lundi 24 mars 2025

Église collégiale et royale Saint-Étienne de Troyes

 

La collégiale avec son clocher et sa flèche à la croisée des transepts,
 fusain anonyme du XVIIe, musée de Troyes.


Il ne reste plus rien de la collégiale Saint-Étienne à Troyes puisqu’elle disparait en 1799. C'est l'un des premiers édifices gothiques en Champagne qui se situait dans le quartier appelé « le Cloître-Saint-Étienne » : amorcée à angle droit au palais, dont l'emplacement est aujourd'hui occupé par le bassin du canal, elle s'allongeait jusqu'environ le milieu de l'actuel jardin du Préau.

Le Chapitre Saint-Etienne a été fondé en 1157 par le Comte Henri le Libéral, auprès de son palais, pour lui servir de chapelle : l'église communiquait directement avec les appartements du palais comtal, par une tribune placée à l'entrée de la nef, et d’où il se plaisait à suivre les offices. Il l’appelait « Notre chapelle ». Elle est alors comptée comme paroisse, pour le Comte et ses familiers. A la prière du comte de Champagne, l’église de Saint-Etienne avait été déclarée par les papes, entièrement exempte de la juridiction de l’évêque, et devait jouir de tous les privilèges attachés aux saintes chapelles des rois qui sont desservies par leur chapelains. L’évêque ne pouvait interdire cette église, ni prononcer aucune censure, soit d’excommunication, soit de suspense ou d’interdit contre les clercs.

Mais, ce privilège ne dura pas longtemps. Le roi, l’archevêque de Sens Guillaume aux-Blanches-Mains et les autres évêques de la province, représentèrent au Pape Alexandre III, qu’une exemption de cette nature troublait la paix de l’épiscopat, occasionnait du désordre tant dans le clergé que dans le peuple, du mépris pour la justice ecclésiastique, et faisait craindre pour la dignité épiscopale qui « en souffrait un dommage considérable ». En conséquence, le souverain pontife révoqua, annula ce privilège et remit l’église de Saint-Etienne sous la juridiction et obéissance de l’évêque. La bulle de révocation est datée de Tusculum le 15 juin (pas d’année).   

L’église s’éleva sur l’emplacement d’une ancienne chapelle dédiée à Saint-André, vocable qui, à titre de paroisse, fut conservé à la collégiale, qui était desservie par deux chapelains. Elle était de grandes dimensions (75 m. sur 29), avec une nef accompagnée de deux collatéraux.

Si le comte Henri le Libéral dota amplement certains établissements religieux, il n’en est aucun qui reçut de lui plus de preuves de son affection et de sa générosité que la collégiale Saint-Etienne, qui demeura à Troyes, un monument de sa piété et de sa libéralité sans bornes. Il disposait de toutes les prébendes de Saint-Etienne. Il l'enrichit de privilèges, droits, revenus, terres, et aussi de reliques, objets d'orfèvrerie, ivoires... 

Saint-Etienne profite également du succès des foires de Champagne : à Troyes, le chapitre perçoit ainsi le tonlieu des draps teints, de la cire, des droits sur la vente du sel. Henri donne au chapitre le cloître libre, les moulins qu’il possède près des étuves et ceux qui sont situés près de son château neuf (de la Tour), la pêche et le cours d’eau depuis la « villa » Sancey jusqu’au moulin de Saint-Quentin, la moitié du produit de deux fours, « la liberté » d’un grand nombre de maisons, de boutiques et d’étaux répandus dans la ville de Troyes, des droits sur les foires, le revenu de menues denrées et de toute la cire qui se vend à Troyes, le péage de la porte des Oursiers ou de l’Evêque, les marchés des vicomtes et de Saint-Pierre, la foire du clos libre, la moitié du « freste » des maisons du clos, la première mesure de sel, le douzième de chaque attelage de quatre chevaux amenant du sel depuis la Saint-André jusqu’à la Purification, des rentes sur le clos et la justice des maisons situées dans ce clos, hors la porte de Cronsels, l’entrée en ville des muids de vins, tout ce que le comte possède à Pont-Sainte-Marie, à Sainte-Maure, à Saint-Benoit, et tous les hommes qui lui appartiennent depuis le Pont-Sainte-Marie jusqu’à Saint-Sépulcre (Villacerf), tout ce qu’il a à Panay, Ruvigny, Belley, Thennelières, Champigny, Laubressel et Rouilly, deux hommes et leurs familles qui habitent Baires… tous les aubins qu’il possède à Troyes…

Lors de sa mort, en 1181, le comte Henri donne à l’église de Saint-Etienne, deux serfs et une serve de Pont-sur-Seine et les aubins de cette ville. Les chanoines de la collégiale sont aussi en possession du singulier privilège que leur a accordé le comte Henri-le-Libéral, d’être les seuls qui, à Troyes, peuvent tenir ou faire tenir des étuves ouvertes au public, maisons d’une réputation forte équivoque au moyen-âge. Le comte est enterré dans le chœur de la collégiale Saint-Etienne, où Marie de France, sa veuve, lui fit élever un magnifique tombeau en bronze.

 Le 23 juillet 1188, la ville de Troyes est en grande partie détruite par un violent incendie. La collégiale Saint-Etienne, nouvellement édifiée est la proie des flammes. Les riches ornements servant au culte, les vases d’or et d’argent provenant des dons du comte Henri ne peuvent être sauvés. Enfin, après avoir été longtemps sous les ruines, elle fut rebâtie et couverte en partie de plomb. En 1201, Thibault III, comme son père, est enterré dans le chœur de la collégiale Saint-Etienne.

La richesse du chapitre permit aux comtes de l'utiliser à leur gré. Ainsi, le 15 mai 1223, Thibaud IV reconnaît avoir reçu de Saint-Etienne « la table d'or » ou devant d'autel, ornée de pierres précieuses et d'émaux et une grande croix d'or, pour servir de gage à un emprunt contracté auprès de l'abbaye de Saint-Denis.

Tombeau de Henri Le Libéral 
Arch. Abbé Coffinet (1860) 


La collégiale Saint-Étienne devient royale à la fin du XIIIe siècle.

En 1322, après son divorce avec Blanche de Bourgogne, Charles-le-bel vint épouser à Troyes, en l’église Saint-Etienne, Marie de Luxembourg, fille de l’empereur Henri VII et de Marguerite de Brabant « avec la plus grande magnificence ».

