lundi 11 novembre 2024

Autodafé de Troyes de 1288

 

Philippe le Bel et les juifs


Larousse : autodafé : " Jugement sur des matières de foi. Exécution du coupable à la suite de cette sentence ".

Il y a 736 ans, sous le règne de Philippe le Bel, l’autodafé de Troyes fait monter sur le bûcher le 24 avril 1288, 13 juifs troyens, victimes du fanatisme populaire, et du tribunal de l’Inquisition. C’est en récitant le " schema ", la profession de foi juive, qu’ils périssent dans les flammes.

Cet événement à la fois pathétique et tragique nous est rapporté par un manuscrit de la fin du XIIIe siècle, retrouvé dans la Bibliothèque du Vatican. Il comporte un poème connu sous le nom de « Complainte de Troyes », qui évoque la scène de façon si douloureuse, que ce document littéraire est sans doute le plus impressionnant de la littérature judéo-française du Moyen-Age.

C’est une apologie des Martyrs de Troyes, inspirée par le souvenir de leur mort tragique et exemplaire. C’est une époque des plus sombres où l’intolérance sévit avec une extrême violence. De cette guerre naît le tribunal de l’Inquisition, initialement destiné à traquer les hérétiques, utilisant la pratique de la torture, et n’hésitant pas à recourir au bûcher  à l’encontre de tous ceux qui refusent de se soumettre à l’Eglise, essentiellement les Juifs.

L’Inquisition recourt à des procédés de contrainte et de cruauté extrême, comme en use à Troyes, l’ordre des Cordeliers qui décide du sort des 13 Juifs troyens et en fait des martyrs.

Une dénonciation anonyme, des rumeurs publiques, de simples soupçons, peuvent conduire au pire. Telle est l’atmosphère qui règne au moment où prend corps l’accusation diabolique de « crime rituel », lancée contre les membres de la Communauté juive de Troyes en 1288.

Le fanatisme religieux, la haine, et l’envie semblent avoir été à l’origine de l’affaire.

Toujours est-il que le vendredi 26 mars, la maison du chef de la Communauté juive, Isaac Châtelain, riche propriétaire, est envahie par des Chrétiens, car accusé d’un crime supposé et ayant tramé un complot. Ils déposent subrepticement un cadavre dans sa maison. Celui-ci découvert, les chrétiens de la ville s’ameutent contre les Juifs, et l’accusation absurde se répand d’un  « crime rituel » : « Les Juifs n’avaient-ils pas besoin de sang humain pour célébrer leurs Pâques ? ».

Isaac Châtelain est arrêté avec sa femme, ses deux enfants et sa belle-fille. Sa maison est livrée au pillage. On s’empare ensuite des principaux notables juifs de la ville : 13 d’entre eux demeurent aux mains des Chrétiens. Comme ils sont accusés d’un crime religieux, on les livre au tribunal ecclésiastique et  l’Inquisition  (les Cordeliers) est chargée du procès.

Les 13 accusés sont condamnés au supplice du feu. Les Juifs offrent de se racheter à prix d’or. Le Saint Office refuse. On leur promet la vie sauve, à condition qu’ils veuillent abjurer. Ceux-ci préfèrent la mort à l’abjuration, et le samedi 24 avril, ils montent sur le bûcher.

Le nom, la physionomie morale, l’attitude et les propos mêmes de chacun d’eux, revivent avec une intensité pleine d’émotion dans les strophes de la « Complainte de Troyes » où l’auteur évoque les scènes successives qui précèdent le moment suprême.

C’est ainsi qu’apparaissent Isaac Châtelain, le président de la Communauté de Troyes, sa femme, ses deux fils, et sa bru qui « tant fut belle ». Ils vont à la mort, les mains liées derrière le dos, chantant des chants hébreux et s’encourageant mutuellement. La beauté de la jeune femme semble émouvoir le tribunal. On lui offre la vie sauve avec le baptême, on lui offre richesses et dignités : « Nous te donnerons un écuyer qui t’aimera beaucoup ». Elle refuse avec indignation et va rejoindre son mari dans les flammes.

Vient ensuite Samson, qui s’est dévoué pour sauver les autres et meurt en adressant des paroles d’encouragement à ses compagnons.

Salomon, le trésorier de la Communauté de Troyes, jeune homme si plein de bonté  qui souffre aussi héroïquement la mort pour l’amour de son Dieu.

Il est suivi par Simon de Chatillon, qui meurt en pleurant non sur lui-même, mais sur sa famille.

