mercredi 6 août 2025

Histoires sur Lavaresque un peu romanesque

 

Église fortifiée Notre-Dame de l’Assomption 

L’église est fondée au XIIe ou XIIIe siècle, à l’époque où les moines défricheurs s’implantaient dans la région sous la protection de l’évêque Barthélémy.

À partir du XVIe siècle, les guerres incessantes (guerre de Cent Ans, guerres de religion, conflits avec l’Espagne) ont poussé les habitants à fortifier leurs églises pour s’y réfugier. L’église a été construite en grande partie – comme c’est typiquement le cas dans la région – en briques rouges, les fondations et la partie inférieure du donjon carré sont en grès. Celui-ci comportait autrefois trois niveaux, dont les deux derniers étaient pourvue de meurtrières et de fenêtres. Il n’en reste rien aujourd’hui.

La date de 1714, scellée à l’extérieur sur le mur sud de l’édifice à côté de deux cœurs décoratifs en briques émaillées, indique l’année de l’agrandissement des collatéraux de l’église.

Elle est flanquée de quatre tours circulaires, étrangement disposées par rapport à l’édifice. L’une est accolée au clocher-donjon, et permettait d’une part d’accéder aux étages du donjon, et d’autre part d’effectuer des tirs flanquant celui-ci. Les trois autres, du même côté que la première, sont adossées au chœur. Il est assez rare que les tours soient adossées au chœur. La plupart du temps, elles le sont à la nef.

Le clocher et le chœur sont inscrits aux Monuments Historiques depuis 1927, et l’ensemble de l’église a été inscrit en 2021.

Donjon carré : Haut et étroit, il comprend trois niveaux, dont une salle de refuge au-dessus du chœur, équipée d’une cheminée et autrefois d’un four. Meurtrières et petites fenêtres permettaient aux villageois de se défendre tout en restant à l’abri.

Voûtes du chœur : datent du XVIe siècle, ornées de motifs floraux (feuilles de lierre) et royaux (fleurs de lys). Une poutre maîtresse porte la date 1677, marquant la fin de la construction.

L’église renferme : deux sculptures remarquables des XIVe et XVe siècles, l’une de Saint André et l’autre en calcaire polychrome de Ste Marguerite d’Antioche.

Edifice fermé

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Il y avait longtemps que je n'avais pas écrit un petit texte rigolo, aujourd'hui c'est le jour, je vous livre mes délires : 

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Dans les confins septentrionaux de l’Aisne, blottie au creux des collines paisibles de la Thiérache, se dresse l’église Notre-Dame-de-l’Assomption de Lavaqueresse, telle une sentinelle séculaire. Édifiée dans les brumes des XIIe et XIIIe siècles, elle surgit à une époque où la foi, portée par les pas lents des moines défricheurs, s’enracine au cœur des bocages et des âmes. Mais c’est surtout au fil du XVIe siècle, âge d’incertitude et de fer, que l’église s’arma de pierre et de prudence, répondant au tumulte des guerres par une transformation en église fortifiée.

Son clocher-porche, massif et farouche, s’impose d’emblée comme le bastion d’une foi sur la défensive. Percé de meurtrières, il est flanqué de deux tours carrées, hautaines et silencieuses, qui enserrent la façade comme les bras d’un géant endormi. Sur sa face sud, la pierre s’épanouit en motifs de briques vernissées, fines arabesques géométriques dont l’éclat tranche avec la rigueur défensive — témoignage d’un artisanat aussi fervent que raffiné. Une inscription, gravée près du chœur, indique la date de 1714, clin d’œil à un remaniement tardif.

Pénétrant dans le sanctuaire, le visiteur découvre une nef humble, guidée vers un chœur voûté au XVIe siècle, dont les ogives peintes déploient des feuilles de lierre et des fleurs de lys, comme si les pierres priaient en silence. Une poutre maîtresse, datée de 1677, surplombe la travée — colonne de bois noble qui porte en elle l’écho des siècles et des prières oubliées.

Dans une haute salle aménagée au-dessus du chœur, refuge ultime en cas de siège, les anciens avaient installé un four, une cheminée, et de rares ouvertures d’où l’on pouvait défendre la foi à coups de pierres et d’huile. Ainsi se conjuguent en un même lieu la protection de l’âme et du corps.

Et là, trônant dans une alcôve baignée d’une lumière presque divine, la statue de la Vierge à l’Enfant, éclairée par un puits de lumière, semble offrir aux fidèles un regard à la fois maternel et souverain. Plus qu’un lieu de culte, l’église de Lavaqueresse est un ouvrage de résistance et de grâce, une muraille vivante où s’entrelaçaient l’espoir, la peur et la foi.


