du danger, lors de la Passion, il l'abandonne et s'en va, déçu.

Ce qui frappe dans ces deux attitudes, c'est leur actualité. Elles incarnent en effet des idées que l'on pourrait facilement retrouver – peut-être exprimées dans un langage différent, mais identiques dans leur substance – dans la bouche de nombreux hommes et femmes de notre temps.

Aujourd'hui encore, nombreux sont les contextes où la foi chrétienne est considérée comme absurde, réservée aux personnes faibles et peu intelligentes ; des contextes où on lui préfère d'autres certitudes, comme la technologie, l'argent, le succès, le pouvoir, le plaisir.

Il s'agit d'environnements où il n'est pas facile de témoigner et d'annoncer l'Évangile, et où ceux qui croient sont ridiculisés, persécutés, méprisés ou, au mieux, tolérés et pris en pitié. Et pourtant, c'est précisément pour cette raison que la mission est urgente en ces lieux, car le manque de foi entraîne souvent des drames tels que la perte du sens de la vie, l'oubli de la miséricorde, la violation de la dignité de la personne sous ses formes les plus dramatiques, la crise de la famille et tant d'autres blessures dont notre société souffre considérablement.

Aujourd'hui encore, il existe des contextes où Jésus, bien qu'apprécié en tant qu'homme, est réduit à une sorte de leader charismatique ou de super-homme, et cela non seulement chez les non-croyants, mais aussi chez nombre de baptisés qui finissent ainsi par vivre, à ce niveau, dans un athéisme de fait.

Tel est le monde qui nous est confié, dans lequel, comme nous l'a enseigné à maintes reprises le Pape François, nous sommes appelés à témoigner de la foi joyeuse en Christ Sauveur. C'est pourquoi, pour nous aussi, il est essentiel de répéter : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16, 16).

Il est essentiel de le faire avant tout dans notre relation personnelle avec Lui, dans l'engagement d'un chemin quotidien de conversion. Mais aussi, en tant qu'Église, en vivant ensemble notre appartenance au Seigneur et en apportant à tous la Bonne Nouvelle (cf. Conc. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 1).

Je le dis tout d'abord pour moi-même, en tant que Successeur de Pierre, alors que je commence cette mission d'Évêque de l’Église qui est à Rome, appelée à présider dans la charité l'Église universelle, selon la célèbre expression de S. Ignace d’Antioche (cf. Lettre aux Romains, Prologue). Conduit enchaîné vers cette ville, lieu de son sacrifice imminent, il écrivait aux chrétiens qui s'y trouvaient : « Alors je serai vraiment disciple de Jésus-Christ, quand le monde ne verra plus mon corps » (Lettre aux Romains, IV, 1). Il faisait référence au fait d'être dévoré par les bêtes sauvages dans le cirque – et c'est ce qui arriva –, mais ses paroles renvoient de manière plus générale à un engagement inconditionnel pour quiconque exerce un ministère d'autorité dans l'Église : disparaître pour que le Christ demeure, se faire petit pour qu'Il soit connu et glorifié (cf. Jn 3, 30), se dépenser jusqu'au bout pour que personne ne manque l'occasion de Le connaître et de L'aimer.

Que Dieu m'accorde cette grâce, aujourd'hui et toujours, avec l'aide de la très tendre intercession de Marie, Mère de l'Église.


Copyright © Dicastero per la Comunicazione - Libreria Editrice Vaticana

 

Cliché officiel du Pape Léon XIV



archives : 

Blason avec la Tiare Pontificale

Le dernier pape à avoir blasonné avec la Tiare est Sa Sainteté Saint Jean Paul II

Intronisé le 22 octobre 1978

Décédé le 2 avril 2005 sur le trône de Saint Pierre

Il fut Béatifié le 1er mai 2011 par le pape Benoit XVI

Et Canonisé le 27 avril 2014 par le pape François






Disparition du vase de la Cène

 

Juan de Juanes ; La Cène (fin XVIe siècle ; Musée du Prado

En 1200, 4 ans avant la prise de Constantinople par les Croisés, un pèlerin russe parcourt les sanctuaires de l’empire d’Orient, et dresse un catalogue des reliques qu’on y vénère. Dans la basilique de Sainte-Sophie, il remarque un petit vase de marbre, dont Notre-Seigneur se servit le Jeudi-Saint, quand il célébra la dernière Cène avec ses apôtres. Ce serait lors de cet évènement que Jésus annonce aux apôtres la trahison de Judas.

 Ce détail a, pour nous Troyens, une véritable importance.

En effet, ce vase de la Cène arrive quelques années plus tard, au Trésor de la Cathédrale de Troyes, et y reste, entouré de la vénération de nos ancêtres, jusqu’à cette nuit funeste de 1794, où nos reliquaires et la plupart de nos reliques sont livrés aux flammes par la Révolution.

