La rue du Général Saussier à Troyes
Cette rue relie la rue de Turenne à la
rue Emile Zola selon une curieuse orientation Nord-Est/Sud-Ouest. Avant le XIIe
siècle, elle reliait le cœur de la ville au village de Croncels. Elle jouait un
rôle important car c’était un passage obligé pour les voyageurs qui
empruntaient l’axe Flandres-Italie notamment pendant les foires de Champagne
(route de Dijon).
Cette rue a porté successivement les
noms de rue Composte, puis rue du Temple et, depuis 1906, celui du général
Saussier
Mais
qui était le général Saussier ?
Félix Gustave Saussier, naît à Troyes, 59, rue Emile Zola (une plaque rappelle ce souvenir), le 16 janvier 1828. C'est le fils de Félix, Savinien, Magloire, fabriquant de draps et tissage de laine. Il fait ses études au lycée de Troyes et est d’ailleurs Président Fondateur de l’Association des Anciens Elèves du Lycée.
En 1848, il entre à l’Ecole Spéciale
Militaire.
En 1850, il fait campagne en Algérie
comme sous-lieutenant, et en 1854 part pour la Crimée comme lieutenant. En
1855, il est blessé devant Sébastopol par un coup de baïonnette à la tête, le
19 janvier, et au bras le lendemain. Il est cité à l’ordre de l’Armée d’Orient.
En 1855, il est fait chevalier de la
Légion d’Honneur. Il retourne en
Algérie en 1856 et y est blessé par coup de feu à la jambe droite.
En 1859, il repart pour la campagne
d’Italie, nommé capitaine à Magenta, il se distingue à Solferino. Il revient en
Algérie, capitaine, de 1859 à 1861, où il est emprisonné 2 mois, pour
indiscipline en présence de la troupe.
Il part pour le Mexique en 1863. Il est
chef de Bataillon et est cité deux fois à l’ordre du Corps Expéditionnaire du
Mexique.
En 1866, il est fait officier de la
Légion d’Honneur.
Lieutenant-Colonel en 1867, il
appartient au Corps Expéditionnaire de Rome et est cité pour Mentana et Monté
Rotondo.
Colonel en 1869, guerre contre
l'Allemagne : il repousse pendant trois heures les colonnes ennemies. A
Rezonville et St Privat, il est à nouveau remarqué et effectue à cette dernière
bataille une charge à la baïonnette (deux chevaux tués sous lui) qui arrête
temporairement l'ennemi et lui vaut une citation à l'ordre de l'Armée du
Rhin.
A la reddition de Metz, il refuse de
s'engager sur parole et est enfermé avec ses hommes à Mayence, puis en Silésie.
Il s'en évade en décembre 1870, par – 26 ° et 52 km à faire sur la neige gelée
et rejoint la France par la frontière Russe, la Pologne, l’Autriche et
l’Italie.
En 1872, il est fait commandeur de la
Légion d’Honneur
Il débute ensuite une carrière politique
dans les rangs républicains. Elu député de l’Aube en 1873, il prend part aux
débats sur la réorganisation de l'armée.
En 1875 la loi qui supprime
l'éligibilité des militaires le renvoie dans la troupe. Il est envoyé à
Marseille commandant la 58ème brigade (1876-1878)
Il est membre associé de la Société
Académique de l’Aube en 1877. Il est également élu Président de la Chambre de
Commerce de Troyes.
En 1878, il est Général de Division en
disponibilité.
L'arrivée du Président Jules Grévy et
des républicains à la tête de l'Etat va accélérer sa carrière, il se voit
confier des postes de confiance. Il est envoyé en Algérie comme commandant le
19ième CA, puis au Corps Expéditionnaire de Tunisie, où il prend Kairouan.
Il est fait Grand Officier de la Légion
d’Honneur en 1881 et reçoit la Médaille Militaire en 1882. Cette même année, il
est nommé Membre du Conseil Supérieur de la Guerre (vice-président de 1889 à
1897).
Nommé Gouverneur militaire de Paris en
1884, il contribue très activement à la protection de la République contre le
péril de l'affaire Boulanger, s'affirmant alors comme la personnalité la plus
influente de l'armée, ainsi que le relate le ministre Freycinet : "… je
provoquais ses avis, qui étaient toujours décisifs… et ceux là même qui
s'étaient le plus avancés revenaient sans faux amour propre se ranger à son
point de vue… ".
En 1891, il commande les célèbres
grandes manœuvres de Vendeuvre.
En 1897, il est à l’incendie du Bazar de
la Charité et s’en tire avec des brûlures aux pieds.
Dans le fameux " j’accuse "
d’Emile Zola, lors de l'affaire Dreyfus, il n’y a que le général Saussier qui
soit épargné !
Ses fredaines de vieux garçon alimentent
la chronique de l'époque. Il décède le
19 décembre 1905, et est inhumé au cimetière de Troyes.
Suite à un legs fait à la Ville, une rue
de Troyes porte son nom depuis le Conseil municipal du 26 janvier 1906.
Entièrement piétonnière depuis 1984, la
rue du général Saussier est un lieu de promenade qui permet, avec ses rues
adjacentes, de découvrir des lieux parmi les plus chargés d’histoire et les
plus séduisants de la ville. Avec ses nombreuses boutiques, et la présence de
l’Ecole des Beaux-Arts, le quartier mérite son nom de « quartier des
Arts » de Troyes.
