Le trésor de l’abbaye de Saint-Denis
Un trésor prestigieux
Les arts précieux au service de Dieu
Intaille
représentant Julie, fille de Titus. Sommet de « l’escrain de Charlemagne »
(monture du IXe siècle). Auteurs : Euodos (graveur) ; Atelier de la cour de
Charles le Chauve (orfèvre). Cette intaille a appartenu au Trésor de
Saint-Denis. Acquisition en 1791 - Le texte en grec, gravé à gauche sur
l’intaille, dit : ΕΥΟΔΟΣ (ΕΥΟΔΟC) ΕΠΟΙΕΙ (EUODOS EPOIEI) ; ἐποίει est la 3ième
personne du sing. du imparfait de ποιέειν - faire) : Euodos (le) faisait (avait
fait)
Musée de la Bibliothèque nationale de France
Les
vases de l’abbé Suger
Au Moyen-âge, le trésor de Saint-Denis jouit d’une
réputation qui s’étend à l’ensemble du monde chrétien.
L’abbaye fonde sa renommée sur la possession des
reliques de Saint-Denis, évangélisateur de la Gaule et premier évêque de Paris
au milieu du IIIe siècle. Le trésor s’enrichit des dons des rois et des abbés.
Aux somptueuses pièces d’orfèvrerie liturgique viennent s’ajouter la
conservation des Regalia.
Au XIIe siècle, l’abbé Suger (1122-1151), qui fait
de Saint-Denis le « patron du roi et le protecteur du royaume », embellit le
trésor de vases précieux. La contemplation d’objets somptueux doit aider le
fidèle à se rapprocher Dieu. Le trésor atteint son apogée à l’époque gothique.
Comme tout trésor, il subit les vicissitudes de l’Histoire. En 1793, la plupart
des pièces saisies sont fondues. Seules une centaine d’entre elles sur les 456
répertoriées dans l’inventaire de 1634 sont aujourd’hui conservées.
De 1122 à sa mort en 1151, Suger, conseiller des
rois de France Louis VI le Gros et Louis VII le Jeune, était abbé de la
basilique Saint-Denis. Il s'attacha à reconstruire la basilique et à enrichir
le trésor de cette église qui occupait une place centrale dans la symbolique
royale.
Le vase date probablement du IIe siècle. Selon
l’abbé Suger, dans son De rebus in administratione sua gestis : Sugerii abbatis
Sancti Dionysii Liber, il trouva « couché pendant des années dans un coffre, un
vase égyptien en porphyre admirablement façonné et poli. » Selon ses propres
mots, il décida de l’adapter et de le transférer (adaptavimus ... transferre)
dans un récipient liturgique « sous la forme d’un aigle » (in aquilae formam),
symbole du Christ. L'abbé commanda une monture d'orfèvrerie pour en faire une
aiguière liturgique. L'eau s'écoulait par le bec de l'aigle.
L’abbé Suger était collectionneur et mécène ;
l’Aigle est l’un des trois vases qu’il possédait. Il a également fait réaliser
d'autres vases somptueux qui sont parvenus jusqu'à nous : le Calice d'agate
conservé à la National Gallery of Art de Washington, l'Aiguière de sardoine,
autre vase du trésor de Saint-Denis, et le Vase de cristal d'Aliénor, conservés
au musée du Louvre.
Suger avait le désir de rassembler et de commander
des œuvres d’art de qualité car il appréciait les objets beaux et complexes.
Cette œuvre prouve son admiration pour le monde antique. De plus, Suger pensait
qu’en commandant et conservant une collection d’œuvres d’art nouvelles, comme
son Aigle, il honorerait Dieu et ce qui est maintenant la cathédrale
Saint-Denis. En tant que chef du monastère de Saint-Denis, son objectif était
de créer un lieu de beauté et de culte digne de Dieu. Il a utilisé les œuvres
d'art qu’il avait collecté pour mettre en valeur et créer un lieu somptueux où
pratiquer la religion.
Deux grandes gravures de 1706 représentent le trésor
de Saint-Denis (y compris le vase à l'aigle) tel qu’il était alors exposé, dans
un cabinet. Sa popularité en tant qu’attraction touristique a empêché la
destruction totale du trésor pendant la Révolution française. L’Aigle et trois
autres récipients liturgiques de Suger, le vase de la reine Éléonore et la
carafe du roi Roger, tous deux en cristal de roche, ainsi qu’un abreuvoir en
sardonyx, se sont retrouvés à la Galerie d'Apollon au Louvre.
L'Aigle de Suger a inspiré le Chrémier en forme de
colombe réalisé par Jean-Alexandre Chertier sur des plans d'Eugène
Viollet-le-Duc en 1866 pour le trésor de la cathédrale Notre-Dame de Paris.
Le vase prend la forme d’un aigle, une métaphore de
Jésus-Christ qui a servi de symbole du christianisme après que Rome ait
abandonné la pratique des croyances païennes. L’aigle est connu comme symbole
du Christ, en partie à la suite des commentaires d’Aristote sur les aigles et
leur capacité de regarder le soleil. Ces observations ont ensuite été comparées
aux récits bibliques sur Jésus-Christ, reliant l’image du Christ montant au
ciel pour rencontrer Dieu à celle d’un vol d’aigle regardant le soleil.
Une autre interprétation est que l’abbé Suger a
choisi un aigle comme visuel principal afin de donner au vase l’esprit d’un
aigle. Suger a peut-être eu cette idée du roi Marobod, qui, comme lui, croyait
qu’il pouvait verser l’esprit d’un animal dans un vase, dans son cas, en
saphir. Marobod a également été connu pour associer des objets inanimés avec
des créatures vivantes, de manière similaire à la façon dont Suger associait
son vase à un aigle, soi-disant pour donner plus de vie à l’objet.
L'objet, haut de 43 cm et large de 27 cm, est
constitué d'un vase en porphyre rouge d'origine romaine (ou égyptienne?), et
d'une monture en argent doré. Celle-ci comprend un piédestal formé d'une queue
rigide, de deux ailes déployées et d'une impressionnante tête d'aigle au bec
entrouvert surmontant le cou qui s'ajuste à l'ouverture du vase. Les plumes
sont d'une gravure nerveuse.
Ce vase a été fabriqué à partir de quelques
matériaux différents, dont le porphyre rouge antique, l’argent doré et le
niellage. L’argent doré est de l’argent qui a été recouvert d’une couche d’or ;
le niellage est un alliage dont la couleur est noire métallisée, souvent
utilisé à des fins décoratives sur des surfaces métalliques avec des matériaux
tels que le plomb ou l’argent. Des pierres et des métaux complexes sont
incrustés dans l’or et l’argent doré à la base du cou de l’aigle et à
l’embouchure du vase.
Sur la collerette à la base du cou, une inscription
: « INCLU (di) GEMMIS LAPIS ISTE MERE (t) UR ET AURO / MARMOR ERAT SED IN HIS
MARMORE CARIOR EST » (« Cette pierre méritait d'être sertie dans l'or et les
pierres précieuses. Elle était de marbre mais elle est ainsi plus précieuse que
le marbre »).
Le dessin de l'aigle est d'influence byzantine ; son
aspect pourrait avoir été inspiré par l'étoffe byzantine du IXe siècle appelée
« suaire de Saint-Germain » se trouvant en l'église Saint-Eusèbe d'Auxerre. Il
annonce aussi par certains côtés les débuts de l'art gothique.
L'abbé Suger parle lui-même d'un aigle (« in aquilae
formam »), mais l'artiste a plutôt représenté ce qu'il avait facilement à sa
disposition, à savoir un faucon, dont les dents tomiales [archive], une de ses
caractéristiques, se voient distinctement.
La forme du bec de l’oiseau, ses narines et ses
ailes sont quelques-unes des caractéristiques de l’oiseau sculpté qui tendent
vers un faucon. Les aigles, bien que d’apparence similaire aux faucons, n’ont
pas de bec ou de narines incurvées ; leurs ailes prennent une forme différente
de celle qui est représentée sur l’Aigle de Suger. Le vase a cependant aussi
des caractéristiques propres à un aigle : le cou de l’oiseau, ainsi que les
pattes et la queue, ont l'anatomie d’un aigle. En y regardant de plus près, on
peut supposer que l’oiseau a été modelé d’après un rapace, qui est un autre
grand oiseau de proie. Cette catégorie d’oiseaux comprend les faucons, les
aigles et autres rapaces, qui étaient communément présents au cours de la
période où l’Aigle de Suger a été réalisé. Malgré ses traits dépareillés,
l’oiseau sculpté est toujours désigné comme un aigle.
Entré dans le trésor avec Suger (1122-1151), ce vase
en porphyre, matériau rare et précieux réservé aux empereurs romains, était
remisé dans un coffre. Suger décide de le magnifier pour le service divin sur
l’autel en lui ajoutant une monture en argent doré. Il fait inscrire sur le cou
: « Cette pierre mérite d'être sertie dans l’or et les pierres précieuses. Elle
était du marbre mais ainsi, elle est plus précieuse que le marbre ». La forme
choisie reste une question mais il se peut que la forme soit inspirée des
tissus byzantins ou des vases zoomorphes orientaux.
Inscription
:
"Includi gem(m)is lapis iste meretur et auro /
Marmor erat, sed in his marmore carior est". Traduction : cette pierre
mérite d'être sertie dans l'or et les gemmes. Elle était de marbre, mais ainsi
(montée), elle est plus précieuse que le marbre.
sous la base, inscription non datée :
"SUGERIUS"
Voir : ici
VASE
D’ALIÉNOR D’AQUITAINE
Le vase d’Aliénor dont la panse en cristal est
gravée d’un réseau en « nid d’abeilles » renvoie à l’art de la verrerie
sassanide (Perse) du VIe siècle. La monture en argent doré, au décor de
filigranes et de de pierres précieuses est d’une grande élégance.
La provenance prestigieuse du vase est inscrite par
Suger sur sa base : « Ce vase, Aliénor, son épouse, l'a donné au roi Louis,
Mitadolus à son aïeul (il s’agit de Guillaume IX d’Aquitaine), le roi à moi,
Suger, qui l'ai offert aux saints ». Il est déposé sur l’autel pour les
libations.
Il a été offert par Imad al-Dawla Abdelmalik, roi
musulman de Saragosse, au duc d'Aquitaine Guillaume IX pour le remercier de son
aide face aux Almoravides. Sa petite-fille Aliénor d'Aquitaine en hérita et
l'offrit en cadeau lors de son mariage avec le roi de France Louis VII en 1137.
Le roi, très pieux, l'offrit par la suite à l'abbé Suger qui cherchait à
enrichir le trésor de Saint-Denis. L'abbé fit ensuite monter le vase dans une
riche monture d'orfèvrerie vers 1140.
Il échappa, au cours de la Révolution française au
pillage du trésor de Saint-Denis.
Une inscription latine sur le pied du vase permet de
reconstituer son histoire : HOC VAS SPONSA DEDIT A(lie)NOR REGI LUDOVICO MITADO(lus)
AVO MIHI REX S(an)C(tis)Q(ue) SUGE(ius) signifiant : « Ce vase, Aliénor son
épouse l’a donné au roi Louis, Mitadolus à son aïeul, le roi à moi-même, Suger,
qui l’ai offert aux saints ». Mitadolus est la forme latinisée d'Imad al-Dawla.
Les saints évoqués sont Saint-Denis, le premier évêque de Paris décapité vers
250, ainsi que ses compagnons Saint-Rustique, Saint-Éleuthère, enterrés dans la
basilique de Saint-Denis.
Le vase est en cristal de roche, un quartz
transparent et incolore. Le travail de ce matériau est particulièrement
délicat, car il faut d’abord creuser le vase dans un bloc de pierre très dur,
puis réaliser ensuite le décor dont la beauté augmente la valeur de l’objet. Ce
décor est un motif en nid d’abeilles, des facettes hexagonales disposées de
façon régulière. Ce décor existait déjà dans l’Antiquité romaine, puis à
Byzance et au Proche-Orient. Il est particulièrement fréquent chez les
Sassanides, une dynastie qui a régné sur le Proche-Orient de 224 à 642 et a
probablement créé ce vase.
L'abbé Suger a fait orner ce vase d’or et de pierres
précieuses pour le rendre encore plus beau. La monture est en argent doré avec
une technique de filigrane : des fils métalliques, travaillés pour former des
motifs en grains, sont soudés sur la feuille de métal. Ils dessinent d’élégants
fleurons perlés, très décoratifs et mis en valeur par le fond lisse et brillant
sur lequel ils se détachent. Ce décor est complété par des perles et des
pierres précieuses qui apportent une note colorée à l’ensemble. Par la suite,
le vase a subi quelques transformations. Des médaillons en émail parsemés de
fleurs de lis ont notamment été rajoutés sur le col au XIVe siècle2.
Ce vase est le seul objet d'Aliénor d'Aquitaine qui
nous soit parvenu.
Voir : ici
AIGUILLERE
DE SARDOINE
Suger fait monter ce vase de sardoine, pierre fine de couleur brune à orangé pour la rareté de son matériau et de ce type de pièce en France.
La préciosité des matériaux permet de passer du
monde matériel au monde immatériel et de se rapprocher de Dieu selon Suger.
L'aiguière est l'un des trois vases commandés par
l'abbé Suger et conservés au Louvre, au sein de l'ensemble des objets d'art
provenant du trésor de Saint-Denis. Un vase en sardoine (antique ? Byzance VIIe
siècle ?), comportant une anse prise dans la masse, est enchâssé dans une
monture en orfèvrerie rehaussée de pierres précieuses et de perles qui la
transforme en burette à long col, munie d’une anse très légèrement cambrée et
d’un bec mince.
La forme du bec et de la tige qui le rattache au col
pourrait s’inspirer de celle de vases byzantins ou arabes. L’anse présente des
extrémités enroulées qui doivent dériver de modèles byzantins du Xe ou XIe
siècle. La monture est filigranée (bâtes dentelées cernées d’un gros perlé),
avec alternance de paires de perles et de cabochons de pierres précieuses.
Le pied du vase est inséré dans une large base
godronnée en argent doré. Sur le pourtour du pied court l'inscription :
+ Dum libare
Deo gemmis debemus et auro / Hoc e(go) S(ugeri)us offero vas Domino. (
« Puisque nous devons faire des sacrifices à
Dieu dans l'or et les pierres précieuses, moi, Suger, j'offre ce vase au
Seigneur »
en lettres
capitales dorées sur fond niellé.
Le pied, avec son décor de godrons saillants, est
décrit dans l'inventaire du trésor de 1534, mais a été refait auparavant,
peut-être au XVe siècle.
(L'inscription
date de la fin du Moyen Âge et reproduit celle de l'abbé Suger du XIIe siècle.)
Voir : ici
L’AIGUILLERE
AUX OISEAUX
L’histoire de son arrivée jusqu’à Saint-Denis
demeure un mystère.
Ce qui fait de cet objet une rareté, c’est non
seulement sa matière, puisqu’il a été réalisé dans du cristal de roche, d’un
seul bloc. De dimension modestes, haute de 24cm et à peine large de 13,5cm, le
décor réalisé sur son flanc en forme de poire représente des oiseaux stylisés
enroulés autour de motifs floraux d’inspiration persane. Même l’anse n’est pas
rapportée et fait partie du même bloc. La voir ainsi toujours solidaire du
corps principal plus de 1000 ans après sa création en fait une pièce
tout-à-fait exceptionnelle, même si la partie supérieure taillée en ronde bosse
représentant certainement un oiseau ou un bouquetin, située sur le haut de
l’anse a disparu.