Dans quelles circonstances le vase de la Cène a-t-il fait le long voyage de Constantinople à Troyes ?

 La IVe Croisade compte un grand nombre de seigneurs champenois, ayant à leur tête notre évêque Garnier de Trainel. Maîtres de Constantinople, ils disposent des richesses sacrées, mais le légat du Saint-Siège, sous peine d’excommunication, donne l’ordre de s’en dessaisir entre les mains de Garnier de Trainel, qui en réserve une large part à sa Cathédrale.

Le vase de la Cène est l’une des plus précieuses de ces reliques. Sur un vitrail de la cathédrale du XIIIe siècle, on voit notre évêque porter un vase de forme ronde qui est, le vase de la Cène. En face de lui, l’archidiacre Hugo tient dans ses mains recouvertes d’un linge, le chef de l’Apôtre saint Philippe. Le nom des personnages est écrit en capitales gothiques.

 Il est intéressant de noter que le poème du Saint Graal, qui a le vase de la Cène pour objet, fut composé par Chrestien de Troyes, le plus illustres des trouvères du moyen-âge, à la même époque où ce vase précieux fut apporté de Constantinople au Trésor de la Cathédrale.

 En 1429, le Chapitre fait l’inventaire de son Trésor, dont le vase de la Cène : « c’est un grand plat d’argent, dont le fond est fait d’un vase qui a servi à Notre-Seigneur ».

 En 1611, le chanoine Camusat dans un inventaire du Trésor de la cathédrale, donne une description détaillée du vase de la Cène : «  il est en porphyre vert et noir, en forme de bassin rond, garni d’argent, au milieu duquel il y a un crucifix d’argent doré, aux coings des croisons y a 5 émeraudes fines ».

 En 1637, Des Guerrois rappelle que Garnier de Trainel a envoyé un fort beau vase de jaspe, entouré d’un bord d’argent sur lequel il y a 4 vers grecs qui sont gravés en lettres majuscules : « Autrefois, ce plat servait à Notre-seigneur, quand il mangea avec ses bien-aimés apôtres. Maintenant il sert aux saintes Particules (c’est-à-dire les Hosties consacrées) de notre même Seigneur, ce que témoigne ce don si artistement orné ».

Un inventaire de la Cathédrale de 1700, ajoute que ce vase « a servi à la Cène de Notre-Seigneur, les lettres grecques qui sont autour le disent ainsi ».

Un chanoine raconte après le terrible incendie de 1700, qu’il y a à la cathédrale « un bassin assez grand, qui a servi à la Cène, lorsque Notre-Seigneur mangea avec ses Apôtres la veille de sa Passion, sur le bord duquel on lit 4 vers qui en font foi ».

 En 1709, des bénédictins venus à Troyes, constatent l’existence de la précieuse relique « dont Notre-Seigneur se servit à la Cène lorsqu’il lava les pieds à ses disciples, dans le fond duquel on voit un beau vert émeraude, et autour on lit 4 vers grecs qui prouvent son antiquité. Ce vase de porphyre, ou de quelque autre pierre plus précieuse, en forme de petit bassin, a un pied et demi environ de diamètre, y compris un bord d’argent qui en augmente la circonférence. Le fond est enrichi d’une croix d’or ou d’argent doré, fixé à la circonférence par ses quatre extrémités. Le bord d’argent est chargé de 4 iambes grecs en lettres capitales, gravées en relief. Le caractère de ces lettres, maigre et allongé, est assez semblable à celui des lettres capitales que l’on voit dans quelques manuscrits du temps de Charlemagne ».

 Courtalon-Delaistre, curé de Sainte-Savine écrit : « On voit dans le Trésor de la Cathédrale, un plat de jaspe avec un cercle d’argent large d’environ 3 pouces, autour duquel on lit 4 vers grecs, par lesquels on assure que ce plat servit à Jésus-Christ dans la dernière Cène qu’il fit avec ses apôtres, lorsqu’il institua l’Eucharistie ».

 Il faut maintenant aborder une question importante : ce vase était-il authentique ? Notre-Seigneur s’en est-il servi le Jeudi Saint ? Est-ce dans ce vase qu’il a consacré la Sainte Eucharistie ?

 Nous sommes fondés à croire que cette relique vénérée était bien l’un des vases qui servirent à Notre-Seigneur pour la dernière Cène.

 Mais à quel usage ce vase fut-il employé, le Jeudi-Saint, par Notre-Seigneur Jésus-Christ ? Le vase de Troyes servit-il pour la manducation de l’Agneau Pascal ?

