Rosicruciens - Francs-Maçons - entre alchimie et hermétisme
Hermès Trismégiste
Spiritualiser
la matière et matérialiser l’esprit
La
Table d’Émeraude*…Texte écrit en arabe puis traduit en
latin, et dont la plus ancienne version daterait du tout début du Moyen Âge. Sa
rédaction est attribuée à Hermès Trismégiste, la légende voulant que le texte
fût trouvé dans le tombeau de ce dernier, gravé sur une tablette d’émeraude. Ce
court traité ésotérique fait partie de ce que l’on appelle les Hermetica, soit
un ensemble de textes fondateurs du courant que constitue l’hermétisme.
Le personnage mythique
d’Hermès Trismégiste (Trismegistos en grec, c’est-à-dire « Trois fois grand »)
est une synthèse du dieu grec Hermès (Mercure chez les Latins, messager des
dieux, dieu des carre-fours, des voyageurs, des voleurs, des commerçants, des
arts et du savoir, et conducteur des âmes aux Enfers) et du dieu égyptien Thot
(inventeur de l’écriture, dieu des astres et du temps, du savoir et des
magiciens).
Il incarne donc, comme
ses deux divinités inspiratrices, la connaissance des arts et des sciences,
mais surtout les médiations, tout ce qui a trait aux transferts et aux
passages, à la transmission, à l’initiation et aux transmutations qui peuvent
en découler.
C’est d’ailleurs à ce
titre, en tant que figure de transmission et de médiation présidant à des
transmutations, c’est-à-dire à des changements d’états profonds, qu’Hermès
Trismégiste fut considéré comme le père de l’alchimie et que sa fameuse Tabula
smaragdina fut constamment évoquée par les adeptes du Grand Œuvre ; on pense
notamment au célèbre commentaire de La Table d’Émeraude qui a été fait par
l’alchimiste Hortulain au XIVe siècle…
La présence des
traditions hermétique et alchimique en franc-maçonnerie…
Nous avons fait le
choix de nous intéresser principalement à l’interprétation alchimique que l’on
peut donner dudit texte, tout en ayant conscience du fait qu’il a suscité d’autres
filiations et fait l’objet de diverses gloses. Ce choix, qui pourrait paraître
arbitraire, s’est imposé naturellement dans la mesure où, d’une part, le format
restreint d’un article de revue frappe de nullité toute prétention à
l’exhaustivité, et où, d’autre part, il nous a paru important de souligner
pourquoi et comment la franc-maçonnerie a pu trouver dans l’alchimie et son
corpus, dont La Table d’Émeraude est un élément central, une véritable source
d’inspiration (surtout dans la seconde moitié du XVIIIe siècle), aux côtés
d’autres sources d’inspiration, comme la philosophie grecque, la religion
judéo-chrétienne, la Kabbale, la chevalerie médiévale et la maçonnerie
opérative des bâtisseurs de cathédrales…
L’ouvrage du baron de
Tschoudy paru en 1766 sous le titre L’Étoile flamboyante est particulièrement
représentatif de cette inspiration puisque le catéchisme hermétique rédigé par
ce franc-maçon conjugue tradition alchimique et rituel maçonnique. Certains
tableaux de loge de la même époque témoignent également de cette dimension
alchimique, ainsi que l’a mis en évidence Dominique Jardin.
*Table d’Emeraude en fin de ce texte