Abbaye
de Basse-fontaine
En 1143 fut fondée
l’abbaye de Basse-Fontaine, située près des bois de Brienne, auprès d’une belle
fontaine qui lui donna ce nom.
Cette abbaye du diocèse de Troyes, de l’Ordre des prémontrés, est une abbaye fille dépendant de l’abbaye mère de Beaulieu et de l’abbé de Beaulieu le Père Abbé. Les Prémontrés, ordre de chanoines réguliers, ont été fondés en 1120 par saint Norbert et soumis à la règle de saint Augustin.
Gauthier II, comte de Brienne qui faisait la chasse dans ses bois, excité par la piété, invita ces prémontrés « à prendre quelque canton en pleine forêt » et leur donna le nom de Basse-Fontaine pour les avoir près de soi, car il les trouvait trop éloignés à Beaulieu. Ce fut pourquoi il fit bâtir dans leur église une chapelle sous l’invocation de Sainte Catherine, où il venait faire ses dévotions et entendre la messe avant que d’aller à la chasse ».
Ce fut ainsi que
Basse-Fontaine fut bâti par la munificence des Comtes de Brienne aimant
beaucoup la sincérité des religieux prémontrés qui paraissait par leurs habits
blancs.
Gonthier II fit
beaucoup de bien à cette maison : il donne à l’église de Basse-Fontaine la
décime de ses rentes de Brienne, le dixième muid de vin, la décime de toute
provision de sa maison, excepté de l’avoine achetée pour ses chevaux, la décime
des revenus de sa maison de Piney et de ses bois, tant en argent qu’en autre
provision, la décime de ses labourages. De plus, il leur donne une terre et
rive de la rivière d’Aube, depuis le ruisseau Pontau jusqu’au ruisseau appelé
Profet des Bois, et la possibilité de bâtir un moulin sur l’Aube « pour s’en
servir ».
Ancher, saint homme, et
vertueux fut le premier abbé, qui fut aimé non seulement de ce Comte et de ses
Enfants pour sa bonne vie, mais encore de l’évêque Hatton qui lui donna des
titres de confirmation en 1146. Le pape Eugène III l’approuva en 1158, Airard
l’augmenta en 1185.
Dans cette église
repose : Une dent de saint Laurent, deux grands os du bras, un de saint Blaise
et un de saint Eloy, et surtout le doigt
index de saint Jean-Baptiste « duquel il montra Notre Seigneur Jésus-Christ
disant Ecce agnus dei ».
Le 24 novembre 1428,
Jean III Léguisé, évêque de Troyes fit une charte, ayant appris que l’église de
Basse-Fontaine de l’Ordre de Prémontré, bâtie en l’honneur de la Vierge Marie
est enrichie d’une précieuse relique : il désira que la dite église soit
fréquentée « avec honneur, être parée et visitée, à tous vrais pénitents
confessés qui visiteront la dite église aux fêtes de Notre-Dame de la Conception,
Annonciation, Nativité, Purification et Assomption et encore en la Vigile et
lendemain jour de saint Jean-Baptiste pour y prier Dieu et y feront quelques
aumônes, nous leur octroierons 40 jours d’indulgence et rémission de leur
pénitence ».
La sécularisation fut
effective en 1773, et en 1790, ce prieuré fut vendu comme bien national.
Le cloître était en
forme de quadrilatère, ne comportant que 3 côtés, le quatrième côté en fermant
le cloître du Nord.
Sur le penchant du bois
du Deffaut, à environ 3 kms au sud-ouest de Brienne-le-Château, proche de la
fontaine qui va se jeter tout près dans l’Aube, se trouvent quelques ruines qui
ont été restaurées en 1864 : une galerie du Cloître du Sud comprenant 11
petites arcades romanes. Les chapiteaux de ces colonnes présentent une
décoration riche et variée, une arcade gothique construite sur la fontaine dont
la source s’écoule dans un petit étang qui se déverse dans l’Aube toute proche.
Des vestiges se
trouvent à l’église de Brienne-la-Vieille : statue reliquaire du doigt de saint
Jean-Baptiste, bronze doré et peint représentant le saint debout, présentant la
relique. Le portail roman de l’abbaye a été rapporté à la porte principale de
l’église de Brienne-la-Vieille.
A l’Hôpital-Hospice de
Brienne-le-Château : le clocher et la cloche de l’ancienne abbaye de
Basse-Fontaine.
A l’église du
Petit-Mesnil : ensemble du retable et de l’autel.
A l’église Saint-Quentin
de Mathaux, du XVII° siècle, 2 tableaux : Le christ au pressoir et un calvaire.
A l’église de
Précy-Notre-Dame : le titre de l’abbaye y a été transféré.
Brienne-la-Vieille fut
détruite à 80 % par l’incendie provoqué par les Cosaques en 1814. Dans la reconstruction
de certaines maisons, on utilisa les pierres des anciens bâtiments de l’abbaye.
Pour l’Hôpital de la Charité, construit en 1779-1780, par la munificence du
Cardinal Etienne-Charles de Loménie, archevêque de Toulouse et membre de
l’Académie française, construction de style Louis XVI, on utilisa le clocher et
la cloche de l’église de Basse-Fontaine. Cet ensemble est maintenant, une
maison de retraite. Des débris de construction ont été retrouvés en démolissant
d’anciennes maisons du village de Mathaux, datant de la reconstruction de 1815
: cheminée en pierre avec des sculptures du XVII° siècle, serrures de porte
charretière à 2 clefs, diverses clefs de serrure, pierres taillées, taques de
cheminée.
Abbaye
de Boulancourt
Plusieurs monastères se
sont installés dans la vallée de la Voire, affluent de l’Aube, couverte jadis
de forêts, répartis sur une longueur d’environ 11 kilomètres : Montier-en-der,
Puellemontier, La Chapelle-aux-Planches, Boulancourt, où cette dernière constitue la moitié des terres de la commune
de Vallentigny.
L’abbaye de Boulancourt
appartient alors au diocèse de Troyes, et a compté jadis, jusqu’à 150 moines. Des
4 abbayes, filles de Clairvaux, que comptait notre diocèse à la mort de saint
Bernard, l’abbaye de Boulancourt, est primitivement une simple « celle » de
chanoines réguliers de Saint-Augustin, fondée en 1093 par l’évêque de Troyes
Philippe de Pons, érigée en abbaye en 1141 et cédée en 1150 à saint Bernard par
l’évêque de Troyes Henry de Carinthie qui voulut y avoir sa sépulture, dépend
ensuite du diocèse de Langres.
Parallèlement à
l’abbaye des hommes, existait à Boulancourt un monastère de chanoinesses de
Saint-Augustin, qu’on appelait le Lieu-des-Dames de Boulancourt. A la demande
des moines, l’évêque de Troyes, Henry de Carinthie charge en 1152, saint
Bernard de rétablir la discipline à Boulancourt. Ce dernier impose la règle de
Clairvaux qui est acceptée par les religieux.
Les religieuses sont
plus résistantes, et ce n’est pas sans triompher de bien des difficultés
qu’Emeline et sainte Asceline, la sœur et la nièce de saint Bernard,
rétablissent l’ordre dans le monastère féminin, quand saint Bernard substitue
aux religieuses augustines des cisterciennes.
Rue du Chant des
Oiseaux à Troyes (rue Hennequin), existe au XII° siècle, une maison qui sert de refuge ou de retraite
aux religieux de Boulancourt.
L’église, construite en craie, date du XIII°
siècle, c’est un beau monument à 5 nefs. Le tombeau de sainte Asceline est son
autel
Au XIVe siècle, l’abbé
de Clairvaux statue que le nombre de 160 religieux ne sera pas dépassé à
Boulancourt. A cette époque, les religieux de Boulancourt sont imposés pour la
fortification du quartier Saint-Jacques à Troyes, et participent à l’Aumône
générale pour les Hospices de Troyes. Les vastes bâtiments de cette époque
prospère sont endommagés pendant la guerre de 100 ans, durant laquelle l’abbaye
reste inhabitée 22 ans, puis par les guerres de religion.
Il faut réparer et même
reconstruire.
En 1552,l’abbaye
n’abrite plus que 12 religieux, et, à partir de 1601, 8, nombre tombé à 5 en
1789. Chaque religieux dispose de 3 pièces
La période
révolutionnaire voit la fermeture de l’abbaye, le départ des 5 derniers
religieux, puis la disparition de l’abbaye.
Au début du XIX°
siècle, tout a été progressivement démoli, et tout vestige a disparu.
En 1789, Messire Jean
Antoine de Sastellane, évêque, abbé commandataire de l’abbaye royale de
Boulancourt, loue pour 9 ans à Sieur Jean Estienne Bourgeois demeurant à
Brienne, la maison abbatiale dudit Boulancourt et diverses terres.
En 1790, il est procédé à l’inventaire de
l’abbaye, bien national.
En 1791, le citoyen
Oudot, marchand à Wassy, achète l’abbaye, ses jardins et ses dépendances, à
l’exception de l’abbatiale. Le véritable acquéreur de l’abbaye est en réalité
Pierre François Oudot, qui fut curé de Wassy pendant plus d’1/2 siècle.