Ses dimensions restreintes (1 pied de diamètre) ne permettent pas de supposer que ce fût le plat sur lequel était placé l’Agneau pascal. Elles donnent lieu de croire qu’il était la Patène sacro-sainte où fut consacrée pour la première fois, par le Sauveur lui-même, la Divine Eucharistie. Sur ce vase sacré, Notre-Seigneur prononça la parole toute puissante : « Prenez et mangez, ceci est mon corps ». L’inscription de notre vase confirme cette hypothèse. Elle atteste que Notre-Seigneur s’en servit quand il nourrit ses disciples à la Cène. Or, la vraie nourriture que le Sauveur distribua à ses disciples pendant la dernière Cène, ce fut son corps, qui, dit-il lui-même, est vraiment une nourriture.

Nous ne pouvons, une fois de plus, que regretter qu’en cette nuit funeste de janvier 1794, ce vase, ainsi que tous nos reliquaires et la plupart de nos reliques furent livrés aux flammes par les mains sacrilèges de la Révolution.

 



Pierre de Corbeil recueille le sang du Christ dans un calice - Le Christ laisse voir sa plaie à son flanc. Vitrail du XIIIe siècle – cathédrale St Pierre et St Paul de Troyes (10)


Mgr Garnier de Traînel apporte le "Vase" de la Cène ; l’archidiacre Hugo porte la tête de st Philippe. Vitrail du XIIIe siècle ; cathédrale St Pierre et St Paul de Troyes (10)


Les vitraux du chœur de la cathédrale de Troyes, œuvre majeure de la peinture sur verre en France, tiennent la comparaison avec Chartres et Bourges dans le trio de tête des ensembles vitrés les plus vastes conservés pour la première moitié du XIIIe siècle.

Au prix d'un patient travail d'analyse des verrières et de l'abondante documentation écrite et figurée, on a restitué  cette vitrerie en la replacent dans un contexte foisonnant, préoccupé comme toujours au Moyen Age par les fins ultimes de l'humanité, nourri aussi des enjeux du moment et du lieu, les Croisades et les reliques.

On a également mis en évidence le jeu savant d'interactions avec une multitude d'autres centres artistiques, Auxerre, Chartres, Reims, Saint-Quentin, Châlons-en-Champagne, Baye et Paris notamment, renouvelant la connaissance de la peinture française des débuts du gothique.

Dans un ouvrage, publié dans la grande collection internationale du Corpus Vitrearum, c'est à la fois le patrimoine médiéval inestimable de la ville de Troyes et la richesse artistique de la Champagne qui sont célébrés.


Léonardo da Vinci 
Fresque de La Cène réalisée à la détrempe sur un glacis sur mur de chaux préparé au gesso ;
elle se détériore du vivant même de Léonard. 1495-1498 
Milan, monastère de Santa Maria Delle Grazie, no inv. LXVI:B.79


Dans l'art moderne, le vase de la Dernière Cène n'est pas directement représenté, mais son influence se retrouve dans les nombreuses réinterprétations du dernier repas du Christ. Des artistes contemporains explorent ce thème en le détournant ou en lui donnant une nouvelle signification. Par exemple, certains créateurs utilisent la Cène comme une métaphore de la diversité humaine ou des tensions sociales.

Léonard de Vinci reste une référence incontournable, et son œuvre inspire encore aujourd'hui des artistes qui revisitent la composition et la symbolique de la Cène. Des peintres comme Salvador Dalí ou Andy Warhol ont proposé des versions modernes de cette scène, jouant avec les codes visuels et les interprétations religieuses2.

Si le vase lui-même n'est pas un sujet central, l'idée d'un objet sacré lié à la Cène continue d'alimenter les réflexions artistiques et les représentations contemporaines. Une preuve que les reliques et les symboles religieux ont toujours une place dans l'art moderne !


Salvador Dali - 1955 ; Musée de Washington DC (États-Unis)



Avant la période où l’on fait commencer l’art contemporain, Salvador Dalí avait peint en 1955 un tableau intitulé la Cène dans lequel, comme dans celui de Léonard, il organise la composition du sujet autour de plusieurs lignes droites rayonnant à partir de la tête du Christ.

Cette œuvre étrange, et kitsch pour des yeux contemporains, doit être placée dans l’itinéraire du peintre et l’époque. Dali voyageant en Europe revient à l’expression de la Renaissance. Dans son « Manifeste mystique », il se justifie : “Les choses les plus subversives qui peuvent arriver à un ex-surréaliste sont deux : première, devenir mystique, et seconde, savoir dessiner : ces deux formes de vigueur viennent de m’arriver ensemble et en même temps à moi”.

Le mysticisme pour s’opposer au surréalisme normé par André Breton, le retour au classicisme pour se différencier de l’expressionnisme déferlant depuis l’Amérique (cf. Pollock) !

