Que n’a-t-on pas écrit sur le toquat !
Bien des auteurs n’ont-ils pas chanté sa grâce et sa
légèreté ? Tous les dictionnaires et les almanachs n’en ont-ils pas donné
des « reproductions » ? La publicité même, n’en propage-t-elle
pas le nom et l’allure aux quatre coins de France ?
Il apparait donc que les documents ne manquent point, qui
permettent d’étudier les formes diverses de cette coiffe splendide, les lieux
dont elle est originaire, et aussi son évolution.
Il semble difficile que tous ces toquats qui nous sont
offerts par gravures ou photographies, ne soient pas authentiques ou, du moins,
ne s’inspirent pas des documents les plus sérieux.
Quels sont donc ces documents ?
Les Aubois ne connaissent guère qu’un seul exemplaire de
toquat dont l’origine est absolument certaine : celui qui est exposé au
musée de Vauluisant. Ils n’ignorent pas les dessins de Fichot, ceux d’Arnaud,
ainsi que le tableau de Valton, récemment acquis par les amis des Musées.
Quelles sont alors les autres sources auxquelles ont pu se
référer les auteurs ? N’aurait-on pas quelque peu brodé sur la
question ?
C’est pourquoi nous avons demandé à Gilbert Roy de nous
parler du toquat. De celui du musée de Troyes d’abord, qu’il a rénové, dont il
a extrait, il y a un an à peine quelque deux cent cinquante épingles qui le
maintenaient en son éclat d’origine, qu’il a entièrement démonté, et dont il a
ravivé l’éclat, pour finalement le rajuster en sa splendeur première.
Il nous dira ensuite ce qu’il pense des autres toquats, qu’il
a aussi longuement étudiés. Ceci nous
aidera à voir plus clair dans tout ce qu’on nous propose aujourd’hui.
Il nous sera possible alors de cerner l’histoire véritable
de cette coiffe essentiellement
troyenne, de la démystifier au besoin et surtout, de la réhabiliter.
Ce sera une manière de la défendre que de n’accepter, pour
son honneur et sa gloire, rien qui ne soit authentique, mais tout ce qui l’est.
Voilà le pourquoi de
numéro huit de notre Revue, un numéro exceptionnel que nos lecteurs ne
manqueront pas d’apprécier.
Le
Toquat coquille journalier
Le toquat ne serait qu’une grande coiffe de cérémonie. Cette
légende a été soigneusement entretenue. Elle est encore répandue par ceux qui
ne voient dans le folklore qu’un aspect strictement spectaculaire.
En fait, il n’en est rien ; c’est une coiffe de type
« à câle » qui a de nombreux points communs avec les autres bonnets
de notre région.
Le toquat dit « coquille » se portait tous les
jours de la semaine, à la manière de la capeline, avec cette seule différence
que la coiffe légère en voile se posait sur la câle matelassée, alors que la
capeline en toile durcie, se portait par-dessus la coiffe fine.
Ce toquat journalier se rencontre fréquemment sur les
dessins de Ciceri, principalement sur les gravures de faubourg Saint-Jacques.
Cette fréquence en un pont déterminé s’explique par le fait
que cette coiffe était principalement connue à Saint Parre aux Tertres.
On retrouve également ce même type à Brienne le château.
Toutefois, dans cette ville nous n’avons jamais eu connaissance qu’il ait été
porté « dressé », ce qui exclurait donc la dénomination de
« toquat » qui s’attache, non à la coiffe elle-même, mais à une
manière de la porter.
Schéma de la coiffe
- la câle est un béguin en toile matelassée, nouée sous le
cou ; elle emprisonne la chevelure et soutient la coiffe.
- la coiffe est en voile ou tulle brodé ou uni suivant la
fortune de sa propriétaire ; elle comporte un fond « rond », ample dont les coulisses
se nouent au-dessus de la câle.
- la passe très ample, fortement frondée et sillé sur le
fond, peut-être simple ou double, selon la richesse de celle qui porte la
coiffe ; les fronces sont soutenues aux tiers par un cordonnet passé au
point devant.
Le
toquat de la région de Saint-Parre-au-Tertre – Montaulin
A partir de la coiffe des jours de semaine, et sans rien y
changer, on forme le toquat simple, en coquille. Sur une câle plus dure, en
toile gommée, on dispose la coiffe de voile, on serre les coulisses, on les
noue sur la câle en les retenant par des épingles puis, toujours à l’aide
d’épingles, on tend le fond en le ramenant, par devant, sur la frontière.
On place ensuite une bande de tissu de la largeur de cette
frontière (velours ou reps), de couleur vive (bleu, noir, rouge, violet) ;
on l’épingle dessus, puis on rabat en arrière la passe de voile en ramenant les
fronces pour former un éventail (coquille) ; on épingle à nouveau puis on
cisaille » (1) cet éventail pour lui donner de la tenue, après amidonnage
bien entendu.
Sur le sommet de la câle et derrière la coquille, on coud un
« faux nœud » de faille ou de reps (noir, bleu ou violet), à deux
boucles et deux brins, qui cache une armature en « fil modiste » et
qui sert de soutien à l’ensemble.
Lorsque cet assemblage est réalisé, on dispose sur la
frontière (2) un revers de dentelle plissé et, bien sûr, épinglé.
Les coiffes riches se portaient sur une câle au fond brodé
de motifs bleus (à la manière normande). On a longtemps laissé croire que ces motifs étaient l’image d’un sapin, ce qui
est absolument faux.
D’ailleurs, on
attribuait à cet arbre, dans nos régions, un symbolisme tel, que peu de filles
auraient osé le présenter en public.