Dans l’église de Wassy
était conservé en 1849 un reliquaire contenant des parcelles du corps de sainte
Asceline, trouvées en 1797, dans le tombeau de la bienheureuse, et conservées
par l’abbé Oudot.
En 1800, les bâtiments
claustraux deviennent la propriété du chevalier de Moncey, l’un des frères du
maréchal de ce nom. Le fils du colonel de Moncey, héritier du domaine, décède à
Paris en 1846. Il avait commencé des travaux de réparation, et, après lui, on
fit tout disparaître.
Il ne faut pas oublier
que la construction, au XVI° siècle, du chœur et du transept de l’église de
Valentigny est due, en grande partie, à l’Abbaye de Boulancourt qui a offert au
XVII° siècle, le maître-autel et son retable.
L’église de Vallentigny
possède le panneau de bois sculpté placé derrière le siège de l’abbé de
l’abbaye. Un autre panneau, qui était derrière le siège du prieur, est dans
l’église de Maizières-les-Brienne.
L’Abbaye de
Boulancourt, propriétaire pendant des siècles d’une partie du territoire de
Vallentigny, a joué le rôle de seigneur pour cette portion de la commune.
Abbaye de Clairvaux
A 13 kms de
Bar-sur-Aube, quelques terres incultes enveloppées d’un grand calme. La combe a
pour nom le Val d’Absinthe, et a mauvaise renommée : ancien repaire de
brigands… C’est là que le 25 juin 1115, un jeune père abbé, le futur Bernard de
Clairvaux, désire fonder un foyer de prières, avec quelques moines venus de
Citeaux. Au bout de quelques mois, Bernard change le nom en " claire
vallée " – clair vau –
Le terrain réservé à
l'implantation de l'abbaye est choisi avec précaution dans une clairière isolée
: il faut de l'eau et du bois. Ce terrain offert par Jobert de la Ferté, cousin
de Bernard, comprend ces éléments essentiels à l'organisation d'une abbaye
cistercienne. En effet, les cisterciens se doivent de respecter la règle de
Saint Benoît qui stipule la vie en autarcie et le respect du vœu de stabilité
(enfermement).
En 1135, le comte
Thibaud II, extrêmement lié à saint Bernard, agrandit le terrain de la donation
primitive. Il fait de nombreuses donations pour l’abbaye, et aime cette maison,
au point de songer à y terminer ses jours sous l’habit cistercien.
Les possessions (domaines, granges, celliers) atteignent de 1121 à 1250 le chiffre imposant de dix sept cent soixante et onze, la plupart dans les départements de l’Aube, de la Haute-Marne et de la Côte d’Or.
L’abbaye souffre
beaucoup de la guerre de cent ans et des guerres de religion.
Les moines prennent des
mesures de défense au XIV° s. en fortifiant à grands frais le mur d’enceinte
grâce à des contreforts de nombreuses tours rondes percées de meurtrières et
accompagnées d’échauguettes. Le Haut Clairvaux est alors isolé par un
pont-levis.
On peut dire qu’il y a
3 périodes des bâtiments de Clairvaux : 1115-1135, 1135-1708, abbaye médiévale,
1708-1792, abbaye classique.
Le premier monastère,
Clairvaux I, est constitué d'une petite chapelle carrée, avec un collatéral sur
le pourtour et surmontée d'une toiture à clocheton. Elle est reliée à un petit
bâtiment affecté au dortoir des moines et à leur réfectoire. Bientôt à l'étroit
à l'intérieur de cet édifice provisoire, les moines entreprennent la
construction d'une nouvelle abbaye. Saint Bernard confie à son prieur, Geoffroy
de la Roche-Vanneau, la direction des travaux de Clairvaux II.
Grâce au soutien du
comte Thibaud II, le nouveau monastère est achevé en une dizaine d'années
(1135-1145). La structure de l'abbaye correspond à un plan type que l'on
retrouve dans presque toutes les abbayes cisterciennes et qui est qualifié de
" plan bernardin ". L'abbatiale, érigée dans le style roman, sert de
modèle à de nombreux monastères de France ainsi qu'au Portugal et en
Angleterre. Illustrant à la perfection la simplicité architecturale voulue par
saint Bernard, l'église se compose d'une nef de dix travées interrompue par un
transept ouvrant sur un chœur plat. De cette seconde abbaye, il ne reste plus
qu'un seul bâtiment, celui des convers composé d'un cellier au rez-de-chaussée
et d'un dortoir à l'étage.
Entre 1708 et 1790,
sont effectuées des transformations sur les écuries, la porcherie et
l’hôtellerie. Les moines du XVIII° s. démolissent pour édifier une troisième
abbaye de goût classique. La cour d’honneur ainsi que le grand et le petit
cloître existent toujours.
Après 1740, on détruit
l’essentiel de Clairvaux, sauf l’abbatiale et le bâtiment des convers, pour
reconstruire un château classique, avec une façade de 130 mètres, se
développant autour d’un grand cloître de 50 mètres de côté, comprenant 20.000
mètres carrés de planchers répartis en larges appartements et disposant en
particulier d’une salle à manger grandiose. Il y a également de nombreux
bâtiments de service, lavoir, grange, hangar… C’est aussi la reconstruction du
Petit Cloître affecté à l’infirmerie. Couvert à la Mansart il est constitué sur
trois côtés de deux galeries superposées, les galeries sud étant entièrement
vitrées pour permettre au soleil de pénétrer au centre du bâtiment.
A la mort de saint
Bernard, le 20 août 1153, l’abbaye possède un domaine considérable : 1.832
hectares de bois et 355 hectares de terres cultivables. Au XVII° s., les
propriétés foncières de Clairvaux représentent 12.000 hectares et les terres
agricoles plus de 4.000 hectares. Clairvaux regroupe 800 moines et convers, sa
puissance économique est considérable, plus de 300 monastères dépendent d’elle.
Le célèbre abbé en a fait pendant un quart de siècle la capitale du monde
occidental, arbitrant entre les rois et les seigneurs, fabriquant les évêques
et les papes, régnant sur les dogmes et les politiques. Haut-lieu de l’histoire
religieuse, Clairvaux restera une abbaye puissante jusqu’à la Révolution. 1789,
elle devient bien national, mis à la disposition de la Nation. Elle est mise en
vente en 1792, des industriels achètent le site pour y installer leurs ateliers
de verrerie, et font banqueroute. En 1808, Napoléon modifie le régime pénal
français et institue la peine de privation de liberté. Il rachète Clairvaux
pour en faire la plus grande prison française du XIX° s. La grande salle à
manger est transformée en chapelle, pouvant contenir 1.500 détenus debout. Le
grand cloître abrite les dortoirs. Dès 1819, on compte 1.456 détenus. En 1834,
le gouvernement ordonne des travaux pour que Clairvaux puisse accueillir 80
prisonniers politiques. En 1858, il y a 1650 hommes, 489 femmes et 555 enfants
avec 67 gardiens, 16 sœurs, 1 directeur, 2 inspecteurs, 3 aumôniers, 2
médecins, du personnel administratif et 220 soldats. En 1871, plusieurs centaines
de communards sont emprisonnés. On y trouve aussi Claude Gueux, Louise Michel,
Blanqui, le prince Pierre Kropotkine nihiliste russe… en 1942, Pierre Daix et
de nombreux résistants parisiens, dont Guy Môquet. 21 détenus communistes y
sont fusillés. A la Libération, ce sont des miliciens, plusieurs ministres de
Vichy, les amiraux responsables du sabordage de Toulon, Charles Maurras, des
responsables algériens du FLN, 3 des 4 généraux putschistes d’Alger et quelques
officiers, des condamnés pour des actions terroristes… Claude Buffet et Roger
Bontems…
Du recrutement de
Clairvaux, quelques noms suffisent à donner une idée pour la période du XII° au
XIII° s. : Geogg roi de la Roche-Vanneau, devenu évêque de Langres en 1139,
Alain, premier abbé de Larivour en 11401, Bernard Paganelli, le futur pape
Eugène III (1145-53), Henri, frère du roi Louis VII , évêque de Beauvais et
ensuite archevêque de Reims (1162-75), Gefrroi de Melun, évêque de Sora
(Sardaigne), Henri cardinal-évêque d’Albano, légat de France, Eskilus, de la famille
royale de Danemark, archevêque de Lund (Suède), Jean-aux-Blanches-Mains,
archevêque de Lyon (1181-93), Garnier de Rochefort évêque de Langres, Conrad
d’Urach, des ducs de Thuringe, cardinal-évêque de Porto en 1119, qui refuse la
tiare après la mort d’Honorius III (1227), Raoul de la Eoche-Aymon, devenu
évêque de Lyon…
D’autres, ont tenu à
l’honneur de reposer à Clairvaux après leur mort : Philippe d’Alsace, comte de
Flandre (+ 1191), Geoffroi III de Joinville, bisaïeul du chroniqueur (+ 1188),
Erard II de Chacenay (+ 1236), de grandes dames : Agnès de Beaujeu (+ 1231) et
Marguerite de Bourbon (+ 1258), deuxième et troisième femmes du comte Thibaud
IV, le cœur d’Isabelle de France, fille de saint Louis, veuve du comte Thibaud
V (+ 1271), saint Malachie, archevêque d’Armagh en Irlande, (+ 1148), Guillaume
de Champeaux, évêque de Châlons (1113-22), Robert de Torote évêque de Langres
(1232-40), puis de Liège…
Clairvaux devient,
grâce aux admirables travaux de restauration, un haut lieu du tourisme religieux.