En 1360, le chapitre de Saint-Etienne aide à la rançon du roi Jean le Bon à Edouard III d'Angleterre, en donnant la « table d'or », estimée 1.000 florins, soit 14.000 francs or de l'époque. De ce fait, le chapitre de Saint-Etienne, pourtant richement doté, se voit dans l'impossibilité, de 1429 à 1451, de verser aux chanoines le « gros » qui leur est dû.

L’église de Saint-Etienne fut dédiée en 1375 par l’évêque Pierre de Villiers.

Charles VIII, lors de sa visite à Troyes en 1486, s’installe au Palais-Royal, et assiste chaque jour aux offices à la collégiale de Saint-Etienne, chapelle royale.

Le chapitre de Saint-Etienne, en 1489, possédait une magnifique tapisserie appelée la tapisserie des « Sept-Art ».

Le Jubé exécuté en 1549 par Dominique le Florentin* et Gabriel Fabro son gendre, « est estimé des connaisseurs pour les ornements, les bas-reliefs et les statues ». On voyait dans le chœur, un bas-relief en bois représentant le martyr de Saint-Etienne, fait en 1558. Le rond-point du chœur était couvert de tableaux de Jacques de Létin*, commencés en 1629 et terminés en 1635.


Jubé de la collégiale St-Etienne de Troyes par Le Florentin ; 
Pierre Jean Grosley en 1811, Bibl. Reims

La Vierge Marie, jubé de la Collégiale Saint-Étienne, 
par Dominique le Florentin
Musée de Vauluisant à Troyes


Saint Jean, jubé de la Collégiale Saint-Étienne, 
par Dominique Le Florentin
Musée de Vauluisant à Troyes


* Domenico del Barbieri, Domenico Ricoveri del Barbiere, Domenico Fiorentino, ou Dominique Le Florentin en France, est un sculpteur stucateur, graveur, peintre et architecte italien de la Renaissance, actif principalement en France au XVIe siècle. Né à Florence (Italie) entre 1501 et 1506, il est mort à Troyes au début des années 1570. Il a influencé l’art de la Renaissance à Troyes et dans toute la région.

On le retrouve sous différents noms. Il signe ses planches Domenico Fiorentino, Domenico del Barbiere Fiorentino. Giorgio Vasari copié par André Félibien, l'appelle Domenico del Barbiere (notice consacrée à l'artiste par Vasari). Pierre-Jean Grosley l'appelle Dominique Riconucci ou Rinuccini. Dans les actes le concernant on trouve les noms Riconuri, Ricouvri, Recourre ou Ricombre. Natalis Rondot a retrouvé son nom : Domenico Ricoveri del Barbiere.

*Jacques de Létin, souvent improprement nommé Jacques Ninet de Lestin, né à Troyes en 1597 et mort dans cette même ville en 1661.

Jacques de Létin, autoportrait, musée St Loup de Troyes


Capucin supportant la douleur du Christ sur la Croix 
 église de la Madeleine à Troyes
 Jacques de Létin vers 1645

Le trésor des reliques de l’église de Saint-Etienne était considérable dont la châsse de sainte Hoïlde, cette sainte invoquée par les Troyens dans les calamités publiques et surtout en temps de sécheresse, la châsse pour les reliques de Saint-Avertin, les ornements du comte fondateur…  [aussi : Hulda de Troyes) de l'époque mérovingienne (dont la sœur est la ville de Sainte-Menehould)]

Les pratiques bizarres étaient fort connues au moyen-âge. Le chapitre réfléchit sur le ridicule de cet usage qui tenait encore à d’anciennes pratiques superstitieuses et apprêtaient à rire pendant l’office divin.  L’année 1506 on en supprima une qui était exécutée dans la collégiale Saint-Etienne. Ce jeu, dit de la Pelotte, était pratiqué « le jour de Pâques, après None ». Le chapitre allait chercher l’évêque processionnellement pour chanter les Vêpres. Le cortège se rendait dans la salle capitulaire. On y admettait les notables et les bourgeois. Le doyen apportait une balle et une toupie, avec une « tiare », aux armes de l’évêque. Le cloîtrier plaçait la toupie sur une bancelle (petit banc étroit), au milieu de l’assemblée, présentait la balle à l’évêque qui, 3 fois, la lançait sur la toupie. Le jeu fini, les gens de l’évêque présentaient à l’assistance du vin rouge, du vin blanc, des oublies et des pommes qui étaient distribués à tous les assistants, après bénédiction. Le cloîtrier présentait le verre au doyen, buvait après lui et le verre lui appartenait.

Le « guidon » (fanion) de la noblesse de Champagne était toujours déposé dans la collégiale Saint-Etienne, d’où il sortait lors de la levée du ban et de l’arrière banc du comté. Il était composé de 2 pièces de damas : l’un bleu, aux armes de France, et l’autre rouge, à celles de Champagne.

Le nombre des chanoines était de 60, avec les dignités de doyen, sous-doyen, prévôt, chantre, sous-chantre, trésorier, chevecier (ecclésiastique chargé de l'entretien du chevet de l'église, de la garde de son trésor et de son luminaire), scholastique et cellerier (religieux chargé de l'approvisionnement du cellier, de la nourriture et des dépenses de la communauté).

En 1419, les chanoines demandèrent au roi de réduire le nombre des prébendes (revenu rattaché à certains titres ecclésiastique) à cause des pertes éprouvées pendant la guerre de Cent ans. Deux prébendes sont supprimées pour subvenir à la nourriture des enfants de chœur.

En 1428, il n’y en avait plus que 57. Le grand incendie de 1524 ayant diminué de moitié les revenus, le chapitre renouvelle, en 1526, la diminution des prébendes. Cette demande fut encore renouvelée vers 1535. Au XVIIIe siècle, l’insuffisance des revenus nécessite une nouvelle réduction des prébendes et des dignités. Des lettres-patentes de 1710 suppriment 5 dignités et 19 canonicats. Le chapitre se compose dès lors de 4 dignités, 20 chanoines capitulants, 2 chanoines du Trésor et de 3 religieux. En 1761, le nombre des bénéficiers se trouve réduit à 38.

La chapelle du Crucifix était le siège d’une petite paroisse, sous le vocable de Saint-André. C’était aussi la paroisse du bailli, qui avait le siège même de sa juridiction dans le palais même des anciens comtes, dont dépendait cette chapelle, et du maïeur (premier magistrat municipal) élu bailli du chapitre.

En 1550, les orgues furent augmentées de jeux nouveaux.