La technique utilisée par les artistes cairotes de
la période fatimide est une taille par abrasion par des matériaux permettant
une grande précision (sable et diamant) dans une pierre d’une dureté de 7 (le
diamant étant à 10). Même si ce n’est pas évident au premier coup d’œil, la
pièce de cristal de roche est creusée de l’intérieur, évidée par abrasion, ce
qui représente un travail de longue haleine et de précision. A son point le
plus fin, l’épaisseur au col n’est que de 3mm et il aura fallu à l’artiste
passer un outil dans un goulet de moins de 2cm de large. On remarque aussi que
la symétrie de la pièce n’est pas parfaite, certainement parce que l’artiste a
été contraint par la forme de la pierre initiale.
La période de fabrication remonte très certainement
au dernier quart du Xe siècle et elle porte au col une inscription en coufique
signifiant “bénédiction, satisfaction et [mot manquant] à son possesseur”.
L'historien islamique al-Biruni définit le cristal
de roche comme « la plus précieuse des pierres. Sa valeur tient à sa limpidité
et au fait qu'il combine deux des quatre éléments : l'air et l'eau ».
L'aiguière aux oiseaux fait partie d'un groupe de
six aiguières semblables, toutes conservées dans des trésors européens : une se
trouve au Victoria and Albert Museum, une dans la cathédrale de Fermo, une au
palais Pitti à Florence et deux enfin font partie du trésor de la basilique
Saint-Marc. Chacune de ces aiguières présente la même forme, le col ceint de
deux moulures (trois pour celle du Victoria and Albert Museum) et une base annulaire
de profil oblique. L'anse est toujours taillée dans la masse ; lorsqu'elle a
été conservée, on note qu'elle était à chaque fois surmontée d'une figure en
ronde-bosse, mais seule l’aiguière aux lions de Saint-Marc a conservé le
bouquetin entier sur son anse. Le décor est toujours organisé de manière
symétrique autour d'un arbre de vie et met en scène deux animaux ou groupes
d'animaux. Ceux-ci peuvent être des lions (Saint-Marc), des béliers
(Saint-Marc), un groupe avec un oiseau attaquant une gazelle (Victoria and
Albert Museum) ou des oiseaux, comme sur celles du Louvre, du Palais Pitti et
de Fermo. Ces motifs sont toujours travaillés de la même manière, avec de
petits cercles creusés sur le corps.
Deux de ces aiguières sont datées : celle aux lions
de Saint-Marc comporte une inscription au nom du calife fatimide Al-Aziz
Billah, qui a régné entre 975 et 996 ; quant à celle de Florence, elle
mentionne Husain ibn Jawhar « commandant des commandants », général sous
Al-Hakim bi-Amr Allah qui a porté ce titre de 1000 à 1008 puis en 1010-1011. On
peut donc légitimement penser que l'aiguière du Louvre date elle aussi de cette
période, soit la fin du Xe ou le début du XIe siècle.
L'aiguière du Louvre, comme toute la série
d'ailleurs, dénote une importante influence persane, dans la forme, mais
également dans le décor et la technique. C'est en Iran que l'on trouve les
premières traces de pierre dure taillée, la sardoine en particulier, dont la
technique est très proche de celle du cristal de roche. De plus, à la même
époque, on observe également l'apparition du verre taillé, une matière qui
rappelle le cristal par sa transparence.
La forme serait inspirée de modèles iraniens,
puisque le bec allongé apparaît déjà dans l’orfèvrerie sassanide. On en
conserve ainsi plusieurs exemples dans différents musées européens. La forme
générale se retrouve également dans des pièces de verrerie persane aux IXe - Xe
siècles. Sur l'anse d'une aiguière en argent sassanide du musée Louvre, on
retrouve également une figurine de bouquetin, comme celle que l'on aperçoit sur
l'aiguière du trésor de Saint-Marc. Même si, au vu des attaches de la figure
disparue de l'aiguière aux oiseaux, il ne s'agit pas comme sur celle d'Al-Aziz
d'un bouquetin, l'idée d'un animal en ronde bosse posé sur l'anse semble quand
même venir d'Iran. Le naturalisme du décor est également un élément que l'on
peut rapprocher de l'Iran.
D'autres rapprochements peuvent être effectués avec
des objets proprement fatimides et occidentaux. L'organisation du décor, très
symétrique, autour de rinceaux végétaux, serait ainsi plutôt à rattacher à des
productions égyptiennes, comme un dessin de deux guerriers trouvé à Fostat : on
y voit en effet au centre monter un rinceau végétal très semblable à celui de
l'aiguière aux oiseaux, se terminant par les mêmes palmettes, bien que plus
fourni. Des bois et des ivoires fatimides présentent aussi de telles
compositions.
Ce type d'aiguière est également représentée en
Égypte au Xe siècle dans d'autres matières proches du cristal mais moins
coûteuses, en particulier le verre. Une aiguière du Corning Museum of Glass en
verre camée présente une forme et un décor très proches de ceux de l'aiguière
aux oiseaux, mis à part que les animaux représentés ne sont pas des oiseaux
mais des bouquetins. Elle est attribuée à la Mésopotamie ou à l'Égypte de la
fin de Xe siècle.
Les
Regalia
LES ORDINES
1. 1. Ordo
de 1250. Parchemin, 44 ff. (21,5 x
15cm). Paris, milieu du XIIIe siècle.Paris, Bibliothèque nationale, ms. lat.
1246.
2. 2. Ordo
de 1365 ou Livre du Sacre de Charles V.
(reproductions). Parchemin, 45 ff. (29 x
19cm). Paris, 1365. Londres, British Library, ms. Cotton Tiberius B. VIII.
3. 3. Plaque
de reliure d'un pontifical de Beauvais : Hervé et Roger de Champagne, évêques
de Beauvais. Beauvais, fin du XIe
siècle. Os de cétacé, traces de dorure (15,7 x 8,7cm). Paris, musée du Louvre,
OA11040.
4. 4.Plaque
de reliure d'un des livres du sacre : saint Jean l'évangéliste. Milan ou
Magdebourg, vers 960-980. Ivoire d'éléphant (18 x 10,7 cm). Provient de la
reliure d'un manuscrit du trésor de l'abbaye de Saint-Denis. Paris, musée du
Louvre, MR375.
LES INSTRUMENTS LITURGIQUES DU SACRE
5. Calice de saint Remi ou calice du sacre. Nord ou nord-est de la France, première moitié du XIIIe siècle. Or, filigranes, émaux cloisonnés, pierres précieuses, intailles (H.: 17cm; D. de la coupe : 15cm). Conservé au trésor de la cathédrale de Reims jusqu'en 1792. Reims, Palais du Tau.
2. 6.Coupe
des Ptolémées ou calice du sacre des reines. Alexandrie (?), Ier siècle avant
ou après Jésus-Christ. Sardonyx (L.: 18,4cm). Provenant du trésor de l'abbaye
de Saint-Denis. Paris, Bibliothèque nationale, Cabinet des Médailles.
3. 7. Patène
de serpentine. Patène: Ier siècle (?). Monture: 2e moitié du IXe
siècle. Serpentine, or, pierres précieuses, verres verts (D. : 17cm). Provenant
du trésor de l'abbaye de Saint-Denis. Paris, musée du Louvre, MR415.
LES VÊTEMENTS DU SACRE
1. 8. Tunique
de Louis XIV. Aquarelle sur papier, exécutée pour Roger de Gaignières
(1642-1715). (25 x 23,4cm). Paris, Bibliothèque nationale, ms. fr. 20070,fol.
3.
2. 9. Chausses
et bottines de Louis XIV. Aquarelle sur papier exécutée pour Roger de Gaignières
(1642- 1715). (30,8 x 20,5 cm). Paris, Bibliothèque nationale, ms. Fr. 20070,
fol. 4.
3. 10. Dom
Michel Félibien, Histoire de l'abbaye de Saint-Denys en France, Paris, 1706,
pl.V. Vue d'une des armoires ouvertes du trésor de Saint-Denis montrant les vêtements
du sacre de Louis XIV.
4. 11. Statue
de roi acéphale en costume de sacre. France, dernier quart du XVIe siècle. Albâtre
(H. : 52cm).Paris, musée du Louvre, RF469.
5. 12. Louis
XIII en costume de sacre, par Philippe de Champaigne (1602-1674). Huile sur toile
(2,67 x 1,73m). Paris, musée du Louvre, inv. n°1167.
6. 13. Louis
XIV en costume de sacre, par Hyacinthe Rigaud, signé et daté 1701. Huile sur toile (2,77 x 1,94m). Paris, musée du Louvre, inv. RRC721.
LES COURONNES
1. 14. Tapisserie
de la tenture de l'Histoire du Roi : le sacre
de Louis XIV (7 juin1654). Gobelins, 1665- 1671, d'après les dessins du peintre
Charles Lebrun (3,52 x 5,89m). Versailles, Musée national du château, inv. n°
M.b. 14.190.
2. 15. La
Sainte Couronne ou couronne de saint Louis couronne de saint Louis. Aquarelle sur papier exécutée pour Roger Gaignières (1642-1715). (21,5 x 15,5 cm). Paris,
Bibliothèque nationale, Est. Oa 9, fol. 54.
3. 16. Couronne
de la reine. Lavis sur papier fait par Dom Bernard de Montfaucon (1655-1741).
(14,5 x 14cm). Paris, Bibliothèque nationale, ms. fr. 15634, fol. 7.
4. 17. Buste
de Louis XIII coiffé de sa couronne personnelle. Attr. A Fr. Bordoni
(1580-1654). Bronze (H. sans la couronne: 70cm). Paris, musée du Louvre, inv.
LL32.
5. 18. Couronne
personnelle de Louis XV, par Augustin Duflos, d'après Claude Rondé, 1725.
Argent du Louvre, MS61.
6. 19. Feuille
de la couronne de laurier du sacre de Napoléon Ier, par Biennais, 1804. Or(tabatière
H. : 2; L.: 10,2; 1.: 4,5 cm). Fontainebleau, musée Napoléon Ier, inv. n°
1984.3.
7. 20. Couronne
aux camées dite de Charlemagne, par Biennais, 1804. Cuivre doré et camées de
dates diverses (H.: 25;D.:18,5cm). Faite pour les «Honneurs de Charlemagne ». Paris, musée du Louvre, MS91.
8. 21. Moulage de la couronne de Charles X. Plâtre. Reims, Palais du Tau (dépôt des Archives nationales).
LES AUTRES INSIGNES
1. 22. Fermail du sacre et couronne d'Henri IV. Aquarelle exécutée pour Roger de Gaignières (1642- 1715). (24 x 20,4cm). Paris, Bibliothèque nationale, ms. fr. 20070, fol. 5.
2. 23. Main de Justice et sceptre de Henri IV (entre les deux, «anneau de saint Louis»). Aquarelle exécutée pour Roger de Gaignières (1642-1715) d'après les originaux jadis conservés à Saint- Denis (24,1 x 20,5 cm) Paris, Bibliothèque nationale, ms. fr. 20070, fol. 6.
3. 24. Dom Bernard de Montfaucon, les Monumens de la Monarchie Françoise, t.I., Paris, 1729, pl.III. Gravure représentant le sceptre de Dagobert, le sceptre de Charles V, la main de Justice « de licorne » et le trône de Dagobert. Paris, musée du Louvre, Bibliothèque centrale des musées nationaux.
4. 25. Éperons
du sacre. France, deuxième moitié ou fin du XIIe siècle et XIXe siècle. Or
ajouré, filigranes, cuivre, grenats ; courroies de tissu violet pailleté (L.:
17cm ; 1.max.8, 5 cm). Provenant du trésor de l'abbaye de Saint-Denis. Paris,
musée du Louvre, MS86.
5. 26.. Épée du sacre : « Joyeuse ». Ile-de-France, Xe-XIe siècle (pommeau), XIIe siècle (quillons), XIIIe-XIVe siècle (fusée). Or, perles de lapis ou verre sombre (quillons), acier (lame) (H. totale : 100,5 cm ; L. des quillons 22,6cm). Provenant du trésor de l'abbaye de Saint-Denis. Paris, musée du Louvre, MS84.
27 27. Fourreau de l'« épée du sacre ». Ile-de-France, fin du XIIIe siècle. Argent doré, pierres précieuses, cuivre; velours brodé (H. totale: 83,8 cm; 1.: 7et 6,3 cm). Provenant du trésor de l'abbaye de Saint-Denis. Paris, musée du Louvre, département des Objets d'art, MS84.
28. Sceptre
de Charles V dit «de Charlemagne». Paris, 1364 (?)-1380. Or, autrefois émaillé,
ciselé, gravé, fondu, ajouré, perles, balais, verres verts et bleus (H. totale :
60cm). Trésor de Charles V puis trésor de Saint-Denis. Paris, musée du Louvre,
MS83.
29. Bâton
de Guillaume de Roquémont. Paris, 1394. Argent doré, poinçonné, ciselé, verroteries, cuivre, bois (H. totale: 53cm).
Provenant du trésor de l'abbaye de Saint-Denis. Paris, musée du Louvre, MS83.
30. Extrémité de la hampe du sceptre de Charles V, par Biennais, 1804. Cuivre doré (H.: 76cm). Paris, musée du Louvre, MH83.
31.
Document sur le bâton de Guillaume
de Roquémont, de P. Révoil, recueilli par le baron de Guilhermy (20,8 x 13,3
cm). Paris, Bibliothèque nationale, ms. nouv. acq. fr. 6121, fol. 117-118.
32.
Main de Justice, par Biennais, 1804;
anneau, France, XIIIe siècle. Ivoire, cuivre, or, filigranes, pierres
précieuses, perles (H.: 39,2 cm; D. de l'« anneau de saint Denis» : 4,5 cm).
Anneau, intaille et camées: provenant du trésor de l'abbaye de Saint-Denis. Main
de Justice: faite pour les «Honneurs de Charlemagne ». Paris, musée du Louvre,
MS85.
33.
Extrémité de la hampe de la main de
Justice, par Biennais, 1804. Cuivre doré (H. : 64,8 cm). Paris, musée du
Louvre, MS 85.
34.
La Vierge de la famille de Vic, par
Frans II Pourbus (1569- 1622). Huile sur toile (3,63 x 2,70m). Paris, église
Saint-Nicolas-des-Champs.
35 Louis XV, par A.S.Belle, signé et daté
1723. Huile sur toile (2,26 x 1,80m). Versailles, Musée national du château,
inv. M.V.8497.
36. Louis XVI, attr. A A.Fr. Callet. Huile
sur toile (H.: 2,78m; 1.: 1,96m). Versailles, Musée national du château, inv.
M.V. 3890.
37. Dessin des «Honneurs de Charlemagne»,
par Charles Percier (1764- 1838). Dessin à la plume et au lavis (32 x 27cm) Bibliothèque
de l'Institut de France, ms. 1013, fol. 1.
38. Étude pour la main de Justice disparue en 1793. Dessin préparatoire de J.A.D. Ingres au Napoléon trônant. Pierre noire sur papier, annotations (12 x 9cm). Montauban, musée Ingres, inv. M.I. 867-351.
39. Étude d'après la main de Justice des «
Honneurs de Charlemagne ». Dessin
préparatoire de J.A.D. Ingres au Napoléon trônant. Pierre noire sur papier, annotations (18 x
10cm). Montauban, musée Ingres, inv. M.I. 867-349.
40. Étude pour le sceptre de Charles V. Dessin
préparatoire de J.A.D. Ingres au Napoléon trônant. Pierre noire sur papier
calque (26 x 10cm). Montauban, musée Ingres, inv. M.I. 867-350.
41. Étude pour le sceptre de Charles V et le bâton de Guillaume de Roquémont. Dessin préparatoire de J.A.D. Ingres au Napoléon trônant. Pierre noire sur papier, annotations (29x13cm).Montauban, musée Ingres, inv. M.I. 867-348.
42. Napoléon Ier, par J.A.D. Ingres, signé et daté, 1806. Huile
sur toile (2,60 x 1,63m). Paris, musée de l'Armée (inv. 5420, dépôt du musée du
Louvre).