Aujourd’hui, de très hauts murs interminables, en rangées successives,
interdisent toute vue sur ce qui subsiste des splendeurs d’autrefois. Le
ministère de la Justice a libéré les bâtiments historiques qui recèlent des
trésors d’architecture. Ils sont en cours de restauration, sous le contrôle du
ministère de la Culture. L’association " Renaissance de l’Abbaye de
Clairvaux " publie des études sur ce haut lieu et organise des visites
publiques, grâce à Jean-François Leroux, interlocuteur privilégié sur place
depuis plus de trente ans.
Abbaye de Larrivour
L’abbaye de Larrivour
était située entre Géraudot et Courteranges, au bord de la Forêt d’Orient.
Hatton, évêque de Troyes, est heureux de trouver en Bernard de Clairvaux, son contemporain, un appui efficace à l’occasion des mesures disciplinaires qu’il prend vis à vis de son clergé. La fondation du monastère de Larrivour (du latin Arripatorium) resserre encore les liens d’amitié unissant de longue date l’évêque de Troyes et l’abbé de Clairvaux.
L’abbaye est fondée en
1139, à l’initiative de saint Bernard et sous la protection du Comte de
Champagne Thibaud II, avec les sires de Chappes et Hilduin de Vendeuvre.
Guillaume I de Villehardoin, maréchal de Champagne, et ses descendants,
seigneurs de Lézinnes, comblent Larrivour de bienfaits.
Ces générosités sont si
nombreuses et si répétées, qu’en témoignage de reconnaissance, l’abbaye prend pour armoiries celles de Villehardoin.
Plusieurs donateurs ont été inhumés dans le chapitre et même dans l’église de
Larrivour.
Le site choisi pour
cette fondation monastique convient admirablement aux cisterciens : des terres
à défricher, une campagne humide proche de la forêt, de l’eau, donc des étangs,
des prés.
Larrivour va devenir
rapidement une belle abbaye. L’ampleur des constructions, de grandes propriétés
foncières, témoignent que la population monastique est assez élevée aux XII° et
XIII° siècles.
Les tuileries de
Larrivour étaient connues « fort loin ».
Elles n’étaient pas uniques dans l’ordre de Citeaux, car depuis le XIII°
siècle, les cisterciens étaient maîtres dans l’art des vernis plombifères et
l’emploi des terres de couleurs pour la création de carreaux émaillés,
historiés, aux mille combinaisons ornementales.
Le Chapitre Général, en
1190, intervient et charge les abbés cisterciens dont celui de Morres, de
régler un différend entre Larrivour et les chanoines de Troyes. De nombreux
conflits suivent pendant toute l’histoire de cette abbaye.
Au cours des siècles,
l’abbaye connaît une grande prospérité, et, malgré sa ruine au cours de la
guerre de Cent ans, elle retrouve bientôt ses richesses.
L’ensemble des
bâtiments de l’abbaye était entouré par un mur d’enceinte encore partiellement
debout, qui enfermait un terrain de plus de 6 hectares.
A Troyes, l’abbaye
possédait des dépendances dans la rue de Molesme, en face du Prieuré
Saint-Quentin.
Signalons en passant,
que c’est d’abord à Larrivour que Nicolas de Montiéramey, futur secrétaire de
saint Bernard, ami intime de Pierre le Vénérable et de Pierre de Celle, vient
frapper après sa fuite de son abbaye bénédictine et avant son admission à
Clairvaux.
Vendue et dispersée en
biens nationaux, il ne reste de l’abbaye, en dehors d’une partie de son mur
d’enceinte, que le moulin magnifiquement bien restauré (qui a été un magasin
d’antiquité), et la bergerie.
Dans l’ouvrage du
Chanoine Petit « Vieilles rues, vieilles pierres », publié en 1986, on apprend
que l’orgue de l’abbaye de Larivour avait été acheté le 5 juin 1792, pour leur
église Notre-Dame de Saint-Dizier. Il fut perfectionné en 1862.
Il reste 5 traces dans l'art, d'un retable sculpté
par Jacques Juliot dont ne subsiste que la prédelle en albâtre avec des traces
de polychromie et de dorure.
Quatre fragments de ce retable sont actuellement
exposés au musée de Vauluisant à Troyes.. Trois furent retrouvés dans une fosse
à purin et le quatrième en l'église Saint-Nicolas de Troyes.
Un cinquième fragment représentant la dormition de
la Vierge est conservé au Metropolitan Museum of Art30 de New York.
Abbaye de Molesme
En 1104 la seigneurie de Rumilly-les-Vaudes, a
la charge de nourrir 2 pauvres de l’abbaye.
En 1119, le comte
Thibault donne la foire de la Saint-Nicolas.
C’est dans l’abbaye de
Molesme qu’Erard de Brienne et sa femme, renoncent à leurs droits sur le Comté
de Champagne et de Brie.
Au XVI° siècle, les
constructions des châteaux, déjà bien modifiées par suite de l’adoucissement
des mœurs, conservaient encore un aspect guerrier, moitié civil, qui était
comme une transition entre l’ancienne manière et la nouvelle.
Le manoir des abbés de
Molesme à Rumilly-les-Vaudes est un curieux modèle de ce genre.
Le bâtiment, isolé de
toutes parts, forme un rectangle allongé flanqué à chacun de ses angles d’une
tour ronde percée de meurtrières dans le bas et de fenêtres dans sa partie
supérieure, et surmontée d’un toit conique à girouettes découpées. Une
cinquième tour à 6 pans, plus élevée que les autres, engagée dans la face est
du château, renferme un large escalier destiné à desservir l’étage supérieur du
bâtiment. Ces tours, fort saillantes, communiquent extérieurement au premier
étage par une galerie en bois répétée sur les deux grandes faces du bâtiment.
La galerie de l’orient, qui est du côté de l’entrée, est soutenue par une
colonnade richement sculptée. L’ornementation s’étend aux poutres et aux
culs-de-lampes qui les soutiennent. Des animaux fantastiques, des feuillages et
d’autres figures sont répandus ça et là. Au rez-de-chaussée sont 2 salles qui
n’ont rien de remarquable aujourd’hui, à part 2 vastes cheminées placées aux 2
extrémités du bâtiment. Diverses sculptures en décorent le manteau. Sur celle
du sud sont plusieurs bustes et des écussons armoriés. On y distingue encore
celui de France, sur celle du nord est une décoration architecturale et 2
médaillons où l’on voit les portraits de François 1er et de la duchesse de
Valentinois. L’étage supérieur est
disposé en 2 salles à peu près comme celui d’en bas. On y accède par 2 portes
ouvertes sur l’escalier de la tour hexagone, une troisième porte, plus petite,
est ouverte près des premières, et donne entrée sur un petit escalier en vis de
Saint-Gilles, par lequel on arrive à un observatoire qui forme l’étage
supérieur de la tour hexagone au-dessus du noyau du grand escalier.
La chapelle, partie
indispensable d’un château, était établie au premier étage de la tour, qui est
à l’angle sud-est. Une croix qui la surmonte l’indique encore, ainsi que les 3
fenêtres ogivales qui y ont été ouvertes. Les moulures des portes et des
fenêtres de cet édifice sont ordinairement d’un goût très simple, mais pur. La
fenêtre du côté de l’est fait exception et est décorée de sculptures
recherchées ainsi qu’une porte qui est au pied de la tour de l’escalier, et qui
servait à l’entrée du maître lorsqu’il voulait arriver à ses appartements
supérieurs sans déranger ses gens. Le couronnement de ce même escalier, au
sommet du bâtiment, est aussi fort curieux. Le noyau se termine par une colonne
octogone qui soutient la voûte. Les retombées de la voûte s’appuient sur des
demi-culs-de-lampe ornés de figures de vieillards coiffés de bonnets de
docteurs, tenant à la main des rouleaux déployés. Sur 2 de ces demi-culs-de-lampe
on remarque des anges qui tiennent des écussons. La colonne a son chapiteau
chargé de figures d’enfants qui correspondent
aux angles du tailloir. L’un dompte un lion, l’autre a la partie
inférieure du corps terminée en queue de dauphin, et le troisième joue avec une
tête de mort, symbole qu’on rencontre fréquemment dans les œuvres de la
Renaissance.
Le jeune troyen saint Robert fut le fondateur
de la célèbre abbaye de Molesme, aux confins de l’Aube et de la Côte-d’or et
de Citeaux en 1098.
