jeudi 8 août 2024

Au temps de la Lampe à huile

     L’éclairage domestique produit par une flamme due à la combustion d’un liquide huileux, était connu de la Grèce antique. Les Romains utilisaient également ce procédé. Au Moyen Age et jusqu’au XIXe siècle, nos aïeux continuèrent de l’éclairer ainsi.

 LA  LEUCEROTTE

 Malgré une telle pérennité, le procédé ne subit pratiquement aucune évolution. Il suffit pour s’en persuader de comparer une lampe romaine en terre ou en bronze à notre leucerotte. L’huile est contenue dans une partie en forme de coupelle, prolongée par un ou plusieurs becs recevant une petite mèche destinée à retenir la flamme ;

Seule progrès apparent : la petite « tour » qui surmonte la coupelle et qui permet de suspendre la leucerotte à un croc ou à une crémaillère, et le leuceron, petit récipient mobile qui recueille les « gouttes d’huile » et évite ainsi les taches intempestives.

La leucerotte et son leuceron sont en métal fondu (laiton).

Notons enfin que le terme dialectal Leucerotte et son diminutif masculin Leuceron, (le masculin devant être leucerot), nous vient du latin lucerna, lanterne de luceo, luire.

Cet appareil d’éclairage de  par sa conception comporte un défaut majeur : le moindre balancement provoque le débordement du liquide. Il faut donc que ce système reste en « position fixe ».



LA LAMPE A COQ

 Connu également sous le nom de Lampe lentille, cet appareil est conçu selon le même principe que la leucerotte mais, nettement amélioré. Le récipient à huile est une lentille creuse en fonte. La partie supérieure est percée de trois orifices : au centre, un trou servant au remplissage. Ce trou se ferme par un volet mobile dont la « poignée » zoomorphe en laiton symbolise un coq, (d’où le nom de la lampe). Pourquoi un coq ? peut-être parce que cet oiseau, en chantant, « fait lever le soleil » et, par là, fait naître la lumière…

Le second trou, plus près du bord de la lentille est surmonté d’un petit tube de fer : c’est l’orifice d’arrivée (ou de sortie) de l’air.



Enfin la troisième, près du bord et également surmonté d’un tube (mais de gros diamètre), sert proprement à l’éclairage.

A cette lentille de fonte est adapté un étrier de fer formant poignée et s’articulant de sorte que la lampe reste toujours en position horizontale. Au milieu de cet étrier, un trou taraudé permet d’adapter soit un anneau de suspension, soit une hampe porte-flambeau.

Ce dispositif combiné de la lentille et de l’étrier permet ainsi d’obtenir un appareil d’éclairage mobile nettement supérieur à la leucerotte.

LES SUSPENSIONS

Les lampes à huile en « poste fixe » telles que les leucerottes ou les lampes-à-coq devaient être suspendues. Le procédé le plus simple consistait évidemment en une broche de fer plantée dans un mur à laquelle on suspendait la lampe.

Pour des fixations non permanentes, on usait d’un croc de fer qui pouvait éventuellement être posé en équilibre sur un rebord ou  bien accroché lui-même à un clou.

Un autre procédé, plus souple, le crémaillon, permettait de régler la hauteur de l’éclairage. Ces crémaillons ou cramaillots, sont le plus fréquemment en fer forgé quelquefois ouvré, très rarement en laiton.


lampe suspension

Poteries dans l'Aube (10)

 

VILLADIN


Taillé : au 1er de gueules au cruchon d'or, au 2e d'or au rameau de chêne de sinople posé en barre.


Détails : Le cruchon évoque la tradition du travail de l'argile au village et le rameau de chêne représente la forêt.



Le village est bâti sur le flanc d’une colline boisée culminant à 272 m et qui marque la limite entre la plaine champenoise et le Pays d'Othe. On y trouve des paysages variés, culture céréalière, coteaux autrefois couverts de vignes, vallons, bois de pins et forêt de feuillus, qui ne manquent pas de pittoresque.

La première mention écrite connue du village ne date que du XIIIe siècle mais le site était déjà habité à l’époque néolithique comme en témoignent les nombreux vestiges découverts sur le finage ou les environs immédiats : haches de pierre plus ou moins polies, couteaux et pointes de flèches en silex, un polissoir à quinze rainures, un dolmen renfermant un cadavre détruit en 1854.

