Monnaie frappée à Troyes
Les troyens Banquiers de France
Foires de Champagne
Tout d’abord, pour ceux qui l’ignoreraient, je rappellerai que le plus important dépôt monétaire de l’empire romain d’occident mis à jour dans le monde, est le trésor monétaire de la villa gallo-romaine de Chaillouet, découvert à Troyes en 1995, lors de fouilles : une amphore remplie de 186.200 pièces de monnaie : 102 kilos de pièces de cuivre de type Antoniniami, de 11 à 19 m/m de diamètre et de 0.3 à 2 m/m d’épaisseur, à l’état de conservation excellent et degré d’usure limité.
[Trésor de Chaillouet
Les fouilles archéologiques préventives menées à
Troyes sur le site des anciens abattoirs municipaux ont mis au jour, en 1994,
dans les ruines de la domus dite de Chaillouet, un dépôt monétaire d’environ
186 000 monnaies gallo-romaines en bronze contenues dans une amphore. Par le
nombre de pièces, c’est le trésor le plus important trouvé jusqu’à aujourd’hui.
Il est composé de petites pièces en bronze datant de
la seconde moitié du 3e siècle après J.C. Ces monnaies sont pour la plupart des
imitations de la monnaie officielle de l’époque (antoninien), frappées à
l’effigie de l’empereur gaulois et usurpateur, Tétricus 1er. En quelque sorte
une fausse-monnaie « officielle ». 186 000 pièces ! De quoi payer toute une armée.
C’est d’ailleurs une des hypothèses qui est retenue : une banque mobile
destinée à payer les légions romaines et située en retrait des zones de
conflits telle la bataille de Châlons-en-Champagne opposant l’empereur
légitime, Aurélien, au dissident Tétricus. L’amphore, remplie de pièces, a été
ensevelie volontairement lors de ces troubles qui poussent à cacher les biens
les plus précieux dans le sol. Pourquoi celui-ci n’a-t-il pas été récupéré par
ses propriétaires une fois le danger écarté ? Ont-ils disparu en emportant le
secret dans leur tombe ? Les constructions successives n’ont pas dérangé la
cachette. Même au 19e siècle lors de la construction des abattoirs, les
fondations n’ont pas atteint l’amphore. Ce n’est qu’en 1994, lors de la
démolition de ces abattoirs, que le trésor sortit de l’oubli où il était tombé.] (source Musée saint Loup- Troyes)
Peu de lieux ont fourni une nomenclature aussi longue et aussi variée depuis Pline (1er siècle) jusqu’à nos jours, comme nom sur les monnaies mérovingiennes et carolingiennes appliqués à la ville de Troyes, au pays tricasse ou troyen. La liste est longue et variée : Tricas, Tiecas civitas, Trecens, Trecasi civi, Tricas civitate, Trecasse, Tricis…
Ces monnaies conservèrent le nom de « Triens », nom
d’un poids romain et d’une monnaie romaine valant le tiers de l’as. On les
appelait aussi « tiers de sou ». Le nombre des types des « Triens » d’or
portant le nom de la ville de Troyes est très grand. La fabrication de la
monnaie, pendant la période franque, se faisait surtout en or. On frappa aussi
des deniers ou « saïgas » d’argent : Tricas Civi. Il y avait encore, aux temps
mérovingiens, à Arcis, à Brienne, à Riceys, à Vendeuvre et à Virey-sous-Bar,
des ateliers monétaires : Arciaca, Brienna, Riciago, Vindovera, Vriaco vico.
L’activité de la Monnaie de Troyes est restée
ouverte pendant 18 siècles, dont 12 pour les rois, de l’époque mérovingienne
(du Ve au VIIIe siècle) à la veille de la Révolution, en 1772.
Au moyen âge, la Monnaie, le droit de battre monnaie
est un droit régalien, essentiellement lucratif : il est le monopole du roi,
des princes qui en tirent de gros profits. La Monnaie est une industrie que le
prince fait fructifier en décriant, en envoyant à la fonte les monnaies
anciennes, les monnaies de ses prédécesseurs, sa propre monnaie, faute d’autre
source de métal précieux, et en émettant des monnaies de poids, d’aloi ou de
valeur moindres que les précédentes, ce qui explique les mutations, les
dévaluations constantes à cette époque. A des périodes de décadence, des
seigneurs ambitieux se sont purement et simplement arrogé le droit de battre
monnaie.
Les XIe, XIIe et début du XIIIe siècle marquent
l’apogée de la monnaie féodale de Troyes. C’est l’époque des Foires de
Champagne, qui ont donné un renom durable à la monnaie champenoise. Il n’y a
d’ailleurs que la monnaie frappée à Troyes qui soit célèbre à l’époque.
Au XIIe siècle, grâce aux foires de Champagne et de Brie, créées par le Comte Thibaut II le monnayage féodal champenois acquis un grand renom. Les Cités italiennes produisent un essor croissant et deviennent des vases d’échanges commerciaux qui nécessitent des bureaux de changes dans les lieux publics et sur rue.
Rue de la Montée-des-changes, lieu de circulations
monétaires
Pour se procurer les matières nécessaires à la
fabrication des monnaies, on eut recours aux changeurs afin qu’ils puissent
recueillir le métal précieux destiné aux ateliers monétaire pour y être fondu.