Journal d’un Pèlerin, l’an de grâce 1678

« Le seizième jour du mois d’août, mes pieds, écorchés par les routes poudreuses de l’Avesnois, me conduisirent jusqu’au hameau de Lavaqueresse. Le ciel, ce matin-là, semblait lavé par les larmes des anges, et dans ce silence suspendu, j’aperçus, dressée comme une vigie au milieu des champs paisibles, l’église de Notre-Dame-de-l’Assomption.

Jamais je ne vis demeure de prière si farouche et pourtant si noble. Son clocher carré, percé d’étranges ouvertures — que les gens du cru nomment meurtrières — me parut autant une tour de guet qu’un appel au ciel. On m’apprit qu’elle fut bâtie voici plusieurs siècles, dès le XIIe, et qu’au XVIe, quand les brigands et les soldats étranglaient la région, on la fortifia pour en faire un refuge sacré.

Je m’approchai de la façade méridionale, où les briques vernissées dessinaient des croix et des losanges, rouges comme le sang des martyrs. Là, gravée dans la pierre, l’année 1714 – que d’aucuns disent commémorer de récents travaux. Mais c’est en entrant que mon âme chancela.

Sous les voûtes peintes du chœur, j’eus l’étrange sentiment que les pierres elles-mêmes priaient. Des fleurs de lys et des pampres de lierre ornaient les clés de voûte, délicatement rehaussées de couleurs fanées. Un ancien me montra une poutre de bois, datée de 1677, encore suintante d’encens et de mémoire.

Mais le plus étonnant fut cette pièce secrète, perchée au-dessus du chœur, où les habitants jadis se terraient. Il y avait là un four, une cheminée, et des lucarnes de combat… curieuse chapelle où le pain de guerre se mêlait au pain du ciel.

Avant de repartir, je m’agenouillai devant la Vierge à l’Enfant, dont la lumière venue du dôme semblait tracer une auréole vivante autour de son visage de mère. Je n’avais jamais vu lumière si douce, ni pierre si courageuse.

J’ignorais encore que cette halte deviendrait pour moi l’une des plus précieuses. L’église de Lavaqueresse ne m’abrita pas seulement du vent — elle alluma en moi une paix que même la route n’a jamais fait taire. »


Maintenant une version romanesque :

 La jeune paysanne (printemps 1715) « On dit que cette église, c’est comme une mère pour nous — solide, protectrice, silencieuse. Moi, j’y suis née juste après la fin des derniers grands travaux, quand ils ont inscrit "1714" au-dessus du chœur. Quand j’entre, je regarde toujours la Vierge avec l’Enfant. Elle brille là-haut dans la lumière, comme si Dieu lui-même avait percé le toit pour nous offrir un peu de chaleur. Parfois, j’y monte, là-haut, dans la salle des secrets où mes grands-parents se cachaient quand les Espagnols passaient. Il reste un four et une cheminée… et un silence plus profond que la nuit. »

Le soldat égaré (été 1592) « J’avais fui les combats, perdu dans les terres froides de la Thiérache, lorsque je vis cette forteresse étrange — clocher droit comme la hampe d’un étendard. Je m’y réfugiai, croyant trouver pierre et repos. Mais j’y trouvai bien plus : des prières gravées dans la voûte, des fleurs de lys et de lierre peintes là, comme un jardin secret au-dessus de moi. J’ai dormi sous la poutre datée de 1677 — qu’elle existât déjà ou non ce jour-là, je ne saurais dire. Tout était silence, sauf mon cœur. Cette église n’était pas un bastion : c’était un pardon. »

Le curé (automne 1679) « Chaque dimanche, je lève les yeux vers cette poutre maîtresse, érigée il y a deux ans — 1677, une date bénie. Je bénis les fidèles, mais c’est l’église qui les console. Ses murs parlent. Ses meurtrières murmurent les récits de la peur. J’ai vu le chœur s’orner de fresques aux motifs de lys et de lierre, tel un manteau royal tombé sur les épaules d’un saint. Et dans la salle haute, au-dessus de l’autel, se dresse encore le vieux four. Les anciens y faisaient leur pain et leurs prières. Ici, foi et feu se confondent. »

Le fermier octogénaire (fin XIXᵉ siècle) « Je ne sais plus marcher bien loin, mais chaque fois que mes petits-enfants me portent jusqu’à l’église, je retrouve l’enfance. Les pierres n’ont pas changé. Le porche est toujours là, droit, sévère. Les briques brillent encore sous le soleil comme autrefois. Quand j’étais enfant, on disait que les ancêtres veillaient depuis là-haut, depuis la salle du clocher. Moi, je veille d’en bas — et je leur parle en silence. »

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L’église renferme : deux sculptures remarquables des XIVe et XVe siècles, l’une de Saint André et l’autre en calcaire polychrome de Ste Marguerite d’Antioche.