On voit alors apparaître Bonfils, d’Avirey, qui s’enhardit à outrager les bourreaux.

Puis, Isaac, le Rabbin, qui, requis par les Frères Prêcheurs de se tourner à leur croyance, déclare que prêtre de Dieu, il lui fait " l’offrande de son corps ".

Ensuite, c’est le tour de Haïm, l’illustre chirurgien, le " maître de Brinon " qui rend la vue aux aveugles et à qui le bailli lui-même promet la vie sauve s’il veut abjurer.

Enfin arrive son homonyme, Haïm de Chaource, on le fait mourir à petit feu " du milieu des flammes, il huchait Dieu, et menu et souvent ".

Que leur souvenir soit en bénédiction.


Après cette exécution, Philippe le Bel interdit de poursuivre tout Juif du Royaume de France sans informer au préalable le bailli (en 1306, le roi expulse de France tous les Juifs). Sa décision est inspirée par la volonté de porter un coup au Saint-Office et de préserver la prérogative royale.

Il inflige un blâme à son bailli pour s’être fait le serviteur de l’Inquisition et met la main sur les biens des Juifs, victimes de ce massacre, " bonne affaire " pour le trésor royal, car Philippe le Bel encaisse (et non l’Eglise) les 15.000 francs or, montant de la prise sur la fortune des 13 martyrs juifs.


Stèle funéraire à Paris, 1281


Les Juifs doivent attendre 1791 pour obtenir de l’Assemblée Constituante le droit de vivre sur un pied d’égalité avec les autres citoyens.

L’émancipation juive découle de la déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen : « les hommes naissent libres et égaux en droits ».


La Complainte des Martyrs de Troyes




Elle est mise à grand mal, la malheureuse gent ; Et ce n’est pas sa faute, si la rage la prend, car d’entre eux sont brûlés maints preux braves et gens, Qui n’ont pu pour leur vie donner rachat d’argent.

Notre joie est troublée, troublé notre déduit. Car ceux que la Torah occupait sans répit, Etudiant sans fin et de jour et de nuit, Ils ont reconnu Dieu ! Et tous ils sont détruits.

De la réforme gent, nous souffrons ces douleurs, A bon droit nous pouvons bien changer de couleur. Dieu ! prends-nous en pitié : entends nos cris, nos pleurs ! Car nous avons perdu maint homme de malheur.

En place est amené Rab Isaac Châtelain Qui pour Dieu laissa rentes et maisons tout à plein. Il se rend au Seigneur. Riche était de tous bien Bon auteur de Tosphot et bon auteur de plains.

Lorsque la noble femme vit brûler son mari, Le départ lui fit mal ; elle en jeta grand cri : "Je mourrai de la mort dont mourut mon ami." Elle était grosse ; aussi grand’peine elle souffrit.

Deux frères sont brûlés, un petit et un grand ; Le plus jeune s’effraie du feu qui lors s’éprend : "Haro ! je brûle entier !" et l’aîné lui apprend : "Au paradis tu vas aller ; j’en suis garant."

La bru qui fut si belle, on vient pour la prêcher : "Pour te tenir bien chère, nous t’offrons écuyer". Elle, aussitôt, contre eux commença à cracher : "Je ne laisserai Dieu, vous pouvez m’écorcher."

D’une voix tous ensemble, ils chantaient haut et clair, Comme des gens de fête qui dussent caracoler. Leurs mains étaient liées, ils ne pouvaient baller, Jamais on ne vit gens si vivement marcher.

Le félon, le maudit, les brûlait, irrité Les uns après les autres. Alors un kadosh : "fais, Fais grand feu, méchant homme", il osa l’outrager. Elle fut belle, la fin de Biendict d’Avirey.

Il y eut un noble homme qui se prit à pleurer : "Pour mes enfants, je pleure ici désespéré, Non pour moi." Il se fit brûler sans plus tarder ; Ce fut Simon, sopher , qui sut si bien orer.

 Les prêcheurs sont venus Isaac Cohen quérir : "Qu’il abjure, ou sinon il lui faudra périr." "Que me demandez-vous ? Pour Dieu je veux mourir. Prêtre, je veux l’offrande de mon corps lui offrir."

"Tu ne peux échapper, puisque nous te tenons, Deviens chrétien." Mais lui, aussitôt répond : "Non, Pour les chiens, je ne veux laisser Dieu, ni son Nom !" On l’appelait Haïm, le maître de Brinon.