Et dans son délire et ses propos, qui frappent par leur bizarrerie mais tenaient d’un véritable communicateur, il ajoute c’est une « cosmogonie arithmétique et philosophique fondée sur la sublimité paranoïaque du nombre douze »…

Bref, une attitude qui relève toujours d’un certain esprit surréaliste. Ce tableau fut remarqué et largement commenté, mais cette orientation picturale eut peu de filiation.


En revanche, en dehors du strict champ des arts visuels, un film marqua les esprits en 1961, Viridiana de Buñuel et sa fameuse Cène. Banni en Espagne jusqu’à la mort de Franco en 1975, condamné par le Vatican, il reçut la Palme d’or au Festival de Cannes de 1961.



Il y eut sans nul doute un certain côté provocateur, puisque sous l’air de l’Alléluia du Messie de Haendel, une bande de clochards et de petits truands, abusant de l’hospitalité de leur bienfaitrice Viridiana, reproduisent la scène de Leonardo dans le décor dévasté du château de son oncle. En fait ce ne fut qu’un grandiose pied-de-nez de Buñuel au pouvoir et à l’Église catholique espagnole qu’il a toujours critiquée. Il faut revoir cette scène du film, somme toute bien innocente mais décapante non pour le catholicisme mais pour l’emprise morale de celui-ci, pour les dérives de tendances mystiques. Il faut reprendre le message de Buñuel, lui aussi surréaliste, mais pas à la Dali, qui critique fermement la bourgeoisie et dit que la religion doit s’ouvrir au monde. C’est ainsi que Viridiana renonce à sa vie pour s’occuper des pauvres et mettre son domaine à leur service.




Chrestien de Troyes

 


Chrestien naît à Troyes en 1135.

Ce nom de Chrétien est aujourd’hui celui de Christian.

Il étudie toutes les matières enseignées à cette époque, mais sans devenir prêtre. Sa culture est vaste, ses œuvres témoignent d’une connaissance approfondie des poètes latins Ovide et Virgile.

Il demeure attaché au comte Baudouin VI, de Flandres, et à sa femme, Marie, fille de Henri, comte de Champagne et de Marie de France, et à Philippe d’Alsace, aussi comte de Flandre, tuteur du jeune roi de France, Philippe Auguste.

Après la mort de son protecteur, il sert sa petite fille, Jeanne de Flandre.

Écrivain d’un talent fécond et élégant, simple et varié, ses vers de huit syllabes, rimant par couple, sont faciles et gracieux.

Il est le plus estimé des trouvères pendant la seconde moitié du XIIe siècle, le maître de la littérature courtoise dans la France de langue d’oïl, et le premier romancier français.

 Il est l’auteur des meilleurs romans de la Table-Ronde : Perceval le Gallois, Yvain ou le Chevalier au Lion, Guillaume d’Angleterre, Cligès chevalier de la Table Ronde, Tristan ou le Roi Marc et la jeune Yseult, le Chevalier à lespée, Lancelot du lac ou le Roman du Chevalier de la Charrette…

Erec et Enide est le premier de ses 5 romans. Pour la 1ère  fois, un récit d’une certaine ampleur (6.878 vers) est placé dans un cadre breton et s’ouvre sur la cour du roi Arthur, réunie à Pâques dans le château de Caradigan. Il met en lumière le conflit entre l’amour pour l’épouse et les devoirs du chevalier, et explore la manière de le dépasser.

La 1ère partie du roman de Cligès raconte comment Alexandre, fils aîné de l’empereur de Constantinople vient en Bretagne à la cour du roi Arthur.

Dans Le chevalier au lion, l’on retrouve l’amour conjugal.

Un savant anglais écrit à propos d’Yvain du Chevalier au lion : « Le roman d’Yvain est un des grands chefs-d’œuvre de la littérature française. Œuvre d’un auteur génial qui sait allier l’étude des caractères et des questions morales à un récit merveilleusement bien conduit, et qui en même temps manie la langue avec une rare maîtrise, Yvain nous charme encore aujourd’hui, comme il charmait les auditeurs du XIIe siècle ».

Dédié à la comtesse Marie de Champagne, Le chevalier de la charrette évoque la passion amoureuse de Lancelot pour la reine Guenièvre, épouse infidèle du roi Arthur. C’est le roman de l’amour adultère, où Lancelot, image d’un héros attachant, expie un péché de lèse-amour.

C’est pour plaire au roi de France Philippe-Auguste, qu’il compose son roman Perceval ou le Conte du Saint Graal, 6.008 vers, dans lequel l’amour s’élève jusqu’au mysticisme. C’est sans doute le plus fascinant de ses romans. Il conte l’histoire de ce jeune garçon, élevé par sa mère, loin du monde, au fond d’une forêt galloise, qui est ébloui lorsqu’il rencontre 5 chevaliers en armes et n’a plus qu’un souhait : aller à la cour du roi qui fait de si beaux chevaliers.