L’Hôtel
de la Commanderie du Temple* au n°1 et 3
A gauche, une petite porte menait à une
ruelle qui n’existe plus, elle donnait accès à la maison de l’apothicaire
(aujourd’hui magasin de vêtements) où se déclara le grand incendie de 1524.
Dans cette portion de la rue et de
chaque côté, de belles maison du XVIe.
Au n°11-
l’Hôtel Louis Mauroy , abusivement
dénommé Duchâtel-Bertelin
Après le n°21, débute la rue du Pont-Royal qui s’est appelée aussi rue des trois Pucelles du nom d’un hôtel voisin.
D’après Corrard de Bréban, le nom de
Pont-Royal devrait se rattacher à certaines possessions des Comtes de Champagne
qui les transmirent ensuite au roi. Depuis la rue du Pont-Royal, on a une belle
vue sur les façades arrières des Hôtels de la Commanderie du Temple et
Duchâtel-Berthelin. Le bâtiment qui suit, sur le côté impair a abrité pendant
350 ans une imprimerie, maintenant déménagée à Saint-André. C’est à cet endroit
qu’on trouvait les Halles de Provins
pendant les foires de Champagne.
Entre les n° 29 et 33, commence la rue Geoffroy de Villardoin
Cette partie de la rue a des maisons
restaurées à pans de bois ce qui donne à cet endroit de la rue une atmosphère
typiquement XVIe siècle troyen.
n°33 Maison XVIe à ferme d’avant corps
n°35 L’encorbellement du 1er
étage est soutenu par six consoles à volutes
Entre le 37 et le 39, la rue Jean de Mauroy fut autrefois la Petite Masquerie, ce qui voulait dire « boucherie », la rue du Renard qui prêche, puis la rue du Cheval blanc (d’après les enseignes), Jean Mauroy était échevin à Troyes. Il fit construire au n°7 de la rue de la Trinité le magnifique Hôtel de Mauroy. Avant la démolition de l’îlot du Gros Raisin, la rue Jean de Mauroy donnait sur la cour du Gros Raisin où habitait au XVIIIe Nicolas Camusat*, d’une célèbre famille troyenne.
n°28 Le poteau cornier de droite sur la
rue de la Montée des Changes porte un Saint-Nicolas ancien. Le premier étage
est soutenu par des poutres aux extrémités sculptées.
n°44 à 50 quatre maisons à pignons du
XVIe
n°45 Hôtel à l’enseigne de la Pyramide
Cette enseigne, comme toutes les autres
servait de repère, les numéros de rue n’apparaissant qu’avec le plan Coluel en
1769.
C’est en 1611 que l’on mentionne pour la
première fois ce nom ; dans la longue succession des propriétaires de
cette maison, il faut relever le nom de la famille Le Bé. C’était au XVe et XVIe siècles, une famille de papetiers,
(leurs étendoirs se trouvaient dans la cour Le Bé qui a disparu et qui se
situait près de la rue du Pont-Royal)
Dans les premières années du XIXe, un
monsieur Ferrand profite de la présence du Grand-Ru (un bras de Seine parallèle
à la rue du Général Saussier) pour établir là une filature de coton avec roue à
aubes. Quelques années plus tard, sept zones imitant la « zone
Ferrand » sont établies sur le Grand-Ru, entrainant les protestations du
Moulin de la Tour installé sur le ru-Condé dont le Grand-Ru était le seul
affluent.
L’Hôtel de la Pyramide est une belle
maison XVIIe remarquablement restauré en 1999. Après le n°49, un passage mène à
l’îlot du Gros Raisin par le square Charles-Tanret entièrement planté d’arbres.
La vue sur cet ilot de verdure au débouché du passage est particulièrement
agréable, mais il faut rappeler que cet endroit, avant la rénovation du quartier
dans les années 1960-70, était construit et s’appelait la Cour Bouvin. On l’imagine
animée jadis par tout un peuple d’artisans : un vinaigrier, un épinglier,
un verrier…
L’ancienne Commanderie du Temple
et
Les Templiers
n°1 et 3 emplacement de l’ancienne
commanderie du Temple (il s’agit du Temple de Salomon à Jérusalem) qui a donné
son nom à la rue jusqu’en 1906, date à laquelle la rue reçut le nom du Général
Saussier.
Les Templiers
On ne saurait raconter même brièvement l’aventure des Templiers sans évoquer l’histoire des Croisades à laquelle elle est étroitement liée.
Le pape champenois Urbain II est en
France en 1095 pour tenir un concile à Clermont. Il appelle toute la chrétienté
aux armes pour délivrer les lieux Saints qui sont au pouvoir de l’Islam depuis
quatre cents ans. La première croisade se met en marche (il y en aura huit). En
1099, les Croisés, qui ont à leur tête Godefroy de bouillon, s’emparent de
Jérusalem c’est un évènement considérable. Un royaume franc est fondé en
Syrie-Palestine qui, avec des fortunes
diverses, durera presque deux siècles. En 118, le souverain de ce royaume
s’appelle Baudoin II. Les pèlerinages en Terre Sainte qui n’avaient jamais
totalement cessé s’amplifient. Le besoin se fait sentir d’une force permanente
de protection des pèlerins. Quelques chevaliers décident d’y consacrer leur
vie : le premier d’entre eux est Hugues,
originaire de Payns (village situé à quelques kilomètres de Troyes).