L’Office des Changeurs a été établi, puis supprimé
de nombreuses fois, et à différentes reprises dans les villes du royaume
possédant un Hôtel des Monnaies. Leurs commissions de changeurs sont délivrées
par la cour des Monnaies qui, selon le bon plaisir du roi, commet les
particuliers qu’elle juge à propos et où cela semble nécessaire. Ils jouissent
de nombreux privilèges et leurs droits, fonctions et obligations leurs sont
fixés par un règlement général.
… place des manipulations frauduleuses et des
rachats des matières précieuses
[Le 20 octobre 1265, le Comte Thibaut V donne aux Hospitaliers
une maison situé à Troyes, rue du Temple, à l’angle de la rue de la
Montée-des-changes. » laquelle maison fut Pierre guillaume, ça en arrière
changeur en Champoigne… » Cf Delaville Le Roux, Cartulaire général des
Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem, tome3 p 123 (Arch de l’Aube, 31H14bis,
n° 366,Ro Vo).]
L’Hôtel des Monnaies de Troyes est considéré à partir de 1306, comme atelier monétaire du Roi.
Dès le début du XIVe siècle, en 1304, Philippe le
Bel reconnut la nécessité de battre monnaie dans une ville qui était l’un des
plus importants marchés financiers du temps. Le trafic des marchands et des
banquiers, qui faisait la prospérité de Troyes, nécessitait un apport abondant
et constant d’espèces monnayées que seul pouvait fournir un atelier ouvrant sur
place.
En juin 1308, un mandement donné à Paris est adressé
au Bailli de Troyes. Une fraude parait publiquement exploitée, notamment par
des Changeurs peu scrupuleux qui fondent « en lieux privés et secrez » et pour
leur propre compte, des monnaies de billon (argent + cuivre). Cette refonte
frauduleuse porte un grand préjudice au roi et à l'Hôtel des Monnaies. Aussi,
Philippe IV (Philippe le Bel) ordonne-t-il la destruction des « fournaises »
illicites où se fond le métal. Il prescrit en outre que les changeurs
porteront, comme il se doit, à la Monnaie de Troyes, tout le billon en
possession sous peine de la perte de sa valeur.
« …ont fait et encore font, et maintenant en lieus
privéz et secrez, fournaises pour fondre, affiner, et rechacier le billon,
esqueles il ont ou temps passés frauduleusement et malicieusement fondu et
rechacié nos monnaies noires et blanches… et enjoing par sement à tous les
Changeurs de sa Baillie, et a tous autres qui achatent billon, que il portent à
Troyes, ou nostredite monnaie est établie a faire tout le billon… »
En mai 1429,
Charles VII faisait son entrée à Troyes. Dès le mois d’octobre il fit forger
monnaie à son nom et à ses armes dans l’atelier de Troyes. Sous Louis XII
apparait le « teston », appelé ainsi parce qu’il reproduisait au droit la tête
du roi.
L’atelier monétaire de Troyes a connu deux
emplacements successifs : le premier, jusqu’en 1340, situé dans la tête du «
Bouchon de Champagne », correspondait à l’implantation gallo-romaine de la
Cité, tandis que le second, jusqu’en 1772, dans la partie haute de la ville, a
fait suite au développement économique de Troyes (Foires de Champagne,
draperie, papeterie, tannerie…). Le premier, était 11 rue Boucherat
(anciennement rue Vieille Monnaie et rue du Flacon), le second, 52 à 58, rue de
Pontigny, devenue rue de la Monnaie.
Il y a eu 72 « monnayers » à Troyes, dont 18 veuves
de « monnayers ». Les principales familles étaient représentées : celles des
Hennequin, Dorigny, Mauroy, Le Boucherat, Marisy, la famille Rondot, Mathieu
Tillet, François-Nicolas Sourdat… A noter également Sadoch Bourgeois, ouvrier
en la monnaie, grand-père de Marguerite Bourgeois, fondatrice de l’enseignement
du français à Montréal (Canada, au XVII° siècle).
La fabrication était soumise à une surveillance
stricte par un contrôleur (contregarde), aidé par des juges-gardes. Ensuite
venaient le graveur, l’essayeur, un procureur et un greffier, des huissiers,
tous titulaires d’un office. Ils avaient le droit de porter l’épée au côté.
Pour l’exécution des tâches relatives à la frappe, on trouvait des
"monnayers", ajusteurs et des tailleresses. Ils bénéficiaient tous,
depuis le XIV° siècle, de nombreux privilèges. Toutefois pour occuper le poste
de monnayeur, il fallait être « d’estoc et de ligne ».
Il fallait un signe de reconnaissance sur les
monnaies frappées dans un atelier. Une ordonnance du 11 septembre 1389 prescrit
pour Troyes un point secret sous la quatorzième lettre de la légende. En 1540,
François 1er instaure une lettre complémentaire. Troyes adoptait le « S ». Henri III, en 1549, institue le
millésime obligatoire pour mieux surveiller et identifier l’année de
fabrication.