 C’est Chrestien qui introduit le mystère du Graal dans le domaine de la littérature. Son génie a été de puiser à pleines mains dans la matière celtique. Il est le premier de France à situer ses romans à l’époque mythique du roi Arthur et à donner une place fondamentale aux chevaliers de la Table Ronde. Il est sensible à la poésie des vieux mythes et des anciennes légendes. Au cœur de ses récits se trouvent l’aventure de la fontaine merveilleuse ou bien la singulière scène du Graal.

 Chrestien de Troyes est aussi bien loué par tous les écrivains ses contemporains que par ceux qui le suivent. On dit de lui qu’il fut «  l’un des fondateurs de la langue française, et qu’il la fit marcher d’un pas rapide dans la voie du progrès où elle s’arrêta bientôt après lui. Il sut donner à notre littérature ce cachet de naïveté spirituelle et gracieuse, qui depuis, l’ont distinguée ».

Le professeur Norris J. Lacy, de l’Université du Kansas, reconnaît Chrestien de Troyes comme le meilleur auteur de roman médiéval et celui à qui l’on doit la première mise en œuvre littéraire de la légende arthurienne.

Philippe Ménard, professeur à l’Université de Paris Sorbonne, président de la section française de la Société Internationale Arthurienne dit de Chrestien de Troyes :

« La lucidité souriante, la délicatesse de touche avec laquelle il parsème ses romans de traits plaisants, la discrétions élégante et le sens de la complexité humaine, l’admirable écriture d’un artiste de grande classe, d’un véritable styliste, l’alliance subtile d’idéalisation et de réalisme dans toute son œuvre, la profondeur de certaines de ses analyses psychologiques, la poésie qui illumine plusieurs de ses créations, l’équilibre de sa vision du monde pour concilier les tensions contraires de l’amour et du devoir, de l’individu et de la société, voilà les signes d’un talent exceptionnel, qui expliquent la vive séduction des romans de Chrétien de Troyes sur les hommes de tous les temps ».

 Chrestien de Troyes décède entre 1191 et 1195.

 En 1875, le maire de Troyes donne son nom à la rue comprise entre la rue Audiffred-Jouanique et la rue Hennequin, et en 1946, à toute la rue s’étendant de la rue Hennequin à la place Saint-Pierre.

On donne aussi le nom de Chrestien de Troyes au lycée situé dans le quartier des Chartreux.

Mais, les Troyens attendent toujours depuis 880 ans, qu'il ait un monument dans sa ville natale ! 


Fiançailles d'Arthur et Guenièvre par l'évêque de Thoraise, 
Paris, entre 1325-50, enluminure in Vita Merlini, BNF, Manuscrits, Français 105


Le roi Arthur Pendragon , 1509. 



Perceval arrive au château du Graal, où il est accueilli par le Roi Pêcheur. 
D’après un manuscrit de 1330 de Perceval ou Le Conte du Graal par Chrétien de Troyes,
BnF 12577, fol. 18v. 



Erec et Enide, écrit vers 1170, est le premier roman connu de Chrétien de Troyes. Inspirée d'un "conte d'aventure", l''intrigue souligne les oppositions entre les obligations du chevalier et celles de l’amour. En faisant l'apologie du mariage, Chrétien de Troyes se pose en adversaire de Tristan et Yseut et s'associe à la genèse du roman idyllique. Trop épris de son épouse (Enide), Erec, délaisse ses devoirs de chevalier. La rumeur publique le dénigre, l'accusant de récréantise. Le héros s’élance alors en quête d’aventures.

Piqué par un soupir d’Enide, Erec lui ordonne de le suivre, tout en défendant de lui adresser la parole. Enide ne peut cependant s’empêcher d’avertir son mari lorsque le danger se fait pressant. Erec se mesure à des brigands et à des géants lors de combats de plus en plus redoutables. Malgré d'importantes blessures qui le font passer pour mort, il triomphe du comte Galoain qui voulait contraindre Enide à l'épouser. Son épouse lui manifeste alors toute l'intensité de son amour. Le héros sort vainqueur de la plus périlleuse des épreuves : celle de « la Joie de la Cour » où il met fin aux enchantements qui touchaient Mabonagrain, un chevalier géant. Après la mort du roi Lac, père d’Erec, les deux époux sont couronnés rois de la petite Bretagne à Nantes.

Le chapitre où le poète raconte le départ de la fiancée Énide avec Érec est un des plus gracieux du poème. La séparation est décrite d’une manière touchante :

Lipère et la mère altrest (également)

La baisent sovent et menu ;

De plorer ne se sont tenu :

Al départir plore li mère,

Plore li pucelle et li père :

Tex est amors, tex est natures,

Tex est pitiés de noreture,

Plorer les faisoit li pitiés,

Et la douçors et l’amistiés

Qu’ils avoient de lor enfant.