Abbaye
de Montier-la-Celle
Cette abbaye est une
des plus illustres de France. Elle a toujours été reconnue pour " l’une
des plus importantes abbayes de Champagne, de France, d’Europe ".
Elle est fondée vers
650, par saint Frobert.
Saint Frobert bâtit une église dédiée à Saint-Pierre. Au début, ce n’est, autour de cet oratoire, qu’un modeste groupement de cellules, d’où son nom de Celle. Le monastère prend alors le nom de Saint Pierre de Celle (en raison du titulaire de l’église, le Prince des Apôtres).
A la mort de Clovis II,
saint Frobert obtient une charte de confirmation de sa veuve, et de son fils et
successeur Clotaire III roi de Neustrie.
La prospérité
matérielle de cette abbaye est très importante, en raison des donations de
rois, de seigneurs, de particuliers (en 733, un particulier lui donne tout ce
qu’il possède, dont des vignes dans une dizaine de villages), qui font d’elle
une des plus influentes et des plus riches maisons religieuses de France.
En 750, quand l’un des
moines, saint Bobin devient évêque de Troyes, le monastère prend son nom: Celta
Bobini.
En 859, Charles le
Chauve, lors de son séjour à Troyes, confirme les possessions de cette abbaye,
et y ajoute des donations personnelles.
En 872, l’évêque de
Troyes Ottulphe, à la demande des religieux de Montier-la- Celle, relève le
corps de saint Frobert et " lui rend solennellement les honneurs dus à sa
mémoire ".
En 877, Charles le
Chauve donne à nouveau des propriétés et forêts à l’abbaye.
Parvenus au trône de
France en 987 avec Hugues, les Capétiens poursuivent la même politique de
protection des monastères, sur lesquels ils pouvaient s‘appuyer contre les
grands vassaux.
La prospérité
matérielle de cet établissement n’est pas moindre que sa ferveur monastique,
dont témoignent les noms de saint Bobin et plus tard, de saint Robert.
En 1048, le roi Henri
1er permet au comte Thibaut 1er de donner à Montier-la-Celle l’église
Saint-Ayoul de Provins. Les moines y arrivent sous la conduite de leur prieur
Robert, jeune troyen, fondateur de l’abbaye de Molême en 1075, et de celle de
Citeaux en 1098, d‘où l‘origine des statues, si nombreuses en Champagne, qui
représentent saint Robert tenant dans ses mains les deux monastères : "
Par Robert, Montier-la-Celle est - sans doute malgré lui - à l’origine d’une
des plus grandes aventures spirituelles de l’humanité. ".
En 1114, le comte de
Troyes, Hugues, expédie un acte très important pour Montier-la-Celle, qu’il
dote, en particulier, de revenus sur les tonlieux des foires de Troyes.
C’est à l’abbaye de
Montier-la-Celle que Bernard se retire, et d’où il part en 1115 pour fonder
Clairvaux.
De nombreuses aumônes
accroissent régulièrement le temporel de cet établissement, tant en églises,
que villages, dîmes, hommes de corps, tonlieux, maisons à Troyes, granges,
fours, moulins, vignes, justices, cens, rentes et autres droits.
Après s’être appelé
quelques temps Cella Nova, le monastère prend son nom définitif de
Montier-la-Celle, en 1332.
En 1387, est nommé abbé
de l’abbaye, Henri de Vienne qui, abbé de Faverney et fait prisonnier de
pirates turcs, écrit en captivité un traité sur le mariage en pays infidèle.
Le roi Charles VII
accorde en 1432 aux religieux " sur les dîmes des vins croissants environ
ledit lieu de Troyes, a eux appartenant, la tierce partie, qui peut valoir et
monter par chacun la somme de douze livres dix solz tournois ou environ, qui
est peu de chose... jusque au temps et terme de six ans... pour leur aider a
vivre en faisant le divin service en ladite église et pour faire les
réparations nécessaires en leurs autres maisons et édifices... ".
En 1441,
Montier-la-Celle saisit l’occasion de la présence de Charles VII à Troyes, pour
lui présenter une nouvelle supplique.
L'abbaye de
Montier-la-Celle est donnée en 1584, à Charles de Lorraine âgé de 10 ans.
A la fin du Moyen Âge,
les moines de Montier-la-Celle ne se recrutent plus parmi les cadets de la
noblesse, mais dans la bourgeoisie marchande et de robe (comme les Mauroy,
Marisy, Mesgrigny, Molé), qui vont se substituer à elle.
On doit aussi à
l’abbaye de Montier la Celle, la création de nombreux prieurés (19 au XII°
siècle), de collations de cures (" elle nommera à 31 églises paroissiales
").
Au XII° siècle,
Montier-la-Celle " a produit et élevé des hommes illustres dans son
cloître, en un haut degré de doctrine et de sainteté... nous trouvons qu’elle a
donné des patriarches aux ordres réguliers, des archevêques aux métropoles, des
évêques aux diocèses, des abbés aux monastères... ". L’abbaye compte en
effet des personnages illustres dans la théologie, les lettres, la philosophie,
l’histoire et nombreux remplissent de grandes charges ecclésiastiques. Sept
abbés montent sur le siège épiscopal de Troyes: Aldebert, Arduin, Bobin, Bodon,
Otbert, Gualon, et Guichard.
Il y a aussi Pierre de
Celle, abbé remarquable (abbé de Saint-Rémi de Reims, il fonde l’abbaye du
Bricol et devient évêque de Chartres, auteur de sermons et de traités ascétiques).
Au XII° siècle,
Montier-la-Celle est une grande école monastique : on y enseigne la théologie,
la philosophie, l’histoire et même le droit civil. Comme tant d’abbayes
bénédictines, elle est le siège d’un " scriptorium ", dont subsistent
de nombreux manuscrits du XII° siècle, calligraphiés sur un beau parchemin,
avec des " titres et des réclames à l’encre rouge, de belles lettres
ornées, souvent égayées d’un joli vert ".
Au XVIII° siècle, les ordres religieux étaient
en pleine décadence. De nombreuses abbayes furent supprimées. En 1768, il ne
restait que 10 religieux à
Montier-la-Celle. Une bille du pape Clément XIV du 6 septembre 1770 réunit la
mense abbatiale de Montier-la-Celle à l’évêché de Troyes. C’est l’évêque Troyes
Claude, Mathias, Joseph de Barral qui désormais, avait le titre d’abbé de
Montier-la-Celle. Le 13 février 1790 un décret de l’Assemblée Nationale
supprima cet ordre religieux, et le 14 mai, un nouveau décret décida
l’aliénation de ce domaine. Le 11 septembre 1791, les reliques de
Montier-la-Celle furent transférées en l’église de Saint-André-les-Vergers :
10 châsses en bois et 3 reliquaires. Le
13 avril 1792, fut vendu le mobilier : tableaux, autels, grille, tapisserie
retraçant la vie de saint Frobert, stalles… Il ne reste plus qu’une partie des
murs d’enceinte, avec des piliers du
portail. L’autre fut démonté avec soin pour faciliter l’accès à la
polyclinique, et conservé par les services techniques de la mairie de
Saint-André.
Sur son emplacement a
été construite la Polyclinique de Montier-la-Celle.
Abbaye de Montiéramey
" …Il n’est pas
exagéré d’affirmer que toute la région doit sa vie actuelle à l’ancienne abbaye
médiévale… dont l’activité a imprimé une marque tenace sur chaque champ, chaque
chemin, chaque coutume du pays… ".
Cet établissement
monastique, en même temps qu’un des plus anciens, fut un des plus considérables
du diocèse de Troyes. Un prêtre du diocèse, nommé Arremar, fonde un monastère
bénédictin en 837, sur un terrain que lui donne le comte Aleran, fidèle
serviteur de l’empereur.
Il s’appelle d’abord
" la Nouvelle Celle " pour le distinguer de " l’Ancienne Celle
" (Montier-la-Celle).
Charles le Chauve en 854 (c’est le plus ancien acte que possèdent les Archives de l’Aube), puis en 864 et en 871, lui accorde d’importants droits et domaines. Le pape Jean VIII en 878, le roi Carloman en 883, le roi Eudes en 892, Charles le Simple (898-923) confirment ses possessions.
Montiéramey a des
sujets, tous serfs, astreints à des redevances, dont la plus importante est la
taille, et qui sont soumis à la juridiction de l’abbaye.
L’abbaye se recrute
surtout dans la population, d’humble condition serve, des villages voisins : 3
abbés sont originaires de Montiéramey même.
Au XII° siècle, le
monastère prend le nom de son fondateur et est appelé longtemps Moustier Arramé
(1182-1594), Monstierarramey (1353), puis, par contraction, Moutieramey (1472)
et enfin Montiéramey (1619), comme aujourd’hui, auquel, avec son nom, le
village doit son existence même.
Les comtes de Troyes,
comtes de Champagne, se font les alliés du pape Grégoire VII dans sa lutte
contre l‘empire des laïcs sur l’Eglise. Le monastère connaît la plus belle
période de son histoire. Les puissances, autant temporelles que spirituelles
rivalisent à son égard d’une générosité inépuisable : le comte Hugues, les
grands féodaux de la province, les évêques de Besançon et de Langres.