Mais, l’édifice est toujours fermé alors qu’il devrait-être ouvert, de fait j’ai écrit un petit mot pour les édiles de la commune :

« Lettre à Messieurs les Gardiens du Néant (écrite d’un banc, face à une porte obstinément fermée)

Messieurs,

Je n’ai jamais prétendu être un homme de grand rang, encore moins de sainteté, mais j’ai toujours cru qu’un modeste curieux, animé du fol espoir de contempler des statues annoncées, avait le droit d’ouvrir une porte sans invoquer César ou le Saint-Esprit.

Or quelle ne fut point ma surprise, ce jour d’été, de me heurter, non point à une hérésie, mais à une serrure. L’église, vantée sur vos parchemins digitaux — Monumentum, cette Cythère virtuelle — m’annonçait des merveilles sculptées, des chefs-d’œuvre d’un art touchant au divin. Et que trouvai-je ? Une façade hostile, un silence ecclésiastique et, pour toute consolation, l’absence photographique des saintes idoles promises.

Je vous en félicite ! Il faut une science bien supérieure à la mienne pour parvenir à ne pas montrer ce qui existe, et à ne pas ouvrir ce qui devrait l’être. Vous avez inventé le patrimoine quantique : les statues sont là, mais seulement si personne ne regarde.

Je conçois qu’il est épuisant, en un siècle saturé d'emplois du temps et de réglementations jubilatoires, de laisser une clef à la disposition du peuple. Après tout, il serait fâcheux qu’un citoyen désire contempler son héritage sans rendez-vous préalable, certificat de curiosité et autorisation du saint conseil municipal.

Je prends donc humblement congé de votre portail fermé, messieurs les intendants de l’invisibilité, non sans vous remercier de cette expérience spirituelle : car quoi de plus mystique que d’adorer ce qu’on ne peut voir ?

 Votre serviteur contrarié, mais toujours impertinent, Un certain pèlerin moderne, Alias P. de Lavaqueresse, Hérétique de l’accès libre et martyr du patrimoine muet.

 


Je vais créer un Ordre :

Ordre Très Serré des Églises Fermées & des Fidèles Frustrés (O.T.S.É.F.F.)

Devise : Porta clausa, ira sacra.

Blason : Une clé rouillée sur fond de vitrail éteint, flanquée de deux statues absentes et d’un guide touristique désabusé.

Grades de l’ordre :

Chevalier du Battant Inaccessible – pour qui a essayé trois fois d’ouvrir la même porte.

Commandeur du Rendez-vous Impossible – pour les victimes des « horaires sur demande » qui n’aboutissent jamais.

Grand Chanoine de la Photographie Invisible – pour ceux qui ont pleuré devant des pages Monumentum sans images.

Archidiacre du Soupir Patrimonial – pour ceux qui murmurent « encore fermée » à chaque clocher croisé.

Rituel d’entrée : Réciter à voix basse, devant toute église fermée :  “Je jure fidélité à la clef manquante et à l’horaire approximatif. Je défendrai le patrimoine invisible, les statues recluses et les brochures mal imprimées.”

 

Hymne Solennel de l’Ordre Très Serré des Églises Fermées & des Fidèles Frustrés (à entonner sur un ton grave, devant toute porte close, main sur le cœur ou sur la poignée)

Couplet I Ô Sainte Porte, éternelle verrouillée, Toi qui défies le pèlerin zélé, Tu gardes tes pierres, statues oubliées, Et la lumière de vitraux camouflés.

Refrain 🔑 Clé perdue, mais cœur vaillant, Nous marchons, joyeux et grommelants. Devant l’église aux volets clos, Nous chantons l’accès… en écho.

Couplet II Les guides muets, les horaires fuyants, Les statues absentes, les silences pesants. Mais nous, fidèles au portail du savoir, Jurons d’attendre sans trop d’espoir.

Refrain 🔒 Clé rouillée, mais foi solide, Nous affrontons le portail timide. À chaque cloche qu’on n’entend pas, On boit le vin de notre tracas.

Pont liturgico-sarcastique (parlé) Et si d’aventure, ô miracle d’un jour, La porte s’ouvre… on hurlera “Par quel détour ?” Mais fiers, les larmes dans la voix, On dira : “Enfin… la nef est à moi.”