 

Un autre passage, est une sorte d’épithalame, un peu hardi peut-être, quoique renfermé dans les limites nécessaires ; il a de la grâce et de la fraîcheur. Les deux époux sont entrés dans la chambre nuptiale :

Après le message des iels

Vient la dolçor, qui moult valt miels,

Des baisers qui amor atraient ;

Andui (tous deux) cele dolçor assaient

Et lors coers dedens en aboivrent,

Si qu’à peine s’en dessoivrent.

Del baisiersfu li primiers jeus.

Et l’Amor, qui est entre-deux,

Fist la pucele plus hardie,

Que rien ne s’est acoardie ;

Tot sofri ; quanque li grevast.

Ainçois qu’ele se relevast,

Ot perdu le nom de pucele ;

Al matin tu dame novele.

 

Cligès, rédigé vers 1176, allie habilement intrigues politiques et passions amoureuses, univers arthurien et "byzantin", alors très apprécié. Cligès, venu à la cour d'Arthur, doit défendre ses droits sur le trône de Constantinople face à son oncle parjure.

Alis, frère d’Alexandre et oncle de Cligès, convoite le trône de Constantinople. Il conclut un accord avec son frère, qui lui conteste ce pouvoir. Alexandre règne de fait, tandis qu’Alis est autorisé à garder la couronne. Mais il reçoit l’interdiction de se marier, afin qu’à sa mort, le trône revienne à Cligès, héritier d'Alexandre venu apprendre la chevalerie à la cour du roi Arthur. Après la mort d'Alexandre, Alis oublie sa promesse. Il se fiance à Fenice, fille de l’empereur d’Allemagne. Toutefois elle tombe éperdument amoureuse de Cligès. Grâce à deux breuvages magiques concoctés par sa nourrice Thessala, la jeune femme échappe à Alis. Après s’être fait passer pour morte, elle rejoint Cligès, qui lui avait déclaré son amour. Informé de la tromperie, Alis poursuit Fenice et son neveu jusque chez Arthur, où une immense armée s'est levée face à la trahison de l'oncle. Ce dernier meurt et les deux amants se marient.

Extrait :  

Cil qui fist d’Erec et d’Enide,

Et les comandemanz d’Ovide

Et l’art d’amors an romans mist,

Et le mors de l’espaule fist,

Del roi Marc et d’Ysalt la blonde,

Et de la hupe et de l’aronde

Et del rossignol la muance,

.I. novel conte rancomance

D’un vaslet qui an Grece fu

Del linage le roi Artu.

Mes ainz que de lui rien vos die,

Orroiz de son pere la vie,

Dom il fu et de quel linage.

Tant fu preuz et de fier corage

Que por pris et por los conquerre

Ala de Grece an Engleterre,

Qui lors estoit Bretaigne dite.

Ceste estoire trovons escrite,

Que conter vos vuel et retraire,

En.i. des livres de l’aumaire

Monseignor saint Pere a Biauvez ;

De la fu li contes estrez

Qui tesmoingne l’estoire a voire,

Por ce fet ele mialz a croire.

Par les livres que nos avons

Les fez des anciens savons

Et del siegle qui fu jadis.

Ce nos ont nostre livre apris,

 

 Le Chevalier de la Charrette est rédigé de 1177 à 1181, en même temps que le Chevalier au lion. Ce roman inachevé de Chrétien de Troyes est régi par une composition binaire qui oppose la cour d’Arthur et le royaume de Gorre, Lancelot et Gauvain, raffinement courtois et humiliation, lyrisme et burlesque. Le cœur de l'œuvre est occupé par l'amour adultère du héros, Lancelot, pour la femme du roi Arthur. Cet amour est durement gagné par une série d'épreuves et de soumissions.

  Après un duel contre le sénéchal Keu, Méléagant, qui retenait déjà un grand nombre des sujets du roi Arthur, enlève la reine Guenièvre. Gauvain, en se lançant à sa poursuite, rencontre un chevalier, victorieux d'un groupe d'adversaires qui s'élance lui aussi au secours de la reine. Au château du ravisseur, Gauvain et Lancelot (puisqu'il s'agit de lui) triomphent des épreuves. Mais Guenièvre leur échappe, emmenée par Méléagant dans le pays de Gorre. Pour la retrouver, les deux chevaliers choisissent des ponts différents. Non sans hésiter, Lancelot accepte de s’humilier en montant dans la charrette d'infamie d’un nain. Il devient ainsi le Chevalier de la Charrette.

