Dans les temps médiévaux (XIIe siècle), l’émancipation
des villes par l’octroi de la part de leur suzerain de privilèges et
obligations, entraina la concession d’armoiries aux villes ou corporations
ainsi libérées du joug féodal. Soucieux d’ordre et de paix dans leur possessions,
les souverains créèrent des charges d’officiers spécialisés, les « hérauts
d’armes »(1), pour régler les litiges et recenser les armories.
Le 9 janvier 1407, Charles VI institua un Collège
des Hérauts(2) dont la juridiction s’étendait sur tout le royaume.
Le 7 juin 1487, Charles VIII créa la charge de
Maréchal d’Armes (3), devant connaitre des causes nobiliaires, tant des fiefs
que des personnes ; noms et armoiries devant être vérifiés et consigné sur
le registre (rôle). Cet office permit de maintenir dans leurs droits féodaux maintes familles dont les chevaliers
étaient morts au combat de Saint-Aubin-de-Cormier (4) le 16 juillet 1488, tant
dans les rangs de l’armée royale que dans ceux de l’armée du duc François II.
Le 21 février 1501, Louis XII commanda à son Roi
d’armes « Normandie » de faire défense du blason d’hermine plain, et du nom de
Bretagne, à tous les parents de la Reine Anne, duchesse de Bretagne.
En 1615, Louis XIII créa la charge de « Juge général
d’armes de France », charge attribuée à François de Cherviers, puis à
Pierre d’Hozier (5) en 1641. [Marc Vulson
de la Colombière, dans « Le Palais de l’Honneur », observe qu’en
1645, les Héraults d’armes, peu zélés, n’ont qu’un rôle consultatif auprès des
tribunaux]
Le 22 juin 1790 (7), un décret de la Constituante
supprima toutes armoiries, « vestiges de la féodalité ». La période
révolutionnaire utilisa une symbolique inspirée de l’antiquité : bonnet
phrygien, piques, faisceaux de licteurs…
Napoléon Ier , suite à la demande de la ville de
Lyon qui souhaitait faire sculpter ses anciennes armoiries au fronton de son
hôtel de ville reconstruit, fit concevoir, en trois jours, une héraldique
« Impériale », objet d’un sénatus-consulte (8) du 11 mai 1808.
Villes, corporations et associations civiles purent recevoir des armoiries,
avis du 29 mars 1809(9). Ces blasons d’armoiries, ne pouvaient être octroyés
que « d’un mouvement propre de l’Empereur », les villes durent se
conformer à certaines obligations et porter dans leurs armoiries, en fonction
de leur importance :
- les villes de première classe* : un chef de
gueules à trois abeilles d’or avec en ornement extérieur une couronne murale à
l’aigle essorante** d’or ;
- les villes de 2ème classe : un
franc-quartier dextre d’azur à l’N d’or surmonté d’une étoile rayonnant du
même’ ; couronne murale avec aigle essorante d’argent ;
- les villes de 3ème classe*** : un
franc-quartier senestre de gueules avec l’N d’argent et étoile du même ;
couronne en corbeille avec épis de blé.
Au cours de la première Restauration, Louis XVIII
publia le 26 septembre 1814 une ordonnance relative aux armoiries municipales.
Cette ordonnance fut annulée pendant les Cent-Jours (décret des 13 et 24 mars
1815).
En 1816, Louis XVIII rendit aux communes les
« marques d’honneur que leur avaient octroyées ses prédécesseurs » (y
compris Napoléon Ier).
La seconde République, qui abolit les titres de
noblesse le 29 février 1848, ne légiféra pas en matière d’armoiries et
certaines villes, notamment Bordeaux, se bornèrent à gratter les fleurs de lys
de leur blason.
Le Second Empire revient au statut de 1808. Napoléon
III – qui n’accorda que des titres nobiliaires****- créa un conseil du Sceau le
8 janvier 1859. Ce conseil fut supprimé par la Troisième République le 10
janvier 1872.
Dès lors, chaque ville ou particulier put ainsi se
constituer à sa convenance un symbole ou un blason, « fors le droit
d’autrui ». Il en fut ainsi jusqu’à la création de l’État Français en
juillet 1940. Le Maréchal Pétain, Chef de l’État, créa une commission des
Sceaux et Armoiries de l’État. Les blasons communaux, enregistrés au Ministère
de la Justice, en reçurent un brevet, avec dessin dû à l’héraldiste Robert
Louis, alors dessinateur symboliste des services officiels.
En octobre 1945, le Général de Gaulle, Chef du
Gouvernement provisoire, promulgua depuis Toulouse une ordonnance reconnaissant
aux conseils municipaux le libre choix de leurs armoiries, sans frais
d’enregistrement.
Les IVème et Vème République n’ayant pas légiféré en
la matière, l’usage d’armoiries et donc entièrement licite et libre et relève du domaine
privé. Plusieurs départements ont créé des commissions chargées
d’officialiser les décisions des conseils municipaux.
*villes de première classe : Paris – Lyon – Marseille – bordeaux – Rouen – Nantes - Lille – Toulouse – Strasbourg - Orléans – Amiens - Angers – Montpellier – Metz – Caen – Clermont-Ferrand - Besançon – Nancy – Versailles – Rennes – Tours - Grenoble – La Rochelle – Agen – Reims – Montauban – Troyes, dont les maires assistent au couronnement de l’Empereur.
**essorant :
Se dit des oiseaux, principalement de l'aigle, lorsque ces oiseaux sont posés
de profil et entr'ouvrent leurs ailes comme pour prendre leur essor.
***villes de
3ème classe : Nantes et Paimboeuf furent seules à en
recevoir ; Sucé qui avait postulée fut déboutée.
****Titre
nobiliaire : Maréchal de Mac-Mahon, duc de Magenta en 1860 – Général
Cousin-Montauban, comte de Palikao en 1862.