lundi 23 décembre 2024

La fontaine " Élévation, bleus nymphéas "

  Sculpture urbaine en Verre à Élévation, bleus nymphéas

Jean-François Lemaire habille la place de la Tour à Troyes



Une grande sculpture verrière est installée place de la Tour, dans une fontaine à bassin carré. Cette pièce de 500 kg de verre, à la structure d’acier portant 20 panneaux de verre laissant jouer la lumière et surmontée d’une flèche cristalline, représente un véritable défi. 

Avec la collaboration de Didier Duchêne, Compagnon du Devoir et dirigeant de la métallerie CMD² à Estissac (10), Jean-François Lemaire, artiste verrier, a ainsi réalisé ce qui est sans doute, en France, la première sculpture d’art urbain verrier de grande taille. Cette œuvre, qui exprime plusieurs thèmes avec le vocabulaire de l’art contemporain, est une commande de la Ville de Troyes. Les thèmes que l’artiste et la Ville avaient convenu de développer dès le printemps 2018 sont en lien avec l’histoire, l’eau et la couleur bleue. Est aussi à la source du projet un hommage au peintre Claude Monet, qui a si souvent peint les reflets de la lumière sur les fleuves, étangs et rivières.

Le chantier en cours de réalisation  (2018)

La réalisation d’Élévation, bleus nymphéas a pris une année. Jean-François Lemaire a conçu le projet et a réalisé la création, puis la cuisson et la re-cuisson (6 à 10 jours) de plusieurs dizaines d’épais panneaux de verre, chacun étant une œuvre en soi. Ces panneaux ont des textures variées et une dominante de couleur bleue, réalisée par fusion d’oxydes métalliques. Une fois polis et éventuellement retaillés, ils ont été testés en extérieur de longs mois pour leur résistance aux éléments et aux chocs thermiques. 
De nombreux essais ont également été réalisés en atelier lors de la mise en place de la structure d’acier. En effet, la création d'une sculpture monumentale de verre installée en extérieur dans un espace public apporte des contraintes que n’imposent pas de plus petites œuvres installées en intérieur. Il en est de même par rapport aux utilisations courantes du verre dans le bâtiment. 
Didier Duchêne considère que ce travail avec Jean-François Lemaire a été un enrichissement dans l’approche de la relation verre/métal, « un véritable laboratoire, dans la mesure où le projet était très inhabituel et où la quantité et la variété de questions auxquelles il fallait trouver les bonnes réponses techniques était très importante ». 

C’est chose faite aujourd’hui et l’œuvre a désormais rejoint son double socle de pierre de Bourgogne, au cœur de la Place de la Tour.




L’emplacement choisi par la Ville est un site emblématique, rendu à sa vocation de convivialité par des opérations de requalification. Il se situe juste en avant de l’ancienne porte monumentale du premier château des comtes de Champagne, démoli au XIXe siècle. Cette porte a vu passer, au Moyen Âge, de prestigieux intellectuels, des rois, les premiers chevaliers du Temple et la cour brillante des comtes.
 
Élévation, bleus nymphéas est, à sa façon, une porte joyeuse, ludique et accessible à tous, qui dialogue avec la porte désormais invisible du château disparu.

Arch. de l'Aube : Porte du Château de la Tour

« Cette porte du vieux château des Comtes, place de la Tour, fut rasée en 1865. « On a récolté quelques toises de moellons en sacrifiant le seul souvenir monumental du XIe siècle qui fût à Troyes. Bien, entendu, la démolition des fortifications devenues absolument inutiles, s’imposait comme une mesure essentielle de progrès et d’assainissement. Les regrets exprimés ne s’appliquent exclusivement qu’aux parties de l’enceinte offrant un intérêt archéologique ou un mérite architectural. »

La Place de la Tour se trouvait aussi à proximité de plusieurs voies d’eau, équipées de moulins hydrauliques. En effet, avec l’omniprésence de l’eau dans et autour de la ville, dès le Moyen âge, ces installations se sont multipliées et ont pris pendant des siècles une grande importance dans son économie. 

