A
LA RECHERCHE DU JUDAS HISTORIQUE
UNE
ENQUÊTE EXÉGÉTIQUE A LA LUMIÈRE DES TEXTES DE
L’ANCIEN
TESTAMENT ET DES LOGIA
Judas Ischariot est
probablement l’homme le plus détesté et le plus universellement haï de tous les
personnages de la Bible. Tous les Chrétiens et même les moins instruits en
l’histoire biblique reconnaissent en lui le traître par excellence, l’homme qui
livra à la mort son maître innocent. Tout, concernant cet homme, semble être
clair et simple au-delà de toute discussion possible. Judas fut responsable de
la mort de Jésus par une trahison ignoble et impardonnable.
Toutefois, quand nous
essayons de définir sérieusement et en des termes historiques, selon les textes
bibliques, sa mission et son comportement, nous rencontrons un certain nombre
d’obstacles majeurs et de contradictions essentielles. Une étude détaillée des
textes et de leurs contradictions nous le fait apparaître comme le personnage
le plus incertain, le plus mal défini et en fait le plus contradictoire de
toute l’Ecriture.
Les
contradictions dans les textes
Les contradictions
sont, en effet, nombreuses dans les textes qui nous parlent de Judas. Deux
morts nous sont en fait rapportés par les Evangélistes. Et les deux rapports
sont strictement contradictoires et irréconciliables.
La responsabilité de
Judas est un autre sujet de litige entre les Evangélistes. Matthieu3 et Marc4
nous indiquent que Judas était pleinement responsable de sa trahison. Il se
rendait chez les autorités de son plein gré, pour leur offrir ses services.
Luc5 et Jean6, par contre, sont d’un autre avis. Ils affirment que Judas aurait
été possédé par Satan au moment de son forfait.
L’argent que Judas reçut -ou ne reçut pas- constitue également un sujet de litige entre les Evangélistes. Matthieu 10 affirme, péremptoirement, que les principaux sacrificateurs payèrent 30 pièces d'argent d’avance (!) au début de la semaine. Marc 11 et Luc 12 par contre affirment que les autorités lui promirent seulement de l'argent. Luc nous indique que Judas fut payé et ce qui arriva à l’argent et à Judas par la suite : il en acheta le champ de sang, ce qui contredit la version de Matthieu 13. Marc ne nous dit rien au sujet de l’argent ni au sujet de Judas. Il ne sait donc rien au sujet du payement. Jean, lui non plus, ne sait rien d’un payement quelconque ; il ignore en fait toute promesse d’argent. Puisque selon lui Judas fut inspiré par Satan seulement à la dernière minute (Jn 13/27), il n’est pas possible que Judas ait pu demander de l’argent et le recevoir. De toute façon Jean contredit en cela les Synoptiques qui, par-dessus le marché, ne sont pas d’accord entre eux.
La punition que Judas
devrait recevoir pour sa trahison est une autre pomme de discorde entre Jean et
les Synoptiques. Les trois premiers Evangiles sont unanimes (Mt 26/24, Mc
14/21, Le 22/22) à mettre dans la bouche de Jésus des menaces effroyables
contre ceux par lesquels arrivent les scandales : ils appliquent ces menaces
automatiquement à Judas et à son forfait. Jean, par contre, ignore ces menaces et
fait citer par Jésus un passage de l’Ecriture qui montre que la trahison d’un
des siens était dans la nature des choses (Jn 13/18). Il n’y est pas question
d’une punition temporelle ou éternelle de Judas. Jean voit la trahison comme
une nécessité prévue par Jésus, qui n’implique pas la responsabilité
personnelle de Judas. Cette manière de voir est strictement consistante avec sa
thèse de la possession satanique de Judas (Jn 13/27) qui exonère en fait
l’Apôtre du crime, pour en charger Satan.
L’arrestation de Jésus
est décrite d’une manière totalement différente dans les Synoptiques et chez
Jean. Les Synoptiques mettent Judas au centre de la scène du Jardin des
Oliviers. Judas trahit son maître par un baiser qui doit désigner Jésus aux
policiers, (Mt 26/47ss, et par.). Jean ignore le baiser de Judas et ne connaît
pas de dialogue entre Jésus et Judas. C’est Jésus lui-même qui se fait
connaître par deux fois aux policiers, qui, effrayés, tombent par terre. (Jn
18/4,7). Judas est seulement mentionné en passant comme « étant avec eux » (Jn
18/5).
2. Ac 1/18.
3. Mt 26/14.
4. Mc 14/10.
5. Le 22/3.
6. Jn 13/27.
7. Mt 26/14
8. Le 22/3.
9. Jn 13/27.
H). Mt 26/15.
11. Mc 14/11.
12. Le 22/5.
13. Ac 1/18.
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