Il y eut un kadosh qui fut conduit avant ; On lui fit petit feu qu’on allait avivant. De bon coeur, il invoque Dieu, menu et souvent, Souffrant doucement peine au nom du Dieu vivant.

Dieu vengeûr, Dieu jaloux ! Venge-nous des félons ; D’attendre ta vengeance, le jour nous semble long ! A te prier d’un coeur entier, là où nous restons et allons, Nous sommes prêts et disposés, réponds, Dieu, quand nous t’appelons.

Rachi: il y a 984 ans naissait le futur Maître de Troyes




vendredi 8 novembre 2024

Sainte Syre

 

Sainte Syre XVIe, église St Laurent de Prémierfait (Aube-10) 

Syre est représentée ici avec ses attributs : le bâton de pèlerinage dans la main droite et l'évangile ouvert dans l'autre. Elle porte une gibecière en bandoulière et chapeau à fond plat et au bord relevé par-dessus un voile. Sa robe à encolure circulaire est resserrée sous la poitrine par une ceinture qui forme un large repli. Un drapé est posé sur son épaule gauche et forme des plis épais le long de sa jambe droite, fléchie en arrière. Au bas de la statue, posée sur une terrasse hexagonale, nous pouvons voir ses chaussures à bouts pointus.

Le culte de sainte Syre est très lié à celui de saint Savinien de Troyes. C’est en effet elle qui découvrit le corps du saint martyr et remit en honneur son culte en lui construisant une chapelle. Un culte local existait déjà au début du XIVe siècle.

En effet, un village au nord de Troyes s’appelle depuis longtemps Rilly-Sainte-Syre, après s’être appelé Rilly-Saint-Savinien. Des Guerrois écrit : « Le lieu où saint Savinien est enterré s’appelle Rilly, éloigné de 4 lieues sur le bord du fleuve Seine, à l’entrée duquel village est l’église de sainte Syre, depuis laquelle en venant du côté de Troyes ce village fut appelé autrefois du nom de Saint-Savinien, auquel est l’église paroissiale qui porte le nom du même saint, mais maintenant le tout s’appelle communément Sainte-Syre, du nom de notre sainte, tellement qu’en ce lieu il y a 2 églises, l’une qui regarde vers le midi à l’entrée du village quand on vient de Troyes là, et c’est la paroisse qui se nomme Saint-Savinien, l’autre plus bas allant vers Méry, qui n’est pas aussi grosse que la précédente, à l’entrée de Rilly, et c’est l’église de Sainte-Syre, et en celle-ci, saint Savinien est enterré ».

Sainte Syre serait née vers 230 dans la ville d’Arcis-sur-Aube ou dans le voisinage. Elle fut mariée à l’âge de 18 ans, et peu de temps après son mariage, elle devint aveugle par un accident inconnu.

Vers 250, le christianisme fut annoncé dans Troyes et ses parents furent du nombre de ceux qui se soumirent à la foi de Jésus-Christ. Elle-même y fut instruite. Saint Savinien avait souffert le martyre auprès de Rilly en 275. Syre en eut connaissance et elle apprit que plusieurs miracles s’étaient opérés par l’intercession de ce saint. Le champ où il était inhumé était devenu fameux. Syre, pleine de confiance aux mérites du glorieux martyr, se sentit embrasée de zèle et du désir de chercher ses ossements et de glorifier son saint corps. Elle pria plusieurs personnes de sa famille de la mener à Rilly, mais personne ne voulut lui rendre ce service. Il ne se trouva qu’un jeune enfant de 6 à 12 ans qui se chargea de la conduire.

La tradition du pays assure qu’elle passa par le village des Grandes-Chapelles qui est sur la route qu’elle devait tenir en venant d’Arcis ou des environs. On dit qu’elle se reposa sur la hauteur d’où l’on descend à Tilly, et pour conserver la mémoire de cette station, on y avait planté une croix où tous les ans on porte la châsse de cette sainte en procession.

Elle pria avec beaucoup de ferveur le saint martyr de lui procurer l’usage de la vue. Arrivée au champ où elle savait trouver le trésor précieux qu’elle cherche, elle est exaucée et elle recouvre parfaitement la vue. Au bruit de ce miracle, on accourt à Rilly des villes, bourgs et villages voisins. Pénétrée de reconnaissance, elle fait découvrir le corps du saint et, sur ses exhortations, on construit une chapelle sur le lieu de sa sépulture, et on lui érige un tombeau.