De l’époque celtique, il reste un important dépôt de scories témoignant d’une intense activité métallurgique exploitant le minerai de fer local aux lieudits la Ferrière et Mâchefer. De la fin de l’époque gallo-romaine date une importante nécropole mise au jour en 1842 sur le chantier de l’actuelle D 374 : trente tombes contenant des vases funéraires et autres céramiques ainsi que des clous et crochets rouillés.

Le premier nom du village est Viler Adam mentionné en 1264 dans une charte de l’abbaye de Sellières. Le nom évoque un petit domaine agricole fondé par un certain Adam, probablement vers le XIIe siècle.

Il semble que Villadin ait d'abord eu des seigneurs laïques. En 1310, on trouve la famille de Ferreux qui cède indirectemenr ses droits à l'abbaye Notre-Dame aux Nonnains de Troyes puis en 1342 le fief est tenu par le prieuré Notre-Dame de Pont-sur-Seine, filiale de l’abbaye de Cormery en Touraine, qui le conservera jusqu’à la Révolution. La maison seigneuriale se situait face à l’église où se dresse aujourd’hui une imposante demeure construite au XVIIIe siècle que tout le monde appelle le Château. En 1308, le curé de Villadin est le principal témoin à charge dans le procès de Guichard, évêque de Troyes accusé d’avoir fait mourir par ensorcellement la reine Jeanne de Navarre et tenté d’empoisonner le prince héritier Louis le Hutin.

Au Moyen Âge existait à l’est du village le hameau de Verrois ou Verrault détruit pendant la guerre de Cent-ans.

Villadin est connu dans la région comme étant le pays des Cruches et ses habitants portent allègrement le sobriquet de Cruchons. La présence sur place de gisements d’argiles de diverses qualités a permis le développement d’un important artisanat de poterie qui a perduré jusqu’en 1885. Le premier potier connu est Jaquin qui en 1399-1400 livrait à l’évêque de Troyes dans son château d’Aix-en-Othe des pots vernissés et des tuyaux en terre cuite pour alimenter sa fontaine.

Au milieu du XVIe siècle, il y avait neuf potiers à Villadin et en 1788, on en comptait vingt. En 1992, un four daté du règne d’Henri IV a été découvert au centre du village.

 La poterie de Villadin était essentiellement une poterie de bouche de faible valeur : pots, cruches, gourdes, égouttoirs à fromages, casseroles à queue droite etc. Elle a fait la renommée de la localité mais il n’en reste pratiquement rien. Par contre, il subsiste ici et là des épis de toiture, soit toujours en place, soit conservés chez des particuliers ou des musées (Troyes, Laduz, Laval, MUCEM de Marseille). Nous en avons recensé plus de 150. La plupart, en faïence verte, datent du XVIIIe siècle et représentent des pots à anses ou à boutons, des oiseaux mais aussi des personnages en tricorne saluant les passants de la main droite. Plus tard seront façonnés des soldats portant un fusil, en bicorne puis en shako.

L’argile locale et d’importantes ressources en bois ont permis également le développement d’une importante activité de tuilerie-briqueterie sur la colline qui domine la commune. Vers 1850, cinq tuileries employant une trentaine de personnes produisaient annuellement deux millions de marchandises de toutes sortes, tuiles, briques, corbeaux, carreaux, qui se vendaient dans un rayon de 30 km. Si on ajoute les 54 bonnetiers-paysans travaillant à façon pour des négociants de Troyes, on comprend que Villadin ait pu compter jusqu’à 523 habitants en 1866 contre 142 actuellement.

Aujourd’hui la principale ressource de la commune est sa forêt. Le seul commerce de la localité est la boutique Nature et Paysans qui vend des produits bio, y compris du pain cuit dans un four à bois du XIXe siècle.


 SOULAINES DHUYS



Depuis 6 générations la famille Royer transforme, selon des techniques traditionnelles, la belle argile de l’Aube en carreaux, briques, tuiles et poteries flammés dans un four à bois de 100 m3.