Les monnaies étaient, jusqu’au XVI° siècle, frappées
au marteau. Le balancier améliora la rotondité des monnaies, mais il fallait de
8 à 16 ouvriers. On utilisa alors la force animale de 4 chevaux pour
entraîner un moulin et des roues dentées
destinées au laminoir. En 1686, la Monnaie de Troyes reçut un équipement
inventé par l’ingénieur Castaing, destiné au marquage sur la tranche des
monnaies d’or et d’argent.
Nous avons dans notre Musée Saint-Loup, quelques
spécimens très rares de monnaie battue dans notre atelier Champenois, pour la
plupart au nom, voire à l’effigie de nos souverains Français.
Aux temps carolingiens, comme sous les rois de la première race, Troyes conserva son atelier monétaire : Pépin-le-Bref (751-768), Carloman (768-771), Charlemagne (768-814), Charles-le-Chauve (840-877), Louis-le-Bègue (877-879), Charles-le-Gros (881,888), Charles-le-Simple (893-923) ont battu monnaie à Troyes. Toutes les monnaies étaient frappées au coin royal et la légende porte Trecas Civitas. Sous leurs successeurs, et jusqu’aux Comtes de Troyes et de Champagne, furent conservés les mêmes droits que les rois de France.
Sous ses Comtes, Troyes vit toujours fonctionner son
atelier monétaire : Robert de Vermandois (940-943) fit frapper monnaie en son
nom. Les types troyens, frappés sous Eude 1er (980-996) et le Comte Eudes II
(1004-1037) sont toujours des monnaies au type carolingien : Trecas civi,
Meidis, Gracia di rex. Thibault I (1063 1090) : Petus Episcopus. Hugues
(1093-1125) et Thibault II (1125-1152) : Trecas Civitas, Beatus Petrus et
portant « Petus Episcopus, Beatus Petrus », qui doivent leur origine à un
traité spécial passé entre les comtes et le chapitre de Saint-Pierre. Henri I
(1152-1181) : Henricus Comes. Henri II (1184-1197) : Henri Comes, Trecas
Civitas. Ce dernier, pour les besoins de la croisade, fait frapper une monnaie
de billon (croix pâtée, ½ fleur de lys Comes Henricus). Thibault III
(1197-1201) : Tebau Comes. Thibault IV (1201-1224) : Tebav Comes. Charles 1er
d’Anjou (1227-1285) : denier d’argent, croix pattée du revers en creux sur
l’effigie du Prince. Guillaume de Villehardouin (1246-1278) : denier rare de
1258, avec la tête du prince, les cheveux mi-longs, bouclés.
En 1307, Philippe-le-Bel publie des ordonnances concernant les monnaies qui sont fabriquées à Troyes. La monnaie de Champagne avait une grande réputation. Elle circulait par tout le royaume de France et à l’étranger. Transportée en Italie, elle fut imitée à Rome. Sous Charles VI-le-Fou (1380-1422), production importante : doubles tournois de 1386 à 1422, deniers tournois de 1391 à 1422, mailles tournois 1386-1387, niquet (grand lys sous une couronne) et demi-niquet (lys non couronné) en août 1421. Sous ce roi, la reine donna au duc Jean, au nom du roi, plein pouvoir de faire battre de la monnaie d’or et d’argent à Troyes. Pendant son séjour à Troyes en 1419, Charles VI demanda de fabriquer 2.000 marcs d’argent pour être employé aux fortifications. En juin 1420, Henri V prélève 2.000 francs de revenus par mois à prélever sur le produit de la monnaie de Troyes. Charles VII (1422-1461) : pièce frappée avec 1 lys en tête des légendes. Louis XI (1461-1483) : espèces très incomplètement connues. Charles VIII (1483-1498) : écu et demi-écu avec la couronnelle, remplacés en 1494 par une fleur de lys. Louis XII (1498-1515) : en or : écus sols et au porc-épic, en argent : ½ gros, douzains, ludovicus, en billon (deniers tournois). François 1er (1515-1547) : pour reconnaître les produits de l’atelier de Troyes, empreinte de S. Ecus sols en or, testons en argent, Des liards et des doubles tournois (3 fleurs de lys, croix blanche) de 1541 à 1547.
Henri II (1547-1559) : pas de liards à l’H couronné,
pas de tournois au nom d’Henricus II. Charles IX (1560-1574) : à partir d’août
1561, espèces frappées au nom de Carolus (auparavant les espèces furent encore
frappées Henri II). Ecus de 1564 à 1574. Teston et demi-teston : jusqu’en 1570,
le portrait du roi reste enfantin, ensuite il est légèrement barbu. En 1564,
est frappé à Troyes « des liards au coin du roi pour accommoder le peuple de
menue-monnaie ». Henri III (1574-1589) : teston en argent, très, très rare,
encore à l’effigie de Charles IX. Jusqu’en juillet 1575, les espèces sont
encore frappées au nom de Carolus. Double sol et sol parisis : sous une
couronne, la lettre H entourée de 3 lys. Les monnaies de cuivre pur furent
émises pour la première fois sous Henri III, seulement en tournois, doubles et
simples. Henri IV (1589-1610) : la ville de Troyes étant passée au pouvoir du
parti des Guise en 1588, les espèces
sont toujours au nom de Henri III jusqu’en 1590. Ecu et demi-écu au soleil en
or (écusson de France Couronné et surmonté d’un soleil). Quart et huitième
d’écu en argent, avec croix fleurdelisée, écusson couronné. Du 5 avril 1594 au
14 mai 1610, depuis la reddition de Troyes à Henri IV et jusqu’à sa mort : écu
et demi-écu au soleil en or : la croix du revers formée de 4 H prolongée par
des lys. Demi-franc et quart de franc en argent : croix feuillue et
fleurdelisée centrée d’un H. Douzain de 1594 à 1597 : écusson accosté de 2 H,
parfois couronnés, cantonnés de 2 lys et de 2 couronnelles (quelquefois de 4).