Une richesse née de l’eau ; Jean-François Lemaire en a fait un thème majeur de sa création. Comme l’eau de la Seine, des rus et des biefs, les panneaux de verre expriment des profondeurs, des opacités et des reflets, les mouvements de la vie aquatique et les frissons du vent à la surface. C’est un peu comme si l’on avait prélevé des « tranches » d’eau et qu’un geste féerique les avait immobilisées et installées sur les branches de métal, pour une nouvelle vie.




De même, on peut considérer la structure d’acier de l’œuvre comme l’arbre à cames d’un moulin poétique, dont nous actionnerions la roue en tournant autour de la fontaine, sur un chemin d’eau imaginaire. Si ce chemin est horizontal, le mouvement transmis, lui, est vertical et c’est tout le propos d’Élévation, bleus nymphéas, qui incite à grandir, à se tourner vers le savoir mais aussi vers l’impression, les nuages, le bleu du ciel capté dans les panneaux et dans la flèche de pure transparence qui couronne l’ensemble.

La sculpture de la Place de la Tour nous parle aussi de la transmission par le livre, dont l’importance historique nous mène, de Rachi, Bernard de Clairvaux ou Chrétien de Troyes, au fonds inestimable de la Médiathèque de l’agglomération. Ce fonds comporte d’ailleurs de nombreux exemplaires de la célèbre Bibliothèque bleue de Troyes (XVIIe et XVIIIe siècles), collection de romans populaires et almanachs diffusés par colportage dans toute la France.

Les contenus des panneaux se révèlent, eux aussi, à qui le souhaite, au gré des variations de la lumière, ciel gris, ciel clair, éclairage nocturne. Ce qui le matin semble hostile et silencieux s’animera le midi, au plein soleil, révélant des mondes insoupçonnés de couleurs et de voiles. Ainsi la compréhension se fait jour lorsque nous lisons et apprenons : ce qui jusqu’alors nous échappait devient clair tout à coup. Pages de verre, pages de livres, ici, l’élévation s’installe par le jeu, par l’impression et surtout par la fréquentation, car il faut du temps pour « actionner la roue » et se laisser interroger, altérer, convaincre par les mille et un signes que l’œuvre nous propose.

Monet et les « Bleus nymphéas »


Claude Monet, immense artiste peignait à la croisée de ce que les yeux voient vraiment et de ce que le cœur peut ressentir. Matin, midi, soir… Cathédrale, moulin, étang ou douce corolle, ce qui lui importait, c’était de capter le temps, les reflets changeants de la lumière sur la pierre, l’eau ou la fleur. Le bleu des nymphéas était alors celui des météores dans le miroir de Giverny, marié avec les souvenirs et les sentiments du créateur. Monet a donc ouvert à tous les artistes la voie de l’écoute et de l’expression de leurs propres perceptions, pour transmettre, au-delà de la forme, des émotions rares et subtiles.

Avec un autre vocabulaire, les panneaux bleus de la sculpture Élévation, bleus nymphéas, reflétant ou laissant passer la lumière, nous parlent eux aussi de l’eau, du temps, de la transmission. Ce sont leurs messages les plus forts. Mais il faut aussi compter avec le plaisir du regard courant sur les reflets, l’exploration de la structure d’acier, la déambulation autour du bassin, à la découverte des détails, à la recherche des signes et des rappels. Ce sont autant de messages subtils qui nous impliquent alors que nous mettons en route le mouvement poétique qui nous fait, l’espace d’un instant, citoyens de cette œuvre et de nos propres rêves.



l'artiste JF Lemaire devant son oeuvre place de la Tour
cliché journal l'Est-Éclair


à propos de l'artiste :

Formation

Baccalauréat scientifique

Formation continue à l’Ecole Nationale des Beaux-Arts de DIJON

Travail des résines et moulages élastomères, construction de décors de spectacles

Travail des métaux (soudage, oxycoupage, traitement des surfaces)

Fonte de Bronze à la cire perdue

Pâte de Verre et travail du verre à froid et à chaud

Autre

Finaliste Fondation Bettencourt-Schueller concours "Talents d'exception", 2020 et 2021

Finaliste Concours Festival International Métiers d'Art, BACCARAT (54), 2019


Expo "Alchimie du verre" à Troyes 7 nov au 21 déc 2024



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