 Lancelot subit encore plusieurs épreuves : des demoiselles tentatrices, des passages périlleux. Il soulève la pierre de son propre tombeau. Le héros parvient finalement au pays de Gorre, où Méléagant le provoque en duel. Le combat qui tournait à l’avantage de Lancelot est interrompu. Il est convenu que les deux adversaires s’affronteront, à nouveau, dans un an, à la cour d’Arthur. Guenièvre accueille froidement le chevalier, lui reprochant sa brève hésitation. Mais leur amour mutuel leur est révélé quand chacun apprend, d’une fausse rumeur, la mort de l’autre. Lancelot se soumet désormais aux volontés de la reine. Avec Gauvain, ils rejoignent la cour d’Arthur. Lancelot, saisi en cours de route, est emprisonné par Méléagant dans une tour murée. Il est délivré à temps pour affronter, au jour convenu, son adversaire, dont il tranche la tête.

  Dans le prologue du Chevalier de la Charette, le poète déclare qu'il tient la matière et le sens de son roman de Marie de Champagne et que lui-même n'y a mis que son attention et sa peine.

Extrait :

LI ROMANS DE LA CHARRETE

PAR

CHRESTIEN DE TROYES et GODEFROI DE LEIGNI

Puis que ma dame de Chanpaigne

Vialt que romans à feire anpraigne,

Je l’anprendrai moult volentiers,

Come cil qui est suens antiers

De quanqu’il peut el monde feire,

Sanz rien de losange avant treire.

Mes tex s’an poist antremetre

Qui i volsist losenge metre,

Si déist, et jel’ tesmoignasse,

Que ce est la dame qui passe

Totes celes qui sont vivanz,

Si con li funs passe les vanz

Qui vante en Mai ou en Avril.

Par foi, je ne sui mie cil

Qui vuelle losangier sa dame.

Dirai je : tant com une jame

Vaut de pailes et de sardines

Vaut la Contesse de reïnes ?

Naie voir je n’en dirai rien,

S’est il voirs maleoit gré mien ;

Mes tant dirai-ge que mialz oevre

Ses comandemanz an cest oevre

Que sans nè painne que g’i mete.

Del chevalier de la charrete

Comance Crestiens son livre ;

Matière et san li done et livre

La Contesse, et il s’antremet

De panser, que guères n’i met

Fors sa painne et s’antancion.

 

Le Chevalier au lion (1177-1181) est, dans l’œuvre de Chrétien de Troyes, le roman de l’équilibre. Il délaisse le caractère énigmatique des épreuves d’Erec et Enide, la préciosité de Cligès et les obscurités du Chevalier de la Charette. Son intrigue est pourtant fondée sur la folie du protagoniste qui désespère de reconquérir la confiance de son épouse.

Interpellé par l’histoire de la Fontaine-qui-bout, défendue par un mystérieux chevalier rouge, Yvain décide de tenter l’aventure. Il déchaîne une tempête en versant un peu d’eau sur le perron de la fontaine, avant d'en blesser mortellement le gardien. Poursuivant celui-ci jusque dans son château, Yvain y est fait prisonnier mais est sauvé par Lunette, la suivante de la chatelaine. Rendu invisible grâce à un anneau magique, il s'éprend de la dame du lieu, Laudine, qu'il vient de rendre veuve. Par l'intercession de Lunette, il l'épouse rapidemment.

Yvain est rappelé à ses devoirs de chevalier par Gauvain. Avec la permission de Laudine, il part en quête de tournois mais dépasse le délai d'une année imposé par son épouse. Laudine envoie alors une messagère pour reprendre l’anneau qu’elle lui avait confié. Comprenant qu'il a perdu l'amour de son épouse, le chevalier sombre dans la folie. Il s'enfuit, hirsute et nu, dans la forêt. Une demoiselle charitable le guérit de sa démence, grâce à un onguent. Il s'attache l’affection d’un lion, en le sauvant des attaques d’un serpent, et se fait désormais connaître comme le Chevalier au Lion. Le héros triomphe ensuite d' une série d’épreuves. Il délivre notamment Lunette du bûcher. Arrivé au terme de son périple, il déclenche la tempête à la Fontaine-qui-bout. Laudine se désole qu’aucun protecteur ne se présente et appelle de ses vœux le Chevalier au Lion, devenu fameux. Celui-ci ne consent à venir, qu’à la condition d'obtenir le pardon de sa dame.

 

Extrait :

Li boins roys Artus de Bretaigne,

La qui proeche nous ensengne

Que nous soions preus et courtois,

Tint court si riche conme rois

A chele feste qui tant couste,

C’on doit nonmer le Penthecouste.

Li rois fu a Cardœil en Gales ;

Aprés mengier, parmi les sales,

Li chevalier s’atropelerent

La ou dames les apelerent

Ou damoiseles ou pucheles.