A la tête de richesses
immenses, l’abbaye de Montiéramey voit sa situation florissante.
Son magnifique temporel
marche de pair avec une grande prospérité spirituelle. 9 prieurés sur les 13
que possède le monastère, se fondent alors. Les moines sont nombreux, le sceau
des abbés fait autorité. L’un d’eux, Gui III, fait de Montiéramey un centre
religieux réputé. Pieux, intelligent, c’est un des personnages en vue de son
temps. La sympathie des papes lui est acquise, ainsi que celle d’évêques et
autres abbés. Il correspond avec saint Bernard et donne un terrain pour la
fondation de Larivour. La translation solennelle des reliques de saint Victor,
l’ermite de Plancy, donne un regain de ferveur à la vie mystique de la maison.
Matériellement prospère, foyer de vie intérieure, l’abbaye est aussi un centre
d’humanisme : le fameux Nicolas de Clairvaux se forme à Montiéramey.
Au XIII° siècle
commencent les vraies difficultés.
La Champagne rattachée
à la couronne de France, l’abbaye de Montiéramey en subit les conséquences. Les
officiers royaux surveillent jalousement les droits du prince. Les ressources
s’amenuisent. L’abbaye s’engage dans de coûteux procès contre les seigneuries
voisines. Elle doit emprunter, puis ce sont les ventes et affermages de biens.
Longtemps bourguignon, le village est alors aux avant-postes des possessions
royales. L’abbaye se mue en place forte.
En 1437 et 1438 des
inondations mettent le comble aux dévastations et aux pillages. La peste sévit.
La mort de Charles VII
ramène gens d’armes et batailles. L’abbaye, restée fidèle au roi de France, le
village est incendié et l’église n’est épargnée que contre rançon.
Bientôt naissent et se
développent les abus et les tendances qui, s’affirmant ont conduit à sa ruine
l’ordre monastique au soir de l’ancien régime. On y voit les moines s’éloigner
de l’ancien ascétisme, reconstituer à leur profit le droit de propriété auquel
leur vocation leur faisait un devoir de renoncer, de s’approprier ce qui
n’avait été donné que pour le service de Dieu et le soulagement des pauvres. Le
ralentissement de la ferveur, l’organisation des pouvoirs laïcs bouleversent au
XIII° siècle l’économie de l’abbaye. La guerre de cent ans et les troubles du
XIV° siècle en accélèrent la ruine.
L’abbaye de Montiéramey
devient un grand corps sans âme, dont les dernières richesses tentent les
évêques de Troyes.
Une des premières de
Champagne, l’abbaye de Montiéramey tombe en commende au bénéfice de Jacques
Raguier, évêque de Troyes (1483-1518).
En 1550, l’abbaye a des
possessions dans 66 communes du département !
En 1791,
l’administration départementale fait preuve de ménagements à l’égard des
religieux de Montiéramey et leur permet d’emporter leur mobilier personnel.
Abbaye
de Mores
Mores est aujourd’hui
un hameau de la commune de Celles, dans le canton de Mussy-sur-Seine, arrondissement
de Bar-sur-Seine. Cette abbaye est réservée aux hommes de l’ordre de Citeaux,
filiation de Clairvaux, fondée par saint Bernard, en 1153.
L'abbaye de Mores avait
dix granges dans la première moitié du XIII°siècle: de l’Abbaye (près du
monastère), de Montmoyen (Chervey-Bertignolles-Eguilly), de l’Epine
(Loches-sur-Ource-Landreville), du Fragne (Landreville), de La
Villeneuve-au-Chêne, de Bellefleur (Longpré-Bligny-Chervey), du Moulin Garnier
(moulin entre Buxières et Chervey), de Montchevreuil (Loges-Margueron), de
Mores (Montsuzain) et de Brué (Longpré).
Elle compta jusqu’à 150 moines, mais seuls 4
moines vivaient encore à la Révolution, quand l’abbaye fut détruite. Les
matériaux des bâtiments furent réemployés pour la construction à Landreville et
Celles-sur-Ource.
Les archives de Mores
semblent perdues pour la plus grande partie. M. l’abbé Lalore a reconstitué un
cartulaire de cette abbaye en publiant, en 1873, 139 chartes dont la copie
avait été faite au XVII° siècle, par le P. Vignier. Il y a joint 3 chartes
originales du XIII° siècle.
Liste des abbés
retrouvés : le Bienheureux Mainard en 1168, un futur Archevêque, Herbert en
1178, Nicolas 1er, onzième abbé, 1230-1244, un Cardinal, Pierre de Bar en 1244,
en 1457 Georges Le Bourgeois, en 1547-1568
Jean Bochetel, Gabriel Le Genevois de Bligny, député pour le clrgé aux
Etats Généraux de Blois en 1576, Charles de Cossé de Brissac, fils du duc de
Brienne, André Stegler 1612-1615, François de Servien, en 1636, devenu évêque
de Bayeux en 1655. Le dernier abbé mentionné par les Bénédictins est Louis
Guillaume de Chavaudon, en 1722-1731.
M. l’abbé Lalore a dressé à l’aide des
almanachs royaux, les successeurs : Roger Langlois 1731-1749. Joachim Ebjobert
de Martillat 1749-1755, évêque de Crimée. Jean-baptiste d’Hélyot 1755-1786,
chapelain de Madame la Dauphine, dont la nomination est annoncée par le roi. De
1786 à 1788, Louis-Augustin de Juges-Brassac, vicaire général de Chartres.
Jean-François-Marie Le Pappe de Trévern 1788-1790, vicaire général du diocèse
de Langres, est nommé évêque de Strasbourg en 1827.
Lisons avec intérêt un
compte-rendu du 17 janvier 1456, prouvant l’existence de cette abbaye : « A
tous ceux qui ces présentes lettres verront, Jacques de Rofley, lieutenant
général de noble homme Michel Juvénal des Ursins, écuyer, panetier du Roi notre
sire et son bailli de Troyes, salut. Comparaissent par devant nous les abbés et
couvent de l’église de Mores, de l’ordre de Citeaux, les prieuses, prieur et
couvent de l’église Notre-Dame de Foissy de Troyes, abbé et couvent de l’église
Saint-Loup de Troyes, frère Guillaume Wasselin, chevalier de l’ordre de
Saint-Jean de Jérusalem, commandeur de Troyes et de Rosnay… Icelles parties
nous ont dit et exposé que de et sur certain débat et procès pendant entre eux
et la cour des Requêtes du Palais Royal de Paris, à cause des dîmes de blé de
Montsuzain et Aubeterre, ils ont traité et accordé ensemble…».
Cette abbaye existait
bien 2 siècles plus tard, car retrouvé également du 19 septembre 1612 : « A
tous ceux… savoir faisons que par devant… furent présents et comparurent
personnellement Messire François Servies au conseil du Roi, abbé de Mores… et
damoiselle Nicole Le Tartier, descendante de Jean Le Tartier, maire de Troyes…
».
L’abbaye et ses terres
sont vendues par lot, en adjudication, en 1791. Au cours des années qui
suivirent, les bâtiments monastiques furent abandonnés, puis démolis. La route
de Celles à Landreville, qui passe sur l’emplacement de la nef et d’une partie
du sanctuaire, fut empierrée avec les matériaux extraits les ruines de l’église
et de l’ensemble du logis.
Il reste peu de choses,
quelques pans de murs, de l’illustre abbaye de Mores dont l’église abbatiale,
qui avait 56 mètres de long, rassembla jadis plus de 100 moines blancs.
Abbaye
Notre-Dame des Prés
Dernière parente de
Clairvaux dont elle adopte la règle et la direction, l’un des rares monastères
de femmes de notre diocèse, une petite colonie de pieuses troyennes se retire,
entre Sainte-Savine et Saint-André, en juillet 1230, dans la métairie de
Chicherey (au bas de l’actuelle rue des Dames), dans une grange que leur a
donné Etienne de Cham-Guigon, pour y vivre dans la solitude et s’élever par la
méditation et la contemplation, aux plus sublimes régions du mysticisme.
Le chevalier Hugues de
Saint-Maurice et Marguerite, son épouse, mus par la générosité de leur cœur,
ajoutent à cette donation la cession de quelques terres, les unes propres à
être cultivées, les autres à former des pâturages. Robert, alors évêque de
Troyes (1223-1233), approuve l’établissement de ces vertueuses personnes qui se
sont réfugiées dans ce lieu solitaire.
Leur costume consistait en une robe blanche
serrée d’une ceinture de corde, avec un scapulaire (vêtement fait de deux
larges bandes d’étoffe couvrant les épaules, le dos et la poitrine) noir.