Vitraux, peintures : on fit des travaux d’embellissement : Linard Gontier refit une verrière en 1622, Macradé des vitraux dans les deux chapelles méridionales. Le rond-point du chœur était garni de tableaux de Ninet de Lestin représentant la vie de Saint-Etienne.

Le chapitre Saint-Etienne avait des droits et revenus dans un grand nombre de localités. Il était vicomte de Troyes pour un tiers depuis 1264, seigneur de Cosdon, de Bercenay-en-Othe en partie, propriétaire des moulins du Bourg, à Isle-Aumont, et de Meldançon, à Troyes… usager dans les forêts du comte de Champagne.

Le décret du 2 novembre 1789, en mettant « à la disposition de la nation » les biens ecclésiastiques, porte un coup très sensible au chapitre de la collégiale Saint-Etienne. La loi du 13 février 1790 ayant supprimé les instituts religieux, achève de désorganiser la vie chrétienne du diocèse.

Dès la fin décembre 1791, c'est la vente des biens de la vénérable collégiale, et en mars 1792, la vente de son mobilier. C'est par tonneaux que furent expédiés à Paris les différents objets d'art. (Il n'en reste qu'une soixantaine de débris émaillés, conservés au trésor de la cathédrale).

On y admirait surtout deux tombeaux d'inestimable valeur pour leurs statues en argent, les pierreries, les émaux qui les décoraient, l'un d'Henri le Libéral (voir ci-dessus), l'autre  de son fils Thibaud III (voir ci-dessous), érigés, le premier par les soins de la comtesse Marie, veuve d'Henri (morte en 1198), le second par la comtesse Blanche de Navarre, veuve de Thibaud (morte en 1229).

 Ces tombeaux ne subirent, pendant près de 600 ans, aucun outrage important, et lorsque l’église de Saint-Etienne fut supprimée, ces tombeaux et leurs corps, furent transportés avec pompe, le 27 février 1792, dans l’église cathédrale de Troyes. Mais avec les événements de 1793, les tombeaux ornés de statues et d’émaux, ont pour toujours disparu. Il ne reste que quelques fragments au trésor de la cathédrale.


Tombeau du Comte Thibault III 
Archi. Abbé Coffinet (1860)

Quant à l'église, adjugée à un poêlier le 17 décembre 1791, dépouillée, le 2 mars 1792, de son mobilier, de ses statues et tableaux, elle devait être démolie dans les premiers mois de 1796.

Quelques Epaves, par bonheur, ont survécu à ce désastre : un vitrail de Linard Gonthier, la  Conception, aujourd'hui dans la chapelle des catéchismes à la cathédrale, les statues de la Foi  et de la Charité  de Dominique Florentin à Saint-Pantaléon et, à l'église de Bar-sur-Seine, 4 bas-reliefs de la « Vie de saint Etienne » par le même artiste.

Plan de la Collégiale jouxtant l'ancien Palais des Comtes de Champagne au 1er plan


Parmi les bienfaiteurs de Saint-Etienne, on compte Dominique de Taconis, né à Alexandrie de la Paille, au duché de Milan, « c’est le plus grand physicien de toutes la France », chanoine célerier de Saint-Etienne. Il donna beaucoup de bien à l’église de Saint-Etienne, et même des biens « considérables sur les ports de Gênes ». Le prince-fondateur de l’église de Saint-Etienne donna aux chanoines, « qu’il appelait ses enfants et ses chapelains », de beaux jardins et quantité de maisons hors de la ville, qui forment ce que l’on appelle le « Cloître Saint-Etienne ».

Enfin, il les combla de tant de biens, « qu’il se dépouilla de sa propre robe pour les en couvrir ».

L’autel de la collégiale Saint-Etienne a été donné à l’église Saint-Liébault d’Estissac.

Ancien Maître-Autel de la Collégiale St Étienne de Troyes
marbre griotte veiné blanc
église St Liébaut à Estissac (Aube-10)


Vitrail vers 1170-1180, Collégiale Saint Etienne de Troyes
Légende de Saint-Nicolas 
Musée National du Moyen Âge (Hôtel de Cluny) à Paris 

Registre inférieur
Saint-Nicolas donne de l’argent à un père de trois filles pour qu’elles n’aient pas à se prostituer 
 
Registre supérieur 
un Juif se plaint à une statue du saint qu’il a été volé lors de son voyage. Après quoi il récupère son argent volé


Voir chapitre : Les Comtes de Champagne

Voir chapitre : Vicomté de Troyes

Voir chapitre : Porte des Oursiers





Charles VIII à Troyes

 

Portrait de Charles VIII, huile sur panneau de bois,
 école française du XVIe siècle,
Chantilly, musée Condé.



Louis XI décède le 30 août 1483.

Cet événement est annoncé aux Troyens par deux lettres écrites d’Amboise ; l’une du 31 août, par son fils, qui fut roi sous le nom de Charles VIII, et l’autre le 1er septembre par Pierre de Bourbon gendre de Louis XI.

Ces lettres apportées par un chevaucheur de l’écurie du roi, n’arrivèrent à Troyes, que le 14 septembre. Charles VIII demande des prières pour son père. Charles VIII, en annonçant la mort de son père, invite les Troyens à rester unis et soumis à son obéissance, et de manière que chacun vive en sûreté, repos et tranquillité. Vivant ainsi, il les aura « en spéciale et singulière recommandation, comme ses bons, vrais et loyaux sujets ».

Le jeune roi, par une lettre aux élus, décharge les habitants de Troyes du paiement des tailles pour le quatrième quartier de l’année.

Le 24 septembre 1483, les Troyens répondent au roi. Ils le remercient de la remise qu’il leur a accordée sur les tailles. Ils l’informent de la célébration d’un service funèbre pour le repos de l’âme de son père. Ils ont pourvu à la garde de la ville, avant la signification du décès du feu roi et aussitôt qu’ils en ont eu la nouvelle certaine. Des députés seraient déjà en route, si ce n’était « un peu de peste qui a cours en ville, mais qui s’apaise ». La ville fait, peu après, par ses députés, son serment d’obéissance au jeune roi. Elle obtient une exemption d’impôts sur les menus vivres et sur la boucherie. Elle fait confirmer ses privilèges d’arrêt ainsi que deux des foires, de l’exemption de toute garnison et de la  suppression, à leur grande satisfaction, de la charge de capitaine de la ville.