La visite du grand four est un moment étonnant et mystérieux où l’alchimie du feu transforme la terre, après 9 jours de cuisson, en produits de construction durable pendant des générations.
Venez à notre rencontre dans nos ateliers chargés d’histoire et retrouvez le charme et l’authenticité d’une production artisanale à l’ancienne.

Des visites d''individuel et de groupes sont organisées toute l'année et des stages de poterie sur rendez-vous.

Stage de poterie pour adultes et enfants 

 (latuilerieroyer.fr)


POTERIE D'AMANCE


Vers 1900, Amance comptait une quinzaine d’artisans potiers, tous d’origine alsacienne, arrivés aux lendemains de la défaite de 1870. Ils y avaient repéré un filon de grès leur permettant de perpétuer leur savoir-faire en matière de poterie culinaire. Cet âge d’or s’est achevé en même temps que s’épuisait la carrière. La poterie d’Amance a été fondée en 1892 par la Famille Vingerter, elle aussi venue  d’Alsace, elle comprenait initialement un petit atelier.  Rachetée dans les années 30 par la  famille Drouilly la poterie est agrandie par une deuxième pièce. Fabriquant à l’origine des pots de fleurs, la poterie-tuilerie, en s’agrandissant, s’est diversifiée peu à peu, tout en s’efforçant de perpétuer la tradition artisanale de qualité et le savoir-faire d’origine.

Amance a perdu tous ses potiers par manque de grés, mais il restait l’argile !  Son utilisation, sauf, à la cuire deux fois pour l’émailler, obligeait à la dernière poterie à abandonner la poterie culinaire. Face au manque de grés, Jean-claude Drouilly a donc orienté l’entreprise familiale vers une nouvelle spécialité : la poterie de Jardin.

Poterie horticole jusque dans les années 80, elle s’est tournée vers le service aux entreprises, et la sous-traitance en particulier dans des domaines aussi variés que l’industrie aéronautique, la production d’objets décoratifs, luminaires, crées par des designers.

Au début des années 90, la poterie s’est lancée dans la création de sa propre gamme d’accessoires de toiture.

Spécialisés dans la restauration de monuments historiques, la poterie a réalisé de nombreux chantier, notamment la réfection de l’université Lomonossov de Moscou, des façades d’hôtels particuliers à Londres, les balustres de l’hôtel Sheraton à Brighton et de nombreux autres bâtiments en France et à l’étranger.

Nos 6 méthodes de fabrications différentes et notre souplesse de production nous à permis en 2009 d’obtenir le statut d’entreprise du patrimoine vivant.

Élargissement de l'activité dans le domaine de la tuile

En 2006, les frères Drouilly (Etienne et David) décident d’étendre leur activité dans le domaine de la tuile, de la brique et du carrelage, en rachetant la tuilerie Pietremont située à côté de la poterie. Cette diversification leur a permis de développer une gamme de produits et d’accessoires de toiture de type MH.  «   Nos produits sont cuits à l’ancienne et flammés naturellement par suppression de l’oxygène en fin de cuisson »

Home - Poterie Amance - Drouilly (poterie-amance.com)

4 Rue de Jessains, 10140 Amance


Ce sont les deux seules poteries toujours en activité dans notre département.



Contes et d'histoires d'antan - 2 -

 


La mère, le fils et le tonneau

Conte de Vendeuvre-sur-Barse

 Autrefois du côté de Vendeuvre, il y avait une bonne vieille qui vivait avec son fils. Tous deux, évidemment, étaient vignerons. Ils avaient quelques fettes de vigne qui leur permettaient bon an, mal an de joindre « les deux bouts ». Qui leur permettaient ou plus exactement qui leur auraient permis car la mère avait un gout très prononcé pour son vin. Elle était, comme l’on dit parfois « son meilleur client ». Quant au fils, en bon fils, il suivait l’exemple de sa mère.. Il n’y avait que les tonneaux qui ne pouvaient pas suivre…

Or donc, il advint qu’entre deux saisons, il fallut faire appel au négociant pour regarnir la cave.

- Mon gachenot, dit la mère, à ç’t’heure faut qu’on paie not’ vin faura donc voèr à point trop boèr, vu que ç’méchon-là i dio que crédit i ost mort.