Elles furent désignées
d’abord sous le nom de « filles de Dieu ». L’endroit qu’on leur avait concédé
relevait de la justice du chapitre de la cathédrale, et les chanoines
s’opposèrent à l’installation des nouvelles religieuses. Mais, grâce à
l’intervention de l’évêque en août 1231, ils finirent par accorder leur
consentement, à condition que les religieuses n’obtiennent aucun privilège
préjudiciable aux droits du chapitre. L’abbé de Saint-Martin et le prieur de
Saint-Loup vidimèrent (certifièrent la copie de l’acte conforme) en 1233 la
charte où Robert, évêque de Troyes, résume l’arrangement conclu entre le
chapitre et les filles de Dieu qui furent incorporées en 1236 à l’Ordre de
Citeaux.
La communauté
naissante, qui se composait alors de 25 religieuses avec sœur Agnès pour
abbesse, fut érigée en abbaye sous le vocable de Notre-Dame des Prés et
affiliée au monastère de Clairvaux (voir ce chapitre). Tels furent les
commencements de l’abbaye de Notre-Dame des Prés ou du Pré-Notre-Dame, une des
plus anciennes abbayes de femmes du diocèse de Troyes.
En 1236, les abbés de
Clairvaux, de Larrivour et de Boulancourt (voir ces 2 chapitres) déclarèrent
accepter que les bernardines de Notre-Dame-des-Prés fussent soumises à la
juridiction de l’évêque de Troyes, en tout ce qui ne serait pas contraire à
leur institut. En 1245, le pape Innocent IV, en résidence à Lyon, confirme par
une bulle les privilèges et les possessions de l’abbaye.
En 1264, les
religieuses de Notre-Dame-des-Prés, ne trouvant plus leur monastère ni assez
spacieux ni assez commode, entreprirent de l’augmenter. Elles implorèrent le
secours du pape Urbain IV (1261-1264). Ce pontife s’empressa de venir à leur
aide pour l’agrandissement de l’abbaye où reposaient les cendres de sa mère. Il
envoya 5.000 florins. Le comte Thibaud V (1256-1270), (voir ce chapitre), cher au pape troyen, ne
pouvait être moins généreux : il lui fit, en avril 1270, diverses largesses et
fonda également un anniversaire dont sa mort, quelques mois plus tard (décembre
1270), devait le faire bénéficier.
En 1273, Henri III
(voir ce chapitre), comte de Champagne (1271-1274), touché de la piété et du
dévouement des religieuses, leur accorda une rente annuelle de 12 livres,
c’était sous l’abbatiat de sœur Pétronille. De 1279 à 1570, les abbesses qui se
succédèrent à Notre-Dame-des-Prés : Isabelle II en 1282, Eméline en 1300,
Guillelme en 1364, Melinotte de Villacerf en 1430, Anne de Gambeloin en 1450,
Christine en 1470, Sara de Lons en 1485, Christine de la Rue en 1518, Catherine
Pitois en 1522, Barbe de Launois en 1548, Gilette de la Chaussée en 1556, n’ont
guère laissé pour trace de leur administration, que des dossiers de procédure
et des reconnaissances d’hypothèques relatifs à des redevances de l’abbaye
envers le chapitre de Saint-Pierre. Mais les abbesses prêchaient plus par leurs
exemples que par leurs discours. La plupart des religieuses, pauvres, humbles,
chastes, savaient encore vivre durement et de peu. Heureusement pour elles, car
un incendie qui détruisit presque entièrement l’abbaye, vers 1569, les réduisit
à s’imposer des privations de toutes sortes.
L’abbesse Marie de la
Chaussée, élue en 1598, s’efforça, autant il était en elle, de relever
Notre-Dame-des-Prés de ses ruines, par la ferveur de son zèle, par une activité
prodigieuse et par un dévouement sans bornes aux intérêts de son monastère.
Elle fit creuser les fossés qu’alimente une dérivation de la vieille Vienne, en
outre, elle ferma l’enceinte de murailles.
En 1655, quelques sœurs
indisciplinées méconnurent l’autorité de l’abbesse. L’affaire parut si grave,
qu’il fut décidé qu’on en référerait à la maison-mère. Pierre Henri, abbé de
Clairvaux, se rendit tout de suite à Notre-Dame-des-Prés. « L’intervention du
saint abbé changea le cœur des rebelles ».
Mais bientôt,
Notre-Dame-des-Prés ne fut plus guère qu’une de ces pensions féminines où les
scènes peu bruyantes d’une vie d’aisance et de quiétude se succédaient assez
doucement. La difficulté des communications en hiver faisait seule de
Notre-Dame-des-Prés un véritable ermitage. Pendant la belle saison, le
monastère offrait des délices intimes qui, dans un cercle restreint, lui
valaient un certain genre de renommée. Quelques pèlerins d’élite, quelques
familles privilégiées, venaient y savourer les douceurs d’une hospitalité
gracieuse, et surtout d’une exquise cuisine.
Mais l’abbaye allait
disparaitre. Il ne restait plus que 11 religieuses à la Révolution. L’abbaye
fut vendue à Pierre Bréon en 1791 pour 32.200 livres.
Abbaye
du Paraclet
L’histoire de l’abbaye du paraclet est indissolublement liée aux deux amants les plus célèbres du Moyen Age, Héloïse et Abélard. Le théologien Pierre Abélard naît en 1079 et décède en 1142.
Il vient à Paris vers
1100. Il y suit l'enseignement de Guillaume de Champeaux, archidiacre de
Notre-Dame de Paris à École cathédrale de Paris, mais il s'oppose à celui-ci en
1108 dans la Querelle des Universaux, en prenant parti contre le "
réalisme ", ce qui oppose les deux hommes jusqu'à leur mort. Il devient
maître des écoles.
En 1110, il s'installe
une première fois dans les environs de Paris sur la montagne Sainte-Geneviève,
où il fonde une école de rhétorique et de théologie. Il enseigne la rhétorique
et la philosophie scolastique. Il jouit très rapidement d'une grande renommée
dans le monde des intellectuels et passe vite pour l'un des philosophes les
plus importants de sa génération. Son école est fréquentée par des auditeurs de
toutes les nations, dont plusieurs hommes célèbres, tels que Jean de Salisbury,
Robert de Melun, Pierre Lombard, Gilbert de la Porrée ou le futur pape Célestin
II.
En 1122, Abélard alors
moine à Saint-denis, et en proie à certaines difficultés avec sa communauté,
obtient de son abbé, Suger, l’autorisation de s’en éloigner et de vivre à
l’écart, avec un seul compagnon.
Il choisit de
s’installer en Champagne où il a quelques relations parmi les ecclésiastiques
et les comtes de Champagne. Une terre lui est offerte par les seigneurs de
Nogent dans la paroisse de Quincey, sur les bords de l’Ardusson, lieu alors
désert et inculte. Abélard y crée avec du chaume et des roseaux, un oratoire,
qu’il dédie à la Sainte Trinité.
Dès que ses disciples
connaissent cette retraite, on les voit accourir en foule, quittant les villes
et les châteaux, " ne croyant pas acheter trop cher, par une vie pleine de
sacrifices, les paroles d’un pareil maître ".
Mais " un concours
si flatteur porta au comble de l’exaspération des envieux, et les persécutions
recommencèrent ".
Il ne reste plus à
Abélard qu’à reprendre le chemin de l’exil.
En 1127, il quitte le
Paraclet pour le monastère de Saint-Gildas de Rhuys, en Bretagne, où les moines
de l’abbaye l’élisent à l’unanimité pour leur abbé.
De son côté, la femme
d’Abélard, Héloïse s’est retirée dans le couvent d’Argenteuil où elle a débuté
ses études, et dont elle est devenue prieure. En 1129, elles sont expulsées par
l’abbé Suger qui revendique la possession de ce domaine.
Abélard qui a
connaissance de cette situation, décide de confier à sa femme, devenue sœur
dans le Christ, les bâtiments et les quelques terres qui constituent le
Paraclet, et y reçoit Héloïse et ses consœurs.
Le domaine étant à
l’abandon, Abélard use de ses relations en Champagne, et rencontre le pape
Innocent II, qui envoie Bernard de Clairvaux en inspection, et donne une bulle
de confirmation générale des biens du Paraclet, et place l’abbaye sous la
protection du saint Siège. L’avenir est assuré et les donations se multiplient.
Le Paraclet demeure prieuré et Héloïse prieure.
En 1147, le pape Innocent III les érige au rang d’abbaye et d’abbesse.

Cette abbaye a toujours été confiée à des personnes prises dans la haute noblesse. Du commencement à la fin, elle est pour ainsi dire, inféodée à deux familles, celle des Barres et celle des de Larochefoucault. Quant aux religieuses, elles sont prises indifféremment dans toutes les classes. Les sœurs converses occupent un rang inférieur.
En septembre 1795,
l'Abbaye du Paraclet est vendue comme bien national.
Le 3 avril 1800, le
cercueil renfermant les corps d'Héloïse et d'Abélard sont transférés à) Paris
au couvent des Petits Augustins.
Le 16 juin 1817, les restes d'Abélard et
d'Héloïse sont transférés au cimetière du Père-Lachaise.
De l’ancien refuge
d’Abélard, occupé autour des années 1125, ainsi que de l’ancienne abbaye fondée
par Héloïse en 1130, il ne reste rien aujourd’hui.