Louis XIII (1610-1643) : 1614, écu et demi-écu d’or au soleil, demi-franc et
quart de franc en argent, buste de Louis XIII enfant puis adulte, au revers
croix fleurdelisée avec la lettre L. Louis XIV (1643-1715) : en 1651 sortent de
l’Hôtel des Monnaies de Troyes, les premières espèces d’or et d’argent à
l’effigie de Louis XIV, alors roi de France depuis 7 ans. Double louis, louis
et demi-louis, en or, tête du roi laurée. Monnaie d’argent : écu blanc ou louis
d’argent : tête du roi surmontée d’un soleil, au revers, croix de 8 L
couronnée. La monnaie de Troyes est
supprimée pendant 10 ans, de 1680 à 1690. En 1691, pièces de 4 sols : 2 L
entrelacées, accompagnées de 3 lys et surmonté d’une couronne. En 1692, pièces
de quinze deniers, croix aux 8 L couronnées. Liards en 1693, Louis XIV est
représenté âgé et cuirassé. 1702 : pièces de 5 sols, buste du roi coiffé d’une
perruque et cuirassé, au revers insignes de la royauté en sautoir accompagnés
d’une couronne de 3 lys. De 1709 à 1715 : en or, double louis, louis et demi
louis, en argent écu blanc aux 3
couronnes. Louis XV (1715-1774) : en or, double louis, louis et demi louis.
Louis avec croix de Malte au revers, 3 lys
dans un petit rond, buste du roi. En argent, écus (de 5 livres), demi-écus,
quarts, dixièmes d’écus, vingtièmes d’écus. Ordonnance de 1718 : pièces de 20
et 10 sols. De 1719 à 1721, sols, demi sols et quart de sols ou liards : un
buste enfantin du roi tête nue, cheveux longs avec au droit la légende «
Ludivicus XV Dei Gratia », et au revers un écusson de France entouré de la
légende « Franciae et Navarre Rex3 ». En 1720 : louis aux 2 L couronnées. En
1726, Louis du type Mirliton. En 1738, double sol et Sol, monnaies de billon.
1740 : Louis, Demi-Louis du type au bandeau : la tête du roi, déjà virile et
non plus enfantine, est ceinte du diadème (ou bandeau royal, d’où son nom).
Fermeture officielle de l’atelier de février 1758 à novembre 1759, chômage
pendant l’année 1766 et l’année 1768. 1770 : Louis du type dit à la vieille
tête : la tête du roi aux traits vieillis, ceinte, d’une couronne de laurier.
1772 : fermeture officielle de l’atelier.
Nous devons donc souligner le rôle important que
joua la Monnaie de Troyes, qui a été pendant des siècles un facteur de la
prospérité économique de la ville. Elle a été aussi le reflet de cette
prospérité et le signe incontestable de la grandeur de Troyes, capitale de la
Champagne.
Les Troyens banquiers de la France
La Monnaie troyenne est restée ouverte 12 siècles,
de l'époque mérovingienne à la veille de la Révolution. A la fin du Xe siècle,
nous avons d'importantes émissions de Tricas. La monnaie de Troyes n'est plus
royale, mais féodale, qui profite au comte.
Les aubois peuvent être considérés comme ayant créé
la première banque en France.
Les Templiers (fondés en 1118 par l'aubois Hugues de
Payns), sont chambellans de la papauté, chargés de récolter les taxes sur les
croisades. Ils disposent d’une formidable puissance économique qui fait d’eux
d’incontestables financiers. Ils contrôlent d’importantes sommes d’argent et
leurs ressources sont considérables. Ils créent en plein Moyen-Âge un système
monétaire perfectionné dans lequel figurent la plupart des opérations modernes
: ouverture de comptes courants, avances, cautions, gestion de dépôts,
transferts internationaux de fonds... Les formes diverses de spéculations
financières qu’exercent alors les Templiers sont les bases mêmes des opérations
bancaires actuelles. Etant établie sur des principes d’ordres religieux et
militaires, la confiance des gens pour les dépôts d’argent, mobiliers, joyaux,
se porte sur le Temple. Le Temple est synonyme de protection et de sécurité.
Servant de dépositaire pour les pèlerins en route pour les Terres Saintes,
l’Ordre se voit confier de nombreux biens, et, possédant des relais aussi bien
en Occident qu’Outre-Mer, permet aux Croisés d’obtenir en Terre Sainte des
espèces contre attestation de versements opérés aux trésoriers du Temple de Paris,
Londres...