Syre se consacra au service de Dieu et à la garde du tombeau, son plaisir fut d’entretenir et d’orner cette chapelle. Elle y passa le reste de ses jours, devint l’objet de la vénération la plus profonde, et les habitants des environs réclamèrent le secours de ses prières dans les calamités.

 Syre resta dans le village une dizaine d’années et mourut aux environs de 298, elle avait 78 ans. C’est depuis ce temps que le village qui portait le nom de saint Savinien, prit celui de sainte Syre qu’il porte encore aujourd’hui.

En 1200, Boson, seigneur du village, donna Rilly à la cathédrale. Peu après 1300, le doyen du chapitre de la cathédrale donna des revenus pour qu’on célèbre un culte officiel en l’honneur de la sainte, et, en 1326, Jean d’Aubigny faisait cadeau de l’un de ses bras aux Chartreux.

Les reliques de saint Savinien furent mises dans une châsse et transportées en l’église cathédrale de Troyes où elles sont aujourd’hui. Celles de sainte Syre furent mises dans une autre châsse d’airain.

En août 1461, devant toutes les autorités religieuses du diocèse, la châsse fut ouverte et trouvées les reliques de la sainte enveloppées d’un drap de soie. Une châsse neuve en cuivre fut inaugurée.

La chapelle de Sainte-Syre fut reconstruite vers 1518. En 1520, l’évêque Guillaume Parvi y vint en pèlerinage et offrit une tunique et une dalmatique de soie blanche.

L’année 1539 vit un miracle retentissant : Gaspard de Coligny y fut guéri de la maladie de la pierre pour laquelle on  invoquait habituellement sainte Syre, ainsi que pour des coliques néphrétiques.

Cette précieuse châsse fut remplacée par une autre en mai 1553 et en 1567, elle fut cachée en lieu sûr de peur qu’elle soit profanée par les Huguenots.

Chaque année, la fête de sainte Syre se déroulait du 8 au 29 juin : « il y a si grande affluence du peuple qu’on ne s’y peut presque tourner. Forces malades s’y acheminent, et ceux-là principalement qui sont affligés de la gravelle et de la pierre, qui journellement par grâce de Dieu et les mérites de sainte Syre sont délivrés ou allégés ».

Le 27 mars 1794, des énergumènes entreprirent  de jeter au feu châsse et reliques. Les habitants intervinrent rapidement et purent sauver du désastre une grande partie des restes de la sainte.

On les partagea entre diverses paroisses du diocèse de Troyes : Le Chêne, Jully-sur-Sarce, Saint-Martin-ès-Vignes et la cathédrale. La paroisse de Rilly conserve un morceau du chef et divers ossements authentifiés en 1816 et 1835.

Une partie du crâne avait été détachée au XVIe siècle et envoyée à Saint-Merry de Paris.

L’église de Montceaux-les-Vaudes est sous le vocable de sainte Syre. De nombreuses statues lui sont attribuées à Saint-Julien, Saint-Germain, Javernant, Premierfait, Rigny-le-Ferron, Saint-Jean-de-Bonneval, Saint-Phal, Verrières, Méry et Rilly-Sainte-Syre. Dans cette dernière église, ainsi que dans celle de Marolles-sous-Lignières il y a un tableau représentant la sainte. On  la voit aussi dans les vitraux de Saint-Nizier, de Montceaux-les-Vaudes, Rilly-sainte-Syre et Torvilliers.       


Sainte Syre XVIe, église st Pierre de Verrières (Aube-10) 

Sainte Syre XVIe "Expo le Beau XVIe" Troyes


Nous trouvons dans le village de  Rilly-Sainte-Syre (Aube-10) l’église paroissiale sous le vocable : Saint-Savinien et Sainte Syre

Historique

Avant la Révolution, les communautés, distinctes, de Rilly et de Sainte-Syre ressortissaient l'une du bailliage de Troyes, l'autre de celui de Sens. 

Dès le 9e siècle, Rilly appartenait à Montier-la-Celle (à St André) ; (aujourd'hui St André les Vergers))

C'est sans doute à Sainte-Syre que fut enterré, au 3e siècle, saint Savinien, premier apôtre du christianisme en pays de Troyes. 

Le corps de sainte Syre, d'abord dans un tombeau de pierre, puis dans une châsse, resta jusqu'à la Révolution l'objet d'un pèlerinage très fréquenté. 

Église romane que l'on voulut reconstruire au XVIe siècle d'est en ouest. L'abside, le transept doublé, la travée orientale de la nef furent seuls réalisés.