Seul le nom de Paraclet
désignant le monastère d’Héloïse, rappelle de façon concrète son souvenir et
celui de l’église fondée par Abélard.
Les Abbesses du Paraclet
La première abbesse est Héloïse de Pope et de Colardeau, qui dirige durant 35 ans, « avec une sagesse et une habileté consommées, un établissement mort en naissant, qu’elle laissera dans l’état le plus florissant, et devenu un chef d’ordre d’où relèvent 5 prieurés ». Elle est adorée de ses saintes filles, qu’elle édifie par ses vertus et par une soumission de toutes les heures, à une règle qu’elle ne trouve pas assez rigoureuse. Elle est comblée des bienfaits des rois et des seigneurs les plus puissants, en correspondance avec les princes de l’Eglise qui l’appelaient leur fille, s’empressant d’accorder à sa personne et à sa maison, des privilèges exceptionnels, et de confirmer les libéralités dont elle était l’objet, présentant enfin en sa faveur le plus certain des témoignages, celui des abbesses qui lui ont succédé, qui se sont transmis d’âge en âge comme un héritage la tradition de sa sainte vie, "et qui se la sont toutes proposée pour modèle". Héloïse est douée de ce prodigieux savoir qui fait dire à Pierre le Vénérable, que par ses connaissances, « elle avait vaincu toutes les femmes, et surpassé la plupart des hommes ». Elle lit les Saintes Ecritures dans les 3 langues hébraïque, grecque et latine, et les enseigne dans son monastère où l’usage s’en est longtemps conservé. M. Cousin a dit « cette noble créature aima comme sainte Thérèse, écrivit comme Sénèque, et dont la grâce devait être irrésistible puisqu’elle charma même saint Bernard ». Sa vie publique se trouve soit dans les bulles des papes qui lui ont été adressées, soit dans les chartes sans nombre dans lesquelles elle a figuré comme abbesse.
2° abbesse – Eustachie.
3° abbesse – Millesendis : 1179-1202. En 1194, Garnier évêque de Troyes lui fait une donation, en 1197, Hélie de Villemor, en présence de la comtesse Marie, lui constitue 10 livres de rente sur les péages de Villemor et de Marcilly, pour recevoir sa fille à Nonain. En 1198, une bulle d’Innocent III confirme tous les biens et privilèges du couvent.
4° abbesse – Ida : 1203–1209. En 1203, Innocent III, sur sa plainte, excommunie un chanoine de Troyes pour avoir frappé les chapelains et les frères convers du Paraclet.
5° abbesse – Ermengarde : 1210–1248. En 1229, Philippe Poilet transmet un droit sur les boulangers et pâtissiers de Provins, qui ne manque pas d’originalité. Le jour de la Pentecôte, chaque maître devait payer, à l’issue de la prédiction devant l’église Saint-Thibaut, « 3 deniers de cens et une redevance en pain nommée thouyn ». Chaque nouveau maître « payait le cens et devait fournir, pour sa bien-venue, une tarte et un gâteau bon et honnête ».
6° abbesse : Marie I : 1249–1263. Elle est la sœur d’Eudes, archevêque de Rouen. Le jour de la saint Barnabé 1249, en présence de son frère l’archevêque, de toute la communauté et plusieurs personnages de qualité, elle reçoit le compte de Pierre Desbordes, troyen, qui a régi les biens durant la vacance. On voit que l’abbaye exploite sur ses terres 26 chevaux, 38 bœufs, 54 vaches, 49 porcs, 1.500 brebis, et des quantités considérables de grain. Ce détail donne une idée de la prospérité de cette communauté.
7° abbesse – Jacqueline, 1263–1278.
8° abbesse – Marie II, 1278– 1298. Les religieuses s’étaient multipliées d’une manière miraculeuse, au point de n’être plus en rapport avec les ressources. Une bulle de Célestin III en fixe le nombre à 60.
9° abbesse : Catherine I Des Barres : 1299-1322. C’est la première abbesse à appartenir à la famille des Barres, une des grandes bienfaitrices du Paraclet.
10° abbesse : Aalips Des Barres : 1323-1354. Dans l’hiver 1353-1354, l’abbesse se rend très souvent à Provins pour y soutenir les droits du couvent devant la justice.
11° abbesse : Elisabeth de Villemeniot : 1354-1366.
12° abbesse : Helisandre Des barres : 1366-1376. Nos guerres avec les Anglais furent désastreuses. Les bâtiments du Paraclet furent ruinés, les religieuses dispersées, la vie du couvent suspendue pendant des années. En 1366, le pape charge l’évêque de Troyes Henry de Poitiers, de s’occuper de la réédification et de rappeler les religieuses retournées dans leurs familles. Notre évêque avait endossé la cuirasse, commandait des forces imposantes, et eut l’avantage en plus d’une rencontre, et comme si ses mœurs eussent dû se ressentir de ce changement d’état, il eut plusieurs enfants de Jeanne de Chevry, religieuse du Paraclet, qui furent légitimés par ordonnance royale de 1370, savoir Henry, bâtard de Poitiers, et 3 filles.
13° abbesse : Jehanne 1ère Des Barres : 1403-1408. En 1408, le couvent n’est pas encore relevé de ses ruines et ne peut y parvenir par ses seules ressources. La pape Benoist XIII, résidant à Avignon, émet un bref où il promet des indulgences aux personnes qui contribueraient à cette restauration.
14° abbesse : Jehanne II de La Borde : 1415.
15° abbesse : Agnès de la Borde : 1423-1456.
16° abbesse : Guillemette de La Motte :1456-1481. Elle meurt dans un âge très avancé, au point que la prieure de Traînel demande à être chargée du temporel.
17° abbesse : Catherine de Courcelles, fille du seigneur de F. Saint-Thibault : 1482-1513. En 1482, elle obtient des bulles pour cumuler l’abbaye de Notre-Dame de Troyes avec le Paraclet. En 1497, elle déplace les tombes des fondateurs Abélard et Héloïse, en grande cérémonie, en présence de hauts personnages. Elle décède en 1519, après avoir reconstruit « cloître, dortoir, réfectoire et autres ».
18° abbesse : Charlotte de Coligny : 1513-1535. En octobre 1513, sur la démission de Catherine de Courcelles, sa tante, elle obtient de Léon X ses bulles de nomination. Elle était trésorière de Notre-Dame de Troyes.
19° abbesse : Antoinette de Bonneval : 1533-1547. Elle déploie une grande sévérité, appelle au Paraclet les sœurs des prieurés de son ressort pour y subir les pénitences prononcées, et, au besoin les fait amener de force par le bras séculier.
20°abbesse : Renée de la Tour : 1548. Elle décède en mai 1548.
21° abbesse : Léonarde de Turenne : 1548-1560.
22° abbesse : Jehanne III Chabot : 1560-1593. Il se présenta 4 prétendantes à la mort de Mme de Turenne. Le roi Charles IX se décide en faveur de Jehanne Chabot. Elle fit scandale en professant ouvertement la religion réformée, n’allant jamais à l’église. De 18, les religieuses se réduisent à 3.
23° abbesse : Marie III de La Rochefoucault de Chaumont : 1599-1639. Elle inaugure la famille de la Rochefoucault qui occupe cette maison sans interruption pendant 200 ans, jusqu’à la Révolution.
24° abbesse : Anne-Marie de La Rochefoucault Langeac : 1639-1646.
25° abbesse : Gabrielle-Marie de La Rochefoucault : 1647-1675. 27 religieuses.
26° abbesse : Catherine III de La Rochefoucault (sœur de la précédente) : 1675-1706.
27° abbesse : Marie IV de La Rochefoucault de Roucy : 1706-1768. Elle fait construire la dernière abbatiale. 24 religieuses, 10 converses, 5 religieux, des médecins et chirurgiens, 20 domestiques, 9 servantes.
28° abbesse : Marie V de La Rochefoucault-Bayas : 1768-1778. Nommée à l’abbaye de Soissons.
29° et dernière abbesse : Charlotte de La Rochefoucault de Roucy : 1778-1790. A marqué son administration par des constructions considérables : la salle du chapitre, un corps de bâtiment de 126 pieds de long…
Lors de la Révolution, en décembre 1790, les scellés furent apposés sur l’église et les religieuses forcées de se disperser, au grand regret des populations.
Le 14 septembre 1792, le Paraclet est vendu comme bien d’émigré. En vertu de la loi du 17 septembre 1792, sont envoyés à Paris pour y être fondus, les objets servant au culte, en matière d’argent et de vermeil. Les reliques ont été profanées, les cendres des morts, jetées au vent.
Abbaye
La Piété-Dieu
L’importante Abbaye
bénédictine de Marmoutier, située face à la ville de Tours, fonde vers 1.100,
l’Abbaye de la Piété Dieu, prieuré bénédictin, près de Ramerupt.
L’Abbaye cistercienne
de La Piété-Dieu, occupée par des moniales, est fondée vers 1229.
La Piété-Dieu groupe
d’abord en communauté quelques jeunes filles appelées les « Filles de Dieu ».
Elles demandent à être agrégées à l’ordre de Citeaux.