43. Album du sacre de Charles X. Album
factice de lavis préparatoires à l'album gravé du sacre, réalisés en
1826.Portrait de Charles X en tenue de sacre de Dupré. Lavis (68 x 46,8 cm).
Paris, musée du Louvre, inv.26479
De toutes les cérémonies attachées au souvenir de la
monarchie, le sacre des rois de France est certainement celle qui frappe encore
le plus fortement les esprits et qui suscite le plus vivement les imaginations.
Le sacre apparaît, en effet, comme une manifestation exceptionnelle,
l'expression magnifique du pouvoir suprême, porteur des symboles les plus éclatants,
qui suscite aussi bien la vénération ou l'enthousiasme des monarchistes que la
colère
ou l'irritation des républicains et dont l'appréciation objective paraît
d'abord impossible.
Les tentatives d'études, de réflexions, d'explications
du sacre n'ont cependant pas manqué au cours des siècles, aussi bien de la part
des juristes de l'entourage royal que des érudits du XVIIe siècle ou que des
chercheurs modernes. La signification du sacre est, en effet, complexe
puisqu'il constitue une étape —sinon nécessaire du moins essentielle — dans le
processus de prise en main du pouvoir royal mais qu'il est, en même temps, une
cérémonie religieuse au cours de laquelle le roi acquiert, par l'onction, une
dimension quasi sacerdotale. Distincte de la coronatio (le couronnement proprement dit), l'unctio, déjà pratiquée par les Carolingiens, n'est pas propre au rituel
de la royauté française. Mais elle a pris en France, un aspect miraculeux: au
cours du sacre, toute une série d'éléments soulignent le caractère sacerdotal
du roi — parallèles entre les vêtements royaux et ceux du sous-diacre, du diacre
et du prêtre, remise de l'anneau évoquant l'anneau épiscopal, communion sous les
deux espèces — qui trouvent leur parfaite expression dans l'onction du roi avec
l'huile miraculeuse de la Sainte Ampoule, envoyée du ciel à saint Remi, par l'intermédiaire
d'une colombe, pour le baptême du Clovis. Le roi devient alors « l'oint du Seigneur »,
roi thaumaturge puisqu'il pouvait guérir les malades des écrouelles par
l'imposition des mains : la monarchie française est ainsi une institution
divine.
[ Membre
de l’Académie Royale, en 1660, Hélart devient
peintre de la ville de Reims. Il y a créé l’Académie de Peinture et de
Sculpture où il enseigne.
Le
baptême de Clovis revêt une importance considérable pour l’histoire de Reims et
pour celle de la France. La composition de l’œuvre est parfaitement équilibrée,
avec la stricte symétrie de part et d’autre de la scène centrale. Le panache
blanc du casque posé au sol anime la plage sombre du fond baptismal. Derrière
le roi se tient un homme tenant un manteau bleu-violet, couleurs portées par
les rois lors des cérémonies du sacre à Reims. La colombe descend du ciel et
apporte à saint Remi le saint Chrême.]
« Le Roi Te Touche, Dieu Te Guérit » : Les Miracles
des Rois Guérisseurs
[ Une foule en haillons se masse dans un vestibule richement
décoré : ces gens-là sont malades, grignotés par l’adénite tuberculeuse qu’on
appelle encore « écrouelles » ou « scrofule ». Ils sont venus solliciter
l’intervention du Roi, auquel on prête des pouvoirs miraculeux ; à coup sûr, le
« toucher royal » pourra les délivrer de leurs afflictions…
C’est un rituel bien ancré à la Cour de France :
régulièrement, le Roi traite, par l’apposition des mains, une cohorte de
scrofuleux. Cela fait partie du cahier des charges de la fonction, au même
titre que la promulgation des lois ou la diplomatie inter-royaumes. Une longue
lignée de monarques s’est donc essayée à la pratique du « toucher des
écrouelles », qui semble apparaître en France sous Philippe Ier (1052-1108)
puis se répandre à la cour de son fils, Louis VI. Elle survivra six siècles
durant.
Le Roi en consultation
Tout monarque de droit divin se revendique du choix
de Dieu : rien d’étonnant, donc, aux yeux de la plèbe, à lui attribuer des
vertus surnaturelles. Le souverain amplifie cette impression en multipliant les
symboles religieux. Guibert de Nogent, proche de Louis VI, a assisté au rite au
début du XIIème siècle :
« J’ai vu de mes propres yeux des malades souffrant d’écrouelles au cou, ou en d’autres parties du corps, accourir en foule pour se faire toucher par lui. Le roi montrait envers eux sa générosité innée ; les attirant de sa main sereine, il faisait humblement sur eux le signe de croix. »
Le toucher des écrouelles se démocratise ensuite au
fil des siècles, jusqu’à devenir une véritable institution sous Saint Louis
(1214-1270), qui le pratique chaque jour après la messe. Il faut dire que le
monarque est profondément pieux — il a passé sa nuit de noces en prières, et
bannit durant son règne les jeux d’argent et la prostitution. Un autre de ses passe-temps
est de laver les pieds des lépreux…
Des salles d’attente pleines à craquer
Les souverains suivants se conforment donc au
protocole dès le plus jeune âge : Louis XIII est âgé d’une dizaine d’années
lorsqu’il procède à son premier « attouchement », le jour de son sacre, en
1610. Il faut imaginer cet enfant confronté à une foule compacte et
pestilentielle « où il y avoit neuf cents et tant de malades des escrouelles ».
Un contemporain des faits admire l’attitude courageuse du jeune roi, qui « se
repausa quatre fois mais peu, ne s’assist qu’une seule fois. Il blemissoit ung
peu de travail, ne le voulut jamais faire paroistre. » Alors que le rituel
s’institutionnalise, les foules de malades enflent dangereusement : on va
jusqu’à simuler une affliction afin de récolter l’aumône accordée aux
scrofuleux. Il en vient de toutes les provinces du Royaume — et même de
l’étranger.
A l’étranger, justement, la pratique s’est déjà
exportée. De l’autre côté de la Manche, les mêmes rites ont lieu depuis le
XIIème siècle : la scrofule y est surnommée King’s Evil, « le mal du roi ». La
rivalité légendaire entre Français et Anglais vaut aux deux royaumes de se
faire concurrence même dans le champ du miracle… Façon pour le roi-guérisseur
de renforcer sa légitimité politique en s’associant au pouvoir suprême. Ainsi
Henri II d’Angleterre (1133-1189) est réputé guérir non seulement les
écrouelles, mais aussi la peste. Différentes latitudes, différents
super-pouvoirs : les monarques anglais soignent également l’épilepsie, les souverains
d’Espagne chassent le démon qui habite les possédés, les rois de l’Est
éliminent la jaunisse…
Difficile d’expliquer ces curieuses coutumes. A
l’époque médiévale, les croyances populaires rythment la vie quotidienne : la
faveur du Ciel se traduit par de riches moissons, son courroux par des années
de disette et de misère. En guise de tribunaux, les ordalies sont les épreuves
censées épargner les innocents et châtier les coupables : traversez un bûcher
sans vous brûler, et vous êtes lavé de tout soupçon… Inutile de dire que les
geôles médiévales grouillent de coupables. Jacques de Vitry narre un épisode
particulièrement représentatif de ces croyances aveugles, qui se déroule en
France au XIIIème siècle : dans une campagne décimée par une épidémie mystérieuse,
le prêtre local enterre solennellement une des premières victimes. Et voilà que
la foule de priants jette le curé dans la fosse mortuaire pour apaiser le
destin ingrat !
Toutefois, les lumières de la Renaissance
contribuent à estomper le « miracle », taxé de propagande royaliste et évacué
par les progrès de la médecine. Cela n’empêche pas le rite de perdurer : le
dernier souverain à le pratiquer à la Cour de France est Charles X (1757-1836),
au début du XIXème siècle ! On pouvait donc encore se faire « toucher les
écrouelles » après l’invention du stéthoscope… et dix ans avant la première
anesthésie.]
Les recherches modernes soulignent bien ce double aspect
du sacre des rois de France, acte à la fois politique et religieux, susceptible
d'une double approche, dans l'optique de l'établissement du pouvoir royal et du
développement de son «aura». L'ambiguïté des interprétations possibles apparaît
clairement dans la comparaison entre les deux attitudes de Michel de l'Hôpital
et de Jeanne d'Arc : le chancelier Michel de l'Hôpital, éminent juriste,
déclarait lors du sacre de Charles IX, en 1561: «... Jamais le Royaume n'est
vacant, ains y a continuation de Roy à Roy et que si tost que le Roy a l'œil
clos, aussi tost nous ayons Roy... sans attendre couronnement, onction ne
sacre... ». Jeanne d'Arc, qui reflétait, au contraire, la croyance populaire,
ne donna le titre de «gentil Roy» à Charles VII qu'après son sacre, à Reims, en
1429, sept ans après la mort de son père, Charles VI. Ces deux opinions
contradictoires que résument deux formules célèbres, d'une part la proclamation
des funérailles royales «le Roi est mort. Vive le Roi », d'autre part l'adage
«c'est le sacre qui fait le Roi», résultent peut-être de la différence entre
les conceptions peut-être
de la différence entre les conceptions médiévale et classique du sacre. Mais
l'on comprend mieux alors la complexité des recherches qui se heurtent toutes
au même obstacle : l'abondance des sources, historiques, manuscrites et
graphiques, et leur incapacité à décrire précisément un événement aussi lourd
de symboles.
Il est pourtant un aspect du sacre des rois de
France qui a peu retenu l'attention et qui paraît même avoir été dédaigné par
les historiens : celui des objets participant à la cérémonie, emblèmes
d'aspects, de dates et de destinations divers, incluses temporairement ou de
façon systématique parmi les insignes royaux et que recouvre le terme commode
de regalia. Nombre de ces objets ont disparu, parfois bien avant la Révolution
; mais, contrairement à l'opinion généralement répandue, tous n'ont pas été
fondus en 1794: le calice de saint Remi ou calice du sacre de Reims, la coupe
et la patène de Saint-Denis qui servaient au sacre des reines, sont toujours
visibles. Parmi les insignes, les éperons d'or et de grenats, l'épée «de
Charlemagne» et son fourreau, le sceptre d'or de Charles V, surmonté d'une
statuette de Charlemagne, subsistent encore. Il faut leur ajouter la couronne
personnelle du sacre de Louis XV, la main de Justice et la «couronne de
Charlemagne» inventées pour le sacre de Napoléon 1er.
Or, l'examen concret de ces objets disparus ou
conservés, soit dans leur réalité actuelle, soit à travers les témoignages,
descriptions et représentations graphiques, permet une approche originale de la
cérémonie du sacre français, lui apporte un éclairage particulier et fournit
d'autres indications sur l'interprétation que l'on peut en donner.
Les
sources manuscrites et imprimées
Les sources manuscrites et imprimées sont très abondantes, d'origines variées, et n'ont certainement pas encore été toutes exploitées. Les principaux témoignages sur les sacres des rois et reines de France, nombreux à partir du XVe siècle, ont été regroupés, au milieu du XVIIe siècle, dans le Cérémonial François de Théodore et Denis Godefroy.
Mais qu'il s'agisse de récits de seconde main ou de descriptions
de témoins directs, leurs auteurs montrent, en général, une déplorable
discrétion sur les objets employés au cours de la cérémonie, soit qu'ils aient été
trop loin pour bien voir des œuvres que seul l'entourage immédiat du roi pouvait
détailler, soit, plutôt, qu'ils se soient moins attachés à l'aspect permanent
de la cérémonie qu'à ses côtés anecdotiques : ils sont, en effet, plus prolixes
lorsqu'il s'agit de nommer les assistants de haut rang, de faire valoir le luxe
de leurs costumes ou de décrire les aménagements de la cathédrale. Ainsi, les
vases liturgiques ne sont presque jamais mentionnés, la Sainte Ampoule et les insignes
royaux sont seulement cités et, presque toujours, dans les mêmes termes, comme
si leur signification seule importait ou comme s'il fallait être fidèle à un
vocabulaire codé. Par exemple, la couronne dont l'archevêque couronnait le roi,
au cours du sacre, est généralement désignée comme «la grande couronne royale»,
parfois qualifiée de «fort pesante ».
Cette désignation est aussi abstraite que celle de «couronne
de France» que l'on trouve aujourd'hui, puisque l'on sait que plusieurs
couronnes d'aspect différent ont pu jouer ce rôle de «couronne du sacre». Au
contraire, les couronnes personnelles des rois et des reines, exécutées tout exprès
pour l'occasion, sont souvent caractérisées. Toute nouvelle information donnée
dans ces textes prend donc une importance notable mais la reprise de cette
information par des textes postérieurs doit être considérée avec une certaine prudence,
si l'on tient compte de la fâcheuse tendance des auteurs de ces récits à
recopier leurs prédécesseurs, ou du moins à s'en inspirer étroitement.
Le rituel du sacre médiéval était réglé par un ordo,
c'est-à-dire un recueil d'oraisons et d'hymnes liturgiques accompagnés de
brèves indications sur le déroulement de la cérémonie. Plusieurs ordines du sacre
des rois et reines de France ont été rédigés, qui correspondent grosso modo aux
modifications du cérémonial. Précisant les travaux de P.E.Schramm, les récentes
études de R. Jackson ont permis de mieux cerner et de dater les principaux textes
de ces ordines": aux deux premiers, l'ordo de Francia Occidentalis (vers
900) et celui de Fulrad (vers 980), succédèrent plusieurs ordines du XIIe
siècle, montrant l'intérêt alors porté à cette cérémonie essentielle de la monarchie
française : l'ordo de Reims de 1230 environ, celui du milieu du XIIIe siècle
dont on possède un manuscrit illustré, et le dernier ordo capétien, rédigé à la
fin du règne de Saint-Louis. Le cérémonial et la liturgie du XIIIe siècle
furent modifiés et augmentés par l'ordo de Charles V de 1365, lui aussi
abondamment illustré d'un cycle des épisodes du sacre. L'ordo de 1365, combiné plus
tard avec le dernier ordo capétien, fixait à peu près le déroulement de la cérémonie,
telle qu'elle fut pratiquée jusqu'à la fin de l'Ancien Régime, et même, en
1825, pour le sacre de Charles X. On s'attendrait à trouver dans ces manuscrits
liturgiques médiévaux des renseignements sur les instruments du sacre. Ils ne
font, en fait, que les nommer, précisant tout au plus, parfois, qu'ils sont
dorés ou d'or (deauratum, aureum). En dehors des vêtements royaux, dont
l'aspect liturgique est souligné, le seul objet qui bénéficie d'une indication plus
développée —et ce, dès les premiers ordines—est la verge (virga) que l'on
désigna, à partir du XVe «siècle, sous le nom de main de Justice: elle devait
être de la longueur d'une coudée ou plus, ayant, à la partie supérieure,
une main d'ivoire". Essentiels pour
la nomenclature des objets et pour la définition de leur rôle dans la cérémonie,
les ordines apportent donc peu de renseignements sur les objets eux-mêmes. Apparemment
plus complet, le Traité du sacre de Jean Golein, rédigé dans l'entourage de
Charles VII), est d'une interprétation difficile : ses allusions à la couronne
et à l'épée du sacre, par exemple, doivent-elles être prises au pied de la lettre,
ce qui contredirait quelque peu d'autres indications dont celles données par
les illustrations de l'ordo de Charles V, ou doivent-elles être regardées comme
une simple interprétation symbolique des regalia ?
De même, les traités théoriques de symbolique ou d'héraldique
s'attardent trop sur la signification des objets pour en donner une description
attentive. En 1566, Le Traité du Lis de Tristan de Saint-Amant, auquel répondit
le Lilium Francicum de Chiflet, constitue une heureuse exception : dans son désir
de démontrer l'ancienneté des fleurs de lis françaises, Tristan prit la peine
de détailler le sceptre de Charles V et l'agrafe du manteau du sacre et les fit
accompagner de gravures qui comptent parmi les premières représentations
minutieuses de ces œuvres.