A l’occasion de la lutte du duc d’Orléans, Charles VIII, le 18 janvier 1484, informe les habitants de Troyes de la division survenue  entre lui et le duc d’Orléans.  Le roi invite les Troyens à demeurer unis et fidèles à la Couronne, et à lui envoyer deux députés, afin de l’instruire de ce qui se passe à Troyes. Il est décidé que la ville « demeurerait ferme dans son obéissance au roi, et que les Troyens seront exhortés à prier Dieu pour la prospérité et la santé du roi et pour la paix et union du royaume ».

En décembre 1485,  le roi annonce qu’il envoie à Troyes une garnison de lansquenets. Persistant dans l’exécution de ses lettres de privilège, le conseil s’excuse, près du roi, de ne la point recevoir, et demande une exemption des gens de guerre, tant à cause des privilèges, qu’en raison des charges qui pèsent sur les habitants. De suite, le conseil fait fermer les portes de la Madeleine, de Comporté et de la Tannerie, afin de compter plus facilement les gens de guerre entrant en ville.

En 1486, Charles VIII met le comble à la bonne fortune des Troyens en venant les visiter lui-même, pour un séjour de plus d’un mois. Le roi, accompagné d’une nombreuse suite de seigneurs, des gens de son conseil et d’une compagnie de ses gardes, quitte Paris dans les premiers jours de mai. Le 11, le roi arrive à Saint-Lyé, et passe la nuit au château résidence de campagne des Évêques de Troyes et où Louis X le Hutin avait épousé la fille du roi Martel de Hongrie en 1315.

Le lendemain au matin, il se met en route pour Troyes. L’évêque, accompagné du clergé, le lieutenant général du bailliage et tous les officiers de justice, les conseillers, les praticiens, notaires et avocats, ainsi que le prévôt « revêtu d’écarlate », les sergents royaux, en belle livrée, les échevins, tous à cheval et portant des robes rouges, suivis des nobles, bourgeois et marchands, tous à cheval, vont au-devant du roi jusqu’à Pouilly, où se fait la rencontre.

L’évêque harangue le roi, l’assure de l’obéissance et de la fidélité des habitants et lui présente les clefs de la ville, puis le cortège se met en marche et arrive au prieuré de Saint-Antoine, où il est de nouveau harangué par le plus ancien d’entre les religieux. Le roi et les principaux personnages de sa suite dînent à Saint-Antoine. Après le dîner, l’évêque et tous les gens d’église, en surplis et en chapes, portant les croix et les reliques, avec les habitants et les officiers royaux, vont recevoir le roi à la porte du Beffroy

Les rues qui doivent être parcourues par le cortège royal, sont parées de tapisseries et de draps de soie, couvertes « de mays » et jonchées de verdure. Sur ces riches tentures sont « affichées plusieurs histoires en l’honneur et à la louange du roi ». Différents « mystères et personnages » sont représentés pendant la marche du cortège. Celui qui est joué à la Porte de Paris, représente le petit David terrassant d’un coup de fronde le géant Goliath, auquel il tranche la tête. Cette scène démontre que le roi, quoique jeune, terrassera ses ennemis. Dans « des mays » nombreux, sont placées des cages remplies d’oiseaux chantants. Tout près de là sont de belles jeunes filles, faisant des bouquets, qu’elles offrent au roi et aux seigneurs de sa suite, et qui, accompagnées par "une" orgue « chantent belles chansons en l’honneur du roi ». Une de ces jeunes filles tient un tableau où se lisent 8 vers exprimant la joie des filles de Sion à la vue de David. Ce groupe de jeunes et jolies filles démontre que Troyes est ornée de plusieurs corps de Saintes Vierges, comme sainte Hélène que l’on peut voir encore, de sainte Mâthie, de sainte Hoïlde, sainte Maure, sainte Savinesainte Syre et plusieurs autres qui sont réputées comme les Patronnes et Protectrices de la ville. Il est à noter qu’en cette journée de l’entrée du Roy, le temps fut toujours très beau et serein, sans aucun  nuage.

 A la même porte, est aussi représenté le mystère de la Trinité, sur un échafaud, d’où descendit, vers le roi, un ange, qui lui présenta une croix d’argent. Ceci rappelait qu’un ange apparut à Constantin, auquel il remit une croix, en lui annonçant qu’à ce signe il serait vainqueur. L’enfant montra au Roy un écu sur lequel était écrit le nom de Jésus en lettres d’or avec une couronne d’épines au-dessus, lui disant que cet écu représentant l’ancienne oriflamme pour l’empêcher d’être jamais vaincu. Cette représentation de la Très Sainte Trinité signifie encore que Troyes est une cité unie, dont l’origine remonte à l’existence de trois châteaux et que, par comparaison, elle est appelée : « Totius Trinitatis nobile Triclinium». Au-dessus du mystère de la Trinité est arboré un étendard chargé d’un écu aux armes de France. 



En présentant au roi l’écusson, l’enfant lui dit :

[ Très-hault puissant Roy triomphant,

A toy présente cest escu

Qui représente l’oriflant

Pour toy garder d’estre vainu

Ceux qui devant toy ont vescu

Sesont longés en telles armes

Qui plus leur ont valu qu’escu

Ne qu’autre grant puissance d’armes.]

 

De la porte de Paris (Beffrroy), le cortège se met en marche. Les gens d’église tenant la tête, après eux les bourgeois et les marchands en leurs habits, puis le prévôt et les sergents, Monsieur de Troyes (l’évêque) monté sur une mule bien sellée (dressée), le lieutenant général, les officiers de justice, les conseillers, notaires et praticiens, les gardes du roi vêtus de brigantines, de beaux hoquetons à mailles argentées, armés d’arcs et de flèches d’un côté et d’épées ou braquemards (épées à 2 tranchants) de l’autre, et coiffés de salades ou capelines, marchent ensuite.

L’étendard du capitaine de la garde écossaise, long d’une toise et aux 3 couleurs : rouge, blanc et vert, et qui porte, dans le champ, un saint Michel, et au-dessus un soleil d’or, puis les trompettes et les clairons. En avant du roi marchent 24 sauvages, dont les habits sont faits et couverts de toile et de chanvre mâle, et jetant des fleurs devant le roi. Puis le roi, monté sur un magnifique cheval noir, 4 échevins, vêtus de leur robe « d’écarlate (étoffe de laine fine et de couleur rouge) et de satin », portent un dais au-dessus du roi. Ce dais est de fin drap d’or luisant et les lambrequins sont entremêlés d’or et d’azur. Le cortège royal passe par la rue des Trois-Têtes, et, en face de l’hôtellerie des Trois Visages, sont réunis 200 enfants âgés d’environ 6 ans, vêtus de rouge, coiffés d’un chapeau blanc, et assis sur un échafaud. Ils crient : « Noël ! Noël ! ».


