samedi 12 octobre 2024

Saint Mesmin

 Saint Mesmin  et ses compagnons martyrs 


C’était le temps où Saint Loup gouvernais glorieusement l’Église de Troyes. Sous sa houlette pastorale, la cité jouissait d’une paix fond et sans mélange. L’idolâtrie disparaissait chaque jour et faisait place à la foi du Christ ; les études sacrées florissaient à l’ombre du sanctuaire, et la milice sainte, dont les rangs devenaient plus nombreux et plus serrés, réjouissait, par ses progrès rapides dans la science et la vertu, le cœur de l’illustre prélat.

Parmi ces jeunes lévites se trouvait Mesmin une piété plus tendre, une innocence plus angélique, une inclination plus marquée pour les cérémonies du culte l’avaient fait distinguer de ses condisciples et lui avaient mérité l’honneur du diaconat. Avec quel respect il portait sur sa poitrine l’Évangile de Jésus-Christ. Avec quel saint tremblement il montait les degrés de l’autel pour assister le Pontife, quand il immolait solennellement la victime du salut ! Remplissant ici-bas la fonction de l’ange du ciel, il en rappelait le recueillement et la modestie bientôt il devait en partager la gloire.

Des bruits sinistres circulent dans la ville. Un ennemi redoutable approche, ne laissant après lui que ruines et désolation : c’est Attila, le roi des Huns. Déjà sa tente est dressée, et son camp installé dans les plaines de Méry-sur-Seine, la terreur se répand partout ; les campagnes sont délaissées c’est derrière les faibles murailles de Troyes qu’on vient chercher asile contre l’ennemi commun. Ainsi fuit la brebis en présence du lion aussi l’oiseau timide en face du vautour. Saint Loup n’est pas non plus sans inquiétude ; il redouble ses jeûnes, il prolonge ses veilles, il s’offre en holocauste pour ses ouailles chéries. Dieu a entendu sa prière ; mais d’autres victimes doivent apaiser le courroux du ciel.

Un soir que la fatigue a épuisé les forces du saint prélat et fermé ses paupières dans un repos mérité, un ange lui apparait en songe et lui fait entendre ces paroles : « Ne crains rien, soldat du Seigneur, ne laisse pas l’inquiétude déchirer ton âme, car tes prières et tes gémissements ont touché le cœur de Dieu. Prends courage ; ta puissance est grande auprès du Très-Haut. Voici que tes larmes ont lavé les péchés de ton peuple ; elles ont éteint l’incendie allumé contre ta ville par la colère du Seigneur. Non seulement Troyes ne passera point par les flammés, mais elle aura la gloire de donner au ciel des citoyens nouveaux, empourprés de leur sang. Tu élèves dans ton église de jeunes disciples, qui recueillent avec avidité les paroles saintes dont tu les nourris, et qui marchent à l’envi sur tes traces dans le chemin des bonnes œuvres ; Dieu en destine quelques-uns à la couronne du martyre. Je te dirai leurs noms pour éviter toute erreur. C’est d’abord Mesmin, honoré du diaconat ; sept autres jeunes gens parmi ceux qui fréquentent tes écoles lui seront adjoints comme victimes. Quand le barbare ennemi approchera de la ville, tu lui enverras ceux que je t’ai désignés, portant avec eux la croix et le texte des Évangiles. Ne t’effraie point de leur mort, c’est ainsi que Dieu les appelle au séjour des bienheureux ». Après ces mots, l’ange disparut.

Saint Loup s’éveille ; il rend grâces à Dieu et passe le reste de la nuit en prières. Au point du jour, il assemble ses disciples et leur fait part de sa vision céleste. Ses yeux s’humectent de larmes, car il pense à la mort cruelle qui attend ses enfants ; mais eux, pleins d’un intrépide courage et enflammés par la perspective d’un glorieux martyre, font résonner les airs de leurs chants d’allégresse.