Mais les sources les plus importantes pour l'histoire
des regalia sont les archives de l'abbaye de Saint-Denis. Longtemps rivale de
Reims, l'abbaye avait officiellement obtenu, depuis le XIIIe siècle, la garde
des insignes royaux. Les regalia, vêtements et objets que l'abbé devait apporter
à chaque sacre puis remporter à Saint-Denis et conserver pour le sacre suivant,
étaient abrités, dans l'abbaye, avec le reste du trésor: ils ont donc été
inventoriés avec tous les autres objets précieux. Les inventaires de Saint-Denis,
l'inventaire «en bref» de 1505, ceux, détaillés
de 1534et 1634, les récolements partiels des XVIIe et XVIIIe siècles, les remarques
des rédacteurs des Grandes Chroniques de France ou des historiens de Saint-
Denis, Dom Doublet, Dom Millet, Dom Félibien ont mentionné régulièrement les regalia,
en fournissant parfois des descriptions précises, éventuellement accompagnées
d'estimations des pierres précieuses ; ils signalent leur état de conservation,
les détériorations, les réparations faites et, pour certains, les disparitions.
Ils nous permettent ainsi de constater que les insignes royaux accumulés dans le
trésor de Saint-Denis au cours des siècles, étaient bien plus nombreux que ne l'exigeait
le cérémonial du sacre : nous sommes donc confrontés au redoutable problème de l'identification
de ces objets avec ceux qui peuvent être cités dans les comptes rendus d'un sacre
donné.
Iconographie
des Regalia
Même si elles sont souvent plus éloquentes qu'une
description minutieuse, les représentations des insignes du sacre, qu'il
s'agisse de témoignages graphiques ou sculptés, doivent, elles aussi, être examinées
avec un certain esprit critique, lorsqu'il s'agit de les identifier. En dehors
de très rares dessins consacrés aux seuls regalia, les deux genres essentiels
de représentations sont celles des scènes de sacre et des portraits de
personnages royaux, munis d'attributs officiels : elles sont fréquentes et
seuls les exemples les plus significatifs seront évoqués ici.
Les scènes de sacre, figurées, dessinées, peintes ou
gravées, sont souvent décevantes : prétextes à de grands effets de foule
chamarrée, elles n'accordent qu'une attention très relative aux regalia qui ne
sont rendus que dans leurs très grandes lignes, peut-être parce que leurs
proportions, par rapport à la taille des assistants, ne permet guère de les détailler.
Leur utilisation pour identifier les instruments ayant servi au sacre du roi
représenté, requiert une certaine prudence, les peintres ayant pu, tout comme
les auteurs des récits du sacre, se contenter de poncifs pour évoquer les
insignes royaux. Dans ce contexte, la tapisserie du sacre de Louis XIV, qui appartient
à la tenture de l'Histoire du Roy tissée d'après des dessins de Lebrun, tient une
place un peu exceptionnelle : elle donne, en effet, une fidèle image du moment de
la coronatio et, surtout, de la couronne qui fut alors posée sur la tête du
jeune souverain.
Carton peint par Yvart le père Cf : GOB-707-000.
Bordure composée dans le goût de Raphaël; petite figures de Le Brun, ornements de Guillaume Anguier.Carton : après 1662 Yvart le père.
Cette précision annonce celle que l'on retrouve sous le pinceau de David, au début du XIXe siècle, dans le Sacre de Napoléon Ier, où l'on reconnaît sans hésitation, émergeant de la foule, le sceptre, la pointe de l'épée et la couronne aux camées qui firent partie des «honneurs de Charlemagne ».
[ Une grande
partie des tapisseries disparue à la révolution. Comme les 24 tapisseries
brodées d'or du XVIe siècle est ayant appartenues à la famille de Guise. Qui à
la mort du duc de Guise furent vendue par sa sœur Marie de Lorraine tutrice des
biens du jeune duc à Colbert qui représentait Louis XIV. Douze de ces
tapisseries représentaient les chasses de Maximilien et les douze autres des
grotesques. Sous le directoire, qui manquait d'argent pour payer les
fournitures de l'armée, la décision imbécile de les brûler pour en récupérer
l'or fut prise et toutes ces merveilles furent envoyées à la monnaie et
détruites faisant perdre à la France d'autres de ces œuvres d'art.]
Les enluminures des ordines appartiennent à cette
catégorie des scènes de sacre. Les manuscrits médiévaux qui ont pu servir lors
des sacres des Capétiens et des premiers Valois, méritent une attention toute particulière
puisque les principaux regalia peuvent être datés avant 1400. Le célèbre manuscrit
de l'ordo du milieu du XIIIe siècle (Paris, Bibl. nat., lat. 1246) réunit une
série d'enluminures illustrant différentes étapes de la cérémonie, que l'on a
peut-être trop sévèrement jugées. Il serait vain, en effet, d'y chercher un reportage
de type moderne sur le sacre de Saint-Louis. Mais ces peintures ont l'avantage
de proposer au lecteur un cycle d'images synthétiques des différentes étapes du
sacre des rois de France, au XIIIe siècle, certes inexactes dans le détail,
néanmoins fort utiles en l'absence de tout autre document contemporain de même
type. Cependant, les représentations des insignes y sont tout à fait sommaires
et, malgré un effort de l'enlumineur, sensible, par exemple, dans la différence
de format de la «grande couronne» et de la «couronne plus légère», lors de la
communion, il est impossible d'utiliser cet ordo pour reconnaître quelques-uns des
regalia de Saint-Denis. De plus, l'absence d'un cycle antérieur similaire ne permet
pas de juger de la dépendance de ces enluminures par rapport à un éventuel modèle.
L'on a pu, de même, qualifier de «conventionnelles» les
enluminures du manuscrit de l'ordo de 1365 qui appartint à Charles V
(Londres,British Library Cotton. Tiberius B. VIII). Cette accusation, lancée en
1899 par Dewick, doit être écartée ou du moins largement nuancée car le manuscrit
est un document d'importance pour l'histoire des regalia. L'ouvrage, encore
orné de 38 peintures, fut écrit et illustré sous la direction de Charles V et
terminé en 1365, comme nous l'apprend une note autographe du roi. Il passa ensuite
à Charles VI et servit sans doute pour son sacre. Le texte de l'ordo qui
renferme de nombreuses allusions à la situation particulière du royaume et du roi,
pourrait avoir été prêt pour le sacre de Charles V, le19 mai 1364.
En 1364, Charles V (1338-1380) est couronné roi de
France à Reims. L’année suivante, il commanda un beau manuscrit pour commémorer
l’événement – le livre du couronnement de Charles Quint.
Le Livre du Sacre de Charles Quint mesure 29,5 x 20
cm. Il contient 38 miniatures montrant les étapes de la liturgie du sacre du
roi et de la reine de France. Il commence par une traduction de l’Ordo de Reims
vers 1320, ainsi qu’un texte rendant les serments de sacre et une liste des
pairs français du royaume. Cependant, la partie principale du manuscrit est
consacrée aux cérémonies de couronnement du roi et de la reine. Ceux-ci sont
illustrés d’une série d’enluminures de type « bande dessinée » détaillant la
série de tableaux distincts d’un bout à l’autre. Il est en grande partie intact
à l’exception de quelques dégâts d’eau, qu’il a subis en 1731.
L’un de ses éléments déterminants est la notice, que
Charles V a écrite de sa propre main dans le colophon du folio 74v. On peut y
lire :
« Ce liure.du.sacre.dez Rois.de france/est à
nous Charles. Le Ve.de. Notre-Dame. nom.Roy.de france.et le.
Fimes.Coriger.ordener.Escrire.et istorier. Ian. M.ccc.LX.V. Charles. »
(Ce livre de la consécration des rois de France nous
appartient, à nous, Charles V de notre nom, roi de France, et nous l’avons fait
corriger, arranger, écrire et illustré en l’an 1365 Charles).
[ On a émis l’hypothèse que le livre pourrait ne pas
rendre le rituel précis utilisé à Reims en 1364, puisqu’il n’y a eu qu’un écart
de deux mois entre la mort de l’ancien roi et le couronnement à Reims. D’autre
part, il est très peu probable que le roi ait fait faire le manuscrit après
coup et l’ait corrigé à ce moment-là. Le processus logique a dû être que
lorsque le couronnement a été planifié, le roi et l’archevêque ont discuté des
détails, qui au cours de ce processus ont été écrits comme un ordo approprié.
Le présent livre du « couronnement », tel que nous le possédons, est
probablement une « publication » enluminée et formelle de ce texte. Sherman
pense que le livre a été commandé par le roi, mais que la supervision réelle de
la mise en page et des miniatures a été effectuée par le PR-bureu royal, dirigé
par Raoul de Presles ou Nicole Oresme (mais d’autres pourraient également être
candidats).
Les miniatures, elles-mêmes, ont été peintes par
celui que l’on surnomme le « Maître du Livre du Couronnement », qui a travaillé
dans le scriptorium royal de 1350 jusqu’à la fin du règne de Charles Quint. Il
est également connu pour ses miniatures dans les Grandes chroniques de France. Il
y a beaucoup d’éléments intrigants dans ces miniatures, en raison du soin qui a
été pris pour les rendre aussi correctes que possible comme en témoigne
l’utilisation du portrait dans les visages du roi, de la reine et de
l’archevêque. Mais aussi les vêtements exacts que le couple portait, ainsi que
les signes héraldiques portés par les participants ont été rendus fidèlement.
Par exemple, l’un des sceptres portés par le roi peut encore être vu dans la
collection du Louvre. D’autres ont été facilement identifiés avec ceux
représentés dans les dessins réalisés au 18ième siècle des joyaux et insignes de
la couronne française.
En bref : le manuscrit semble avoir été conçu de
manière à fournir un enregistrement aussi exact que possible des rituels
utilisés un jour précis, à un endroit précis et impliquant des personnes
spécifiques.]
Qui
était Charles Quint ?
Portrait de Charles Quint tiré du livre du
couronnement, British Library, Cotton MS Tiberius B VIII fol. 44v
Charles Quint, roi de France de 1364 à 1380, est un
personnage important dans l’histoire de la guerre de Cent Ans. Charles a agi en
tant que régent lorsque son père, le roi Jean II, a été capturé à la bataille
de Poitiers en 1356 et emmené à Londres en otage pendant quatre ans. Pendant
cette période et après sa succession, Charles dut faire face à une série de
rébellions, à des hordes de brigands et à des soulèvements paysans.
Néanmoins, Charles maintint la cour de France d’une
manière opulente et raffinée qui anticipait les cours de la Renaissance
européenne. Christine de Pisan, la biographe de Charles, dresse le portrait
d’un souverain sage dont les goûts académiques l’ont amené à commander et à
collectionner certaines des plus belles œuvres de manuscrits enluminés
médiévaux de son époque. Finalement, Charles a amassé dans ses résidences
royales une bibliothèque de plus de 900 manuscrits, dont environ 100 sont
connus pour survivre aujourd’hui. Parmi les plus importants de ces manuscrits
se trouve ce livre du couronnement.
Le livre du couronnement est probablement entré
entre les mains des Anglais vers l’année 1425 lorsque Jean, duc de Bedford et
régent de France après la bataille d’Azincourt, a pris possession de la
bibliothèque de Charles VI. Il a probablement été utilisé lors du sacre d’Henri
VI à Paris en 1431 et peut-être même plus tard lors des couronnements anglais.
Au début des années 17ième siècle, il s’est retrouvé dans la collection de
Robert Cotton. De là, il entra à la British Library en 1753.
Unctio
Dans la Torah, l'onction (du latin unctio, de ungo,
« oindre ») se pratique en versant de l'huile parfumée sur la tête d'une
personne ou sur un objet afin de les sanctifier ou les consacrer à Dieu par ce
geste cérémoniel. L'onction, selon le Nouveau Testament, est un geste
liturgique cérémonial consistant en une application d'une huile sainte sur une
personne ou sur une chose.
« L’onction du grand prêtre connote la «
purification » et la « sanctification » dans un contexte cultuel où elles ont
pour fonction de distinguer, tandis que celle des rois, même si elle conserve
un halo sacral par analogie évidente, renvoie davantage à un acte conférant
autorité et légitimant un pouvoir. Plus précisément la distinction est entre
kodesh (Lév. 16, 19), la « sacralité » attachée à l’onction du grand prêtre, et
kavoda (Juges 9) qui qualifie l’onction royale comme ce qui attribue « poids »,
« autorité », « honneur » ». L’onction des rois semble avoir été propre aux
Israélites, pour se poursuivre chez les rois chrétiens.
La fabrication de l'huile d'onction se compose d'un volume de douze log (entre 3,6 et 7,2 litres environ, selon les avis) d'huile d'olive parfumée en y faisant macérer différentes épices préalablement bouillies dans des proportions précises (Krétot 5a). L'utilisation profane de cette huile est strictement interdite (Chémot 30, 32).
Dans le monde carolingien, le profane et le sacré ne sont pas nettement distincts. L'Eglise et l'empereur s'appuient donc l'un sur l'autre pour mettre en place une politique d'unification qui touche aussi bien la vie quotidienne que les production intellectuelles.
Récit
historique du sacre de Louis XVI
Le sacre et le couronnement de Louis XVI
Le 5 juin 1775, à 2
heures, le roi quitta Versailles pour se rendre à Reims. Il était
accompagné de la Reine, de Monsieur, de Madame et du Comte d’Artois. Il
arriva à Compiègne vers 10 heures du soir. Le duc de Gesvre, gouverneur de
la province d’Ile-de-France, le reçut selon l’usage, entouré de l’état-major,
du Corps de ville et du régiment de Condé-Cavalerie. Sa Majesté quitta
Compiègne le 8 juin, passa à Soissons où les clefs de la ville lui furent
présentées. Elle arriva ensuite à Fismes où elle coucha. Le lendemain
9 à 2 heures, nouveau départ et arrivée à Reims vers 3 heures.
Le
cortège officiel s’était formé à une certaine distance de la ville. Il
comprenait, avec l’élément militaire et religieux, les corps constitués, la
noblesse de Cour et celle de la plupart des provinces accréditées auprès de Sa
Majesté. Après avoir passé sous les arcs de triomphe, le roi descendit à
l’Eglise métropolitaine où il fut reçu par l’Archevêque duc de Reims, assisté
de l’Archevêque de Trajanople, son coadjuteur, et du Chapitre. Sa Majesté
assista au Te Deum chanté au bruit de plusieurs salves d’artillerie,
et déposa sur l’autel un magnifique ciboire en or, du poids de 16 livres,
dont il fit présent à l’église. Accompagné de la Reine, il se retira dans les
appartements qui lui étaient réservés à l’Archevêché et qui avaient reçu un
luxueux aménagement, provenant du garde-meuble de la Couronne.
Le Chapitre, le Corps de Ville, le Présidial, l’Election et l’Université
présentèrent ensuite leurs hommages au roi et à la reine.
Le
lendemain 10, Louis XVI, suivi des hauts personnages qui ne le quitteront
pas pendant cette longue solennité, assista à la messe dans la
chapelle du Palais épiscopal, et aux premières vêpres du Sacre à l’église
métropolitaine où l’Archevêque d’Aix prononça un sermon fort éloquent et
pathétique, dont le texte était ; « Un roi sage montera sur le trône
et il y règnera dans la justice et dans l’équité ».