D’autres viendront se joindre à leur groupe, dont Hugues, Comte de Champagne.
En 1127, Hugues de Payns* est à Rome pour solliciter du pape Honorius II la
reconnaissance officielle de son groupe.
Il intéresse à sa cause Bernard de Clairvaux (devenu Saint Bernard) qui réunit
à ce sujet un concile en 1128, à Troyes. Bernard rédigera lui-même la règle de
l’Ordre.
L’Ordre
est à la fois religieux et militaire et comme tel strictement hiérarchisé
sous la direction d’un Maître et de Commandeurs.
L’activité militaire des Templiers en
Orient, qui sera considérable, s’appuie très vite sur une activité économique
en Occident. Les donations affluent : il faut gérer ces ressources.
Les commanderies se multiplient en
milieu rural ; ce sont souvent de simples fermes, mais il y en a aussi
dans les grandes villes (Paris et Londres ont leur quartier du Temple, appelé
encore ainsi aujourd’hui). Il y aura neuf mille commanderies en Occident dont
trois mille en France !
D’agriculteurs et d’administrateurs de
biens, les Templier vont se faire banquiers ; leur présence à la fois en
Orient et en Occident a facilité les transferts de fonds. La fortune de l’Ordre
devient alors considérable, ce qui ne manque pas d’exciter les jalousies…
Les Templiers à Troyes
Leur première possession semble être une
maison baptisée « la loge du Temple » à la Chapelle st Luc, don d’un
seigneur Raoul en 1143. A Cronciaulx (Croncels) Raoul de Pesant et Agnès sa
femme font don d’une maison rue de Composte (rue du Temple) en 1186.
A titre d’exemple de la richesse des
Templier au XIIIe siècle, la commanderie de Troyes possède à cette époque de
très nombreux immeubles en plus de maison principale ; ce sont la Tour de
Lucques (emplacement au n°8 de la rue Emile Zola actuelle) fréquentée pendant
les Foires de Champagne par les marchands de cette ville italienne, des
immeubles dans les quartiers de Chaillouet, de Preize, des Tauxelles, des
maisons à Torvilliers, Saint Parre, Thennelières, la seigneurie de Sancey, de
Menois, d'Errey, le fief de Verrières, le domaine de Rouilly-Saint-Loup, la
Maison de Cerres, la cinquantaine de maisons en ville.
Au-delà de cette énumération, il faut
souligner le rôle éminent que Troyes et sa région ont joué dans l’histoire des
Templier : lieu de naissance de son fondateur et de ses premiers
chevaliers, lieu de concile qui a donné à l’ordre sa règle, sans oublier le
rôle joué par Bernard de Clairvaux véritable père spirituel de l’Ordre.
Fondateur d’une Abbaye qui comptera plus
de 400 filles, conseiller des grands de l’époque et conciliateur remarquable,
Bernard de Clairvaux apparait comme le précurseur d’une idée européenne fondée
sur le rapprochement des hommes.
Lors du concile de Troyes en janvier 1128, Saint
Bernard rédigea la règle du Temple qui devait être complétée lors du concile de
Pise en 1134. La Commanderie régionale de Juge installée à Troyes était la Commanderie-sœur
de celle de Payns. Les Templiers reçurent en donation d'un seigneur nommé Raoul
le Gros, une maison qu'on appelait "La Grange" ("domum quam
Grangiam vocamus"), située devant Troyes ("ante Trecas"), avec
la terre de Preize ("terram de Praeria"), à partir du chemin de la
Rivière de Corps. La terre de Preize devint le fondement de la commanderie de
Troyes. Le domaine de Preize qui dépendait du Temple de Troyes, avait sa maison
située au bout de Preize, au finage de La Chapelle-Saint-Luc au nord-ouest de
Troyes, près du chemin des Vassauldes. Cette maison n'existait plus au XIVème
siècle mais la rue de Preize évoque encore cette possession templière. En 1186,
Raoul de Pesant, leur fit donation d'une maison sise au centre de Troyes, rue
Composte ("Trecis in vico Coopoto"), nommée depuis rue du Temple,
avec six arpents de pré à Lecheroles ("apud les Cherulas"), et un
arpent de vigne à la butte de Jupiter ("apud Monticulum sacratum
jovis"). La Maison de la Commanderie et sa petite église dédiée à saint
Jean-Baptiste étaient sises rue du Temple. Le jardin de la Commanderie allait
jusqu'au Jeu-de-Paume, dans la rue de la Corderie. On voyait encore dans la
cour, à la fin du XVIème siècle, les ruines d'un grand bâtiment en pierres de
taille. C'est ce qui restait de l'ancien hôtel du commandeur, qui avait été
brûlé en 1524. Les Templiers avaient à Troyes une cinquantaine de maisons qui
se trouvaient, d'après un terrier de 1598, dans les rues : "du
Temple", "de la Grande-Massecrerie", "de la Pye",
"de l'Espicerie", "de la Bourcerie", "de la
Grande-Tannerie", "de la Corderie", "de Notre-Dame",
"du Haulne", "des Buchettes" (actuelles rues Charbonnet et
Claude Huez), "du clos de la Magdeleine", de "la
Vieille-Pouillalerie" (actuelle rue Champeaux), "des Bains-aux-Femmes",
"près du Guey-aux-Chevaulx" … Plus rien ne demeure des Templiers de
Troyes, sinon au Pont-Saint-Hubert, sur une pierre d’église, l’humble devise
des orgueilleux chevaliers : Non nobis, domine, non nobis, sed nomini tuo da
gloriam (Non pour nous, Seigneur, non pour nous mais pour la gloire de ton
nom).