Ce procédé n’est ni plus ni moins que ce que l’on
appelle aujourd’hui une lettre de change ou un chèque. Le Temple de Paris,
maison-mère de l’Ordre, fonctionnait comme une banque centrale où toutes les
transactions financières passaient. D’illustres personnages : le Roi
d’Angleterre Henri III, Saint-Louis, Philippe Auguste, Philippe Le Bel y
entreposèrent des fonds.
Il y a aussi nos Foires de Champagne* pendant lesquelles se nouent des relations financières qui font de la cité troyenne une place de change de tout premier ordre dans le royaume. Piastres, pistoles, livres tournois, livres parisis, florins, toutes les monnaies hétéroclites passent dans les mains des changeurs qui les pèsent et les échangent.
Mais, on manque d’étalon monétaire. Ainsi est créé
" l’once de troy ", pour mesurer l’or, l’argent, le platine, et qui
est toujours en vigueur aujourd’hui en Angleterre !!! Dès cette période, Troyes
est considérée comme l’une des plus riches villes du royaume. (A l’époque un
dicton se répand dans toute l’Europe: " Bourses de Troyes ") tous les
Rois de France empruntent de l’argent à Troyes. En voici quelques exemples :
En 1304, Philippe le Bel reconnaît la nécessité de
battre monnaie à Troyes, car la ville est l’un des plus importants marchés financiers
du temps.
En 1345, l'atelier quitte la rue Boucherat, pour la
rue de la Monnaie. C'est là que sera frappée la monnaie, jusqu'à la veille de
la Révolution.
La ville envoie en 1360, des otages en Angleterre
afin de garantir le paiement de la rançon du roi Jean II le Bon, prisonnier en
Angleterre.
Jean Le Bon, crée une monnaie forte, le 1er franc en
or pur, produit dans nos ateliers.
En 1364, Philippe le Hardi, nous demande 1.000
livres pour subvenir aux dépenses de sa campagne. Il réitère en 1369. en 1371,
Charles V emprunte au Chapitre de Saint-Pierre à Troyes 120 francs d’or,
remboursables à la saint Remi suivante.
Charles VI demande au clergé en 1381, 1.485 livres 4
sous. En 1382, il fait porter à l’hôtel des monnaies de Troyes, une partie de sa
vaisselle d’or et d’argent, afin de fabriquer « avec le métal qui en
proviendrait, des deniers d’or fin, aux fleurs de lys, ayant cours pour vingt
sous tournois la pièce, et des blancs, valant quinze deniers l’un ».
En 1404, le roi nous demande une aide de 15.000
livres tournois, en 1406 10.100 livres, en 1415 18.000 livres.
La reine nous demande en 1418, 3.000, puis 2.000 et
encore 3.000 livres. Henri V d’Angleterre emprunte en 1421, 500 marc d’argent.
en 1423, Henri VI nous demande une aide de 5.470 livres, un subside de 3.000,
un de 2.000 et enfin un de 10.000. En 1428 : 2.417 livres 15 sous 2 deniers
tournois, 8.000 saluts.
Louis XI
demande en 1470 aux Troyens, de lui avancer 1.500 écus d’or, et au Chapitre de
Saint-Pierre de lui prêter 200 écus d’or.
En 1479, Troyes continue de fournir de l’argent et
des vivres pour les troupes du roi qui sont dans son voisinage.
En 1487, Charles VIII écrit à notre évêque, pour
qu’il lui facilite un emprunt de 1.500 écus d’or couronnés, remboursables dans
un an.
En 1490, le roi demande aux Troyens de lui accorder
cent vingt chevaux Le roi a encore des besoins d’argent en 1492. Comme à chaque
fois, il pense à Troyes et demande 7.500 livres. En 1496, le roi demande aux
Troyens de leur emprunter 3.000 écus d’or, puis 8.000 livres.
Sous Louis XII, apparait le teston, appelé ainsi
parce qu'il reproduit la tête du roi. En 1499, il demande un emprunt de 5.000
livres.
La monnaie de Troyes connaît une très bonne activité
pendant le XVIe siècle, avec l'invention du balancier ou presse, permettant
d'améliorer la frappe, et de produire des pièces parfaitement rondes,
décourageant ainsi l'industrie des faux-monnayeurs.
Pendant les guerres d’Italie, en 1512, la ville prête 2.000 livres à Louis XII, elle achète de l’artillerie, fond la cloche du Beffroi, et vote des contributions volontaires.
En 1515, François 1er demande aux Troyens un don,
sinon un emprunt de 4.000 livres, et un autre de 4.000 en 1519. Malgré la
misère qui règne en Champagne en 1520, la ville de Troyes accorde au roi la
somme de 14.500 livres, puis 4.000.
En 1521, la ville est obligée d’emprunter 5.738
livres pour aider le roi à organiser son armée.
En 1522, pressé par des besoins d’argent, François
1er se rend à Troyes pour demander à la ville l’entretien de 200 hommes de
pied, et en plus 3.600 livres. e roi demande en 1527, une nouvelle somme de
4.000 livres, qu’il souhaite en don. Les corporations religieuses, chapitres et
couvents contribuent à la rançon du roi et des enfants de France. Le Chapitre
de Saint-Pierre vend à cette occasion des joyaux et des reliquaires et celui de
Saint-Urbain donne vingt écus soleil.