La cérémonie du sacre et
du couronnement de Louis XVI dépassa par sa magnificence le fameux sacre de
Louis XV. Une
relation de cette fête qui eut lieu en l’Eglise métropolitaine de Reims, le
dimanche 11 juin 1775, a été décrite par un Troyen qui y assistait, en
tant que délégué de la Municipalité de Troyes :
« Le dimanche 11, jour du Sacre et du Couronnement, vers 6 heures du matin, le clergé prit place dans l’église. Ce furent déjà les chanoines, en chape, l’Archevêque de Reims,, les chantres, l’ancien évêque de Limoges, les évêques de Meaux, Arras, Montpellier, Amiens, Soissons en mitres, des cardinaux, des archevêques invités, tous en vêtements pontificaux, le doyen du Conseil, les conseillers d’état, Turgot, ministre d’état et contrôleur général des finances. Les pairs ecclésiastiques arrivèrent en chape et en mitre, précédant les pairs laïques vêtus d’une veste d’étoffe d’or, d’un manteau ducal de drap violet bordé et doublé d’hermine avec sur la tête la couronne d’or. L’évêque duc de Laon et l’évêque duc de Beauvais, députés pour « aller quérir le roi », partirent en procession précédés des chanoines, de la musique et du marquis de Dreux, Grand maître des cérémonies. Arrivés à la porte du roi, le chantre frappa de son bâton. L’évêque, duc de Laon, dit qu’il demandait le roi. Le duc de Bouillon, grand chambellan de France, répondit qu’il dormait. Le chantre frappa une deuxième fois, puis une troisième et les portes de la chambre furent ouvertes. Le marquis de Dreux conduisit les 2 évêques auprès de Sa Majesté qui était couché sur un lit magnifique et vêtu d’une longue camisole de satin cramoisi garnie de galons d’or et ouverte, ainsi que sa chemise, aux endroits où il devait recevoir les onctions. Le roi avait pardessus, une longue robe de toile d’argent, et sur la tête, une toque de velours noir, garnie d’un cordon de diamants, d’un bouquet de plumes et d’une double aigrette blanche. Les 2 évêques conduisirent le roi en procession à l’église. Il était 7 heures quand le cortège arriva dans la grande nef où s’étaient rangés les tambours, les hautbois et les trompettes. Le roi prit place sur un fauteuil sous un dais. La sainte Ampoule apportée de Saint-Remy par Dom de Bar en chape d’étoffe d’or et monté sur un cheval blanc de l’écurie du Roi, fut remise à l’Archevêque duc de Reims. L’Evêque duc de Laon et l’Evêque comte de Beauvais soulevèrent Louis XVI de son fauteuil pour demander « le consentement de l’assemblée et du peuple ». Cette formalité remplie, le roi, les mains sur l’Evangile fit les serments de maintenir la paix dans l’Eglise de Dieu, d’exterminer les hérétiques, de gouverner avec justice et miséricorde, puis il s’agenouilla. Le duc de Bouillon lui enleva sa longue robe, le chaussa de bottines de velours violet, fleurdelisé et ne lui conserva que sa camisole de satin. Monsieur, représentant le duc de Bourgogne, lui mit des éperons d’or, et les lui ôta aussitôt. L’Archevêque duc de Reims fit alors la bénédiction de l’épée de Charlemagne, la ceignit au roi, la reprit, puis, l’ayant tirée de son fourreau il dit une oraison et la remit toute nue entre les mains de Sa Majesté qui l’offrit à Dieu en la posant sur l’autel. L’Archevêque officiant la remit au roi agenouillé et le Maréchal de Clermont-Tonnerre la reçut ensuite des mains du roi pour la tenir pointe levée pendant toute la cérémonie du sacre, du couronnement et pendant le festin royal.
L’Archevêque, duc de Reims
retourna à l’hôtel, prit la patène d’or du calice de Saint Remy sur laquelle il
mit de l’huile de la Sainte-Ampoule, qu’il mêla avec du Saint-Chrème
et fit au roi prosterné devant lui, 9 onctions sacrées. L’officiant
ferma les ouvertures de la camisole et de la chemise du roi et le duc de
Bouillon couvrit celui-ci du manteau royal de velours violet bordé de
fleurs de lys d’or, fourré et bordé d’hermine. Enfin l’Archevêque de
Reims fit à Louis XVI les deux dernières onctions aux paumes des mains et
lui remit ses gants, l’anneau, le sceptre royal et la main de justice.
Le
roi était sacré !
Le
couronnement eut lieu immédiatement après. Le sieur Hüe de Miromesnil, garde
des Sceaux de France, faisant fonction de chancelier, monta à l’autel le visage
tourné vers le chœur, il appela les Pairs laïcs et ecclésiastiques et les pria
de s’approcher du roi. L’Archevêque duc de Reims prit alors sur l’autel la
grande couronne de Charlemagne, apportée de l’église Saint-Denis, la bénit,
et la posa sur la tête du monarque. Les pairs laïques et ecclésiastiques y
portèrent la main pendant que l’Archevêque récitait les oraisons du
couronnement. Le roi tenant le sceptre et la main de justice monta ensuite au
jubé, s’assit sur son trône et l’officiant récita les prières de
l’intronisation. Les prières terminées, l’Archevêque baisa le roi. Les
pairs de France le baisèrent également, puis les portes de l’église furent
ouvertes. Le peuple y entra en foule et fit paraître les sentiments
les plus vifs de respect et d’amour par des acclamations et des cris de joie
qu’accompagnaient des fanfares, des trompettes et des hautbois. Des
oiseleurs lâchèrent une grande quantité d’oiseaux, les Gardes françaises
et suisses exécutèrent une triple salve de leur mousqueterie et pendant les
acclamations de « Vive le Roi », les hérauts d’arme distribuèrent des
médailles d’or et d’argent, frappées à l’occasion de la cérémonie. Après le Te
Deum, au son des cloches de la ville et au bruit des salves d’artillerie,
l’Archevêque duc de Reims commença la messe, remit au roi la bourse, le
pain d’or, le pain d’argent, le vase rempli de vin et le fit communier sous les
deux espèces. A 11 h 30, le roi retourna en grande pompe au palais
archiépiscopal, la Sainte Ampoule fut reconduite à l’Abbaye de Saint Remy et le
cardinal de La Roche Aymon, grand aumônier de France, brûla les gants et la
chemise qui avaient touché aux onctions. Ce fut ensuite l’instant du dîner
royal. 5 tables avaient été dressées pour les convives. Le duc de
Cossé, premier panetier de France, fit mettre le couvert du roi par le
marquis de Verneuil, premier échanson, qui apporta la soucoupe, les
verres, les carafes, et le marquis de la Chesnaye, premier écuyer
tranchant, apporta la grande cuiller, la fourchette et le grand couteau. Sous
la direction du marquis de Dreux et du prince de Soubise, le premier service
fut apporté dans l’ordre suivant : les hautbois, les trompettes et les
flûtes de la Chambre jouant des fanfares, les Hérauts d’armes, les 2 maîtres de
cérémonie, les 2 maîtres d’hôtel du roi, le duc de Cossé tenant le premier plat
et les gentilshommes servants de Sa Majesté, et toute la noblesse, et tous les
hauts dignitaires présents au sacre se retrouvèrent dans la salle du festin
quand le roi arriva, accompagné de Monsieur et de Monseigneur le Comte
d’Artois. Les insignes de la royauté furent déposés aux coins de la table et le
duc de Reims récita le benedicite. Le prince de Lambesc se mit derrière le
fauteuil de Sa Majesté, aux côtés se placèrent le duc de Noailles et le prince
de Beauvau. Le prince de Soubise présenta la serviette au roi et se
tint debout près de la table. Le premier panetier, le premier échanson et
le premier écuyer tranchant se placèrent devant le roi pour remplir
leurs fonctions.
Le
dîner terminé, les hérauts d’armes jetèrent une somme considérable au peuple
attroupé, tant aux portes de l’église que dans les cours du palais
archiépiscopal.
Vers
le soir, le roi et la reine se montrèrent au peuple enthousiasmé.
La
journée se termina par une illumination dans la ville et par des démonstrations
de la joie la plus franche et du bonheur le plus vif ».
La reine qui n’avait
eu, en cette circonstance, que le rôle de spectatrice, ne put contenir son
émotion au moment du sacre et rappelant cette solennité,
elle se serait écriée : « La belle journée, je ne l’oublierai de
ma vie ! ».
« Ce groupe allégorique commémore l’accession
au trône de Louis XVI et Marie-Antoinette. Il a été modelé par le sculpteur
Boizot à la fin de 1774, en anticipation de la cérémonie du couronnement qui
devait se dérouler le 13 juin 1775. La Manufacture de Sèvres entendait prouver,
quelques années après la réalisation du surtout du mariage, quelle restait par
ses prouesses au service de l’exaltation des grands évènements de la monarchie
qui la soutenait, mêlant habilement portraits royaux et symboles monarchiques.
Le roi et la reine, ceints de la couronne royale et parés du manteau
fleurdelysé, ne sont pas représentés en costume du sacre ni en costume à
l’antique suivant la tradition mais « à la franque ». Cette iconographie rare
qui combine éléments contemporains - couronnes et manteaux - et propres à
l’antiquité nationale s’inscrit dans un mouvement d’exaltation de l’ancienneté
de la monarchie française, remontant aux figures mythiques et historiques de
Pharamond et de Clovis, aux IVe et Ve siècles, alors que les peuples francs
secouent le joug de l’Empire romain. Peut-être en raison de son caractère
politique, ce groupe ne rencontra pas le succès escompté auprès de la clientèle
de la manufacture, habituée à des productions plus aimables. Neuf exemplaires
furent mis en fabrication, mais seuls deux furent vendus, achetés par le roi au
cours de 1775, au prix de 480 livres. Un troisième avait semble-t-il été offert
à Marie-Antoinette en février de la même année ».
[ Photographié dans l’Attique du Petit Trianon, dans
la chambre du roi.]
LA
PATENE
La patène se compose de deux parties : une soucoupe
antique de serpentine incrustée poissons d’or, symboles chrétiens, plus tardifs
et une monture au décor cloisonné et gemmé réalisée dans les ateliers du roi de
France et empereur Charles Le Chauve (843-877). L’empereur carolingien
(875-877) en a fait don à l’abbaye de Saint Denis avec d’autres objets
admirables dont un calice dit Coupe des Ptolémées qui lui était associé
jusqu’en 1791. Au 17e siècle, la patène est utilisée pour le sacre des reines.
Elle fut acquise en 1793 par le musée du Louvre.
Elle est aujourd'hui conservée au département des objets d'art du musée.
L’œuvre est composée d'une assiette antique de
serpentine retravaillée à diverses époques. Le plat de pierre a possiblement
été créé entre le Ier siècle avant Jésus-Christ et le Ier siècle après
Jésus-Christ. L'âge des poissons dorés, ainsi que leur signification originale,
est incertaine. Il est possible qu'ils aient été ajoutés en même temps que son
marli doré, au IXe siècle, par les Carolingiens. Les incrustations
rappelleraient alors un symbole paléochrétien. Le poisson évoque en effet la
communauté, car les poissons se déplacent en banc, renvoyant ainsi à la
communauté chrétienne. Qui plus est, le mot poisson se dit Ichtus en grec, soit
l'acronyme de "Jésus-Christ fils de Dieu, sauveur". A une époque où
la foi chrétienne peut être punie de mort (lorsque le fidèle refuse de
sacrifier aux dieux romains), le poisson est l'un des symboles discrets de
ralliement des chrétiens.
L’œuvre fut par la suite offerte au IXe siècle à
Charles le chauve qui la fit enchâsser dans une monture d'orfèvrerie illustrant
l'intérêt porté aux techniques d'orfèvrerie barbare d'époque carolingienne. Sur
une plaque d'or sont en effet incrustées des pierres semi-précieuses selon la
technique du cloisonné et de la bâte.
La patène était associée à un canthare en agate à
fonction de calice portant une dédicace à Charles le Chauve. Le vase, qu'on
appelle "Coupe des Ptolémées", est aujourd'hui conservé au Cabinet
des Médailles de la Bibliothèque nationale de France.
COUPE
DES PTOLÉMÉES
La coupe des Ptolémées est un canthare (ancien vase
à doubles poignées) constitué d'un camée monolithe de sardonyx, conservé au
Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale de France à Paris. Jusqu'en
septembre 1791, la coupe des Ptolémées faisait partie du trésor de Saint-Denis.
Elle fut volée le 17 février 1804, puis retrouvée enfouie dans un jardin du
bourg de Rozoy-sur-Serre le 14 novembre 1804, mais sans ses pierres serties et
ornements carolingiens en or.
La coupe, est, avec la Tasse Farnèse de Naples et le
Vase Rubens (en) de Baltimore, un chef-d'œuvre de la taille et de la gravure de
pierre de l'Antiquité. Elle est décorée avec des vignettes représentant la
préparation d'une cérémonie en l'honneur de Dionysos et réalisée probablement à
Alexandrie entre le Ier siècle avant et le Ier siècle après Jésus-Christ. Elle
a acquis son association avec les Ptolémées après sa description faite par Jean
Tristan de Saint-Amant qui croyait qu'elle avait été confectionnée sur commande
de Ptolémée II, pharaon de la dynastie lagide.
En 1634, elle était estimée à 25 000 livres (pour
comparaison, le calice de Suger était évalué à 1 200 livres à la même époque).
Au début du Moyen Âge, la coupe fut utilisée comme
calice. Durant l'ère carolingienne, son pied fut orné de grosses perles,
saphirs, émeraudes et rubis, désormais disparus et connus seulement par une
gravure qu'en fit Michel Félibien en 1706. Cette monture portait l'inscription
suivante gravée dans l'or :
« HOC VAS XPE TIBI MENTE DICAVIT ; TERTIVS IN
FRANCOS REGMINE KARLVS »
« Ô Christ, Charles, troisième de ce nom sur le
trône des Francs, t’a consacré ce vase. »
Erwin Panofsky a montré que cette épigraphe désigne
le roi des Francs Charles le Chauve, qui a offert cet objet à l'abbaye de
Saint-Denis. La coupe des Ptolémées faisait partie de la cérémonie du sacre des
rois de France et peut donc être considérée comme l'un des regalia. Selon S.G.
Millet, durant la cérémonie, la reine « faisait ses ablutions avec ce calice,
après la divine communion ».
LES
ÉPERONS DU SACRE
Les éperons font partie des plus anciens instruments
du sacre conservés avec l’épée de
« Charlemagne ». Les éperons du sacre (XIIe siècle) : ils sont
remis au roi lors du rituel de chevalerie. Ils sont les premiers insignes reçus
par le roi lors de la cérémonie qui se déroulait à Reims. Les éperons
rappellent que le roi est le premier des chevaliers. Ces éperons ont pu être
créés pour la chevalerie du roi Philippe-Auguste (1180-1223) ou de Louis VIII
(1223-1226) puis utilisés pour le sacre et présents à celui de Napoléon en 1804
La légende dit qu'ils auraient appartenu à
Charlemagne et ils furent d'ailleurs longtemps connus, dans les inventaires
officiels tout au long de l'Ancien Régime, sous le nom d'« éperons de
Charlemagne » mais les estimations actuelles placent plutôt leur création, pour
les parties les plus anciennes, au cours de la seconde moitié du XIIe siècle.
Le trésor de l'abbaye royale de Saint Denis en France nous indique, dans l'inventaire qu'il dresse du trésor, que les éperons étaient rangés dans la quatrième des sept armoires du trésor.
Épargnés lors de la révolution française, les éperons
du sacre des rois de France se trouvent actuellement au musée du Louvre.
La partie de la cérémonie comprenant la remise des
Éperons avait lieu après la prise de serment du roi, lors du rituel de
chevalerie.
Ce n'était pas un adoubement à proprement parler,
car le roi pouvait être armé chevalier avant d'arriver à Reims comme Louis IX
ou bien, comme Louis XI et Charles VIII, dans la cathédrale mais indépendamment
du sacre. Différents éléments, symboles de chevalerie, sont remis au roi : les
souliers, l'épée et les éperons. Le duc de Bourgogne (plus tard un grand
seigneur) était ainsi celui qui portait et présentait les éperons d'or au roi
pendant la cérémonie du sacre avant que l'archevêque de Reims lui remette
l'épée.