Quelques jours se passent encore ; puis bientôt arrive l’heure du sacrifice. L’ennemi campe à Méry-sur-Seine ; il faut obéir à l’ordre du ciel. Les généreuses victimes sont prêtes : Mesmin et ses compagnon, parmi lesquels certains auteurs comptent deux diacres, du nom de Félix et Sensatus, et un sous-diacre, Maximien, ont revêtu leurs aubes les plus précieuses, le peuple se presse autour d’eux et les accompagne au chant des psaumes jusqu’aux portes de la ville, où ils donnent à tous le baiser de paix et reçoivent du Pontife ému sa dernière bénédiction.

Ils arrivent à Brolium (aujourd’hui Saint Mesmin), sur la rive de la Seine. Attila, monté sur un coursier fougueux est environné de ses farouches guerriers. Mesmin s’avance respectueusement pour s’acquitter de son message. Attila l’aperçoit et vient au-devant de lui. Tout à coup, un tourbillon s’élève et lance un nuage de poussière dans les yeux des barbares.

En même temps, la blancheur éclatante des aubes des lévites, le miroitement de l’or qui environne le texte des Évangiles effraient le cheval ombrageux d’Attila, qui renverse son cavalier. Attila se relève aussitôt, mais la colère enflamme son visage. « Qui sont ces gens ? » s’écrit-il irrité. « Seigneur » dit Mesmin, « nous sommes envoyés par Loup, notre évêque, pour vous supplier de sa part de ne point réduire en captivité la ville de Troyes ». L’un des officiers du roi des Huns prend alors la parole : « Ces gens », dit-il, « sont la cause de l’accident qui vous est arrivé ; ce sont des magiciens ; ordonnez qu’ils périssent par le glaive ». –« Vous me donnez un bon conseil » répond le roi « allez, faites-leur trancher la tête ».

Aussitôt les soldats fondent sur les jeunes clercs sans défense, et en font un affreux massacre. Mesmin allait aussi tomber sous les coups de ces furieux, quand Attila les arrêta par ces paroles : « Ne frappez point celui-ci », dit-il en montrant le chef de l’ambassade « qu’il s’en retourne et qu’il annonce dans sa ville ce qui vient de se passer. Brisez les vases qu’ils portaient comme les instruments de leur magie, et brûlez-en une parties ».

Les flammes dévoraient l’image de la croix, quand un fragment, se détachant, sauta dans l’œil d’un serviteur qui tomba en poussant de grands cris. Mesmin dit alors à Attila : « Si vous croyez en mon Dieu, il est assez puissant pour guérir ce jeune homme ». Et faisant en même temps un signe de croix sur l’œil du blessé, il lui rendit l’usage de la vue.

            Ce miracle n’opéra nullement la conversion du prince, car, cédant aux instances de l’officier qui déjà avait conseillé le massacre des jeunes lévites, il ordonna la mort de Mesmin. Celui-ci demanda quelque temps pour prier, et, lorsqu’il eut conjuré le ciel d’accepter son sang pour le salut de sa patrie : « Achevez ce que vous avez commencé », dit-il à ses bourreaux. Aussitôt sa tête roula sur le sol et fut jetée à la rivière.

            Cependant, un des sept avait échappé au carnage. A la faveur des buissons qui bordaient la Seine en cet endroit, il avait pu attendre la nuit, profiter des ténèbres pour couvrir de branchages les corps des martyrs et retourner à la ville. Grande fut la consternation des citoyens, quand il raconta ce qui s’était passé. Saint Loup ne put retenir ses larmes ; toutefois, il bénit le Seigneur de ses conseils mystérieux, et s’imposa une rude pénitence, comme s’il eut été la cause de ce malheur.


CULTE ET RELIQUES

 

            Saint Mesmin et ses nobles compagnons furent inhumés à Brolium, et quand Attila se fut momentanément éloigné de la terre qu’il dévastait, saint Loup vint avec plusieurs personnes, fit jeter des filets dans la rivière, et en retira la tête du saint martyr Mesmin, qui fut réunie à son corps. Il eût désiré remporter dans sa ville épiscopale les restes précieux du chef de l’ambassade, mais un obstacle invisible s’opposait à ce dessein. Saint Loup comprit alors que le diacre martyr voulait être inhumé au lieu même de son triomphe, et le corps reçut à Brolium les derniers honneurs. On en conserve encore aujourd’hui une partie considérable dans l’église paroissiale de Saint-Mesmin.