Notre évêque Odard Hennequin, que François 1er a
choisi comme aumônier dès 1515, est sollicité en 1528, pour obtenir, à titre de
don, 10.000 livres tournois destinés à servir à la rançon du roi et à la
rédemption de ses enfants, le duc d’Orléans et le dauphin de Viennois, en
otages en Espagne.
En 1534, il est décidé d’imposer les cent plus
riches bourgeois de la ville, de 600 livres, pour la réception du roi. La
magnificence de François 1er et la guerre vident toujours le trésor royal. Le
roi demande en 1536 aux Troyens 25.000 livres à titre d’emprunt, un nouveau
prêt de 50.000 livres, des avances sur les impôts ordinaires, et 14.000 livres.
En 1538, le roi se trouve toujours embarrassé. Ses
trésors ne suffisent pas. Il a recours au clergé, et implore un secours sous
forme de don caritatif. François 1er vient à Troyes, en 1542 et demande un
emprunt de 30.868 livres. Chaque maison est taxée « de cinq écus au moins ».
En 1543, le roi demande encore une aide de 26.040
livres, et au clergé un don de 6.676 livres 18 sols 8 deniers. En 1553 il
demande 25.000 livres, et au clergé 13.252 livres, remboursables en « deux
termes, qui n’excéderont pas six mois ». C’est encore vers notre ville que se
tourne le roi pour demander en 1555, un emprunt de 10.000 livres.
En 1557, le roi demande un emprunt important « d’une
somme de 12.000 écus, levée sur trois cents personnes, et propose un intérêt
payé au denier douze ». Le Conseil propose en échange, de payer la somme de
36.000 livres, en livrant de la vaisselle et des joyaux d’or et d’argent. Le
roi accepte cette proposition. La ville de Troyes contribue donc à l’emprunt
demandé par le roi pour cette somme, « fournie par le prix de la vaisselle, des
bijoux et joyaux d’or, et par l’argent livré par ses habitants ». Cette
vaisselle, pesée et vérifiée, est acceptée par les commissaires royaux, à la
condition « de ne perdre que vingt sous par marc, selon conventions arrêtées ».
Mais lorsqu’ils viennent prendre livraison, les commissaires ne veulent
accepter la vaisselle et les joyaux qu’à un taux beaucoup plus bas, ce qui
cause aux prêteurs « un grand préjudice. L’emprunt fut seulement réalisé à
hauteur de 30.000 livres, et le roi fut engagé à servir un intérêt de 3.000
livres par an, ce qui est à 8 F 33 pour cent et par an ».
En 1559, Henri II demande à titre de prêt, 16.000
livres. Son fils François II, demande en deux fois, un emprunt de 38.000
livres.
Charles X demande en 1563 au clergé de Troyes une
contribution de 100.000 écus de rente, et en 1566 un nouvel emprunt de 20.000
livres.
En 1567, le duc de Guise et les cardinaux de Guise
et de Lorraine, écrivent aux habitants de Troyes, pour demander au profit du
roi, un emprunt urgent de 50.000 livres, et offrent en garantie leur caution
personnelle. Le chapitre de Saint-Urbain est obligé de vendre des joyaux de son
église jusqu’à concurrence de 38 marcs d’argent, pour 672 livres 17 sous, et verse
la somme de 600 livres 5 sous. Le roi nous impose en 1568 pour 1.026.421 livres
10 sols tournois, " car tel est notre plaisir. "
C’est en raison de la réputation de négoce de notre
ville, que les Troyens ont, une fois de plus, l’honneur de cautionner le roi de
France, et d’être ses banquiers ou ses prêteurs. Charles IX est redevable,
envers le duc Casimir, par le traité de 1568, de la somme " d’un million
vingt-six mille quatre cent vingt et une livres dix sols. Sa Majesté lui donne
pour caution du paiement de cette somme, les bourgeois de Troyes... "
La ville est frappée en 1569 d’une taxe de 15.000
livres, à titre de don en faveur du roi.
En 1571 apparaît pour la première fois, la
Subvention générale, impôt levé sur la généralité des habitants, hormis le
clergé. La ville est taxée à 52.000 livres. La création de ce nouvel impôt
provoque des remontrances adressées au roi par les habitants de Troyes.
Henri, duc d’Anjou et frère de Charles IX, est élu
roi de Pologne en 1573. Un don gratuit de 5.000 livres est levé en sa faveur.
De plus, le roi contracte un emprunt de 36.000 livres au denier douze.
En 1574, le roi nous demande 20.000 livres, en 1575,
12.000, puis 5.000 et 10.000, en 1576, 30.000, en 1577, 37.100, qu’il s’engage
à rembourser dans un an. Suite à la paix, le roi, pour empêcher les gens de
guerre de vivre sur les gens des campagnes, demande, à titre de subvention,
7.066 écus au bailliage de Troyes en 1578.