Ce rituel de chevalerie était suivi par l'onction
puis par la remise des insignes royaux.
Les éperons, composés d'or, de cuivre, de grenat et de tissu, datent, suivant leurs parties, de la seconde moitié du XIIe, du XVIe et du XIXe siècles, ayant subi des modifications et embellissements au cours des siècles, certaines parties (celles en tissu en particulier) ayant dû être remplacés à plusieurs reprises.
L’ÉPÉE
JOYEUSE
Cette épée, la célèbre « Joyeuse » est attribuée
selon la tradition à Charlemagne (768-814). Elle est mentionnée dans le trésor
de Saint-Denis en 1271 à l’occasion du sacre de Philippe III, elle est un
attribut guerrier mais aussi protecteur car le roi est le défenseur de l’Église
et le chef des armées.
Le Hardi (1270-1285). Contrairement à la légende,
l’épée est un assemblage de différentes époques qui témoigne de la somptuosité
des insignes royaux. Le fourreau associé à l’épée est plus tardif et son
velours date du sacre de Charles X (1824-1830). Les insignes étaient présents
au sacre de Napoléon en 1804. Elle est l'un des plus anciens Regalia du royaume
de France qui subsistent actuellement.
Selon la légende, elle portait dans son pommeau de
nombreuses reliques, entre autres celle de la Sainte Lance, celle qui aurait
percé le flanc du Christ sur la croix, ce qui explique son nom.
La Chanson de Roland indique ainsi (laisse CLXXXIII)
:
« Nous avons fort à dire sur la lance
Dont Notre Seigneur fut blessé sur la Croix.
Charles, grâce à Dieu, en a la pointe.
Il l'a fait enchâsser dans un pommeau d'or. ;
En raison de cet honneur et de cette grâce,
Le nom de Joyeuse fut donné à l'épée.
Les barons français ne doivent pas l'oublier :
C'est de là que vient « Montjoie », leur cri de
guerre
C'est pourquoi aucun peuple ne peut leur résister. »
En réalité, l'étymologie du cri « Montjoie » est
discutée ; il n'est pas certain qu'il soit en rapport avec le nom de l'épée de
Charlemagne.
Dans leur description de Charlemagne, les Grandes
Chroniques de France, manuscrit du XVe siècle enluminé par Jean Fouquet,
racontent que « d'un seul coup de son épée, Joyeuse, il fendait un chevalier en
armes ».
La ville de Joyeuse dans l'Ardèche devrait son nom à
l'épée de Charlemagne. Égarée sur un champ de bataille, celle-ci aurait été
retrouvée par un des lieutenants de l'empereur qui, pour le remercier de sa
fidélité, lui remit un fief rebaptisé Joyeuse et le droit d'en porter le nom.
L'épée utilisée lors du sacre des rois de France,
probablement depuis Philippe Auguste en 1179, de manière documentée depuis
Philippe III le Hardi en 1271, s'appelait aussi Joyeuse, et l'on prétendait
qu'il s'agissait de la même. En fait, elle avait été fabriquée plus
tardivement, à partir d'éléments d'époques diverses :
le pommeau date de la fin de l'époque carolingienne
(Xe siècle) ; les quillons en forme de dragons opposés composant la garde
datent du XIIe siècle ; la poignée date du XIIIe ou du XIVe siècle ; la plaque
du fourreau ornée de pierreries a été exécutée au XIIIe siècle.
Cette épée est conservée dans le trésor de
Saint-Denis jusqu'à ce qu'elle entre en 1793 dans les collections du musée du
Louvre. L'épée a de nouveau été utilisée pour le sacre de Napoléon en 1804,
puis sous la Restauration.
Pour son sacre en 1804, Napoléon a fait recouvrir le
fourreau d'un velours vert brodé de feuilles de laurier d'or, et remplacer les
fleurs de lys par des pierreries. Pour son sacre en 1825, Charles X a demandé à
Jacques-Eberhard Bapst-Ménière, joaillier de la Couronne, de retirer du
fourreau les particularismes napoléoniens, revenant ainsi à un velours
fleurdelysé, encore visible aujourd'hui.
SCEPTRE
DE CHARLES V
Le sceptre de Charles V est un objet symbolique,
insigne du pouvoir royal en France, utilisé lors de la cérémonie du sacre à partir
du XIVe siècle. Autrefois conservé dans le trésor royal de la basilique de
Saint-Denis, il est aujourd'hui exposé au musée du Louvre ; c'est l'un des
rares objets du sacre qui soient parvenus jusqu'à nous.
Le sceptre est un don du roi Charles V (1364-1380)
au trésor de Saint-Denis destiné au sacre de son fils le futur Charles VI
(1380-1422). L’instrument, symbole de pouvoir se compose d’une hampe surmontée
d’un nœud en forme de boule gravée de scènes de la légende de Charlemagne et
décorée de pierres précieuses. Au sommet, l’empereur Charlemagne est assis sur
un trône supporté par une fleur de lis. Il est ceint d’une couronne et tient le
globe surmonté d’une croix et un sceptre L’insigne sert au sacre des rois
depuis le 14e siècle et est présent à celui de Napoléon en 1804.
Il apparaît pour la première fois le jour du sacre
de Charles V (19 mai 1364), dans la main droite du nouveau souverain. Ce
sceptre d'or, spécialement conçu pour la circonstance, est surmonté d'une
statuette, aussi en or, représentant Charlemagne assis sur un trône et coiffé
d'une couronne impériale, le tout disposé sur une fleur de lys en trois
dimensions.
Le sceptre dit de « Charlemagne » a pour but
politique de renforcer l'ascendance carolingienne des Valois. En effet, si
Adèle de Champagne, troisième épouse de Louis VII, et mère de Philippe Auguste,
ainsi qu'Isabelle de Hainaut, épouse du fils de cette dernière, sont des
descendantes de Charles le Chauve, lui-même petit-fils de Charlemagne, les
Valois ne sont qu'une branche cadette des Capétiens.
À une vénération liturgique déjà vivace s'ajoute le
culte politique de saint Charlemagne (présent dans le thème des Neuf Preux),
auprès de qui les premiers Valois cherchent une légitimité, dont Charles V sera
l'initiateur, face aux prétentions des Plantagenêts. Charles V et son fils
portent le prénom de leur ancêtre mythique, Carolus, qui a donné son nom à la
dynastie des Carolingiens à laquelle ces rois veulent rattacher leur lignée.
L'accession récente des Valois à la couronne (Philippe VI en 1328) a inauguré
une ère nouvelle de l'art au service du pouvoir. Autre aspect de la
légitimation de la dynastie des Valois, est l'épée que fera forger Charles,
Joyeuse, l'épée mythique de Charlemagne.
Le sceptre est constitué de quatre parties superposées
assemblées par une tringle, la hampe, le nœud historié, la fleur de lys et la
statuette sommitale. Il fait en tout 60 cm. La hampe est décorée, dans sa
partie supérieure, de fleurs de lys et de nœuds en rosace gravés.
La boule (nœud) est décorée de trois scènes en
repoussé figurant la légende de Charlemagne d'après le Codex Calixtinus.
Première scène : saint Jacques apparaissant à Charlemagne, lui présentant
l'orbe et l'épée et lui ordonnant d'aller délivrer l'Espagne. Seconde scène :
saint Jacques apparaît aux chevaliers en prière, leurs lances ont, pendant la
nuit, pris racine et se sont transformées en branchage. Troisième scène : saint
Jacques arrache l'âme de Charlemagne à un démon. Ces trois médaillons sont
entourés de perles et de pierres serties, autrefois précieuses, remplacées plus
tard par des verreries.
Une corole à six pétales, autrefois émaillée de
blanc, symbolise un lys qui supporte la statuette. Charlemagne figure assis sur
un trône, couronné et tenant à gauche un orbe et à droite un long sceptre, son
extrémité brisée et disparue est remplacée par une boule. Sur la base du socle
une inscription ajourée en latin court sur les quatre faces :
SANTUS [sic] KAROLUS MAGNUS ITALIA ROMA GALIA ET (?)
ALIA
La statuette sommitale représente Charlemagne sur un
trône, portant d'une main un globe crucifère, de l'autre un sceptre. Deux
aigles et deux lions ornaient à l'origine les accoudoirs du trône, un seul
reste d'origine. Une perle surmontait précédemment la couronne impériale de
Charlemagne, elle a été remplacée par une croix.
Ce sceptre a subi de nombreuses restaurations et
modifications de détails, en 1722, 1775, 1804 et 1825. Les divers recoupements
des sources d'époque laissent penser à une fabrication entre 1370 et 1380. On
voit un sceptre, dans une forme très approchante, pour la première fois sur une
enluminure du livre du sacre de Charles V en 1364. On peut se demander s'il
s'agit du sceptre actuel non terminé ou d'un sceptre disparu qui aurait servi
de modèle à Charles V pour confectionner celui que nous connaissons, destiné à
son fils Charles VI.
Dans l'inventaire de 1380, le sceptre est mentionné
parmi les objets préparés par Charles V et confiés à l'abbé de Saint-Denis le 7
mai 1380 en vue du sacre de son fils, le futur Charles VI. Peu de temps avant
sa mort, Charles V fera par ailleurs modifier le sceptre, en faisant remplacer
le bouquet de feuillage qui surmontait le sceptre à l'origine par un lys
d'émail blanc surgissant d'une sphère où figurent des scènes de la vie de
Charlemagne. Le sceptre servira ensuite à tous les sacres des rois de France, à
l'exception de ceux de Charles VII et Henri IV.
Quand il n'était pas utilisé pour un sacre ou une
cérémonie, le sceptre était rangé dans une des armoires du trésor de
Saint-Denys. Le Trésor de l'abbaye royale de S. Denis en France (imprimerie
J.Chardon) nous indique, dans l'inventaire qu'il dresse du trésor, que le
sceptre était rangé dans la quatrième des sept armoires du trésor.
Napoléon l'utilisera lors de son propre sacre en le
faisant figurer dans « les honneurs de Charlemagne ». Il le fait alors remonter
en version longue avec des parties du bâton du chantre Guillaume de Roquémont.
C’est présent dans les armoiries des premier et Second Empire.
Charles X sera le dernier roi de France à le brandir
lors de son sacre en 1825.
LE
TRONE DE DAGOBERT
Le trône de Dagobert est un siège en bronze du haut
Moyen Âge mentionné pour la première fois par l'abbé Suger au milieu du XIIe
siècle, et qui faisait partie du trésor de Saint-Denis. Il est conservé au
département des Monnaies, Médailles et Antiques de la Bibliothèque nationale de
France.
Le trône est répertorié par Suger, dans l'inventaire
du trésor de Saint-Denis au milieu du XIIe siècle. Il en parle dans son ouvrage
De Administrationne et déclare l'avoir fait restaurer, car il le retrouve bien
délabré : parce que « sur ce siège, les rois avaient la coutume de s'asseoir
pour recevoir l'hommage des grands de leur royaume », pratique probablement à
l'origine des expressions « asseoir son pouvoir », « asseoir son autorité ».
Dès 1076-1080, des rois capétiens sont représentés
sur leur sceau assis en majesté sur un siège similaire.
En 1625, l'abbé Dom Doublet signale que le prêtre
célébrant la messe au grand autel de la basilique Saint-Denis s'y asseyait.
En 1791, le trône est transféré, avec 13 autres
objets du trésor considérés comme Monuments des Arts et des Sciences, à la
Bibliothèque royale.
Ce siège, considéré comme une regalia, garde une
haute valeur symbolique, différents souverains l'utilisant afin de rattacher
leur légitimité à celle de la plus ancienne des « races » royales françaises.
La dernière utilisation de ce meuble vieux et fragile est faite par Napoléon
Ier lors de la distribution des premières Légions d'honneur au camp de Boulogne
le 6 août 1804 ; la légende veut qu'il l'ait cassé en s'asseyant dessus.
Une copie, réalisée en fonte de fer dorée d'après
moulage au début du XIXe siècle, est encore visible dans la basilique
Saint-Denis. Ayant la fonction de trône épiscopal, cette copie est classée
monument historique au titre d'objet depuis 1999.
Description
du meuble :
Le trône est constitué de différentes parties
d'époques variables :
Le siège pliant, partie inférieure du trône, en
constitue la structure d'origine. Ce mobilier pliant est adapté aux habitudes
itinérantes des seigneurs dues aux luttes féodales. Il se présente sous la
forme d'un siège pliable copiant les modèles antiques, avec quatre montants
ornés de protomés de panthère (dont celui à l'arrière droit a été refait
ultérieurement). L'assise était formée de larges bandes de cuir. Le piètement
curule rappelle la chaise symbole du pouvoir en Rome antique. Le siège pliant
est difficile à dater précisément, deux options sont possibles, soit l'époque
mérovingienne, notamment en raison de l'abbé Suger qui, au XIIe siècle,
l'attribuait à Dagobert Ier (629-639) et à son orfèvre saint Éloi, soit à la «
renaissance carolingienne », en confrontant le trône avec des enluminures
carolingiennes, qui représentent des trônes à protomés de fauves semblables à
celui dit de Dagobert, tel que l'enluminure représentant l’empereur Lothaire
dans le psautier de Londres.
Un dossier ajouré et deux accoudoirs en bronze à
décors de rinceaux ont été ajoutés, la comparaison stylistique de ces éléments
avec les créations artistiques carolingiennes tend à démontrer que ces éléments
dateraient du IXe siècle. L'abbé Suger informe avoir restauré le siège, il faut
vraisemblablement lui imputer le blocage du système de pliage, de la jambe
arrière droite des têtes sur le dossier et certains croisillons.
MAIN
DE JUSTICE DU SACRE AVEC ANNEAU DE SAINT DENIS
La main de justice (XIIIe siècle) : symbolisant le pouvoir judiciaire rendu par le roi, disparut lors de la Révolution. Une réplique, ornée de l'anneau médiéval dit de saint Denis, fut fabriquée en 1804 pour le sacre de Napoléon Ier .
La main de justice est un insigne du pouvoir royal
en France utilisé à partir du XIIIe siècle lors du sacre. Symbole de l'autorité
judiciaire, cet objet qui faisait partie des regalia du royaume de France prit
son nom au XVe. Il consiste en un sceptre terminé par une main dont les trois
premiers doigts sont ouverts. Par extension, un condamné est dit « placé
sous-main de justice » lorsqu'il est suivi, par exemple, par un juge
d'application des peines.
Peu de récits du sacre des rois capétiens existent,
ce qui rend difficile l'établissement d'une chronologie de l'apparition de la
main de justice. Cependant on sait que jusqu'à la fin du XIIe siècle, les rois
de France reçoivent lors de la cérémonie du sacre une verge, symbole de
commandement. On ne sait si avant le XIIe siècle, cette verge était une main de
justice. Des théories divergentes demeurent encore aujourd'hui sur l'analyse
d'une représentation du sceau de Hugues Capet datant de 1681 et sur laquelle le
premier des Capétiens y figure tenant une main de justice5. Interprétation
abusive ou réalité ? Quoi qu'il en soit, la main de justice n'apparait plus par
la suite sur les sceaux royaux.
La main de justice du sacre des rois de France était
formée d’une main droite faisant un geste de bénédiction faite « d’ivoire de
licorne », c’est-à-dire taillée dans une défense de narval, fixée en haut d’un bâton
d’orfèvrerie, qui fut détruite en 1793. Pour le sacre de Napoléon Ier, Vivant
Denon demanda en 1804 à l’orfèvre Martin-Guillaume Biennais de refaire une main
de justice, en s’inspirant de la gravure de Bernard de Montfaucon, sans prendre
garde à l’avertissement signalant que la gravure est inversée, de sorte que
celle qui fut sculptée dans de l’ivoire d’éléphant est une main gauche. Elle
fut fixée sur un bâton de cuivre doré, enrichi d’un nœud d’orfèvrerie formé par
le chaton médiéval de « l’anneau de saint Denis », auquel furent ajoutés deux
camées en cristal de roche et une intaille d’améthyste provenant aussi de
Saint-Denis. Elle est conservée au musée du Louvre à Paris.