Période(s) principale(s) : XIIe siècle ;  Période(s) secondaire(s) : XVIe siècle

Description

Église à plan en croix latine ; nef à 3 vaisseaux à 4 travées ; transept double à collatéraux ; abside pentagonale ; tour-clocher






jeudi 7 novembre 2024

Église Saint Vorles de Châtillon-sur-Seine (21)

 



La collégiale Saint-Vorles fut édifiée dans l'enceinte du castrum sous l'épiscopat de Brun de Roucy, évêque de Langres de 980 à 1016. Elle est  isolée sur un promontoire, et domine l'agglomération depuis sa limite orientale.

Placée initialement sous le patronage de Saint-Martin, Notre-Dame, et Saint-Vorles dont les reliques furent transférées dans la collégiale en 868.

Voir :  Saint Vorles

Le clocher qui s'élève à la croisée du transept fut reconstruit au XIIe siècle.

La construction des chapelles qui flanquent le chœur date du XIVe et du XVe siècle : il s'agit, à gauche, de la chapelle Sainte-Thérèse et de la chapelle du Carmel, à droite de la chapelle du Rosaire.

Au cours du 1er quart du XVIIe siècle, d'importants travaux furent réalisés : reconstruction de la partie supérieure du clocher du massif antérieur (ce clocher devait désormais servir de tour de guet) , remaniement de la partie droite du massif antérieur, construction des voûtes de la nef (date 1619 sur la clef de voûte de la 1ère travée) , exhaussement des murs des bas-côtés, agrandissement vers l'ouest de la chapelle Saint-Bernard, construction de la chapelle Sainte-Croix à droite des 2 dernières travées du bas-côté droit (date 1610 au-dessus de la porte d'entrée, à l'extérieur) , remaniement du porche, reconstruction des contreforts, agrandissement des fenêtres du choeur, construction d'une chapelle contre le mur postérieur de la chapelle du Rosaire (cette nouvelle chapelle fera fonction, plus tard, de sacristie).

En 1854, furent entrepris la construction d'une sacristie postérieure, adossée à l'abside, et le remaniement de la chapelle Saint-Bernard (construction d'un faux cul-de-four et de l'escalier actuel). A la même époque on édifia deux tourelles d'escalier de part et d'autre du porche.

De 1927 à 1934, eut lieu une campagne de restauration qui concerna notamment la couverture alors refaite en pierre plate.

De 1959 à 1974, l'ancienne collégiale fut entièrement restaurée : à cette occasion on détruisit la sacristie construite en 1854 ainsi que le faux cul-de-four de la chapelle Saint-Bernard et les tourelles d'escalier du porche ; à ces travaux s'ajoutèrent la réfection de l'enduit intérieur, la réouverture de certaines fenêtres, et la réfection, en bardeau, de la couverture du clocher du massif antérieur.

Enfin dans les années 1990, puis de nouveau dans les années 2000 quelques restaurations sont faites. On n'y célèbre plus aujourd'hui de cérémonie régulière. Elle est toutefois rouverte pour des baptêmes et mariages. Plusieurs manifestations, agrémentées de fêtes à la mode médiévale, ont eu lieu à l'occasion du millénaire de saint Vorles.

Des marques de tâcheron sont gravées sur l'empattement du massif antérieur, des bas-côtés et de la chapelle Sainte-Croix, ainsi que sur les contreforts et les murs latéraux du porche. L'église n'est plus paroissiale depuis 1807.



La nef romane très haute et ses deux bas-côtés comportent trois travées débouchant sur un double transept également de trois travées, le transept nord étant en partie dévolu à la descente à la crypte. L'ensemble se termine sur un chœur profond avec abside entouré de deux petites chapelles, la chapelle Sainte Thérèse et la chapelle du Carmel, qui datent du XIVe siècle et du XVe siècle.

Le clocher qui se situe à la croisée du transept a été reconstruit au XIIe siècle alors que sur la même colline fut également construit le château des ducs de Bourgogne, un cimetière existe au moins depuis le XIXe siècle au milieu de ses ruines. L'église comporte une remarquable mise au tombeau et dans sa crypte un oratoire daté du IVe siècle.





La crypte abrite la chapelle Saint-Bernard aménagée au début du XVIIe siècle. Elle comporte une statue de la Vierge à l’Enfant que les premiers fidèles venaient vénérer en tant que Notre-Dame la Grande ou la Grande Dame. Celle-ci fut rebaptisée Notre-Dame de Toutes Grâces pour les faveurs accordées et en hommage à saint Bernard de Clairvaux qui y aurait vécu le miracle de la lactation.