Sur la place du Marché-au-Blé, est « la fontaine des Trois-Pucelles » jetant par les seins, du vin de trois couleurs, où chacun peut boire. Au-dessus de la fontaine est une estrade où se tiennent « ménestriers et trompettes ».

[ Cet arbre icy nous signifie

Trestous les Roys qui ont esté

Procréez de la lignée

De sainct Louys ; en vérité

C’estoit un Roy de charité,

Comme il appert par sa légende,

Il tint justice et équité

Ainsi que Dieu le dit et mande. ]

 

Sur l’étape au vin, un échafaud est chargé d’enfants, vêtus en violet, criant : « Vive le Roi ! ». Place de l’Hôtel de Ville, s’élève un échafaud sur lequel est représentée une Fleur de Lys au naturel « de laquelle sort un fort beau roi, vêtu de drap d’or et paraissant âgé d’environ dix ans ». Une jeune fille, vêtue de damas blanc, du même âge que le roi, présente son cœur à celui-ci, tandis qu’une autre joue des orgues et qu’une troisième jeune fille « administre les vents à sa compagne ».

Plus loin, est placé l’arbre des rois, parmi lesquels est représenté saint Louis,  en chape de drap d’or. En face de l’hôtel du Cygne est un groupe d’enfants criant : « Vive le Roi ! ». Près de la place Saint-Pierre se trouvent l’évêque et le clergé. Au-dessus de la porte de la cathédrale, est un pavillon fort riche, semé de fleurs de lys « en forme de tente de guerre ». Sous ce pavillon, est placé un roi, accompagné de sept géants « ce qui signifie le pavillon de la paix ».

Charles VIII, arrivé près de l’église, met pied à terre. Il est reçu par l’évêque, entre dans l’église, y fait sa prière, au pied du grand autel. Après le Te Deum, chanté au son des cloches et avec l’accompagnement des orgues, le roi remonte à cheval, puis il est conduit au Palais Royal,  édifice spacieux, fort ample et de grande noblesse, touchant à quatre églises : la Collégiale St Étienne, Notre-Dame, les Jacobins et l’Hôtel-Dieu. Charles VIII s’installe au Palais-Royal, et sa suite est logée chez les habitants. La ville fut éclairée pendant les 8 premières nuits du séjour du roi, et, dans la soirée où il revint de Torvilliers, où il avait chassé. Il assiste chaque jour aux offices à la collégiale de Saint-Etienne, chapelle royale. Un oratoire est élevé dans le chœur pour le roi et l’église est décorée, tous les jours, de mays et de joncs. Le 25 mai, il assiste aux cérémonies de la Fête-Dieu, et il est encore à Troyes le 15 juin.

[Telle a esté cette entrée, extraite d’un manuscrit du temps composé en vieilles rithmes par un qui se dit avoir assisté et esté présent à cette cérémonie, asseurant qu’il y vit tout ce qu’il y a remarqué. Elle m’a esté bénignement communiquée par M. Camusat, chanoine de Troyes* duquel à ce rencontre il y a lieu de rendre ce témoignage, qu’il s’est tousjours rendu très-officieux et pompt à communiquer libéralement tout ce qui a esté entre ses mains, qu’il a jugé capable de pouvoir servir au public, prévenant mesme souvent les demandes et recherches sur ce sujet. Or cette pièce représente naïvement ce qui avoit coustume d’estre fait à la première entrée des Roys en la ville de Troyes.]

*Camusat est l’auteur du «  Promptuarium sacrarum antiquitatum Tricassiæ diœcesis »

(que je traduis par : "Recueil des anciennes reliques sacrées du diocèse de Troyes")

 La ville de Troyes obtient d’abord la suppression de l’une des charges qui pesait le plus lourdement sur ses habitants : l’exemption et l’affranchissement de toutes les tailles et de tous les impôts qui, à l’avenir pourraient être levés, soit pour l’entretien des gens de guerre, soit pour toute autre cause. Cette faveur est motivée par la conduite des Troyens en 1429 et en raison de ce que depuis la rivière de Loire, après les sièges d’Orléans et de Montargis, la ville de Troyes fut la première qui, sans contrainte ni difficulté, reçut Charles VII, l’aïeul du roi, et l’accueillit comme son « droiturier » et souverain seigneur : cette soumission, ayant amené la réduction des autres bonnes villes de Champagne et d’autres du royaume, et Charles VII, ayant pu se rendre à Reims et s’y faire sacrer.

L’enregistrement des lettres n’eut lieu à la Cour des Comptes que le 16 mars 1488 et, peu après, la ville et ses habitants ne furent pas moins frappés d’impôts que par le passé !! Charles VIII  établit à Troyes deux nouvelles foires, outre celles qui existaient anciennement. L’une est la foire chaude et l’autre la foire froide. Ces foires sont fort déchues de leur ancienne importance. Elles sont franches de tous droits et même pendant la quinzaine suivante. Nuls marchands, comme nulles marchandises ne peuvent être arrêtés ni saisis. Tout individu fréquentant les foires, et ses marchandises, sont placés sous la sauvegarde du roi.

Pendant le séjour du roi, le clergé se fait exempter du logement des gens de guerre, sauf les cas d’urgente nécessité. Les métiers profitent aussi de la présence du roi et de celle de son conseil, à Troyes, pour faire régler certaines de leurs affaires.

Charles VIII était bien jeune  pour se permettre de telles générosités. Les ministres ne se crurent pas tenus de respecter les caprices « d’un jeune fou de 16 ans », et cinq années ne s’étaient pas écoulées, que les Troyens devaient payer des impositions aussi considérables qu’au temps de Louis XI  ! ! !         


Le roi Charles VIII dans ses jeunes années - IA


COMPTES DE JEHAN HENNEQUIN



[ au sujet de l’écu ci-dessus : Nom de l'atelier/ville : Paris Métal : or Diamètre : 26,5mm Axe des coins : 6h. Poids : 3,47g. Titulature avers : (lis) KAROLVS° DEI° GRACIA° FRAnCORVm° REX (Mm), (ponctuation par deux annelets superposés).