            Visitées en 1544 par Mgr Louis de Lorraine, plus connu sous le nom de  Cardinal de Guise, ces saintes reliques le furent de nouveau le 30 septembre 1828 par l’un des vicaires généraux de Mgr de Seguin des Hons. Elles avaient été sauvées des fureurs révolutionnaires en 1792, par Jacques Porentru, Jean-Baptiste Berthier et Etienne Herluison, habitants de Saint-Mesmin.

            Quant aux reliques des jeunes compagnons de saint Mesmin, elles reposèrent longtemps dans l’abbaye de Saint-Martin-ès-Aires à Troyes, sous le nom de Reliques des saints Innocents. La Révolution en a fait perdre la trace.

            Aucun monument, après l’église de Saint-Mesmin, ne rappelle aujourd’hui le souvenir du diacre martyr. Mais autrefois, une chapelle dont les ruines forment un petite tertre gazonné que surmonte une croix, existait sous le vocable du Saint, dans la contrée du pays qui s’appelle encore la Chapelatte. Une autre chapelle, à l’ouest du village, près de la station actuelle du chemin de fer, a également abrité, plus tard, les corps des saints Martyrs mais, comme la première elle a depuis longtemps disparu.

 

Vie des Saints de Troyes, par l’abbé Defer

 

 

Sainte Maure

Sainte Maure



Saint Prudence, évêque de Troyes, après le décès de sainte Maure, prononce un très long sermon, qui est le souvenir qu’il a de cette jeune fille qu’il a côtoyée jusqu’à sa mort. Nous avons la chance d’avoir conservé ce précieux document qui nous permet de retracer la vie exemplaire de cette sainte : un saint parle d’une sainte contemporaine !

Elle naît à Troyes en 827. Les parents de cette Vierge, sont riches et  « de la première condition du pays ».

« A peine commença-t-elle à jouir de sa raison, que tous les jours elle assista aux offices et au saint sacrifice de la messe dans la cathédrale... Tous les mercredis et vendredis elle jeûnait au pain et à l’eau et s’y rendait pieds nus, sans manteau... elle eut aussi une dévotion particulière envers sainte Mâthie, dont elle allait souvent embrasser le tombeau… la bienheureuse Maure depuis son jeune âge, chaque jour depuis les Laudes jusqu’à Sexte, demeurait dans l’église des Apôtres où est représentée une triple image du Seigneur le Sauveur. Il est en effet représenté comme un enfant assis sur le sein de sa mère… elle se prosternait de tout son long d’abord devant l’enfant, puis devant le jeune homme, enfin devant le roi, et aucune nécessité ne put la distraire de contempler chaque jour le Seigneur sous sa triple image… »

Sa mère Sidulie et son frère Eutrope disent qu’elle fait vœu de virginité à 22 ans… On dit qu’elle est discrète, pieuse, active, se dévoue pour l’Église, " exemple et miroir d’honnêteté, de dévotion et de pudeur... change le cœur de pierre de son évêque en un cœur plein de dévotion ". Elle convertit son père Marien, qui lèguera à l’église cathédrale tous ses biens.

Dieu fait par son intermédiaire une multitude de miracles.

Le seul attouchement des linges « qu’elle avait donnés guérissait les malades ». Il lui suffit de toucher un malade pour  « le libérer de ses fièvres »  (les sieurs Léon, Mélain, Paulin...).

Le frère Maurice frotte ses yeux avec les larmes de Maure et recouvre entièrement la vue.

Elle décède le 21 septembre 850, jour de la fête de saint Matthieu, et est enterrée près de l’autel principal de l’église de Sainte Maure.