Bannière de procession de Saint Vorles

Reliquaire de Saint Vorles XVIIe



Reliquaires du Trésor de Saint Vorles

Baldaquin d'Autel XVIIIe (bois doré)


Ensemble de 2 tableaux : translation des reliques de saint Vorles de Marcenay à l'église Saint-Vorles de Châtillon-sur-Seine. XVIe

Panneau gauche : QUAND. SAINCT. VORLE. FUT. TRANSLATE. / DE MERCENNAY. EN. CESTE. VILLE. / YSAAC. LE. FIT. MAGNIFESTER. / AVANT. LES. ANS. COMPLETZ. DE. MILLE. ; sur le village : MERCENNAY ; 

panneau droit : CE. BON. YSAAC. VOULT. S'EMPLOYER. / D'UNE. ARDEUR. DE. DEVOTION. / JUSQUE. EN. CE. LIEU. LE. CONVOYER. / POUR. Y. FAIR. SA. MENSION. ; 

au revers, noms des Evangélistes sur phylactères ; au-dessus de saint Jean, sous l'image de la Vierge : DEVS ; dans les écoinçons des arcades écu armorié, dont les émaux sont peu sûrs à cause des repeints : écartelé, aux 1 et 4, de sinople (?), au chef de..., chargé de trois merlettes de... (qui est de Gand), aux 2 et 3, d'azur, à la fasce d'or, au chef d'azur chargé de trois quintefeuilles d'or, à la champagne de..., chargée d'un cor de chasse de... (qui est de Courcelles.)

La scène de la translation est antérieure à 1599, date du démantèlement du château de Châtillon-sur-Seine, qui y est représenté ; les 4 Evangélistes au revers ont été ajoutés postérieurement, au début du 17e siècle, époque de la pose des écus armoriés, non identifiées précisément.


Panneau de gauche :  saint Matthieu, saint Luc


Panneau de droite : Saint Marc, saint Jean


Dalle funéraire de Philibert de Frettes et d'Antoine Joly 

Inscription en bordure : CY GIST HONORABLE H/OME ME ANTHOINE JOLY EN SON VIVANT P/RCOCVREVR ET NOTAIRE ROYAL AV BAILLIE DE LA MONTAIGNE QVI TRESPASSA/LE QVATORZIESME AVRIL 1697/PRIEZ DIEV POVR LVY ; lettres et chiffres modifiés

1577 ; 1697

A l'origine, la dalle funéraire fût exécutée pour Philibert de Frettes, notaire au bailliage de la Montagne (dont le siège était à Châtillon), mort en 1577 ; puis elle fût réutilisée, par substitution, visible, des chiffres 6 à 5 et 9 à 7, en gardant le portrait en pied, pour Antoine Joly, également procureur et notaire au bailliage de la Montagne, mort en 1697

 Emplacement 2ème chapelle Nord : Ste Thérèse


Mise au tombeau ; portraits (homme : en donateur, femme : en donateur)  XVIe 

Restauré pour la 2e exposition d'art Sacre en bourgogne, Dijon, 1958, puis déplacé de la 1ère chapelle sud au bras nord du transept, en 1991, non sans dégâts ; manques et parties abîmées ; traces de polychromie, les chairs ayant été badigeonnées en noir et beige entre 1832 et 1958.

Ensemble commandé, vers 1527, par Edme Régnier de Romprey, lieutenant général au bailliage de la montagne et Jeanne de la ferté, sa femme, pour la chapelle du couvent des cordeliers de Châtillon ; il y resta jusqu'en décembre 1594, date de la destruction du couvent, et fût transporté successivement (1) en ville dans l'hôtel de Montmoyen, (2) dans la nouvelle église Saint-Jean-Baptiste des cordeliers (dite des Mirebeaux, près la porte dijonnaise), (3) en 1600 à l'hôtel de Montmoyen, (4) vers 1608, retour à l'église de l'ancien couvent réaménagé (chapelle du sépulcre) , (5) acheté, avec le couvent, par Jean-Baptiste Garnier de Cernay le 12 mars 1791, (6) il fût déposé, lors de la destruction des restes du couvent, par Simonet de Coulmiers, héritier de Garnier, en la chapelle Notre-Dame de Lorette à Saint-Vorles en 1832, puis du sépulcre ; œuvre d'un atelier burgondo-champenois (cf Marie Madeleine de l'église de Mussy-sur-Seine), influencée par l'art Italien (bas-relief).