Description avers : Écu de France couronné sous un soleil. Traduction avers : (Charles, par la grâce de Dieu, roi des Francs). Titulature revers : (lis) XPS° VInCIT° XPS° REGnAT° XPS° ImPERAT (Mm), (ponctuation par deux annelets superposés). Description revers : Croix fleurdelisée avec quadrilobe en cœur. Traduction revers : (Le Christ règne, le Christ vainc, le Christ commande).]


Parmi les pièces relatives à l’entrée de Charles VIII à Troyes, je cite la suivante : 

« Compte de Jehan Hennequin, marchant demourant à Troyes, des receptes et despenses par luy faictes pour et à cause de la nouvelle et joyeuse entrée du Roy nostre sire en ceste ville en laquelle le dit sire fist sa nouvelle et première entrée le jeudi unziesme jour du mois de may, accompaigné de plusieurs de nos seigneurs de son sang et lignaige, de Monsieur le chancelier et de plusieurs autres gens de son grant conseil, chefz de guerre et aultres, et d’icelle ville partit le vendredi seiziesme jour de juing, à laquelle entrée furent faiz plusieurs jeux, mistères et esbatements, et avec ce furent à icellui sire et autres des dits seigneurs de son sang et conseil faiz plusieurs dons et présents, tant d’argent que de vin, linge et aultres… comme pour avoir et obtenir du dit sire lettres de exemption des tailles pour le corps et communauté de la dicte ville, laquelle exemption le dit sire octroya de sa grâce et libéralité aux dits habitants et avec ce leur octroya deux des foires qui souloient estre de la ville de Lyon. » (Arch. ville de Troyes)

La recette s’éleva, s’il faut en croire le receveur, à l’importante somme de 6,970 livres 13 sous 11 deniers (rappelons que Jeançon Garnache, architecte de la cathédrale, ne gagnait que 4 sous 2 deniers). Jean Galien, « collecteur commis de par les habitants à lever sur les laiz » ne trouva pas moins de 6,437 livres 18 sous 11 deniers. Messire Jean Benoist, « prestre demourant à Troyes et commis par les gens d’église » recueillit la somme de 432 livres 5 sous, tandis que l’honorable homme « Maistre Edmond Maret, licencié en loix » versait 100 livres 10 sous pour un nommé Jehan Dubois qui devait « aux habitants cette somme pour la vendue et délivrance de huit queues de vin pour boisson de l’ostel du Roy ».

Mais, si la recette semble avoir été considérable, les dépenses occasionnées par l’entrée et par le séjour du roi dans la vieille capitale de la Champagne, s’élevèrent à une assez belle somme, comme le prouve le compte de Jean Hennequin.

Charles VIII n’était alors âgé que de seize ans ; la tête pleine de roman des croisades et de folies héroïques, il devait bientôt dédaigner la gloire solide qui s’offrait à lui pour courir après de brillants fantômes et abandonner l’œuvre poursuivie par son père et par sa sœur, l’œuvre de l’achèvement territorial de la France.

Pour le recevoir dignement, la ville de Troyes s’était empressée dès les premiers jours de mai d’envoyer pour s’enquérir de son arrivée.

« A. Oudinot Gossement, notaire royal à Troyes, le quel fut envoyé au dit mois en la dicte ville de Paris pour savoir et s’enquérir de la venue et entrée du Roy en la ville de Troyes, afin que les habitants se préparent à le recevoir comme leur naturel et souverain seigneur, tant pour luy que pour son cheval et son salaire, XIII (13) livres X (10) sous dont seulement donnée par Jehan Hennequin LX (60) sous, Nicolas Mauroy, receveur des deniers communs ayant donné le reste. »

Parmi les principales dépenses relatives à l’entrée du roi :

« A Jacquinot Bonjour pour avoir vacquer à dis tumbereaux à plusieurs foiz pour nectoyer et mener aux champs les immundices des rues. VI (6) sous VIII (8) deniers

A Jehan de Sainct-Aubin, clerc du bailli de Troyes, pour une commisssion de contraindre plusieurs des habitans de la ville à prester l’argent pour fournir aux fraiz de la dicte entrée 5 s.

A Nicolas de Cerisiers, clerc pour ses peines et salaires d’avoir faict les cédules du disct emprunct 10 s.

A Jehan Noyer, tavernier, pour despense de bouche en son ostel par le maréchal des logeis et par les fourriers du Roy et aussy pour les fourriers de la ville XXXVI livres III s.

A Jehan Ploton pour poisson et beurre par luy achetez à certain jour de vendredi pour les dicts fourriers, CVIII s VII d.

A Guillaume de Pouan, hoste des Mores, pour despense de bouche par les dicts fourriers L (50) s.

A Jehan Noyer et Jehan Rose, sergents, pour leurs peines et salaires d’avoir levé partie du dict emprunct et contraint les imposez d’iceluy  IV livres

Si l’entrée des anciens rois est presque toujours accompagnée d’une gracieuse épithète, il faut avouer qu’elle excita plusieurs fois les murmures des habitants, car pour couvrir les frais de ces réceptions tant vantées par les historiens, ne fallait-il pas recourir à des emprunts forcés ?

A Simon Saunyer, pour achat de 100 livres de chamvre masle pour faire couvrir les abis des 24 hommes sauvaiges lesquels jettèrent tousiours herbe devant le Roy tout au long de la ville. XLIIII (44) s. IV d.

A Loys Guérin pour avoir fauché la ditte herbe et mis en fardeaux X s.

A luy pour avoir amené la ditte herbe depuis le pré jusqu’à la ville III s.IV d.

 A Nicolas de Plancy et Gilet Orry, pour leurs alaires d’avoir conduit les dits sauvaiges XX s.

 A Guillemin le Parmentier pour 500 de faloz LXVI (66) s. VIII d. et à Simon Camus pour XIII et demy IX l. pour alumer de nuict au long des rues durant les huit premiers jours que le Roy fut arrivé et le soir qui retorna de la chasse de Torvilliers (7 km de Troyes) et à Pierre Robin et Jehan Simon XVII (17) s. II d. pour leurs salaires d’avoir vacqué durant le dit temps pour entretenir et faire brusler les dits falots pour ce pour tout XIII l. IIII s. VII d.

A Pierre la trompette pour plusieurs cris faiz par le commandement de Monsieur le bailly de Troyes et Monsieur le Prévost de l’ostel du Roy, touchant la police de la ville XX s.

A Guillaume Farine et Nicolas de Plancy et autres, pour les deffrayer des fraiz qu’ils ont facts à faire le mistère de la décolation de M. St Jehan Baptiste XXVI l. VIII d.