Dernier Refrain (avec ferveur mystico-burlesque) 📜 Clé absente, âme présente, À l’Ordre on jure allégeance fervente. Devant l’église que nul ne voit, C’est nous, les fous, les gardiens de la Foi.

“Porta Clausa Est” – Cantique solennel de l’Ordre (à psalmodier très lentement, avec la voix grave d’un moine privé de visite) Grégorien

Porta... clau-sa est... 

et nos... vi-an-tes sumus...

Sta-tu-ae... non vi-sae... 

ne-que i-mages... su-per monumentum...

Sed spe... per-du-ra-mus... 

in nocte... muse-orum...

Kléééé... ru-i-da... ohhhhh... 

ne nos in te-nébris desérere...

A-men... 

In frus-tra... A-men.

«  La porte est fermée, > et nous sommes les errants. > Les statues ne sont pas vues, > ni les images sur Monumentum. > Pourtant nous gardons l’espérance, > dans la nuit des musées. > Ô clé rouillée, > ne nous abandonne pas dans les ténèbres. > Amen… en miettes… amen. »

 N’étant pas avare j’ai écrit ce chant en latin :

Porta clausa manet, 

nos viatores exspectamus in vano. 

Murus tacet, imago latet, 

sicut sancta verba sine voce.

Refrain 

Clavis abscondita, spes perdurans, 

Ecclesiae desertae nos amamus. 

Non intramus, sed veneramur, 

ante fores tamquam altare clausum.

II 

Officia tacent, horaria fallunt, 

statuae laudantur, sed non monstrantur. 

Populus quaerit, aedes negant, 

in atrio solis speramus lumen.

Refrain 

Clavis abscondita, spes perdurans, 

Ecclesiae desertae nos amamus. 

Non intramus, sed veneramur, 

ante fores tamquam altare clausum.

Finalis Benedictionis 

Fiat voluntas claudendi, 

sed cor nostrum pateat. 

Et si porta non panditur, 

pandatur saltem imaginatione.

Amen et lamentabilem.

 

« La porte reste fermée, nous les voyageurs attendons en vain. Le mur se tait, l’image se cache, comme des paroles saintes sans voix.

La clé est perdue, mais l’espérance persiste ; nous aimons les églises désertes. Nous n’y entrons point, mais nous les vénérons, devant la porte comme un autel clos.

Que la volonté de fermer soit faite, mais que notre cœur demeure ouvert. Et si la porte ne s’ouvre, qu’elle s’ouvre au moins par l’imaginaire… Amen, et c’est bien triste. »


 Livret Solennel des Églises Fermées, à feuilleter à la lueur d’une lampe frontale devant un portail clos :

 ORDINARIUM PORTAE CLAUSAE Rite abrégé du pèlerin frustré

🕯 Préambule

 “Ce livret est destiné aux âmes égarées dans les chemins de pierre et d’indifférence. Nul besoin d’être théologien : seule la faculté de râler avec élégance et de rêver à ce qu’on ne peut voir est requise.”

1Profession de Foi Patrimoniale

 “Je crois en la cloche que je n’ai pas entendue, en la nef que l’on devine entre les lattes, en la statue derrière la porte, et en la brochure à jamais périmée.”

2. 🎶 Hymne de l’Ordre

[cf. « Porta Clausa Est » — page précédente, à entonner avec ferveur monocorde]

3Litanie des Excuses Municipales

 Seigneur, prête-nous l’oreille…— Mais la mairie répond : “Personne n’a la clé.”  “Revenez aux heures d’ouverture, le mardi entre 11h23 et 11h27 (sauf jours fériés).”  “C’est la paroisse qui gère ça, je crois.” > — “On a perdu le trousseau pendant la pandémie…”

Tous : Ad patres !

 4. Calendrier des Espérances Déçues

Mardi de l’illusion cléricale

Jeudi de la grille obstinée

Vendredi du panneau “Ouvert” mais sans effet

Samedi de la plainte polie au service du patrimoine

5. Rite de l’entrée fictive

 (À faire devant la porte close, paume sur le bois)  “Je te vois sans te voir, je t’aime sans t’avoir, ô toi, sanctuaire du peut-être, je reviendrai.”

 

📌 Postface : “Si d’aventure un jour, un guide apparaissait, une clé tintait, une poignée cédait — alors qu’on allume les cierges de la victoire et qu’on entonne un Te Deum en chantant faux mais joyeux.”

 Édition limitée, que je vais relier en cuir fatigué avec rubans frangés et signets imaginaires. Je vais le faire imprimer chez Gutenberg-Saboté Éditions !






Histoire d'une cheminée

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