- Mâ, la mère, j’ons quasiement point goûté not’vin !

- Saqueurdie, te diros donc qu’j’ons tertout cheurlé ?!!

- Nenie, la mère, j’ons point dit ça ! Mâ, la prochaine futaille on se la paratgera mitant-mitan. On voèra bein qui cheurle le plus !

 Ce qui fut dit fut fait, et lorsque le négociant apporta la futaille, mère et fils descendirent à la cave.

- Te vas voère, la mère, j’vas mett’ le tonneau su chais… Eh han ! voilà. Et maintenant j’te vas l’coper en deux…

 Le garçon partit au fond de la cave et revint avec un morceau de craie. Puis, consciencieusement à la lueur de la chandelle, il traça un beau trait horizontal qui partageait le fond du tonneau en deux demi-cercles égaux.

 -Te vois, la mère, ç’ost bien fait. Comm’ j’seu bon fils, j’voudros point qu’t’aie la lie. Alors j’te vas mett’ un cochet au mitan du trait, comme ça t’auras le haut du tonneau. Pour moè, j’le vas mett’ en bas. Tant pis pour la boue…

 Et le gars passe à l’action. La mère, toujours soupçonneuse, surveille attentivement l’ouvrage, s’assurant que les robins sont bien à leur place respective. Enfin satisfaits, ils remontent tous deux au logis. Les jours passent, chacun tirant son vin à son cochet… Mais voilà que par un bel après-midi, la mère descend remplir son pichet. Elle allume la chandelle, place son pichet sous le cochet et tourne la clé. Le vin coule… Soudain, le liquide s’enroule sur lui-même, le jet faiblit, faiblit, encore quelques gouttes et puis… plus rien.

 - Boudie, mâ, j’ons plus de vin !? Elle n’en croit pas ses yeux. Elle tourne et retourne la clé. Elle secoue le cochet, glisse un glu dans le trou  [« des fois qui s’ro bouché »].

 Mais non, rien ne vient, rien ! Elle sonne le tonneau et, surprise, il est encore à demi-plein ! N’y tenant plus, elle se baisse, place son pichet sous le robin du bas – celui du fils – et tourne la clef. Le vin jaillit !

Le soir venu, la mère et le fils se mettent à table.

- Dis-donc, la mère, qu’ost-ce qui o, t’o l’air tout chose ?

- Bein v’là. J’va te dire, mon gachenot. L’aut’jour j’t’ai dit des vilénies. Vu que ç’tantôt, j’seu allé à la cave et… j’ons plus d’vin… et toè t’en o encô !...

- Bein va, ç’ost rein, la mère, j’t’en donnerai du mien, va !

 Et depuis ce jour, la bonne vieille est convaincue que c’est elle qui boit le plus. On ne ‘coupe » plus les tonneaux en deux. Mais… on boit toujours autant.

 

 Histoire de Mme Drouilly de Vendeuvre-sur-Barse en 1952

 

Le pont et les quatre nigauds

 

Conte de Vendeuvre-sur-Barse

 

 Après avoir fait la fête à Vendeuvre et l’ayant copieusement arrosée, quatre gars retournaient dans leur village ;

Passant sur le pont de la Barse, le premier se penche au-dessus de la rivière et interpelle ses camarades :

 - Mâ, combien donc qu’i o dou pont ai l’iau ?

- Mâ, dit le second, j’sons point…

- Mâ, dit le troisième, j’sons pont…

- Mâ, dit le quatrième, i o qu’à m’seurer !

- Marvoèr, dit le premier, j’ons rein pour…

- Marvoèr, dit le second, moè itou…

- Marvoèr, dit le troisième, moè itou…

- Morvoèr, dit le quatrième, j’ons été militaire, j’ons été toisé. Si on s’pendint l’un à bout de l’autre. Le premier au pont, l’darnier qu’aura l’cul ai l’iau, on fr’a l’tout et on saura.

 Remplis d’admiration devant un tel raisonnement, les trois compères s’empressent d’applaudir et aussitôt tout le monde tombe la veste.