A Jehan Champion, pour la fasson du ciel de drap d’or mis et porté sur le Roy en son entrée, la fasson de la robe Golias et avoir refaict par deux foiz une chappe pour le Roy sainct Louis servant au mistère* des rois de l’arbre LX s.

[Mistère signifie représentation, tableau, car les véritables mystères duraient de longues heures et quelquefois plusieurs journées, comme celui de la Passion qui fut joué en 1483, aux grands applaudissements des habitants.]

L’art théâtral débuta de bonne heure dans l’enceinte de  Troyes, car dès 1412, le jour de la Chandeleur, des notables faisaient jouer dans l’église Sainte-Madeleine, le jeu et les fraudes de saint Siméon, comme le constate le registre des recettes et des dépenses tenu par Jehan Duboys (Archi. Eglise de la Madeleine). En 1420, l’année même du traité qui livrait notre pays à l’Angleterre, Isabeau de Bavière, quelques jours après Pâques, faisait dresser des échafauds dans la cour de l’évêché « pour les jeux des personnaiges de la Résurrection de Nostre-Seigneur » à la représentation desquels assita M. de Bourgoigne.

Une charte de 1418, donné par le cardinal de Bar, qui occupait alors le siège de Langres, recommande au doyen et au chapitre de Saint-Maclou, de Bar-sur-Aube, de célébrer dignement la fête de leur patron et leur enjoint de se réunir à quelques bourgeois pour représenter sur les places de la ville la vie et les miracles du saint.

A Nicolas Bourgeois Guillaume, pour vois et fagotz par luy librez pour faire du feu devant l’ostel de la salle le jour que le Roy arriva au dit Troyes  XVI s. VIII d.

Au dit Nicolas le Peleterat, pour une livre de colle pour employer en la fontaine qui estoit devant l’ostel de Madame Jehanne de Sens,  XX d.

A luy, pour trois quartiers de taffetas de Florence renforcé, pour habiller l’ung des treize petits roys, parce qu’on ne sceut trouver personne qui l’habillast,  XXXV s.

A luy pour 11 aulnes et demye de taffetas vert pour faire la robbe de Golias  IV livre V s.

A luy, pour demy cent or fin pour l’arbre des Roys,  XVI s. VIII d.

 A Nicolas Petit, Lambert d’Assencières, Estienne de Marisy, orfèvres demeurant à Troyes, pour 50 marcs 6 treseaulx d’argent, en douze tasses à pié verrées et données au Roy, VIc XXVI livres II sous I denier

Aux dits orfèvres, pour 6 treseaulx d’argent employez es esmaulz de quatre potz d’argent que Mons Maistre Loys Raguier, esvesque de Troyes, presta aux dits habitants de Troyes pour les présenter au Roy avec les 12 tasses, pour ce que ceulx que les dits habitants avoient ordonnée estre donnez à icelluy avecques icelles tasses n’étoient pas faiz à sa dicte entrée,  XXII s. VI d.

A eulx, pour avoir redorey, reberny et fact les esmaulx des dits potz, CX (110) s.

 [Troyes comptait alors d’habiles orfèvres, parmi lesquels Jean Papillon qui fit la magnifique châsse de saint Loup. Il faut croire que le linge était autrefois d’un certain prix, car les habitants de la ville en offrirent une assez belle quantité à Monseigneur d’Orléans, à Madame de Beaujeu, à Monsieur de Graville, à M. de Lisle, au bailli de Meaux et à beaucoup d’autres personnages de la suite du roi. Ce linge était « frangé par les bords d’or de Chypre et d’or de Lucques et enveloppé dedans du papier grant et fort. »

Le vin figure même parmi les présents, le vin blanc et le vin clairet de bourgogne, de Bar-sur-Aube, de Bar-sur-Seine et de Clairvaux. Mais le vin le plus estimé fut celui de Beaune qui fut surtout prodigué « le jour de la réception du Roy » et qui ne coûta pas mois de 197 livres.]

A Jehan le Gras pour ses peines et salaires d’avoir esté par plusieurs foiz de la dicte ville de Troyes en la ville d’Arcys, tant de jour que de nuyt à conduire les postes,  L (50) s.

[Les postes ne furent organisées que sous Charles VIII, quoique l’idée de leur établissement paraisse remonter à Louis XI. Ce ne fut qu’en 1495 que Troyes compta pour la première fois un maître de poste, « à l’hôtel de la Piolée ou du Prieuré ».]

A Peloton pour viande pour le disner de Messieurs les poursuivans les foires la veille que le Roy partit,  V s.

Pour despense faicte par Messieurs les officiers du Roy, eschevins et officiers de la cicte ville de Troyes, les sergens et aultres qui ont assisté le samedi XXV jour de novembre au dit an mil CCCCIV et six à faire les aviz et publications faiz le dit jour par les carrefours d’icelle ville à publier les dites foires, en ce comprins les eschaudez qui furent gectez par les dits carrefours aux petiz enfans, afin de perpétuer la mémoire et salaire de la trompette, XIV liv

A Pierre de Thil, tabellion de la cour ecclésiastique de Troyes, pour son salaire d’avoir translaté de François en latin les dites lettres d’octroy des dites foires, afin de les envoyer ès allemaines, XII s. VI d.

A l’imprimeur, pour ses peines d’avoir imprimé cinq cens copies des dites lettres, comprins cinq sols pour le vin de la marchandise par marché fait à luy, VI liv. II s. VIII d.

Aux notaires qui ont collactionné et signé deux cens des dites coppies,  IV liv.

Aux clercs qui en ont coppié sept à la main,  II s. VIII d.

[Presque rendues désertes par l’établissement des foires de Lyon, celles de Troyes si célèbres au Moyen-Age furent rétablies par le roi Charles VIII, l’année même de sa Joyeuse entrée. Mais, malgré les affiches qui furent envoyées en Allemagne et dans beaucoup d’autres contrées, les foires de Troyes perdirent presque tout leur éclat. Celles qui se tenaient encore un peu plus tard n’étaient plus qu’un bien faible souvenir de celles qui attiraient au XIIIe siècle, les marchands des pays les plus lointains et où se débitaient les mille productions de l’univers connu à cette époque.]




BONNARD (Mgr J. Dieudonné)  mon parrain, archives des diocèses de Troyes-Langres

BARBELON—Les Monnaies racontent l'Histoire.

BEAUCHAMP (Louis A. Marquis de) mon aïeul, archives familiales

COURTALON, Topographie historique de la ville et du diocèse de Troyes

D'ARBOIS de JUBAINVILLE,  Répertoire archéologique.

