La fondation de Saint-Martin de Laon
En 1115, Norbert de Xanten, chanoine chapelain à la
cour du Saint-Empire romain germanique, décide d’abandonner sa vie
aristocratique et mondaine pour se consacrer à une existence pauvre et à la
prédication de l’Evangile. La même année, Bernard de Fontaine entre à
Clairvaux.
Il existait à Laon, depuis fort longtemps, une
collégiale dédiée à Saint Martin, dont les chanoines n’acceptèrent pas les
tentatives de réforme voulue par l’évêque Barthélémy vers 1117. Ce dernier
confie en 1120 à Norbert, de passage dans son diocèse, la réforme du chapitre
de la collégiale de Saint-Martin de Laon. Nouvel échec.
L’évêque Barthélémy installe Norbert dans son
diocèse, au lieu-dit "pré-montré", en forêt de Saint-Gobain. La charte
de fondation de cette communauté monastique date de 1120. Les religieux
adoptent à Noël 1121 une règle inspirée de celle de saint Augustin. Avec de
multiples fondations à travers toute l’Europe, un nouvel ordre allait naître,
celui des chanoines réguliers de Prémontré.
A l'instigation de l'évêque Barthélémy, Norbert
installe en 1124 douze prémontrés à Saint-Martin, après expulsion des chanoines.
Gautier de Saint-Maurice, compagnon de Norbert, en est le premier abbé. Il
deviendra évêque de Laon entre 1151 et 1155.
Dans le plus grand dénuement au début, l'abbaye est
rapidement et suffisamment dotée pour devenir dès la moitié du siècle une des
plus riches du diocèse. De passage à Saint-Martin en 1131, le pape Innocent II
confirme les privilèges de l’abbaye. En 1137, le monastère compte 500 religieux
et religieuses que l’on sépare alors. L’abbaye Saint-Martin est considérée
comme le 2ème en dignité dans l'ordre de Prémontré. Elle connaît une grande
prospérité, un rayonnement intense (avec plus de 150 fondations en Europe).
L’italien Albert de Mora, prémontré à Saint-Martin, est élu pape en 1187 et le
reste 57 jours sous le nom de Grégoire VIII (édicte 13 privilèges en faveur de
l'ordre).
L'église
La construction de l’abbatiale est probablement
entreprise par l’abbé Garin, successeur de Gautier à partir de 1155. Bien que
d’un style très différent, voire opposé, elle est absolument contemporaine de
la cathédrale. Elle présente dans son ensemble un grand intérêt stylistique :
bien conservée, elle témoigne de l’aspect qu’avaient les premières églises
prémontrées en France.
Les flancs sont ceux d’une église romane, avec des fenêtres simples, une corniche avec un cordon mouluré (trous cubiques), des modillons avec masques. Les arcs-boutants furent installés lors du voûtement de la nef. Curieusement situées aux angles occidentaux du transept et de la nef, les tours d'inspiration rhénane conservent un aspect roman (h : 35m).
Façade
La façade occidentale est refaite – ou simplement faite – vers 1270/1280, peut-être au début du 14ème s. Le décor, remplages, moulures et sculptures (frises, reliefs et gargouilles) est conforme à cette période. Cette partie de l’église, aujourd’hui paroissiale, fut restaurée après les dégâts causés par les deux guerres mondiales.
La façade est rythmée par 4 contre-forts dont la
verticalité est accentuée par les arcs-boutant latéraux et les deux clochetons
qui la surmontent (créées par l’architecte Brunet en 1929). Les 3 portails
reflètent la disposition intérieure.
- tympan sud : décollation de saint Jean Baptiste.
- portail central : 2 anges, 1 diacre (saint Laurent
?), 1 évêque (Augustin, Martin, Norbert ?) ; belles statues qui ne sont pas à
leur emplacement d'origine et qui ne proviennent probablement pas de
Saint-Martin ; le pilier central absent (statue de la Vierge ?) ; au tympan,
réseau plaqué d'influence champenoise.
- tympan nord : martyr de saint Laurent sur son
grill devant l’empereur Valérien.
Les pentures des portes ainsi que les traces de peintures sont d'origine.