Garnier de Traînel, 59ème évêque de Troyes (1193-1205), grand aumônier de l’armée latine, fut constitué gardien des splendides richesses des églises de Byzance, lorsque Constantinople tomba entre les mains des Croisés.
Ce prélat,
était parti une deuxième fois, en 1202, avec la 4ème Croisade, à la tête de ses
vassaux, avec « l’élite de cette glorieuse chevalerie de Champagne, qui se
montrait partout la plus valeureuse et la plus habile au métier des
armes ».
Dépositaire
des trésors de Constantinople, Garnier avait réservé pour la cathédrale St Pierre et St Paul, des reliquaires et des ornements d’église, des émaux, des
pierres précieuses, des intailles (pierres dures et fines gravées en creux
pour servir de sceau ou de cachet), des camées, des vases de prix et des
coffrets d’ivoire, dans lesquels l’art et la matière ravissaient de beauté et
de splendeur. Outre ces objets, le trésor de notre cathédrale
possédait une croix orientale, infiniment précieuse, par la relique sacrée
qui y était incluse : une tige du bois de la vraie Croix de
Notre-Seigneur, de 8 ou 10 pouces de longueur (25 cm).
L’authenticité de cette relique est constatée, ainsi que le lieu d’où elle sort, par les inscriptions grecques : « Cette relique, tirée du trésor même où Héraclius avait déposé la Croix, dont il avait obtenu la restitution du Roi des Perses, Chosroès, est, à ce titre, le plus précieux et le plus authentique de tous les fragments, de la Croix répandus dans la chrétienté ».
Le 6 février 1771, cette Croix étant usée, il fut décidé la remplacer par un autre reliquaire « neuf, plus grand, plus élégant, plus riche ». Le travail en fut confié à un orfèvre de Troyes. « Pour décorer, le plus possible », la nouvelle croix, des pierres précieuses furent, ainsi qu’une couronne d’or, extraites du trésor de la cathédrale.
Le 9
septembre 1772, le vicaire général du diocèse fait l’ouverture de la vieille
croix, mais « ô cruelle déception », au moment de la translation, on
s’aperçoit que les morceaux de la vraie Croix sont tellement
considérables, qu’ils ne peuvent entrer dans le nouveau reliquaire, alors qu’il
devait être « plus grand que notre Croix byzantine » ! Séance
tenante, il fut arrêté que « l’orfèvre présent à l’ouverture et fraction
de l’ancien reliquaire travaillerait, sur le champ, à un nouveau, d’après
les dimensions et proportions de la relique ».
Le
second reliquaire, dont le dessin avait été adopté le 16 septembre
1772, fut livré le 16 avril 1773.
Le 21 avril 1773, la translation « de la plus précieuse des reliques de notre trésor », est faite dans la nouvelle croix, par notre évêque Mgr Claude-Mathias-Joseph de Barral :
«… sous nos yeux, nous avons les parties considérables de la vraie Croix du Sauveur, que nous possédions depuis plusieurs siècles, enchâssées dans un vieux reliquaire qui est totalement usé, et voici un autre reliquaire neuf, plus grand, plus élégant, plus riche, pour les y enfermer. Nous avons d’abord reconnu que les parties précieuses de la vraie Croix sont disposées en forme de croix patriarcale, liées en quelques endroits avec de petites lames d’autre bois et du mastic. La tige a 9 pouces, 6 lignes de longueur...».
L’inauguration
publique fut célébrée le 3 mai, par une procession générale qui stationna
dans l'église Saint Jean : « Toute la
ville accourut avec empressement pour contempler cette nouvelle richesse de
notre cathédrale ».
Il fut
décidé que des parcelles de la vraie Croix seraient mises dans le reliquaire
trop petit.
Mais,
ces 2 croix ne devaient survivre que 20 ans, au monument « 7 fois
séculaire ». Elles ont été brisées, ainsi que toutes les châsses du
trésor de la cathédrale, dans les nuits du 9 et du 10 janvier 1794. Les saintes
reliques furent dispersées, ou jetées dans un grand feu allumé dans la
sacristie. Les objets d’or et d’argent ont été fondus !
Telle
est l’origine des parcelles de la vraie Croix conservées dans le trésor de la
cathédrale de Troyes.