En 1579, le roi nous demande de lui prêter 500.000
f. Le clergé offre de payer la solde de 4.000 hommes de pied et de mille
cavaliers pendant six mois. Le roi demande à la ville de Troyes, une nouvelle
subvention de 10.284 écus.
En 1585, on ne compte pas moins de 72 personnes à la
monnaie de Troyes. Pour entrer dans la corporation, il faut réaliser un
chef-d'oeuvre, tant au marteau qu'au balancier, et sous réserve d'une enquête
sur leur bonne vie et moeurs, la profession de foi catholique et romaine, et la
fréquentation des sacrements. Ils avaient des privilèges : exemption de toutes
tailles, octrois, gabelle, guets, garde des portes... Le roi fait lever sur
Troyes en 1586, une somme de 9.000 écus pour l’entretien, pendant quatre mois
de ses militaires.
En 1592, Troyes est à nouveau taxée de 9.200 écus,
puis de 12.000, pour payer des frais de guerre.
En 1636 le roi demande à la ville 600 livres pour le
régiment de Navarre.
Louis XIII vient en 1637 pour demander un emprunt de
20.000 puis 200.000 livres, " sur peine de désobéissance ".
En 1638 sur ordre du roi, la ville doit payer 40.000
livres, puis 60.000, et en 1640, 96.000.
Pour l’avènement de Louis XIV (5 ans) en 1643, la
ville de Troyes est frappée d’un don de 6.000 livres.
En 1645, pressé par le besoin, le roi demande qu’il
soit fait sur les aisés de Troyes, fixés au nombre de 120, une taxe de 100.000
livres, et en cas de refus ou de délai, le roi saura se faire obéir ! Les
dettes de la ville s’élevant à plus de 450.000 livres, le conseil décide d’un
droit de 30 sous par chariot et de 25 sous par charrette traversant la ville.
En 1660 a lieu le mariage de Louis XIV avec
l’infante Marie-Thérèse. A cette occasion, la ville est taxée à titre de don
gratuit, de 30.000 livres. Il est prélevé pour le roi, 30.000 livres sur les
droits des vins en 1663.
Un édit de Louis XIV, de 1679, ordonne la fermeture
de la Monnaie de Troyes, et sa réouverture en 1690.
En 1689 le roi demande un présent de 50.000 livres
pour subvenir aux frais de la guerre contre l’Angleterre.
En 1690, la Ville donne au roi 50.000 livres, en
remerciements pour lui avoir fait rétablir la monnaie qui avait été transférée
à Reims. De plus, la ville lui consent un abonnement de 13.000 livres par an,
sur les droits de vendange. Le roi impose un droit d’entrée de 8 livres par
muid d’eau-de-vie en 1692.
En 1694, le roi demande 60.000 livres, qui doivent
être prises sur les maisons, de sorte que les propriétaires doivent donner les
deux tiers du loyer d’une année, et le locataire, l’autre tiers.
Le roi a toujours besoin d’argent, mais en 1695,
l’impôt le plus extraordinaire qu’eut à payer la ville de Troyes, est celui
levé sur ceux qui ont la disposition des eaux de pluie, de sources, de
ruisseaux et de rivières non navigables. Cet impôt, exorbitant dans son
principe frappe la ville et les propriétaires. Troyes est taxée à 2.800 livres,
payées « par ceux qui contribuent à l’ustensile ».
En 1696, le diocèse est imposé à 45.000 livres.
Le roi est toujours à court de ressources, et en
1697, la ville est contrainte à faire enregistrer ses armoiries à la
chancellerie. Le droit est de 50 livres, plus les 2 sous par livre.
En 1699, le roi demande 70.000 livres pour une taxe
sur des lanternes qu’elle n’a pas et aussi pour les boues et fumiers. La ville
refuse de payer. Son évêque Bouthillier de Chavigny obtient du roi la décharge
de cet impôt, etc…etc…etc…
Encore aujourd'hui, l'unité de vente pour les métaux
précieux sur le marché de Londres, est l'once-troy, dérivée de la livre-troy,
employée aux Foires de Troyes.
Cette institution a été pendant des siècles, un
facteur de prospérité économique de la ville. Elle a été le reflet de la
grandeur de Troyes, capitale de la Champagne.
Le denier gênois ci-dessous représente l’exemple type
d’une monnaie d’échange figurant sur les tablettes d’un changeur champenois. C’est
une pièce d’un billion de qualité que l’on peut comparer à l’euro actuel à
cause de sa présence constante dans les grandes foires commerciales des XIIe et
XIIIe siècles. Dans ce grand commerce international, les monnaies d’échanges
les plus répandues circulent jusqu’en Italie du sud où l’on fait usage dans la
communauté des changeurs des deniers de Gênes de Pavie, de Lucque, de Melgueuil
(Montpellier), et même d’un denier champenois frappé à Provins, déjà usité dans
les Foires de Champagne et de Brie
*Les
foires de Champagne
A Troyes, le début des Foires, remonte à la plus haute antiquité, c’est-à-dire aux temps antérieurs à l’établissement des Francs dans les Gaules.
Les Foires de Champagne établies en la Ville de
Troyes, sont plus anciennes que la
fondation de la Monarchie. Il suffit de se reporter à la lettre de l’évêque
Sidoine Appolinaire à Saint Loup, évêque de Troyes, en 427, qui parle de celles qui se tiennent à
Troyes.