Celui qui a émis l’idée prend la direction des opérations et, donnant l’exemple, enjambe le parapet, s’agrippe à la rambarde et se laisse pendre dans le vide.

 - Hé ! gars, vas-y !

 Le second enjambe le parapet, se laisse glisser le long du premier, s’agrippe à ses pieds et se laisse pendre dans le vide.

  -Hé ! gars, vas-y !

 Le troisième enjambe le parapet, se laisse glisser le long du premier, se laisse glisser le long du second, s’agrippe à ses pieds et se laisse pendre dans le vide.

 - Hé, gars, vas-y !

 Le quatrième enjambe le parapet, se laisse glisser le long du premier, se laisse glisser le long du second, se laisse glisser le long du troisième, s’agrippe à ses pieds et se… met à crier :

 - Hé ! gars ç’ost frô, j’ons l’eul ai l’iau !...

 C’est alors que le premier, dont la force est mise à rude épreuve, sent que quelques chose ne va plus :

 - Hé ! gars, vz’avez cheurlé… vz’êtes pleins…, vz’êtes lourds…, mes mains… elles glissent… j’glisse !... Hé ! gars, t’nez-vous bein ! J’vas m’craicher dans les mains !!!

 Pouf ! Plouf ! Plouf ! Plouf !... Quatre ploufs… Mais l’on ne sait toujours pas « combien qu’i o dou pont ai l’iau ! »

 

 Recueilli en 1952, auprès de Marthe D. de Vendeuvre-sur-Barse

  

Les trois pets de l’âne

 C’était un brave homme que le père Pitansa, pas très futé, mais bien brave malgré tout.

Un jour qu’il était monté sur un arbre pour scier une branche, un vieux du pays voisin passa, qui remarqua que le père Pitansa était curieusement assis sur la branche qu’il était en train de scier et du coté qui devant tomber.

 - Père Pitansa, faites attention vous allez tomber

- Tomber ?

- Vous allez voir, avant longtemps vous serez par terre.

- Allons donc, vieux, qu’est-ce que tu me racontes,

- Vous allez bien voir.

- C’est-il que tu serais un peu sorcier, pour deviner ce qui va m’arriver ?

 Et le père Pitansa continue calmement le travail qu’il a commencé. Malgré les craquements annonciateurs de la catastrophe, il scie et, tout d’un coup, se retrouve au sol, les quatre fers en l’air. Tant bien que mal, il se relève. Rien de cassé. Il en est quitte pour la peur.

Mais le coup a été si rude qu’il est bien obligé de faire une petite pause. Cela lui permet de réfléchir.

 - Je n’avais peut-être pas tort de prendre  le vieux pour un sorcier, il a bien su prévoir que j’allais tomber. C’est-il drôle qu’il y ait des gens comme ça, qui puissent savoir ce qui nous arrivera plus tard !

 Et, suivant le fil de son idée :

 - Si j’allais lui demander de me renseigner sur l’heure de ma mort ?

Sitôt dit, sitôt fait, il s’en va trouver le vieux.

 - Tout à l’heure, tu avais bien raison ; je suis tombé comme tu l’as dit. Alors j’ai pensé… voilà, je voudrais bien savoir quand est-ce que je mourrai ?

 Surpris par une telle question, le vieux se gratter la tête ; il est embarrassé. Comment répondre à cette bête de père Pitansa ?

 - Eh bien ! Père Pitansa, ce sera quand votre âne aura pété trois fois. Vous mourrez au troisième pet de votre âne.

- Au troisième ?

- Oui, oui, oui !

- Ah !

 Et le père Pitansa s’en va.

 - Au troisième et de mon âne. S’agir pas que mon âne ait envie.

 Ce qui ne l’empêche pas de continuer, avec la bête, en direction de la vigne. Et voilà l’âne qui pète, comme tout honnête âne sait faire quand il lui en prend envie.

 - Oh ! là là ! Mon Dieu ! Déjà ! Plus que deux fois. Comment l’empêcher ? C’est pas facile.

 Mais les réflexions du maître ne tourmentaient point le bourricot qui, continuant son chemin, s’oublia une seconde fois.