Fresque XVIe

Buste reliqiaire de Saint Vorles XVIIe

Peinture monumentale XIIe (?) XIIIe


Cul de Lampe XIIe



image d'archives, l'intérieur de St Vorles - Hôpital de guerre






Saint Vorles

Vie de saint Vorles




Vorles naquit au VIe siècle probablement dans le Châtillonnais. 

Le pays faisait partie de la Burgonderie, possession de Gontran, petit-fils de Clovis. Du point de vue religieux, le Châtillonnais et ses environs virent se développer assez rapidement le christianisme : Florentin qui fut décapité au IIIème siècle dans le Duesnois, Jean de Réôme fondateur du monachisme en Bourgogne, Seine qui s'établit dans la forêt de Cestre, puis Valentin et Vorles au VIe siècle.

Dès la fin du Ve siècle un premier réseau paroissial s'établit, relais de l'église-mère du diocèse de Langres, dans les zones rurales. C'est ainsi que Vorles, issu selon la tradition d'une noble et illustre famille, pratiquant vertu et chasteté, charité et justice, méprisant les honneurs, fut simple prêtre de la paroisse de Marcenay. Sa renommée se répandit au loin, et le roi Gontran, ayant entendu vanter les mérites de Vorles, se rendit près du prêtre lors d'un voyage et voulut entendre la messe. C'est là que se produisit le miracle décrit ci-dessous

Selon la tradition, Vorles mourut le 16 juin 591. Son corps fut mis dans un sarcophage placé sous le chœur de l'église de Marcenay, dans une crypte dans laquelle sourd périodiquement une source.

Peu de temps après 591, le roi Gontran fit don à l'abbaye Notre-Dame de salle à Bourges du domaine qui prit le nom de " Terre de saint Vorles ", et qui comprenait les deux villages de Marcenay et de Bissey la Pierre.

À partir du IXe siècle, il fallut faire face aux incursions des normands. Partout on mettait à l'abri les reliques des saints. En 868, Isaac, évêque de Langres, décida de transférer de Marcenay les reliques de saint Vorles pour les mettre à l'abri dans la chapelle castrale de Châtillon.

Cette translation répondait à plusieurs objectifs : outre la mise à l'abri des invasions, cela devait permettre à l'évêque de mieux contrôler le culte du saint, en prévenir les déviances, tout en l'imposant officiellement. Ainsi reconnu, le saint pouvait prendre place parmi les saints renommés du diocèse.

C'est à un autre évêque, Brun de Roucy que revint la charge de donner aux reliques de saint Vorles, une église digne d'elles : l'église Saint-Vorles de Châtillon-sur-Seine (21).

église saint Vorles de Châtillon-sur-Seine (21)

Devenues protectrices à la fois de Marcenay et de Châtillon, les reliques opérèrent de nouveaux miracles. On les invoquait, surtout dans cinq cas. Cinq tableaux exposés dans l'église Saint-Vorles de Châtillon-sur-Seine résumaient les domaines où le saint pouvait protéger la communauté, être l'intercesseur entre Dieu et les hommes. Ils sont intitulés : "guerre, famine, peste, infirmité, prières"

Saint Vorles pouvait guérir les cas de folie, ainsi que les paralytiques ou les gens perclus de rhumatismes. Il pouvait aussi arrêter la peste ou le choléra, et selon les circonstances, afin d'éviter la famine, faire pleuvoir ou faire cesser la pluie. Pour bénéficier de ses bienfaits, des processions furent organisées jusqu'en 1793 à Châtillon ou entre Châtillon et Marcenay essentiellement, plus rarement à Plaines, renouvelant à chaque fois la communion du châtillonnais avec le saint en assurant la cohésion sociale.

Les reliques pouvaient avoir aussi assez de puissance pour arrêter la guerre ou le brigandage ; c'est ainsi que lors du concile d'Airy, les reliques de saint Vorles, alliées à celles d'autres saints venus là pour la circonstance furent sollicitées pour rétablir la paix dans le pays.

Mais rien ne pouvait se faire sans la foi et les prières. Ce n'est qu'à cette condition que la protection de saint Vorles pouvait agir, par exemple pour sauver un soldat en 1741 en Bohême, qui sur le point d'être pendu et invoquant saint Vorles, fut sauvé par deux gentilshommes châtillonnais étonnés d'entendre prononcer ce nom. On pouvait aussi compter sur saint Vorles pour protéger les habitations. Au début XIXème, la statue du saint, à laquelle chaque année on attachait un bouquet de fleurs bénies lors de la fête Dieu, retint seule la poutre centrale d'une maison.

