LA
BASILIQUE SAINT-URBAIN IV
pour rappel : 1ère partie
C’est dans cette collégiale, fondée en 1261 par
Jacques
Pantaléon devenu le pape Urbain IV, fils
d’un savetier troyen, plus que dans la cathédrale, que se concentrent les innovations
de ce milieu du XIIIe siècle, dans l’architecture comme dans le vitrail.
L’édifice s’élève de 1261 à 1266 sur l’emplacement
même de l’échoppe du père d’Urbain IV, dans le domaine juridictionnel de
l’abbaye Notre-Dame-aux-Nonnains (actuelle préfecture de Troyes). A la mort du
pape, en 1264, son neveu, le cardinal Ancher, reprend l’entreprise de son
oncle, mais, en 1266, deux graves incidents interrompent les travaux, alors que
le chœur et le transept sont achevés : les religieuses de
Notre-Dame-aux-Nonnains, jalouses de cette fondation papale qui échappe à leur
pouvoir, font saccager l’édifice et, un peu plus tard, un grave incendie ravage
la charpente du chœur et endommage les maçonneries. Ensuite, les fonds
disponibles serviront à la réparation plus qu’à l’accroissement de
l’édifice : les parties basses de la nef ne seront achevées qu’à la fin du
XIVe et les partie hautes à la fin du XIXe siècle.
Cependant, pour les travaux de vitrerie, il semble
que, dès 1277, date à laquelle on célébrait le culte dans le chœur, les vitraux
de celui-ci étaient en place. Intimement liés à l’architecture, ils ont suivi
de très près la construction.
L’originalité de l’architecture ne tient pas à son
plan, mais à son élévation intérieure et aux détails de sa modénature.
Contrairement à celle de la cathédrale, l’élévation se réduit ici à deux
niveaux de baies : au-dessus d’un soubassement plein, une claire-voie
basse très élancée et, au-dessus, des
fenêtres hautes de trois ou quatre lancettes qui ajourent complètement la travée :
celle-ci devient une paroi de verre. Devant les baies vitrées de la claire-voie
se développe une véritable dentelle de pierre : le dédoublement et
l’évidement du mur, qu’annonçait déjà le triforium ajouré de la cathédrale, trouve
ici son expression la plus poussée. A l’extérieur, cet allégement se retrouve
au niveau des fenêtres hautes au-devant desquelles viennent se placer, à leur
sommet, des gâbles aux écoinçons ajourés. Toute cette légèreté est épaulée par
de minces arcs-boutants aux fortes culées, surmontées de pinacles très élancés,
conférant au volume extérieur l’aspect d’une châsse d’orfèvrerie. Tout dans
cette belle construction précoce, hardie, annonce l’évolution ultérieure de
l’architecture gothique.
Dans ses vitraux, l’église Saint-Urbain, sans innover
absolument, illustre de façon précoce également une tendance qui ira en se
développant à la fin du XIIIe siècle et au XIVe. Le principe général de
composition de ces fenêtres est identique pour l’ensemble de l’édifice :
comme le mur a été découpé au maximum pour laisser passer la lumière, les vitraux
eux-mêmes sont allégés en couleur pour donner le meilleur éclairage. Ainsi, sur
une vitrerie claire à dessin géométrique et décor floral peint, relevée de
points de couleur, dite « grisaille », se détachent des panneaux
figuratifs colorés.
Les fenêtres hautes du chœur et du transept,
encadrées de riches bordures armoriées, comportent de grandes figures sous des
dais architecturés : ce sont les Prophètes et Patriarches de
l’Ancien Testament qui accompagnent la Crucifixion de la fenêtre d’axe.
[ La Crucifixion a été refaite au XVIe s. puis au XIXe. Celle du XVIe existe
encore dans le bras Nord du transept]. Moins hiératiques que les grandes
figures de la cathédrale, ces personnages se présentent de face, de
trois-quarts ou de profil, dans une position plus souple et naturelle.
Siège d’une activité commerciale de portée
internationale, Troyes et un carrefour de marchands, d’artistes et d’artisans favorisés
par le pouvoir politique et religieux : il est bien naturel que s’y
retrouvent dans une grande qualité d’exécution, les tendances majeures de
l’évolution de l’art gothique, tout au long du XIIIe siècle. Un tel essor ne se
renouvellera pas avant le XVIe siècle, deuxième époque de prospérité de la
Champagne méridionale.
Voir : Basilique Urbain IV