La fin des Templiers
Le vendredi 13 octobre 1307, tous les
Templier de France sont arrêtés dans les commanderies sur l’ordre du roi
Philippe le Bel dont l’épouse était Jeanne de Navarre, comtesse de Champagne.
C’est selon un historien « l’une des opérations policières les plus
extraordinaires de tous les temps ». Des procès sont organisés, on accuse
les moines d’une série de forfaits plus ou moins imaginaires : apostasie, outrages
à la personne du christ, idolâtrie, etc… A Troyes, l’instruction fut suivie par
Guillaume de Paris, Confesseur du roi et grand Inquisiteur de la Foi.
Comme beaucoup en France, et quelquefois
sous la torture, les chevaliers se reconnurent coupables et ils furent souvent
emprisonnés et souvent condamnés au bûcher. L’affaire va occuper sept and du
règne de Philippe le Bel sur fonds de conflits permanents avec la Papauté. Le
pape Clément V finit par supprimer l’Ordre (bien que hors de France, il n’y ait
eu aucune poursuite) et attribuer ses biens à l’Ordre des Hospitaliers de
Saint-Jean devenu l’Ordre des Chevaliers de Malte qui existe toujours.
Selon l’historienne Régine Pernoud, il
faut voir dans l’acharnement du roi la volonté de s’assujettir encore davantage
le pouvoir spirituel. D’autres historiens tels Jean Favier sont plus modérés et
n’innocente pas totalement les templiers.
Eternel débats de l’Histoire…
Aujourd’hui, L'Ordre représente en
France un peu plus de 3ooo Frères & Soeurs, mais l'Ordre est également
représenté dans de nombreux pays Europèen, ainsi qu'aux Etats-Unis d'Amérique,
au Canada et en Palestine ...
Les bâtiments actuels
Après la dissolution de l’Ordre, la
maison dévolue aux Hospitaliers de Saint jean garda son nom de commanderie du
Temple (comme la rue). Elle fut détruite lors de l’incendie de 1524.
On peut observer devant ce bâtiment, un
espace en retrait où dans une logette le juge rendait la justice.
Le commandeur
Noël Bruslard de Sillery fit construire l’hôtel actuel en 1639.
Il s’agit d’une belle construction de style Louis XIII en brique et pierre avec une toiture en tuiles vernissées de différentes couleurs. La toiture est rythmée par une alternance d’œils de bœuf et de lucarnes. La façade arrière reprend à peu près la même modénature que la façade principale. Il est dommage qu’un mur (moderne) coupe celle-ci en deux. Par contre, il existe très heureusement un projet de démolition d’un petit bâtiment annexe qui gâche la vue sur la façade arrière.
Une chapelle avait été construite ou reconstruite entre 1634 et 1642, elle fut démolie en 1792. Un cimetière s’étendait dans la cour (on s’est aperçu récemment que les bordures des pelouses s’enfonçaient profondément, en fait, c’étaient des pierres tombales…)
L’hôtel fut vendu comme bien national en
1792. Le Révérend Père Brisson (1827-1908) achète l’hôtel en 1881 pour en faire
un cercle catholique, le cercle Ozanam. Les Oblats furent expulsés en 1903.
C’est seulement en 1953 que le bâtiment put être racheté pour le cours
Saint-François de Sales.
L’Hôtel Louis Mauroy*
« Hotel Duchâtel-Berthelin »*
Le cours Saint François de Sales*
Louis Mauroy, seigneur de Villemoyenne (Aube), colonel de la milice bourgeoise et maire de Troyes de 1732 à 1736, acheta à cet endroit plusieurs corps de logis, les fit démolir et construisit à la place en 1736 une grande maison.
Après avoir été la propriété de la
famille de Mauroy, elle est acquise en 1805 par Jean Baptiste Duchâtel, époux
d’Elisabeth Berthelin, négociant en grains qui deviendra sous les régimes
successifs un personnage important, dont on peut penser qu’il n’avait pas de
conviction bien arrêtée : secrétaire du roi au Parlement de Provence,
membre du Conseil des Cinq-cents sous le Directoire, membre de l’Assemblé
législative pendant les Cent-jours.
En 1881, le Révérend Brisson, Oblat,
achète l’hôtel et y installe l’externat de Saint Bernard ou Petit Collège fondé en 1875.
En 1903, les congrégations se voient interdire toute forme d’enseignement, les oblats sont obligés de fermer l’établissement mais gardent la propriété de l’immeuble.
Une éphémère résidence impériale
Après la défaire française de Leipzig,
« la Bataille des Nations » (octobre 1813), l’invasion commence. A
partir du 1er janvier 1814, prussiens et autrichiens marchent vers
la Seine et se rejoignent dans notre département. Napoléon est défait à la
Rothière le 1er février ; l’empereur se replie sur Troyes, il
loge à l’hôtel Duchâtel du 3 au 5 février. Il se dirige alors avec son armée
vers Nogent-sur-Seine et bas les prussiens du général Von Blücher à
Champaubert.