Le père Pitansa, très inquiet, avise alors un paissiau dans une vigne et l’idée lui vient de l’enfoncer là où vous pensez, afin que la bête ne puisse sortir ce redoutable troisième pet qu’il commence à craindre très vivement.

Il bourre donc le piquet dans le derrière de l’âne et, rassuré, repart avec plus de sérénité, poussant devant lui une bête un peu étonnée du traitement qu’on vient de lui faire subir.

Néanmoins, cela va encore un peu.

Mais, ne pouvoir rien dire et en avoir le désir, commence à tourmenter l’animal qui essaie d’exprimer son malaise en son langage d’âne, qui se dandine, ondule de la croupe, s’arrête, repart et cherche par tous moyens à se libérer.

Le paissiau tient bon et le père Pitansa, qui se méfie des ruades, marche à trois pas derrière.

L’âne est de plus en plus mal à son aise : il souffle, il contracte ses muscles pour se débarrasser de ce piquet qui l’agace. Tant et si bien il cherche à l’expulser qu’à la fin il y parvient et l’envoie avec une telle force dans l’estomac du maître qui le suit que celui-ci en tombe à la renverse, les deux bras en croix.

Alors, fermant les yeux, le père Pitansa conclu :

 - Me voilà mort. Il avait dit vrai le vieux. J’aurais pourtant jamais cru que c’était un vrai sorcier.

 

 Histoire contée par l’arrière-grand-mère Mocquery

 

Contes et histoires d'antan - 1 -

 


Le petit coq et la petite poule


Il y avait un jour un petit coq et une petite poule qui s’en allaient aux noisettes. Ils sont partis tous deux et, tout en marchant, ils causent.

Ils arrivent à un certain endroit où il y a beaucoup de noisettes et ils en cueillent, le petit coq en met plein ses poches et la petite poule aussi. Quand elle a fini d’emplir ses poches, elle dit : « c’est que je n’en ai pas beaucoup, jamais je n’en aurai assez pour maman ». Alors, elle prend sa pantoufle et elle l’emplit de noisettes.

Ils reviennent tous deux à la maison.

Arrivés à moitié chemin, le petit coq qui a mangé toutes ses noisettes dit : « Il faut que tu me donnes des noisettes, moi, je n’en ai plus »

Alors la petite poule prend les noisettes de ses poches et les donne au petit coq. Et quand le petit coq a tout mangé, il demande les autres noisettes qui sont dans la pantoufle. La petite poule se met à pleurer et dit : « Non, ce sont les noisettes que je veux rapporter à maman ».

- Tu ne veux pas me les donner ? Bon !

Il prend la petite pantoufle, il tire dessus et elle se trouve déchirée.

La petite poule pleure.

- Qu’est-ce que je vais devenir ? Qu’est-ce que je vais devenir ? Ma petite pantoufle ! Les noisettes pour maman ! Et je n’ai plus de pantoufle. Il faut que j’aille trouver le cordonnier.

- Cordonnier, cordonnier ! Veux-tu me réparer ma petite pantoufle que le méchant coq m’a déchirée en revenant des noisettes ?

- Ah ! Mais, tu sais ma petite poule, je veux bien mais, pour raccommoder ta petite pantoufle il faut que tu ailles trouver le cochon pour qu’il te donne de la soie.

Elle va trouver le cochon

- Cochon, cochon, veux-tu me donner de la soie pour donner au cordonnier qui raccommodera ma petite pantoufle que le méchant coq m’a déchirée en revenant des noisettes ?

Le cochon dit :

- Moi je veux bien, mais il faut que tu ailles me chercher du son

Elle y va,

- Meunier, meunier veux-tu me donner du son pour donner au cochon qui me donnera de la soie pour donner au cordonnier qui raccommodera ma petite pantoufle, que le méchant coq m’a déchiré en revenant des noisettes ?

Le meunier dit :

- Je veux bien, mais alors il faut que tu ailles trouver le champ pour avoir du grain

Elle va trouver le champ

- Champ, champ veux-tu me donner du grain, pour donner au meunier qui me donnera du son, pour donner au cochon qui me donnera de la soie, pour donner au cordonnier qui raccommodera ma petite pantoufle que le méchant coq m’a déchirée en revenant de noisettes.