Lors de son décès, « la matrone Mauritienne, sœur de Sédulie, et ses deux filles Damone et Thécie, retirèrent le cilice de son saint corps, le divisèrent en quatre morceaux et, en gardant trois, remirent le quatrième à l’évêque qui le garda comme un trésor. Lavant le corps comme à l’habitude, l’eau est changée en lait témoignage de sa chasteté virginale. Le jeune Léonce, le fils de Damone, saisi de douceur, boit abondamment de ce lait, et est guéri de sa fièvre… Thécie touche la chemise de Maure et est libérée d’une tache au visage, contractée dès le sein maternel, et qui la rendait désagréable à son mari… A l’heure même de la mort de cette vierge, le moine Veranus, qui a depuis longtemps perdu l’odorat, sentit dans le monastère de Léon, la même suave odeur que sentaient ceux qui étaient proches du saint corps.... »

D’innombrables miracles se produisent par la suite.

 Elle est nommée patronne des lavandières, sans doute parce qu’elle fabriquait les ornements sacrés et les maintenait en état.

Le diocèse de Troyes a fixé sa fête liturgique au 22 septembre.

L’église du village de Sainte-Maure l’a pour titulaire et conservait une châsse de bois où était conservée une partie des reliques de la vierge. Les reliques avaient été partagées entre la paroisse et l’abbaye de Saint-Martin-ès-Aires en 1415. Le bras de la sainte conservé dans cette abbaye a disparu à la Révolution.

En 1865, est ouvert le tombeau de la sainte, devant l'évêque Mgr Ravinet et  le prince et la princesse de Faucigny-Lusinge, propriétaires du château de Sainte-Maure. La sainte était inhumée dans un sarcophage gallo-romain, réutilisé à l'époque carolingienne, et qui n'avait jamais été ouvert. Mais il y avait un trou béant dans le couvercle, et, depuis des siècles, les pèlerins se servaient de reliques en plongeant la main à l'intérieur.

L’impératrice Eugénie, fervente catholique, épouse de Napoléon III, est sollicitée pour remettre le tombeau en état. En 1867, l’ancien sarcophage est habillé d’une cage de bronze doré, et, dans la cuve tapissée de soie, est déposée une représentation, en cire, de la jeune sainte, au moment de sa mort.

 En  2002, le sarcophage est endommagé par la chute d'une voûte, et est restauré en 2006.

Il y a sa statue dans l’église de Saint-Julien et elle figure sur deux vitraux du triforium de la cathédrale.


Sarcophage de Ste Maure dans l’église de Sainte-Maure (Aube -10)

Seul le sarcophage est classé au titre objet des MH

Époque gallo-romaine, remployé au 9e siècle.

Garniture en cuivre exécutée par Poussielgue-Rusand de Paris, sur les dessins de Martin et offerte en 1865 par l'impératrice Eugénie.

Ce sarcophage était, avant 1637, au milieu du chœur, porté par quatre piliers. Il fut ensuite déplacé dans la première chapelle du collatéral gauche, ouvert puis replacé dans le chœur. D'après FICHOT Ch., Statistique monumentale du département de l'Aube, arrondissement de Troyes, T. 1, 1884, p. 59.


Buste reliquaire de Sainte Maure dans l’église de Sainte Maure (Aube-10)

Dimensions normalisées

H = 76 ; la = 47

Œuvre infestée

17e siècle

Seul le reliquaire de sainte Maure est inscrit au titre d’objet MH


Sculpture de Sainte Maure dans l’église de Sainte Maure (Aube-10)

Calcaire : polychrome, doré

H = 170 ; la = 57 ; pr = 48

Repeint ; manque

Présence d'une polychromie ancienne sous l'actuelle. Repeinte au 19e siècle. Il manque le nez.

Siècle de création

XVe siècle

Classée MH


Vitraux Triforium de la cathédrale st Pierre et st Paul de Troyes - XIIIe siècle 

(sud) baie 112

de gauche à droite

Ste Maure,Ste Mâtie, St Malachie, St Bernard 




Autodafé de Troyes de 1288

  Philippe le Bel et les juifs Larousse : autodafé : " Jugement sur des matières de foi. Exécution du coupable à la suite de cette sent...