Les coalisés occupent Troyes. Cependant,
Napoléon remporte une extraordinaire série de victoires et revient dans notre
ville en poursuivant l’ennemi. Il rejoint ses soldats le 23 février au faubourg
de Preize et jusqu’au 27 il séjourne à nouveau à Troyes où il est acclamé. Mais
il est défait à Arcis-sur-Aube et rejoint Troyes le 29 mars. Il apprendra très
vite la capitulation de Paris et abdiquera à Fontainebleau le 7 avril. Pendant le deuxième séjour de Napoléon, se
situe un épisode malheureux, l’exécution de Jacques Gouault que l’écrivain
troyen Louis Ulbach raconte dans son livre « la Cocarde
Blanche » : Jacques Gouault, ancien émigré se promène pendant la
présence des alliés avec une cocarde blanche, symbole de la monarchie des
Bourbons au retour de l’empereur, il est condamné à être fusillé. Il le sera
devant le chevet de Saint Pantaléon. Napoléon venait, mais trop tard, de lui
accorder sa grâce…
Un établissement d’enseignement bien connu des
troyens
En 1904, Mademoiselle Poix loue l’hôtel qui était resté la propriété des Oblats et y crée un établissement d’enseignement pour les jeunes filles, le Cours Fénelon. Elle en prend la direction de 1908 à 1935. Ce seront ensuite les sœurs Oblates : celles-ci réuniront au cours Fénelon le cours Sévigné qu’elles dirigeaient impasse Jean Simon.
L’établissement devient le cours
Sévigné-Fénelon
En 1939, le cours s’agrandit grâce aux
locaux de l’Alliance qui avaient abrité une école fondée par le Révérend Père
Brisson.
En 1940, le cours est occupé par les allemands, il doit se replier dans divers locaux dont le couvent du Bon Secours, rue du Cloître Saint Etienne.
De 1941 à 1944 l’Hôtel Duchâtel devient un centre d’accueil des prisonniers et le siège clandestin de l’armée secrète (commandant Montcalm).
En 1942, le cours prend son nom actuel de St François-de-Sales, et les religieuses peuvent reprendre leur habit.
L’Hôtel XVIII
Un portail Louis XV entre deux pavillons
de gardiens sert d’entrée. Une belle cour pavée mène au bâtiment principal dont
la façade est surmontée d’un fronton triangulaire. De chaque côté de ce
bâtiment, deux ailes de même style présentent au-dessus des fenêtres des
moulures en arcade. La façade arrière reprend la même modénature que la façade
sur la cour. De l’arrière du bâtiment principal on peut se rendre à l’hôtel de
la Commanderie du temple.
Le Père Brisson
Bienheureux Louis Brisson
Louis Brisson naît à Plancy le 23 juin 1817.
Il entre à quatorze ans au Petit Séminaire de Troyes, puis au Grand Séminaire. Ce jeune séminariste, au cœur ardent, à l’esprit inventif, est ordonné prêtre en 1840.
Professeur au Grand Séminaire, il est
aussi chargé du catéchisme et d'autres cours auprès des jeunes filles du
Pensionnat de la Visitation. Il est aumônier de la Visitation, durant 44 ans et
est fortement influencé par la supérieure, Mère Marie de Sales Chappuis.
La bonneterie emploie en 1846, 36.313
ouvriers, dont 21.402 femmes et enfants. Troyes est alors le principal centre
français de la bonneterie, et a le monopole des belles fabrications. Les
fillettes et adolescentes viennent de la campagne pour gagner quelques deniers,
et se trouvent exposées à tous les dangers, soit dans les galetas où elles
s’entassent pour ne pas être à la rue, soit à l’intérieur même de la fabrique.
La main d’œuvre féminine des usines est touchée par la dépravation morale
qu’engendre la misère.
En 1858, le père Brisson fonde pour les
jeunes ouvrières l’œuvre Saint-Jean, rue des Terrasses.
Très attentif aux besoins de la classe
ouvrière, il travaille avec les directeurs d’usine. S’il le faut, il
"construit ses propres ateliers, se procure ou fabrique ses machines,
forme ses ouvriers, organise ses comptoirs de vente et répartit les bénéfices
entre les ouvriers dans la plus grande coopérative encore jamais
risquée…". Exemple d’une belle audace, à son époque, qui le fait qualifier
d’" original entêté ".
Aux Tauxelles, l’Œuvre Saint-Rémy
bénéficie de l’aide des frères Hoppenot, entrepreneurs textiles adeptes du
catholicisme social. En 1869, à leur initiative, la construction d’un foyer,
comprenant dortoirs, réfectoire et buanderie, permet l’accueil des jeunes
ouvrières de leur filature voisine. Celles-ci peuvent habiter au foyer ou n’y
venir que pour la détente.
Pour en assurer le fonctionnement, le P. Brisson fonde d’abord la Congrégation des Sœurs Oblates de Saint François de Sales.
La première Supérieure, la Mère Léonie
Aviat (canonisée en 2001) est la co-fondatrice, le 18 avril 1866, de ces
Oblates de Saint François de Sales qui, à côté de leur Oeuvre pour jeunes
filles, au faubourg Croncels, prennent la direction de l’école ouverte par le
curé de Sainte-Savine. Les deux fondateurs rejoignent la pensée primitive de
Saint François de Sales : s’occuper des pauvres, des malades et de
l’instruction de la jeunesse.
En 1868, à la demande de Mgr Ravinet,
évêque de Troyes, l’abbé Brisson prend en charge l’école Saint-Étienne qui ne
compte plus que cinq élèves et croule sous les dettes.