FICHOT, Statistique monumentale du département de l'Aube.

GALLICA, Site de la Bibliothèque nationale de France

GROSLEY, Champagne méridionale

LOUIS LE GRAND, Coutume et bailliages de Troyes.

PREVOST—Histoire du diocèse de Troyes

ROSEROT DE MELIN (Mgr Joseph) Le diocèse de Troyes, des origines à nos jours.


 




Sainte Hoïlde

 

Statue de Ste Hoïlde surmontant le porche de l’ancienne abbaye cistercienne Sainte-Hoïlde 
à Val-d’Ornain dans la Meuse (55)

Hoïlde naît entre 460 et 470,  de parents de noblesse distinguée, comte et comtesse de Perthes en Champagne.

Elle paraît rapidement "la plus fervente en piété, de ses 6 sœurs… elle croît en vertu… au lieu de choisir quelque beau gentilhomme parmi tant de beaux et gaillards Seigneurs qui désirent l’avoir pour épouse… un incendie divin s’enflamme en elle, la donne toute à Jésus, dans un esprit saint, elle est modèle de piété…".

Les sept sœurs " très pudiques vivent alors en la règle et la doctrine de leur spirituel et digne Prélat saint Alpin… ne respirant autre chose que la charité et le service de Dieu, s’employant en aumônes vers les pauvres, en instruction vers les ignorants… ces Saintes filles persistant en cette sainteté virginale, jusqu’au dernier soupir de leur vie… ".

Dans sa chronique de 1241, Albérix de Trois-Fontaines raconte qu’en 1159, sous le pape Alexandre III, Henri de Carenthie évêque de Troyes, et Louis VII le Jeune, roi de France, le comte de Champagne Henri le Libéral " noble Prince Catholique en sa foi, dévot en sa piété, magnifique en bonnes œuvres, a une vision d’une sainte Vierge nommée Hoïlde… il lui semblait qu’il allait trébucher dans un puits profond, où il courait péril de sa vie, il réclama Dieu pour y recevoir son assistance, mais que soudain il aperçut cette sainte Vierge Hoïlde qui lui prêtait sa main favorable et le retirait de ce lieu où il était en grand péril… en son cœur il promit de l’honorer… le lendemain, il fait assembler des hommes bien versés en l’histoire, auxquels il s’enquiert qui pourrait être cette Vierge appelée Hoïlde… en quel lieu elle aurait saintement vécu, et où son corps était inhumé… afin de l’honorer et la remercier… ayant retrouvé le saint corps, avec grand honneur, il le fit transporter en l’église Collégiale Saint-Etienne pour y faire connaître et glorifier la sainte par plusieurs miracles… ".

Il fait enfermer ces reliques dans un sac de cuir de cerf et les place dans un vase en ivoire qu’il dépose dans la collégiale qu’il a fondée près de son palais.

Particulièrement dévot à sainte Hoïlde qu’il considère comme sa protectrice et celle de son comté, Henri le Libéral assigne à la châsse de bois doré, couverte d’un parement de velours violet parsemé de fleurs de lys d’or, qui lui a été offerte pour y déposer le vase en ivoire, une place d’honneur, derrière le chœur.

Mais cette châsse ne suffit pas à la piété des chanoines de Saint-Etienne, et en 1649, ils en commandent une en argent à un orfèvre troyen, et en 1651, ils y transfèrent les reliques de la Vierge. Ils la placent derrière l’autel de saint Pierre et saint Paul. Elle y reste jusqu’à la Révolution et est détruite en 1794.

Henri le Libéral fait tailler " en figure de pierre fort ancienne, la sainte Vierge tenant son fils, et le comte Henri agenouillé à ses pieds. Derrière lui, saint Etienne, et de l’autre côté, sainte Hoïlde, vierge, une palme à la main droite, un livre fermé à la main gauche… ", au-dessus de l’une des portes de l’église Saint-Etienne.

Un bras de la sainte est donné par le comte Henri II à Agnès, veuve illustre du comte de Bar, sur son instante supplication, " ayant ouï parler des grâces que Dieu faisait par elle… elle le fait enchâsser et transporter dans un pieux monastère de Religieuses de l’ordre de Citeaux qu’elle avait fait bâtir… ".

En 1790, il est transporté dans l’église Saint-Antoine de Bar-le-Duc.

En 1641, le chapitre de Saint-Etienne donne au duc d’Angoulême, par ordre de la reine Anne d’Autriche, un os de sainte Hoïlde, pour être placé sous le maître-autel de l’église des Petites-Cordelières du faubourg Saint-Germain, que ce prince avait fondé ainsi que le monastère.

A cette époque, on évoque sainte Hoïlde à Troyes, pour obtenir la pluie. On descend alors sa châsse et l’expose à la vénération des fidèles, ou bien, on la porte en procession dans la ville. Par exemple, " au mois d’août 1678, il y avait plus de deux mois qu’il était tombé de pluie et qu’il faisait une chaleur excessive…le chapitre fit descendre la châsse et ordonna de faire des prières… à deux heures après midi, il plut en abondance et on porta la châsse en procession…".

La procession de 1536 est faite à l’occasion du jubilé accordé pour obtenir la paix entre le roi de France et l’empereur Charles Quint.

Parmi les nombreux miracles, il y a ce Troyen " ayant une fâcheuse maladie, il en devint plus mort que vif, ne pouvant mettre un pied devant l’autre… le jour de la Sainte Hoïlde, il se fait transporter en l’église St-Etienne, promettant qu’il l’honorerait et la visiterait… au même moment, il se sentit allégé de son mal et, sans aucune aide ni bâton, il s’en retourna en son logis, confessant à tout le monde que Dieu l’avait guéri par les mérites de sainte Hoïlde ".

Lors du grand incendie de Troyes en 1530, " les Vénérables de St-Pierre apportèrent en procession le corps de sainte Hoïlde… le feu bientôt après se vint à s’éteindre, tellement que sainte Hoïlde coopéra par ses mérites à ce secours octroyé de Dieu à la ville de Troyes. Dieu en soit loué pour jamais… ".

Aujourd’hui, il ne reste donc plus que le bras de sainte Hoïlde, dans l’église Saint-Antoine de Bar-le-Duc.(anciennement église des Augustins jusqu’à la Révolution)

La fête solennelle de notre sainte Hoïlde se fait le dernier jour d’avril.

 

 

CHARLES IX à Troyes

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