En 1940, un châtillonnais fit le vœu que, si sa maison n'était pas détruite, il ferait tous les ans, à pied, le pèlerinage de Châtillon à Marcenay, le jour de la saint Vorles. Le vœu s'étant réalisé, il fit le pèlerinage chaque année avec sa femme ; celle-ci ayant des difficultés, les années passant, à marcher, il continua le pèlerinage en la poussant dans un fauteuil roulant.

Au XIXème siècle, la " dent de saint Vorles " conservée dans l'église, aidait les jeunes enfants dont les dents poussaient. Aujourd'hui encore, à Marcenay, une statue de saint Vorles est conservée chaque année dans une famille abritant de jeunes enfants, le tirage au sort ayant lieu lors de la messe du 16 juin.

Une (mauvaise) légende, enfin, est attribuée à saint Vorles : si la commune de Marcenay ne possède aucune forêt alors que les communes limitrophes en ont, c'est parce que le saint les a jouées aux dés avec saint Valentin et a perdu.


La légende de saint Vorles


Le roi Gontran arriva un jour de fête à Marcenay où le saint faisait l'office de pasteur…

Il prit à dessein la matinée pour donner à sa dévotion le contentement d'assister à la messe de saint Vorles avec toute sa cour. Le saint commença ce divin mystère dans un tempérament d'humilité et de majesté…

Il avait déjà lu le saint évangile et s'approchait du temps de la consécration, quand il devint immobile comme une statue de marbre et privé de l'usage de tous ses sens, de même que si son âme eut fait divorce avec son corps et qu'elle s'en fut envolée dans le ciel.

Il demeura une heure entière en cette extase entre l'admiration et le désir du roi et de ses gens…

Le voilà donc qui retourne, lui qui n'était pas sorti de là, et qui achève la messe avec autant de présence d'esprit que si rien ne lui fut arrivé. La messe achevée, le roi ne lui donna pas le loisir de faire un peu d'actions de grâces : à peine a-t-il mis bas ses habits sacerdotaux qu'il lui demande ce qu'il a fait une heure durant pendant qu'il était immobile à l'autel.

Était-ce une extase? Était-ce une faiblesse de cœur ?

Bref, il le presse si fort que le saint homme, qui n'avait pas appris à mentir ni à dissimuler, lui dit tout franc

« Sire, j'étais allé secourir un pauvre innocent que le feu eût dévoré, si je ne fusse accouru ; maintenant, grâce à Dieu, l'incendie est éteint et l'enfant en assurance.

- Quel enfant dit le roi, quel feu, quel incendie, en quel lieu ?

- Les habitants de Plaines répondit saint-Vorles (c'est le bourg distant de Marcenay de trois lieues), étaient allés ouïr la messe à Mussy, quand le diable, par un juste mais secret jugement de Dieu, a mis le feu dans une maison du village où personne n'était demeuré qu'un petit enfant, dans son berceau, qui eût été la victime innocente de cet incendie, si Dieu ne m'eût fait voir en esprit le danger où était cette petite créature. Au même temps, je m'y suis transporté*, j'ai délivré l'enfant et conservé le village. Voilà, Sire, ce qui a fait la messe plus longue qu'elle n'eut été sans cela. »

Chacun s'étonna au récit de cette merveille ; quelques gaillards qui font gloire d'être incrédules disent avec un branlement de tête : croyez le porteur. Le roi, qui n'entend pas raillerie, dépêche sur-le-champ des personnes affidées pour voir et s'informer sur les lieux de la vérité du fait.

Les envoyés trouvent des poutres encore toutes fumantes dans la maison, le petit enfant sain et vivant, le père et la mère, qui étaient retournés de Mussy, joyeux du salut de leur fils et des restes de leur maison conservée, qui cherchaient partout saint Vorles pour le remercier, parce que quelques villageois les assuraient qu'ils avaient vu le saint entrer courageusement dans la flamme et la fumée, tirer l'enfant hors du danger, arrêter soudainement l'activité du feu par sa présence.

 

Texte du R.P. Legrand (1651) d'après Aganon, chanoine de l'abbaye Notre-Dame de Châtillon (vers 1040)

 

* Ce phénomème s'appelle: Bilocation ou décorporation






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