En 1869, le chanoine Brisson crée le
collège Saint-Bernard. En 1871, il le transforme en collège secondaire
Saint-Bernard. L’établissement migre de la rue des Gayettes vers les Terrasses,
puis rue de la Mission dans une maison appelée " Ma Campagne ". Il ne
compte alors que 12 élèves et trois ou quatre prêtres séculiers, associés sous
le nom d’Oblats de Saint-François-de-Sales, chargés des cours. L’abbé Brisson enseigne
entre autres cours, la cosmographie. L’afflux d’élèves amène des
agrandissements. Vers 1875, le collège est dédoublé. Il donne naissance au
Petit-Collège, ou externat primaire Saint-Bernard, installé à Troyes, qui
compte 72 élèves en 1879. À Saint-André, le " Grand Saint-Bernard "
reçoit les internes : 220 en 1879.
Le 30 octobre 1868, Léonie Aviat reçoit
l’habit de la nouvelle congrégation, et prend le nom de Sœur Françoise de
Sales.
Le 18 octobre 1873, Louis Brisson fonde
les Oblats de Saint François de Sales.
Pour son fondateur le rôle de ces
prêtres est en premier lieu l’éducation de la jeunesse. " Il faut former
nos élèves suivant les principes de Saint François de Sales et en faire des
chrétiens fondés sur le détachement d’eux-mêmes " dit-il.
En 1893, ouverture rue des Terrasses des
" Cours Saint-François de Sales " pour les jeunes filles, afin de
répandre dans les différentes classes de la société l'esprit et la doctrine du
saint évêque de Genève.
Les lois de "séparation de
l’Etat" de 1904 imposent en France la fermeture de toutes les œuvres, la
dispersion des Oblats et Oblates dans toute l’Europe, entraîne la spoliation
des biens de leur congrégation. Ce fait permet la création de communautés en
Allemagne, Autriche, Suisse, Hollande et Italie.
Les sœurs oblates, sont par la suite
réimplantées en France où leurs œuvres sont nombreuses dans le secteur éducatif
et social, tout particulièrement dans le diocèse de Troyes. En 1904, les
Oblates sécularisées ouvrent pour la jeunesse féminine, un Cours Sévigné-Fénelon.
En 1906 le Collège Urbain IV succède à l’ancien St Bernard (102 élèves, puis
263 en 1955 et … en 2012). En 1941, le Cours Sévigné-Fénelon prend le nom de
Saint-François de Sales (70 élèves en 1911, 400 en 1955, … en 2012).
En 1948, quand prend fin l’exil de la
communauté, la Congrégation réintègre la rue des Terrasses pour y installer la
Maison-Mère comme à l’origine.
Une trentaine d’Oblats et une centaine
d’oblates se voient confier les territoires missionnaires sud-africains.
Actuellement, la Congrégation regroupe environ 800 religieux. Elle possède 8
provinces, 2 régions missionnaires. Elle a inauguré des fondations en Inde, au
Bénin et en Colombie.
Quelques anecdotes parmi d’autres :
- en 1892, alors qu’il parcourt un
pavillon attenant à un hangar de la Tuilerie de Saint Parres aux Tertres,
devenu propriété des Oblates, le sol cède sous ses pas, et le P. Brisson est
précipité dans une excavation qui formait jadis un des fours à briques de la
maison. Un moment, il craint de ne pouvoir ni se dégager seul, ni même appeler
au secours, car ce pavillon est isolé et loin, des chambres habitées. Il promet
d’élever une chapelle, s’il réussit à sortir. Alors, il tente un dernier
effort, et, à sa grande surprise, il parvient à se hisser jusqu’au sol ferme.
Il se hâte d’ériger un petit sanctuaire, sur le plan de Saint-Gilles et, de
l’ancien four il fait une sorte de crypte où se trouve, comme quatorzième
station de chemin de croix, une touchante effigie du Christ au tombeau gardé
par un ange.
- Un soir, alors qu’il se trouve au
Grand Séminaire, à 20 h, une mère de famille vient le supplier de lui trouver
60 fr. pour un quart de son loyer que le propriétaire exige dès le lendemain,
sous peine de saisie de son mobilier. Touché de cette détresse, l’abbé donne
tout ce qu’il a, 20 fr. Le lendemain, au monastère, lors de sa messe, il dit :
" Seigneur, s’il y a quelque chose de vrai dans ce que me dit notre Mère,
faites qu’au sortir de la Messe, elle me donne les 40 fr. dont j’ai besoin.
L’action de grâce terminée, l’aumônier se rend au parloir et, alors qu’il n’a
parlé à personne de la visite de la veille, il voit la Supérieure lui passer
par la grille 2 pièces de 20 fr. en disant : " Il faut toujours faire ce
que Dieu nous demande ! ".