- Oh ! je veux bien, mais tu sais, pour que ça pousse, il faut que tu ailles chercher du fumier.

Elle va trouver la vache

- Vache, vache, veux-tu me donner du fumier, pour donner au champ qui me donnera du grain, pour donner au meunier qui me donnera du son, pour donner au cochon qui me donnera de la soie, pour donner au cordonnier qui raccommodera ma petite pantoufle que le méchant coq m’a déchirée en revenant de noisettes ?

- Je ne demande pas mieux, il faudrait que tu me donne de l’herbe. Va trouver le pré

Elle y va

- Pré, pré ! veux-tu me donner de l’herbe pour donner à la vache qui me donnera du fumier, pour donner au champ qui me donnera du grain, pour donner au meunier qui me donnera du son, pour donner au cochon qui donnera de la soie, pour donner au cordonnier qui raccommodera ma petite pantoufle que le méchant coq m’a déchirée en revenant des noisettes ?

- Je veux bien, mais va trouver la rivière car il me faut de l’eau, je n’ai pas assez d’herbe à te donner.

- Rivière, rivière ! veux-tu me donner de l’eau pour donner au pré qui me donnera de l’herbe pour donner à la vache qui me donnera du fumier, pour donner au champ qui me donnera du grain, pour donner au meunier qui me donnera du son, pour donner au cochon qui me donnera de la soie, pour donner au cordonnier qui raccommodera ma petite pantoufle que le méchant coq m’a déchirée en revenant des noisettes.

La rivière dit :

« Je veux bien, prends ce qu’il te faut ! »

Alors, la petite poule a pris de l’eau, qu’elle a donné au pré qui lui a donné de l’herbe, qu’elle a donnée à la vache qui lui a donné du fumier, qu’elle a donné au champ qui lui a donné du grain, qu’elle a donné au meunier qui lui a donné du son, qu’elle a donné au cochon qui lui a donné de la soie, qu’elle a donnée au cordonnier pour raccommoder sa petite pantoufle que le méchant coq a déchirée en revenant des noisettes.

 

Histoire racontée par mamie Suzon 92 ans qui la tient de sa mère, qui elle-même la tenait de sa mère….

 

 

Le trésor communal

 

En 1870, ce n’était pas comme de nos jours, les percepteurs n’habitaient pas le chef-lieu, et les communes devaient gérer directement les fonds qu’elles recevaient des contribuables.

Certaines, celle de B.. en particulier, détenaient des sommes assez importantes dont la garde, en temps ordinaire, ne posait aucun problème particulier.

Mais, les temps n’étaient pas sûrs et l’on signalait l’arrivée imminente des troupes prussiennes. On disait en particulier que celles-ci commençaient par prélever sur le trésor communal une partie importante, sans préjudice des impositions de toutes sortes : viande, pain, fourrage, couvertures, bottes, etc.

Il fallait donc à tout prix trouver une solution pour que la caisse de la commune échappe aux convoitises ennemies.

La laisser dans l’armoire fermée à clé où elle se trouvait, n’était guère prudent. Que les ennemis se livrent à une perquisition pour trouver des armes ou du blé par exemple, et l’on était sûr que le pot serait découvert.

L’enterrer ? La terre fraichement remuée dénoncerait à coup sûr l’opération.

La confier à un contribuable qui quitterait le village pour des lieux plus hospitaliers ? Outre qu’on pourrait avoir à tout moment besoin de cet argent, qui sait si l’homme ne serait pas intercepté par une patrouille ennemie ?

On eut une idée.

Cacher l’argent en un endroit où pas un Prussien n’ait astuce de l’aller chercher…., au fait du grand orme, sur la place de l’église.

L’idée fut jugée excellente et adoptée.

On enveloppa donc soigneusement la fortune communale dans un sac de gosse toile et le charpentier fut mandé pour la hisser tout au haut de l’arbre et la fixer solidement afin qu’elle ne risque pas de choir ni d’être aperçue d’en bas. Ce qui fut fait en présence de tous les habitants rassemblés, tous intéressés par cette opération hautement patriotique.