La main de justice du roi, qui fut dite de
Charlemagne au XVIIe siècle, devait en fait dater des derniers Capétiens
directs ou des premiers Valois.
Le roi de France étant classiquement comparé à David
depuis Charlemagne, la fausse étymologie de David qui signifierait « main forte
» donnée par saint Jérôme et encore connue en 1300, suggérerait que la main de
justice est un sceptre davidique (le roi David de l'église Saint-Bénigne de
Dijon porte d'ailleurs une main de justice).
Le terme « main de justice » n'apparaît dans les
textes que depuis la seconde moitié du XVe siècle, lors des obsèques de Charles
VII.
Il n’existe qu’une seule représentation précise de
cette main de justice, sur le tableau représentant Louis XV qui est à Furnes
(Veurne, Flandre-occidentale, Belgique) qui serait d’Henri Testelin.
Long de 0,591 m avec une main de 7 cm, ce sceptre
court fut envoyé à la casse par la Convention nationale.
La reine en recevait une également lors de son
sacre.
Lors de la cérémonie du sacre, la main de justice
était remise après le sceptre, dans la main gauche du souverain. Après la
cérémonie, elle était confiée au trésor de l'abbaye royale de Saint-Denis avant
d'être ressortie pour le prochain sacre.
D'autres souverains que le roi de France ont utilisé
la main de justice : les rois de Navarre et d'Écosse au XVIe siècle ; le duc de
Lorraine (lors des obsèques de Charles III de Lorraine en 1608) ; Napoléon Ier,
Félix Baciocchi, prince de Lucques, Louis-Napoléon roi de Hollande,
Jérôme-Napoléon roi de Westphalie, Joachim-Napoléon roi des Deux-Siciles ; les
empereurs du Brésil au XIXe siècle ; l'empereur Augustin Ier du Mexique ; les
rois des Belges depuis 1830 ; Louis-Philippe roi des Français.
La main de justice n'est plus utilisée de nos jours
en France sauf sur le faisceau de pique du Sénat que l'on retrouve d'ailleurs
sur les insignes actuels des sénateurs ainsi que ceux des députés de la 3e
République, insignes surnommés « baromètres ».
Du fait de son nom, on attribue à la main de justice
la signification que le roi peut rendre la justice. Il a donc le pouvoir
judiciaire.
Traditionnellement, on lui attribuait une dimension
religieuse, chaque doigt de la main ayant une signification précise. Ils
représentent ainsi :
le pouce : le roi ;
l'index : la raison ;
le majeur : la charité ;
Les deux doigts : la foi catholique.
Les trois doigts ouverts symbolisaient également la
Trinité .
LE
CALICE DU SACRE
Le calice du sacre ou calice de saint Remi est une pièce d'orfèvrerie qui faisait partie des regalia du royaume de France. Ce calice appartient au trésor de la cathédrale Notre-Dame de Reims et est conservé au palais du Tau (palais épiscopal à côté de la cathédrale) dans le musée de l'Œuvre de Notre-Dame. Il est classé monument historique.
Saint Remi, évêque de Reims, n'a pas pu l'avoir
entre les mains car cet objet liturgique date du troisième quart du XIIe
siècle, il était à l'origine utilisé pour le sacre des rois de France avec les
autres regalia du trésor. Seul le pied est d'ailleurs de cette époque car la
coupe a été refaite au XIXe siècle. Propriété de l'État, il est classé comme
monument historique au titre d'objet depuis 1896.
Vingt-cinq rois de France y trempèrent leurs lèvres.
En 1791, le calice est confisqué par les
révolutionnaires comme beaucoup d'objets des trésors liturgiques, et notamment
ceux ayant un rapport direct avec la royauté comme ceux du trésor de
Saint-Denis. Il aurait pu être fondu comme beaucoup de ces objets, mais il
aurait été oublié et est finalement doté au Muséum central des arts de la
République au titre des œuvres dont la conservation paraissait importante pour
les « Sciences et les Arts », puis il est déposé au Cabinet des médailles de la
bibliothèque nationale.
C'est le cardinal Thomas Gousset qui obtient de
Napoléon III, en 1858, que le calice soit restitué au trésor de la cathédrale
de Reims.
Le pied et l'inscription
Le calice est en or, décoré d'émail cloisonné
filigrané. Sur un pied circulaire serti de pierres fines, une tige à nœud porte
une coupe en forme de ciboire. Sa hauteur est de 17 cm et le diamètre de la
coupe est de 15 cm. Le pied du calice porte l'inscription latine :
« Quicumque hunc calicem invadiaverit vel ab
ecclesia Remensi aliqui modo alienaverit anathema sit fiat amen »
« Quiconque s'emparera de ce calice de l'église
de Reims de quelque façon que ce soit, qu'il soit frappé d'anathème Amen ».
PLAQUE
DE RELIURE Xe siècle
D’un des "Livres du Sacre" : Saint Jean
l'évangéliste.970 / 980 (2e moitié du Xe siècle)
Le Livre du sacre est un pontifical contenant les
textes utilisés lors des cérémonies du sacre des rois de France.
Le livre du sacre est un pontifical réalisé, pour le
premier live du sacre, aux environs de l'an 700. Utilisé lors de la liturgie du
sacre des rois de France, la couverture contenait à la Révolution un manuscrit
des XIIe – XIIIe siècles contenant les événements de l'année liturgique et les
détails des cérémonies du sacre.
Après les événements de la Révolution française, le
livre fut d'abord déposé au Louvre, le 15 décembre 1793, et les éléments de
métal de la couverture fondus l'année suivante, en 1794. Le manuscrit reste ensuite
au Louvre pendant près d'un siècle avant d'être finalement déposé à la
Bibliothèque nationale de France le 7 janvier 1881, où il se trouve encore
aujourd'hui.
Subsistent aujourd'hui deux éléments du livre des
sacre original : le manuscrit d'une part, et la plaque d'ivoire qui décorait la
couverture d'autre part.
Le
livre du sacre
À l'origine, le livre du sacre comprenait une bible
du VIIIe siècle environ. Subsiste aujourd'hui un manuscrit dont les feuillets
dataient des XIIIe et XIVe siècles. Ils étaient contenus dans une couverture
d'émail et de vermeil à l'arrière de laquelle était montée une plaque d'ivoire.
Le
manuscrit
Le manuscrit est composé de 242 folios de parchemin
hauts de 23,5 cm et larges de 16,5 cm2. Les folios 1-213 et 239-42 sont des textes
pontificaux (livre des cérémonies célébrées par l'évêque). Ils furent
probablement créés à Rouen au XIe – XIIe siècle ou au début du XIIIe siècle. Les
folios 215 à 236 contiennent des prières appropriées pour les processions de la
célébration l'église majeure, probablement créés au milieu du XIVe siècle.
La
plaque d'ivoire
La plaque d'ivoire de la couverture était montée sur
la couverture arrière du livre. Probablement faite entre 968 à 980 de Milan ou
Magdebourg, elle représente saint Jean debout avec son aigle et mesure 18 cm de
haut, 10,7 cm de large pour une épaisseur de 2 cm3.
La plaque d'ivoire se trouve actuellement au musée
du Louvre : ici
SAINTE
AMPOULE
Une portion de ce baume était mélangée à du saint
chrême pour servir à l'onction des rois de France lors de la cérémonie du
sacre. Elle faisait partie du trésor de l'abbaye Saint-Remi de Reims depuis la
seconde moitié du IXe siècle.
Bien que la sainte ampoule et une grande partie de
son contenu aient été détruits à la Révolution, l'archevêque de Reims conserve
aujourd'hui un infime reste de cette relique qui aurait été sauvée des
révolutionnaires et conservée dans une ampoule de substitution, utilisée
notamment pour le sacre de Charles X en 1825 et conservée jusqu'à nos jours par
la ville de Reims.
Les sources les plus anciennes relatives au baptême
de Clovis ne font pas allusion à un prodige. C'est Hincmar, archevêque de Reims
de 845 à 882 qui le premier fait mention de l'existence de la sainte ampoule,
avant 860, dans un office qu'il composa en l'honneur de saint Remi : une
colombe aurait apporté cette fiole à Remi de Reims, futur saint Remi, pour
oindre le front de Clovis lors de son baptême.
Il évoque également l'existence de la sainte ampoule
dans un discours prononcé lors du sacre de Charles II le Chauve en 869 à Metz
comme roi de Lotharingie mais ne dit pas s'il a utilisé le chrême pour ce sacre
; il l'intègre ensuite dans une Vie de saint Rémi. Par là même, Hincmar
accrédite l'idée que « Dieu, donc, et Dieu seul fait le roi, avec l'aide
visible de l'office sacerdotal. » On trouve mention du « saint chrême envoyé du
Ciel » dans la liturgie rémoise remontant au VIIIe siècle au plus tard, ainsi
que dans les œuvres de Gottschalk d'Orbais. On peut donc conjecturer que
Hincmar a rapporté une légende qui aurait pu appartenir à la tradition orale de
l'Église de Reims. On peut ajouter que parmi les 4 000 citations vérifiées par
Jean Devisse, Hincmar n'a pas une seule fois été infidèle au texte d'origine,
ce qui ne plaide pas pour une invention de son propre chef : « Nous sommes en
mesure de dire, aujourd'hui, que nous n'avons jamais trouvé de falsification
délibérée du texte, par modification, altération ou captation du sens ».
Aucune source ne mentionne ce saint chrême pour les
sacres des Xe et XIe siècles. En revanche, l'histoire de l'apport du chrême
baptismal à Rémi par une colombe matérialisant le Saint-Esprit est rapportée
par le chanoine Flodoard au milieu du Xe siècle dans son Histoire de l'église
de Reims, puis par Aimoin de Fleury, l'abbaye où s'écrit l'histoire de France
sous Hugues Capet.
Légende :
En 1651, l'érudit franc-comtois Jean-Jacques
Chifflet dédiait au roi d'Espagne un livre dans lequel il rapprochait la
légende des plus anciennes images du baptême de Clovis avec celui du Christ ;
les Évangiles synoptiques mentionnent en effet l'Esprit de Dieu descendant sous
la forme d'une Colombe au-dessus de Jésus.
Le modèle christique a été utilisé pour Clovis comme
en témoigne la plus ancienne représentation du miracle de la sainte ampoule,
sur une plaque d'ivoire du IXe siècle, provenant de la reliure d'un manuscrit -
sans doute la Vie de saint Remi par Hincmar - illustrant les Miracles de saint
Remi. Cette plaque est conservée au musée de Picardie à Amiens. Un clerc aura
pu alors interpréter une représentation symbolique comme une description réaliste,
créant ainsi la légende.
L'historien Marc Bloch suggère une autre origine
possible : les saintes huiles étaient traditionnellement conservées au
baptistère, dans des réceptacles faits à la ressemblance d'une colombe, en
suspension ; le geste de l'évêque levant la main pour prendre le chrême aurait
pu inspirer les artistes et donc la légende.
Il est possible que l'ampoule de verre remplie de baume ait pu servir aux sacres effectués dans l'église Saint-Remi de Reims, donc dès Charles III le Simple en 893, cependant il faut attendre le sacre du pieux roi Louis VII en 1131 pour que l'on ait la certitude de son utilisation. L'ampoule n'est pas mentionnée mais le baume qu'elle contient l'est ; c'est dans l'ordo du sacre composé en 1230 sous Saint Louis qu'est mentionnée la sacro-sainte ampoule apportée comme une relique par l'abbé de Saint-Remi. Louis VII, qui a contribué à l'enrichissement de la symbolique royale, avec la fleur de lys à forte connotation mystique et l'enrichissement du sacre (avec le rite de chevalerie et l'intervention des pairs), a pu donner toute sa place au chrême du baptême de Clovis et à la sainte ampoule.
L'abbé de Saint-Remi, puis le grand prieur quand le
monastère fut sous le régime de la commende, apportait solennellement la sainte
ampoule dans la cathédrale, à pied d'abord, puis sur une haquenée blanche, sous
un dais porté par quatre moines. Aux quatre coins se tenaient quatre grands
seigneurs dépêchés par le roi, appelés les otages, c'est-à-dire les garants car
ils juraient de protéger le reliquaire au péril de leur vie. Ils étaient
précédés par la communauté monastique, entourés par les vassaux de l'abbaye,
appelés les chevaliers de la Sainte Ampoule.
C'est l'évêque de Laon, duc et pair du royaume, qui
a le privilège de porter la sainte ampoule au cours de la cérémonie. Le roi
seul bénéficiait du baume prélevé par le prélat consécrateur avec une aiguille
d'or : ce fragment de la taille d'un grain de blé était alors mélangé au saint
chrême sur une patène et lui donnait une couleur rougeâtre. Avec le pouce, le
prélat prélevait le mélange et traçait neuf onctions en forme de croix sur le
souverain, tout en prononçant les paroles rituelles : sur le haut de la tête,
la poitrine, entre les deux épaules, l'épaule droite, l'épaule gauche, la
jointure du bras droit puis du bras gauche ; puis, après s'être revêtu, sur les
paumes des mains. Après les onctions, on raclait la patène et on mettait ce qui
restait du mélange dans l'ampoule, ce qui confortait la croyance populaire en
un inépuisable baume. La reine n'était sacrée qu'avec du saint chrême.
L’ancien reliquaire, contenant la sainte ampoule, ne
sortait de l'abbaye Saint-Remi de Reims que les jours du sacre. Louis XI voulut
l’avoir près de lui à son lit de mort et fut obéi. C’est la seule fois que
l’ampoule quitta l'abbaye pour un but autre que celui que l’usage lui donnait.
Le premier roi à avoir été sacré à Reims fut Louis
le Pieux en 816, le dernier Charles X. À partir du sacre d'Henri Ier en 1027
jusqu'au sacre de Charles X en 1825, on compte trente rois de France qui ont
reçu la sainte onction à Reims, avec trois notables exceptions : Louis VI le
Gros à Orléans, Henri IV à Chartres et Louis XVIII qui n'a pas été sacré. Les
reines de France sont en général sacrées à la basilique Saint-Denis.
Otages
de la sainte ampoule
On appelait alors « otages de la sainte ampoule »
les quatre seigneurs chargés d'escorter l'ampoule de la basilique Saint-Remi de
Reims jusqu'à la cathédrale de Reims. Ces « otages » (du vieux français
hostage, « le logement », dérivé lui-même du latin hospes, l'hôte) demeuraient
avec la sainte ampoule qu'ils accompagnaient, et qu'ils avaient pour mission de
défendre jusqu'à la mort. Le rituel prévoyait que les quatre « otages », chacun
précédé de son écuyer, entraient à cheval dans la cathédrale, et chevauchaient
ainsi aux quatre coins du dais d'argent porté au-dessus de l'abbé de la
basilique Saint-Remi par les chevaliers de la sainte ampoule. Tous se rendaient
alors, avec toute la majesté nécessaire, du grand portail jusqu'à l'autel ; là,
l'abbé remettait la sainte ampoule à l'archevêque. Les otages de l'ampoule
prenaient place dans les quatre premières stalles, du côté de l'Évangile, pour
assister au sacre. Charles-Daniel de Talleyrand-Périgord fut otage de la sainte
ampoule le 11 juin 1775, lors du sacre de Louis XVI, en même temps que Jean-Louis
Roger de Rochechouart.