Les progrès de la science
excitent la curiosité du Père Brisson. Il s’intéresse beaucoup à l’électricité
et imagine même une horloge astronomique. En 1852, lors d’un séjour à la
Chartreuse de Bosserville, il est frappé par le sens du blason de l’Ordre
cistercien : une croix dominant le globe terrestre. La croix reste fixe pendant
que la terre tourne. Il lui vient la pensée de traduire en mécanisme cette
révolution des mondes dont l’homme, doit contempler les merveilles. Il imagine
le plan d’un appareil qui reproduirait les principaux phénomènes sidéraux dans
leur complexité et leur accord prodigieux. Il fabrique un meuble vitré de 2 m
50 de haut sur 1 m 30 de large et 0,60 m de profondeur. On peut voir le
mécanisme. Il y a une sphère céleste, une sphère terrestre, et 35 cadrans qui
indiquent l’heure solaire et l’heure sidérale, les mouvements de Jupiter et les
éclipses de son premier satellite, les apparences de Vénus, l’heure concordante
des capitales du monde et des principales îles, l’heure des marées et leur
hauteur à Grandville, au Havre, à Brest, à l’Equateur, à Cherbourg, à Ostende,
à Bristol. La révolution du soleil, de la lune, de Mars, de Jupiter et de
Saturne, les phases, les nœuds et les éclipses de la lune, les indications du
calendrier ecclésiastique, la durée des jours et des nuits, selon les
différentes saisons de l’année en Laponie, à Saint-Pétersbourg, à Londres, à
Paris, à Troyes, à Rome, à Jérusalem, au Pérou, enfin beaucoup d’autres
renseignements relatifs à la lune, aux variations périodiques d’éclat de
l’étoile Algol, à Mercure… Le jour de la semaine, le saint du jour, l’aspect du
ciel et la rotation de la terre... Pour faciliter l’intelligence de tout ce
mécanisme, le P. Brisson indique un moyen de donner instantanément à
l’ensemble, un mouvement accéléré, qui fait passer en quelques instants une
période d’un jour, d’une semaine ou d’un mois à volonté, puis on remet
l’ensemble au point de départ, afin de sauvegarder l’exactitude des indications
de chaque cadran.
Le P. Brisson décline dignement, sans
fausse modestie, tout témoignage honorifique et refuse même des propositions
d’achat très avantageuses de la part du gouvernement. Parmi les savants qui
examinent l’horloge à cette époque, il y a le directeur de l’Observatoire de
Georgetown près de Washington.
A l’occasion du jubilé sacerdotal de Pie
X, en décembre 1907, les représentants de la Congrégation excusent le P.
Brisson Supérieur Général des Oblats de ne pas y participer, retenu par la
vieillesse. " Quel âge a-t-il ? demande le Pape " " Bientôt 91
ans, très Saint-Père " la figure du Pontife s’illumine d’un bon sourire :
" Ecrivez lui vite que je le bénis avec tous ses enfants, avec toutes ses
œuvres. Que la bénédiction du Pape le fasse arriver jusqu’à sa centième année
".
Le Père Brisson décède à Plancy le 2
février 1908, dans l’une de ses maisons de jeunes ouvrières.
Béatification du Révérend Père Louis Brisson
Le 22 septembre 2012, c’est plus de 3.000 personnes, avec des pèlerins venus d’Amérique Latine, d’Afrique, des Etats Unis et de toute l’Europe, qui accompagnent en la cathédrale saint Pierre et saint Paul de Troyes, le bienheureux Louis Brisson, en présence de Manuel Valls, ministre de l’Intérieur et des Cultes.
La célébration solennelle se déroule
sous la présidence du cardinal Angelo Amato, préfet de la Congrégation pour les
Causes des Saints, venu spécialement de Rome et représentant le pape Benoît
XVI. Il y a aussi Carlos Peraherra, le miraculé équatorien, qui est à l’origine
de la reconnaissance par l’Eglise de la béatification de Louis Brisson.
La rue Geoffroy de Villehardouin
Au XIVe siècle, la rue s’appelait rue de
la Massecerie ou de la Masquerie (du lat. maceria qui signifie boucherie), nom
donné à tout le quartier du Gros Raisin. Au siècle suivant, après le
déplacement de la boucherie dans le quartier de Jaillard près de la Cathédrale,
la rue prend le nom de rue de la Pie en raison d’une auberge qui s’y tient. La
vienne qui passait alors par-là servait à l’écoulement des immondices. Elle se termine
maintenant rue Jean Louis Delaporte depuis la rénovation du quartier.
En 1890, on lui donna le nom de Geoffroy
de Villehardouin. Geoffroy seigneur de Villehardouin, célèbre chroniqueur, naît
à 30 km de Troyes, vers 1150. Vassaux du comte de Champagne, les Villehardoin
ont suffisamment d’influence pour qu’en 1185, Geoffroy devienne maréchal,
fonction enviée. Il devient le conseiller de la comtesse Marie, fille de Louis
VII et d’Aliénor d’Aquitaine, veuve d’Henri 1er le Libéral.
La charge de maréchal impose à son
titulaire qu’il accompagne son suzerain dans ses déplacements, à plus forte
raison lorsqu’il s’agit d’une expédition lointaine en Terre sainte.
Thibault III, jeune homme de 18 ans, est
le puissant comte de Champagne au moment où le pape Innocent III, organise une
4ème croisade, pour reprendre Jérusalem aux musulmans.
Villehardouin, dans La conquête de
Constantinople, nous dit que le 28 novembre 1199, au tournoi d’Ecry-sur-Aisne,
le prêtre Foulques de Neuilly, mandaté par le pape, appelle les chevaliers à se
croiser. Mais les croisés abandonnèrent
le chemin de la Terre Sainte pour conquérir Constantinople qui, rappelons-le
était à l’époque la capitale de l’Empire Byzantin, donc chrétien. La IVème
croisade était ainsi détournée de son but puisqu’elle aboutit à fonder par la
force un empire latin, d’ailleurs éphémère, à la place de l’empire grec.