L’occupation prussienne eut lieu, hélas. Les troupes ennemies passèrent dans la commune, y séjournèrent à diverses reprises. On se défendit contre leurs exigences : une commune pauvre avait beau jeu de prétendre qu’elle ne pouvait répondre aux réquisitions.

Puis la période mauvaise passa.

Quand on fut bien sûr que l’ennemi ne reparaitrait plus, on décida que le sac serait descendu du grand orme où il était resté pendant plus d’un an.

Eh bien ! Vous me croirez si vous le voulez, mais les habitants de B… et le conseil en particulier n’ont pas encore compris comment, à la place des pièces d’or qu’ils avaient enfermées dans le sac, ils n’ont pu retrouver que… des crottes d’âne.

Pas un miracle assurément, mais au contraire une manifestation du diable. Il n’y a pas d’autre explication.

 

 

Histoire racontée par M. Rigollot de Beurey


Vieilles croyances et Sorciers

 


 Avant la Révolution, et même après, chez nous à Bayel, on croyait à des êtres surnaturels tels que lutins, loups-garous et sorciers. Ces créatures étaient possédées du Diable.

On disait aussi bien à Bayel que dans les communes limitrophes qu’un loup-garon parcourait les bois. On l’apercevait à la cote des Auges, aux quatre croix de Bayel. Quelques charbonniers et métayers l’avaient chassé, mais nul ne l’avait déhuré, c’est-à-dire abattu. De temps en temps, il s’approchait d’une maison, s’emparait d’un mouton ou d’une volaille, se jetait sur un passant isolé, puis disparaissait au premier chat du coq.

Un lutin (1) faisait aussi des apparitions à Bayel, il était constamment habillé de rouge. Il fréquentait plusieurs écuries où il agaçait les chevaux.  Un soir, un valet ennuyé de le voir, renversa un plat d’avoine sur son passage. Vexé de n’avoir pu ramasser les grains avant le lever du jour, ce lutin appelé Fouilletout, disparut de Bayel et émigra à Fontaine.

Mais, parmi toutes ces vieilles croyances, la plus répandue était la croyance aux sorciers. On en distinguait deux sortes :

- Les petits sorciers : ils guérissaient les malades, soignaient les entorses et les fractures, arrachaient les dents cassées. Ils savaient utiliser les vertus de certaines plantes mais employaient aussi des procédés qui aujourd’hui nous font sourire. Dans certains cas, ils recommandaient de mettre les pieds d’un malade dans le ventre d’un poulet que l’on avait écorché tout vivant ; la guérison du malade survenait lorsque la chair du poulet était décomposée.

- Les grands sorciers : c’était des créatures en la possession du Diable. Ils faisaient du mal à autrui en s’attaquant soit à sa personne, soit à ses biens. Ils jetaient des sorts et faisaient souvent périr bêtes et gens. Certaines nuits de Carême tous les sorciers d’une région se rassemblaient sous la présidence du Diable. C’était le grand Sabbat. Au XIXe siècle, les vieillards de Bayel racontaient encore que ce sabbat avait lieu à la Cornée et au Val Larron. Ils affirmaient avoir vu l’emplacement des danses maudites : l’herbe n’y poussait plus et sur le sol on voyait les empreintes des pieds fourchus.

Autrefois, non seulement le peuple ignorant croyait en ces récits mais les gens les plus instruits étaient persuadés de l’existence des lutins, des loups-garous ou des sorciers. Tout ce qui semblait bizarre et qu’à l’époque on était incapable d’expliquer (maladies, accidents, épidémies) était attribué au pouvoir des sorciers.

Mais la sorcellerie était un crime. De pauvres diables dont le seul crime était d’être peu aimés de leurs semblables prirent le chemin du bûcher sous l’inculpation du crime de sorcellerie. Ce fut le cas de Nicolas Jeton*.

(1)  Un même Lutin existe aussi en Côte-d’Or, surtout dans le Châtillonnais, principalement à Larrey, le « fouleto » (le felten du Bassigny) fait bien des niches, mais soigne les vaches, étrille les chevaux, agite sa lanterne le long des routoirs où rouit le chanvre, vous jette parfois de l’eau et éclate de rire. Larrey et sa région possèdent des étangs propres aux feux follets.



Constitution civile du clergé (1790)

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