Chevaliers
de la sainte ampoule
Il s’était formé un ordre de chevaliers, et plus
tard, de « barons de la sainte ampoule ». Lors du sacre de Louis XIII, les
barons portaient le dais qui protégeait le prieur de l'abbaye Saint-Remi,
porteur de l'ampoule. Selon Favin, ces chevaliers n'étaient qu'au nombre de
quatre, et devaient, pour être reçus, posséder les abbayes de Terrier, de
Belestre, de Sonastre et de Louverey, qui relevaient de l'abbaye de Reims. Lors
du sacre d'un roi de France, c'était le rôle des chevaliers, ou des barons, de
la sainte ampoule que de porter dans la cathédrale le dais d'argent au-dessus
du prieur de l'abbaye de Reims, porteur de la sainte ampoule. Les habitants du
Chêne-Populeux (aujourd'hui Le Chesne) avaient le privilège d’accompagner la
sainte ampoule aux cérémonies du sacre parce qu’ils avaient défendu la fiole
contre les Anglais.
La
fiole
Selon Patrick Demouy, ce n'est pas Louis VII qui
aurait fabriqué la sainte ampoule car la description qu'en donne Dom Guillaume
Marlot en 1643 est celle d'une fiole tout à fait ordinaire, sans ornement, ne
correspondant pas aux habitudes du XIIe siècle. Francis Oppenheimer a fait le
rapprochement avec les fioles à parfum en verre opaque que l'on trouve dans les
tombes gallo-romaines20 ; il était courant depuis l'Antiquité de placer des
fioles de verre de ce genre, dites balsamaires, dans les tombes et on en trouve
encore d'autres au Musée archéologique de Reims ; ce fut lors de la deuxième
des cinq translations des restes du saint, opérée par Hincmar en 852, qu'on
aurait trouvé cette ou ces ampoules, qui furent déposées avec d'autres
reliques, dans la châsse d'argent préparée pour revoir les restes. C'est dans
le mausolée de l'évêque que les moines conservaient l'ampoule. Les clefs du
tombeau de saint Remi, qui la renfermait, étaient placées dans la chambre de
l'abbé : c’était lui qui ouvrait et fermait la porte. Les évêques de Laon, ducs
et pairs du royaume, avaient le privilège de porter la sainte ampoule au cours
de la cérémonie du sacre des rois de France.
Le
reliquaire
L'ampoule fut enchâssée dans un reliquaire,
peut-être réalisé à la fin du XIIe siècle : « Le cadre est sur une assiette
d'argent doré, semé de pierreries, dont la bordure est d'or, où est attachée
une chaîne d'argent, que l'abbé met à son cou lorsqu'on la porte en la grande
église pour le sacre. » Jean-François Lacatte-Joltrois précise : « Ce que l'on
appelle la sainte ampoule était une petite fiole de verre ou de cristal, d'un
pouce et demi de hauteur, remplie aux deux tiers d'un baume brun foncé, congelé
à ses parois ; son col bouché avec du taffetas rouge, avait sept lignes de
circonférence, et le fond en avait treize : elle se trouvait enchâssée dans une
espèce de rose de vermeil, de la forme d'une assiette ordinaire, longue de
trois pouces neuf lignes, et ornée de pierreries. Ce reliquaire, artistement
travaillé, s'ouvrait en deux parties ; le dessus était à jour et recouvert d'un
cristal au travers duquel on voyait la fiole placée dans le dos d'une colombe
d'or ; cette colombe avait trois pouces deux lignes de longueur. À côté était
une aiguille d'or, longue de trente-sept lignes, qui servait à détacher de la
fiole le baume qu'on mêlait au saint chrême. Ce mélange se faisait sur une
espèce de patène d'argent, appliquée au revers du reliquaire. Cette patène,
rivée de tous côtés avec des clous d'argent, n'était détachée qu'au moment même
du sacre, par l'abbé de Saint-Remi ou le prieur de l'abbaye. Seuls ils avaient
le droit de la porter dans cette grande cérémonie, et venaient la déposer sur
l'autel de la cathédrale. »
Destruction
et recréation d'une nouvelle sainte ampoule
Le 16 septembre 1793, Philippe Rühl (député de la
Convention nationale du Bas-Rhin) est envoyé en mission dans les départements
de la Marne et de la Haute-Marne. Le 7 octobre, durant son passage à Reims, il
brise la sainte ampoule sur la place royale devant la statue de Louis XV : «
j'ai brisé la sainte ampoule, sur le piédestal de Louis le fainéant, quinzième
de ce nom [...] La sainte ampoule n'existe plus ; ce hochet sacré des sots et
cet instrument dangereux dans la main des satellites du despotisme a disparu ».
D'après Achille Jubinal, il est certain toutefois
que des fragments de l'ampoule aient été conservés par des habitants ayant
assisté à l'acte de Rühl, fragments qui seraient ramenés dans la cathédrale de
Reims peu après. D'après des sources plus sujettes à débat, la veille, le curé
constitutionnel Jules-Armand Seraine et un officier municipal, Philippe
Hourelle, auraient retiré ce qu'ils pouvaient du contenu de la sainte ampoule
et le cachèrent, puis en auraient donné une partie respectivement à Messieurs
Bouré, curé de Berry-au-Bac, et Lecomte, juge au tribunal de Reims. De plus,
lors de la destruction du reliquaire, un dénommé Louis Champagne Prévoteau
aurait recueilli deux fragments de verre de l'ampoule sur lesquels subsistaient
des restes du baume. Le 22 mai 1825, l'archevêque de Reims procéda au
transvasement de tous ces fragments, à l'exception de ceux de Philippe Hourelle
perdus par ses héritiers, dans du saint chrême. Ces faits restent toutefois
contestés par plusieurs historiens. Un nouveau reliquaire fut commandé par
Louis XVIII à Jean-Charles Cahier pour abriter dans une nouvelle ampoule les
fragments du baume ayant échappé au vandalisme révolutionnaire. Il fut achevé
en 1823 et utilisé pour le sacre de Charles X en 1825 ; la nouvelle ampoule, en
cristal de roche, est fermée par une couronne royale, agrémentée de pierres
précieuses en cabochon. Le reliquaire est conservé au palais du Tau. Sur le
socle sont représentés les rois de France ; deux bas-reliefs représentent le
baptême de Clovis et le sacre de Louis XV. Sur les petits côtés, Jeanne d'Arc
présente l'écu de France, avec Dunois son compagnon d'armes. Aux angles, les
angelots portent des insignes royaux et les instruments de la Passion.
En 1906, lors de son expulsion de l'archevêché à la
suite de la loi de séparation des Églises et de l'État, Mgr Louis-Joseph Luçon,
archevêque de Reims, craignant une nouvelle profanation, transféra le chrême
dans une ampoule de verre qu'il emporta avec lui. Le controversé baume du sacre
est toujours conservé à l'archevêché de Reims.
Le baume de la sainte ampoule a été utilisé deux
fois depuis lors : quand la cathédrale, restaurée après les destructions de la
Grande Guerre, bénéficia d'une nouvelle dédicace en 1937, on prit le flacon, on
brisa les sceaux qu'avait apposés le cardinal Luçon et on préleva quelques
parcelles de la substance pour les mêler au saint chrême destiné à la consécration
de l'autel majeur.
L’Apogée du trésor gothique :
La Vierge à l’Enfant de Jeanne d’Evreux
La Vierge de Jeanne d'Évreux est une œuvre anonyme
réalisée à une date située entre 1324 (date où Jeanne devient reine) et 1339
(date du don inscrite sur le socle), conservée et exposée au musée du Louvre,
dans les salles du Trésor de Saint-Denis du département des Objets d'art.
Jeanne d'Évreux, reine de France de 1324 à 1328, en a fait don à l'abbaye de
Saint-Denis en 1339. L’objet est un chef-d’œuvre de l’art gothique.
La Vierge est vêtue d’une longue tunique, d’un
manteau et d’un voile. Hanchée, Marie porte l’Enfant Jésus qui caresse son
visage rêveur. Elle tient dans sa main droite un lys-reliquaire qui contenait
les reliques du lait, des vêtements et des cheveux de la Vierge.
Sur le socle, des petits piliers ornés des figures
de prophètes séparent des plaques d'émaux qui retracent les événements de la
vie du Christ sur terre :
L'Annonciation
La Visitation
La naissance du Christ
L'Adoration des bergers et l'Adoration des Mages
La Présentation au Temple
La fuite en Égypte
Le massacre des Innocents
La Résurrection
La Descente aux limbes
Toujours sur le socle, l'inscription suivante est gravée
:
« Ceste ymage donna ceans Madame la Royne Jehanne
devreux, Royne de France et de Navarre Compaigne du roi Challes le XXVIIIe jour
d'avril l'an MCCC XXXIX »
La reine Jeanne d'Évreux, veuve et douairière depuis
1328, est la donatrice de ce reliquaire marial à l'abbaye de Saint-Denis, où
elle fut enterrée à sa mort en 1371.
Depuis 1993, l'œuvre est exposée dans une vitrine
isolée de l'axe central de la 3e salle du département des Objets d'art. Depuis
2017, son image a été choisie comme "visuel" de la signalétique
menant le visiteur depuis la pyramide jusqu'au département des Objets d'art, au
sein de la région Richelieu du musée du Louvre.
COURONNE PERSONNELLE DE LOUIS XV
Pour le sacre du jeune Louis XV, le 22 octobre 1722
(le roi avait 12 ans), toutes les précédentes couronnes, essayées, n'allèrent pas
; on en fit faire d'autres. La couronne d'or se composait d'un bandeau en or
ouvragé, serti de pierres précieuses et bordé de rangées de perles. Du bandeau
partaient 6 fleurs de tournesols et 6 fleurs de lys, toutes en or, et des
branches en palmes de lauriers et grappes de raisin - toujours en or - partant
des fleurs de lys et fermant la couronne en une grande fleur de lys en or.
Contrairement aux précédentes couronnes, on la voit distinctement sur un
tableau, le dernier portrait de Louis XV par Rigaud, réalisé en 1730.
La couronne de vermeil de Louis XV (1710 - 1774) est
la seule couronne parvenue de l'Ancien Régime appartenant au Trésor de l'abbaye
Saint-Denis. Elle est conservée actuellement dans la galerie d'Apollon dans le
musée du Louvre à Paris. Jusqu'au début du XVIIIe siècle les rois de France
portaient des couronnes peu décorées par de vraies pierres précieuses. Louis XV
est à l'origine du changement. En effet, la couronne utilisée lors de son sacre
en 1722 avait été décorée par des diamants du Garde-Meuble de la Couronne.
Cette nouvelle couronne a été réalisée par Augustin Duflot (1715 - 1774),
d'après les dessins de Claude Rondé, le joaillier de la Couronne qui a utilisé
des diamants de la collection de Mazarin (1602 - 1661), le fameux Régent, 282
diamants, 64 pierres de couleur (saphirs, rubis, topazes et émeraudes) et 230
perles20. Après le sacre, lors du transfert de la couronne par le roi au trésor
de l'abbaye de Saint-Denis, les vrais diamants furent retirés et remplacés par
des copies en quartz ou verre coloré, lesquelles se trouvent encore aujourd'hui
sur la couronne.
Pendant la Révolution les autres couronnes royales
ont été perdues, volées ou détruites et la couronne de sacre de Louis XV est la
seule à avoir survécu. En 1887, la Troisième République (1870-1940) a décidé de
vendre une grande partie des joyaux présents sur la couronne de Louis XV
(certains diamants et autres pierres précieuses ont été conservés au musée du
Louvre comme le Régent, au muséum d'Histoire Naturelle et au musée de l'école
des Mines). La couronne dépourvue de ses pierres précieuses (remplacées par des
copies en verre), compte tenu de son importance historique, a été conservée.
Couronne personnelle de Louis XV
COURONNE
DE NAPOLÉON Ier
Fabriquée pour l'empereur Napoléon Ier et utilisée
lors de son couronnement le 2 décembre 1804. Napoléon appela sa nouvelle
couronne la « couronne de Charlemagne », le nom de l'ancienne couronne royale
de France qui avait été détruite lors de la Révolution française.
Lorsque Napoléon Ier se proclame empereur des
Français, il décide de créer de nouveaux insignes impériaux, dont la pièce
maîtresse sera sa « couronne de Charlemagne ». Elle est réalisée en 1804 par
l'orfèvre Martin-Guillaume Biennais qui l'orne de camées et de pierres prélevés
sur le reliquaire de la tête de saint Benoît, provenant du trésor de
Saint-Denis.
Au cours du sacre lui-même (qui a d'ailleurs lieu
non pas à l'emplacement traditionnel des couronnements royaux français, la
cathédrale de Reims, mais à la cathédrale Notre-Dame de Paris), Napoléon
utilise deux couronnes.
Initialement, il place une couronne de laurier en
or, à l'image de celle des empereurs romains, sur sa propre tête. Ensuite, il
place brièvement la couronne impériale de Charlemagne sur sa tête, puis la
toucha à la tête de l'impératrice Joséphine.
La couronne de Napoléon est utilisée jusqu'à sa
seconde abdication en 1815. Le roi Louis XVIII, frère de Louis XVI, est
installé sur le trône en tant que roi de France et de Navarre après le
renversement de Napoléon. Contrairement à son frère et à l'empereur, le nouveau
roi choisit de ne pas avoir de couronnement. La couronne de Napoléon est cependant
présentée lors de ses obsèques. Lorsque son frère, Charles X, devient roi à son
tour en 1824, il rétablit le couronnement monarchique traditionnel à Reims et
est couronné l'année suivante en utilisant d'abord la couronne de Napoléon puis
la couronne royale française pré-révolutionnaire restante, celle de Louis XV.
C'est le dernier sacre en date dans l'histoire de France.
La couronne de Napoléon est cependant présentée lors
de la prestation de serment de Louis-Philippe Ier comme roi des Français le 9
août 1830. Quand Napoléon III se proclame empereur des Français en 1852, il
choisit de ne pas avoir de sacre et de ne pas porter la couronne de Napoléon
Ier. Néanmoins, deux couronnes sont créées, une pour lui-même et une seconde,
pour l'impératrice Eugénie.
Vente
des Joyaux de la Couronne
En 1885, pour empêcher toute nouvelle tentative de
restauration royale ou impériale, la Chambre des députés choisit de vendre la
plupart des joyaux de la couronne française. Les couronnes, à l'exception de
celle de Napoléon III, sont cependant conservées pour des raisons historiques
mais leurs pierres précieuses sont remplacées par du verre coloré.
Comme il était courant avec les couronnes
européennes, celle de Napoléon est composée de huit demi-arches ornées de
camées en coquillage qui se rejoignent sur un globe doré, au sommet duquel est
placée une croix. La couronne elle-même imite le style médiéval, dépendant
totalement de ses décorations en or et entièrement dépourvue des décors de
diamants et de joyaux à la mode dans les couronnes faites plus tard au XIXe
siècle.
La couronne de Napoléon Ier est maintenant exposée au musée du Louvre à Paris ici
COURONNE
DE L’IMPÉRATRICE EUGÉNIE
La couronne de l'impératrice Eugénie est un insigne et joyau impérial français réalisé pour l'impératrice Eugénie, épouse de l'empereur Napoléon III. Bien que ni elle ni son mari n'aient eu de couronnement, une couronne fut spécialement créée pour l'impératrice Eugénie à l'occasion de l'Exposition universelle de 1855.
Après le renversement de Napoléon III en 1870, à la
suite de la guerre franco-prussienne, Napoléon et Eugénie vécurent en exil au
Royaume-Uni. Bien que la plupart des joyaux de la couronne française aient été
vendus par la Troisième République en 1885, la couronne de l'impératrice
Eugénie fut conservée, étant la seule couronne de souveraine française existant
encore.
La couronne fut rendue à l'ancienne impératrice,
décédée en 1920, qui la légua à la princesse Marie-Clotilde Bonaparte. Elle a
ensuite été mise aux enchères en 1988, puis donnée par Roberto Polo au musée du
Louvre à Paris, où elle est actuellement exposée.
La couronne est sertie d'émeraudes et de diamants et ornée de motifs de vigne, d'aigles et de chèvrefeuille.