Evénement considérable voir dramatique puisque de la date la rupture définitive entre Constantinople et
Rome, entre orthodoxes et catholiques.
Geoffroy de Villehardouin doit être
salué comme le premier de nos chroniqueurs à avoir raconté en prose et en
français, dans son ouvrage « La conquête de Constantinople » ce qu’il a vu et
cela avec simplicité et précision ; c’était, disait Jean d’Ormesson, « le
premier de nos historiens, mais aussi l’ancêtre de nos journalistes et grands
reporters ».
Thibault III, Villehardouin, l’évêque de
Troyes Garnier de Traînel, prennent la croix.
Le pape est partisan d’un transport
maritime de l’armée jusqu’en Égypte d’où elle marchera vers la Palestine. Le
rôle du maréchal de Champagne commence à se préciser. Ayant l’entière confiance
de son suzerain, il est chargé de négocier à Venise le passage des croisés. Il
y part en février 1201, et se montre bon ambassadeur. Les Vénitiens acceptent
son marché, ils construiront des navires capables d’embarquer 4.500 chevaux,
autant de chevaliers, 9.000 écuyers et 20.000 hommes d’armes. Les vivres seront
assurés pour 9 mois. 50 galères vénitiennes escorteront le convoi.
Le coût total de l’opération est fixé à
85.000 marcs d’argent dont 25.000 payables immédiatement à titre d’arrhes.
De retour à Troyes, au début du mois de
mai 1201, Villehardouin trouve le comte Thibault malade. Il meurt le 24 mai.
Notre chroniqueur choisit son ami Boniface de Montferrat comme chef de la
croisade.
En mai 1202, les croisés partent pour
Venise. N’ayant pas suffisamment d’argent pour régler le solde du transport,
ils acceptent d’aider les Vénitiens à prendre la ville de Zara, en novembre,
après 5 jours de siège
Fin juin 1203, la flotte,
impressionnante armada de nefs, de galères, arrive en vue de Constantinople, la
plus riche cité de la chrétienté.
40.000 hommes assiègent la ville qui
tombe le 17 juillet. Mais l’empereur de Constantinople ne tient pas ses
engagements et les croisés font un nouveau siège de la ville du 9 au 13 avril
1204. La vieille cité est saccagée. Massacres (n’épargnant ni les femmes ni les
enfants), incendies, pillages font de Constantinople un enfer. Les statues sont
fondues pour récupérer le bronze, les pièces d’orfèvrerie écrasées à coup de
masse pour en récupérer les pierres précieuses, l’or et l’argent sont
transformés en monnaie. Villehardoin avoue lui-même: " Le gain fait fut si
grand que nul ne vous en saurait dire le compte, d’or et d’argent, de vaisselle
et de pierres précieuses, de satin et de drap de soie et de robes de vair et de
gris et d’hermine et de tous les biens précieux qui jamais furent trouvés sur
terre ".
On n’épargne ni les sanctuaires, ni les
églises et les religieux font main basse sur les précieux reliquaires
renfermant les fragments du bois de la vraie Croix ou le fer de la sainte Lance
pour les expédier en Occident (une partie peut être admirée dans le trésor de
notre cathédrale).
Le 16 mai 1204, Baudoin de Flandre est
couronné empereur, et les barons se taillent des fiefs en s’emparant des
possessions byzantines de Grèce.
Boniface de Montferrat devient roi de
Thessalie et confie le fief de Messinople, en Thrace occidentale, à son ami et
protégé Geoffroy de Villehardouin qui a été nommé maréchal de Romanie et prince
d’Achaïe, dès l’automne 1204.
C’est là qu’il compose sa Chronique de
la conquête de Constantinople, la 1ère écrite en prose. Cet ouvrage important
offre un mélange de naïveté et de grandeur qui procède de l’émotion d’une âme
forte à la vue des grands faits dont elle est le témoin.
Geoffroy se fixe à Kalamai où il édifie
un château franc en 1208. Le 1er août il participe à la bataille de
Philippopoli contre les troupes du roi bulgare Boril. Il harangue les croisés
avant le combat alors que des flottements se font sentir dans leurs rangs et
évite la catastrophe.
Geoffroy de Villehardouin décède à
Messinople en 1218.
Quoique éloigné Troyes, il ne l’oublia
jamais. Il dota l’abbaye de Foicy et celle de Notre-Dame-aux-Nonnains, où ses
sœurs et ses filles étaient religieuses.
La rue Geoffroy de Villehardouin communique
comme la rue Jeans de Mauroy avec le quartier du Gros Raisin. Le conseil
municipal décida en 1966 la rénovation de cet ilot d’une surface de trois
hectares, compris entre les rues Louis Ulbach et Général Saussier et le
Boulevard du 14 Juillet. La totalité des maisons fut détruite à l’exception
évidemment de celles qui bordent la rue Gal Saussier. Un bâtiment en forme de
tourelles fut transféré devant l’église st Jean. Le principe de l’opération fut
discuté, mais de nombreuses habitations étaient devenues insalubres et
dangereuses.
La rue comprend néanmoins encore
quelques maisons anciennes sur le côté droit. On peut voir trois bas de
consoles sculptés et distinguer un diable au-dessus d’une tête d’homme. Cette
rue a malheureusement reçu dans les années récentes un mobilier urbain d’une
esthétique discutable, en tout cas inadaptée.
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