Li un recontoient nouveles,

Li autres parloient d’Amours,

Des angousses et des dolours

Et des grant biens qu’en ont souvant

Li desiple de son couvant,

Qui lors estoient riche et gens ;

Mais il y a petit des siens,

Qui a bien pres l’ont tuit laissie,

S’en est Amours mout abaissie ;

Car chil qui soloient amer

Se faisoient courtois clamer,

Que preu et largue et honnorable ;

Mais or est tout tourné a fable,

Car tiex y a qui riens n’en sentent,

Dïent qu’il ayment et si mentent,

Et chil fable, menchongne en font

Qui s’en vantent et droit n’i ont.

Mais pour parler de chix qui furent,

Laissons chix qui en vie durent,

Qu’encor vaut mix, che m’est avis,

Un courtois mors c’uns vilains vis.





Perceval ou Le conte du Graal écrit dans les dernières années de la vie de Chrétien de Troyes, 1180-1181, ce roman inachevé, écrit sous le commandement de Philippe d’Alsace, introduit une matière devenue mythique : celle du Graal. La quête du héros prédestiné, Perceval, issu d'une lignée sainte consacrée au graal, n’est plus amoureuse, mais spirituelle.

Perceval, qui vivait à l’écart du monde avec sa mère, ébloui par l'éclat des chevaliers, décide de se rendre à la cour d’Arthur. Il rejoint le château de Gonemant de Goort, qui lui enseigne l’art de la chevalerie et la courtoisie. Après un exploit au château de Beaurepaire, il s’initie à l’amour auprès de Blanchefleur. En route pour retrouver sa mère, il fait halte dans un mystérieux château, celui du Roi Pêcheur dans lequel il voit passer le fameux cortège du Graal. Défilent devant lui un jeune homme portant une lance, une belle demoiselle tenant un Graal et une autre qui apporte un tailloir d’argent. Suivant l'éducation reçue chez Gonemant, Perceval ne pose aucune question.

Le lendemain, sa cousine lui apprend que son silence a causé la perte du châtelain et du royaume. Ce mutisme est dû au péché dont il entaché pour avoir laissé sa mère mourir de chagrin. Après une contemplation rêveuse du visage de Blanchefleur dessiné dans la neige par quelques gouttes de sang, Perceval retourne à la cour du roi Arthur. Là-bas une demoiselle hideuse propose aux chevaliers présents des aventures extraordinaires. Mais le jeune homme n’a de cesse de percer le secret du Graal. Après avoir suivi un temps les aventures de Gauvain, la narration se concentre de nouveau sur Perceval. Désireux de faire pénitence, il se rend chez un ermite à qui il confesse la faute commise dans le château au Graal. L’ermite lui dévoile alors le secret de ce vase : il contient une seule hostie qui suffit à maintenir en vie le père du Roi Pécheur, frère de l’ermite et de la mère de Perceval. Après avoir reçu l’absolution et la communion des mains de son oncle, Perceval poursuit ses aventures au château des Reines.

Chrétien de Troyes laisse à sa mort un mystérieux roman inachevé, poursuivi par ses successeurs, pour donner naissance à une œuvre monumentale de 60 000 vers dans certains manuscrits.




Extrait :

Qui petit seme petit quialt,

et qui auques recoillir vialt

an tel leu sa semance espande

que fruit a cent dobles li rande ;

car an terre qui rien ne vaut,

bone semance i seche et faut.

Crestiens seme et fet semance

d’un romans que il ancomance,

et si le seme an si bon leu

qu’il ne puet estre sanz grant preu,

qu’il le fet por le plus prodome

qui soit an l’empire de Rome.

C’est li cuens Phelipes de Flandres,

qui mialz valt ne fist Alixandres,

cil que l’an dit qui tant fu buens.

Mes je proverai que li cuens

valt mialz que cist ne fist asez,

car il ot an lui amassez

toz les vices et toz les max

dont li cuens est mondes et sax.

Li cuens est tex que il n’escote

vilain gap ne parole estote,

et s’il ot mal dire d’autrui,

qui que il soit, ce poise lui.

Li cuens ainme droite justise

et leauté et Sainte Iglise,

et tote vilenie het ;

s’est plus larges que l’an ne set,

qu’il done selonc l’Evangile,

sanz ypocrisye et sanz guile,

qui dit : « Ne saiche ta senestre

le bien, quant le fera la destre. »

Cil le saiche qui le reçoit,

et Dex, qui toz les segrez voit

et set totes les repostailles

qui sont es cuers et es antrailles.

L’Evangile, por coi dit ele :

« Tes biens a ta senestre cele ? »

La senestre, selonc l’estoire,

senefie la vainne gloire

qui vint de fause ypocrisie.

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Lancelot traversant le pont de l'épée. 

Atelier d'Evrard d'Espinques. 

Centre de la France (Ahun), vers 1475


 



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