Le comte Thibaud II, en 1137, attire toute l’Europe
aux foires de Troyes, en instituant le conduit des foires : " ceux qui
attaqueraient les marchands allant aux foires ou en revenant, auraient affaire
au comte de Champagne ". De plus,
il construit des équipements, offre des halles, des bascules et des poids et
mesures étroitement surveillés. Le roi s’en mêle aussi, ce qui est pour
beaucoup dans le rayonnement international de ces foires. Philippe Auguste
accorde lui aussi un conduit royal aux marchands qui vont en Champagne : "
du moment où ils pénètrent dans le royaume jusqu’au moment où ils en sortent,
les voici sous la protection du roi de France. S’en prendre à un marchand
fréquentant les foires de Champagne frôle le crime de lèse-majesté " .
Il y a la Foire chaude de la Saint Jean et la Foire
froide de la Saint Remy.
Cet extraordinaire rassemblement de marchands aux
origines et aux intérêts divers font jouir ces grandes foires d’une
"immense ferveur " dans toute l’Europe commerçante. Il est difficile de se représenter cette
cohue de Flamands, d’Italiens, d‘Espagnols et de Provençaux qui venaient alors
en caravanes à Troyes pour y vendre et pour y acheter des marchandises qui
remplissaient des halles, dans lesquelles s'entassent les produits du monde, et
font de Troyes l'entrepôt de leur commerce jusqu'au XIVe siècle..." Le
commerce de Troyes était si considérable qu'elle devint une des principales et
des plus riches du royaume, ce qui fit dire ‘’Bourses de Troyes’’ et répandit
ce dicton dans toute l'Europe.
Un nombre
important de villes envoient à Troyes leurs draps et leurs étoffes, et le débit
devient si considérable que de nombreux étrangers s’établissent dans notre
ville, dont la population augmente au grand profit des comtes.
Il vient des marchands de Suisse, Savoie, Londres,
Pampelune, Lérida, Barcelone, Espagne, Portugal
... Il y a les Flamands, les Brabançons, les commerçants
s’approvisionnant aux ports de la Scandinavie, ceux des îles Britanniques, de
la Weser, de l’Elbe, de l’Oder, de la Vistule, de Prusse, de Russie. L’Asie et
l’Afrique y ont leurs représentants de Saint-Jean-d’Acre, de l’Île de Chypre,
de l’Égypte, du royaume de Tunis, de la Grèce…
D’Allemagne, viennent les pelleteries du Nord, les
fourrures précieuses, le vair, le gris, l’écureuil ; d’Espagne, le merveilleux
cuir cordouan… Les épices de toutes sortes recherchées en cuisine comme en
pharmacie (sel, poivre, safran, noix muguettes, muscade, gingembre, girofle,
anis, réglisse, girofle, cardamome, rhubarbe, cannelle, cubèbe, kermès…), ou
simplement les graines servant pour la teinture des draps fins (alun, pomme de
paradis, garance, aloès, azur, aspic, galinga, indigo, espode...), se vendent
dans la rue de l’Épicerie. On trouve également cire, blé, fèves, pois, choux,
aulx, citrons, amandes, encens, soieries, précieuses étoffes d’Orient...,
bœufs, chevaux, juments, ânes, pourceaux, poissons de mer salés, huiles, miel,
saindoux, suif, fromages de Brie et de Troyes, gaufres, vins français et
étrangers, métaux rares et précieux, pierres fines, fer, acier, planches,
charbon, vaisselle, matières textiles de toutes sortes, bourses, gants,
chapeaux, chausses, mercerie, tapis, miroirs, parchemins, futailles, cordages,
roues, charrettes, coutellerie, orfèvrerie, miroirs, coupes d’or et d’argent...
et surtout les draps...
Les échoppes des changeurs groupées autour de Saint
Jean, scintillent d'espèces d'or, d'argent, de monnaies de tous les pays. Les
troupes de bateleurs, de baladins, de musiciens, de ménétriers et de danseurs
n'y manquent pas.
Des fils prodigues achètent des chevaux arabes, des
faucons, des chiens de chasse, des lévriers de prix, des femmes enlevées aux
Sarrasins, " d‘autres font des emplettes qu‘ils dérobent aux yeux des
curieux et ne rougissent point d‘entretenir, par de riches présents, des
relations criminelles avec des courtisanes "...
Les prostituées paraissent aussi et dépouillent les
marchands imprudents. Les ménestrels viennent chanter aux foires la chanson de
Roland...
Ainsi, les itinéraires commerciaux font de Troyes le
pivot des échanges internationaux, pour plusieurs siècles. Le roi Charles IX
dit que " Troyes est l'entrepôt des parties les plus commerçantes de
l'Europe ". Mais, les guerres de religion, ligue, brigandage, interrompent
et ruinent les Foires de Troyes qui ont fait sa fortune.
La grande diversité des poids et mesures d’un pays à
l’autre exige un strict contrôle et l’adoption d’un étalon unique tels l'aulne
et le poids de Troyes, un poids dont le système anglais actuel conserve des
survivances.
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