Des différends avec le
chapitre de Saint-Pierre de Troyes, la prise de l’occupation de Ramerupt par la
soldatesque de Thibaud IV, l’élection d’une prieure éminente : Isabelle de
Colaverdey - qui prend bientôt le titre
d’abbesse – nécessitent le déplacement du monastère. Il s’établit sur les bords
de l’Aube, dans de petites maisons en bois.
Le 20 septembre 1236,
l’évêque de Troyes, Nicolas de Brie, dédicace la nouvelle église du nouveau
monastère. 25 religieuses composent la communauté.
Des donations
nombreuses, et parfois lointaines, permettent aux moniales d’assurer l’avenir
de leur jeune fondation.
La situation de
l’abbaye, à l’écart d’une grande ville, les allées et venues d’hommes de
guerre, une administration féminine ne permettant pas l’exploitation directe du
domaine, l’abbatiat de filles de bonnes familles, mais pusillanimes, un
recrutement difficile, amènent les religieuses à demander leur transport dans une abbaye de l’ordre,
plus importante.
C’est ainsi qu’en 1440,
Symon Buchart, religieux profès du monastère de Boulancourt, est installé à La
Piété-Dieu, avec l’autorisation du Chapitre général. L’abbaye devient une
masculine, fille de Citeaux.
La situation du
moustier doit être dramatique en 1461, car le Chapitre général demande des
prières et des aumônes pour la restauration de l’abbaye de la Piété-Dieu.
Malgré une gestion plus
saine, le monastère vivote dans une lente décadence sans histoire.
Vers 1615, Denis
Largentier, abbé de Clairvaux, réforme son abbaye en exigeant le travail
manuel, les veilles, le silence, l’abstinence perpétuelle, en un mot, le retour
à la primitive observance de Citeaux.
Deux abbés de La Piété
: Etienne Adam et JeanFerrat, adhèrent à cette réforme. Deux administrateurs :
Jérôme Bertin et Benoit Fitzharbert, succèdent à ces deux réformateurs
religieux.
L’abbaye ainsi
restaurée matériellement et spirituellement, renaît à une vie nouvelle.
« Ce jourd’huy, 24
janvier 1791, est comparu au greffe de la municipalité de Ramerupt, Pierre de
Velfrey, abbé régulier de l’abbaye de la Piété, lequel a déclaré qu’il préfère
la vie commune des religieux, dans la supposition que son abbaye serait
conservée pour cet objet, et que si le département ne fait pas le choix de
cette maison pour y fixer un nombre de religieux, suivant le décret de
l’Assemblée Nationale, il se retirera pour vivre en son particuliers ».
C’est ainsi que
disparaît le dernier successeur des Abbesses et Abbés de l’Abbaye Cistercienne
de Notre-Dame de la Piété-Dieu.
Le 26 mai 1791, l’église
de La Piété, le logis conventuel, les fermes et bâtiments d’exploitation avec
260 arpents de terre, 50 arpents de bois, 21 arpents de prés, 5 arpents de
vignes, sont vendues au sieur Mourgues pour la somme de 163.400 livres.
La Piété-Dieu a vécu sa vie cistercienne.
Il ne reste plus de
cette Abbaye, qu’une statue de Saint-Bernard, de 1450, située dans l’église
paroissiale.
Abbaye
Royale de Saint Loup
Elle est fondée en 560,
du vivant de ce grand évêque.
En 841, Charles le
Chauve la visite et la dote de terres aux abords de Troyes.
Les comtes Thibaud 1er
et Hugues, son fils, multiplient en sa faveur les exemptions de charges
féodales.
L’abbaye Royale de
Saint-Loup est souvent confondue avec celle de Saint-Martin-ès-Aires, qui
portait le même nom, avant sa destruction par les Normands.
Elle ne fut d’abord,
qu’une chapelle connue sous le nom de Notre-Dame de la Cité.
Elle doit son origine à
la translation des reliques de Saint-Loup et à la transmigration des religieux,
après les ravages des Normands qui la pillent et brûlent en 887 et 892, les
habitants fuyant Troyes.
L’abbaye se transporte
au centre ville, dans le voisinage de la cathédrale et, jusqu’à la Révolution,
tient une place importante parmi les grandes familles religieuses du diocèse.
Thibaut II, comte de
Champagne, enchanté de la vie exemplaire des religieux de
Saint-Martin-ès-Aires, réunit en 1135, Hatton, évêque de Troyes, Hugues II,
évêque d’Auxerre, saint Bernard, abbé de Clairvaux et Guillaume, abbé de
Saint-Martin, et établit dans la maison de saint Loup, la règle de saint
Augustin.
Le pape Innocent III
félicite le comte de Champagne, l’évêque de Troyes, et l’abbé sur son
administration, et " lui manda par une bulle, que si cette abbaye venait à
s’éloigner de la régularité, elle serait réformée par celle de Saint-Martin, et
celle-ci, par celle de Saint-Loup; que si elles y manquaient toutes les deux,
les abbés de Clairvaux et de Pontigny les réformeraient l’une et l’autre
".
En 1147, plusieurs
bâtiments sont construits, et surtout la maison des hôtes appelée La Salle.
En 1161, le comte de
Champagne Henri 1er, " rempli d’estime et d’affection, confirma à cette
abbaye toutes les donations qui lui avaient été faites par le comte Hugues son
grand oncle, et lui accorda de nouveau pleine franchise et liberté, exemption
de justice et de toutes gabelles pour les servants qui s’adonneraient au
commerce ".
En 1184, Henri II
confirme lui aussi les donations de ses prédécesseurs, et accorde de nouveaux
droits à l’abbaye.
En 1209, la piété des
chanoines réguliers de Saint-Loup est si connue, que l’on fonde, " à leur
considération, l’abbaye ou prieuré de Saphadin, sous le nom de Saint-Sauveur au
diocèse de Mothon dans l’Achaïe, où l’on mit pour premier prieur Thierry,
prêtre et chanoine de Saint-Loup ". Cette nouvelle abbaye reçoit des
bienfaits de Geoffroy de Villehardouin (qui a écrit l’histoire de l’expédition
de Constantinople), sénéchal de Romanie.
L’église de Saint-Loup
est dédiée en 1425.
En 1487, l’abbé obtient
du pape Innocent VIII, le pouvoir d’officier " pontificalement et de
conférer la tonsure et les quatre ordres mineurs à ses religieux ".
En 1496, il fait faire
une châsse neuve pour les reliques de Saint-Camélien, évêque de Troyes
(479-536).
En 1503, est terminé le
magnifique reliquaire, chef-d'œuvre d’orfèvrerie, devant renfermer les reliques
de saint Loup : " Ce reliquaire contient en émail les gestes du saint
évêque; il est d’une grandeur extraordinaire, d’une matière très riche et d’un
travail immense; les ornements ne cèdent en rien au reste. Le cardinal de
Bouillon avoua qu’il n’avait rien vu de si beau en Italie, et le Père Mabillon,
passant à Troyes, dit qu’il n’avait vu que le chef de saint Lambert à Liège qui
pu s’en approcher. "
En 1636, l’abbé J.B.
Aristide de Modene, septième commendataire, introduit dans cette abbaye la
réforme de la Congrégation de France, provenant de sainte Geneviève de Paris.
En 1652, les murs de
pierre sont solides, mais les autres sont prêts de s’écrouler : " les dits
religieux sont mal logés, et leurs chambres ont mines et formes de prison
plutôt que retraites à des religieux ". Les travaux ne sont adjugés qu’en
1663.
En 1654, elle reçoit
encore une nouvelle réforme, lorsque le cardinal de la Rochefoucaud est chargé
par le roi et par le pape de travailler à " la réformation des abbayes
" en France.
L’abbaye de Saint-Loup
" se glorifiera toujours d’avoir eu pour abbé Joachim Fautrier. C’était un
homme de beaucoup d’esprit, qui, d’abord avocat au parlement de Paris, fut
employé par Louis XIV, dans des négociations importantes, où il s’acquit une
brillante réputation. Il fut intendant du Haynaut, et quitta en 1688 pour se
livrer à l’étude des lettres qu’il cultiva avec succès ".
En 1721, l’abbaye
essuie un incendie, détruisant l’infirmerie et quelques maisons voisines. Ce
n’est qu’en 1737 que les travaux de réhabilitation sont commencés et terminés
en 1740.
En 1763, la foudre
tombe sur la tour.
De 1793 à 1795, une
quinzaine de prêtres réfractaires et 17 insermentés sont internés à l’abbaye
Saint-Loup.
En 1796, la
municipalité de Troyes fait dresser un état des bâtiments nationaux :
Saint-Loup est à démolir !
Le seul bâtiment
existant aujourd’hui est devenu un des Musées des beaux Arts de Troyes. Il abrite les collections d’archéologie locale antique dans
sa belle cave, le musée d’histoire naturelle au rez-de-chaussée, le département Beaux arts au premier étage et, à ce même étage, avant son
transfert à la médiathèque, le fonds ancien de la Bibliothèque municipale dans
la magnifique salle.
Très longtemps, en mémoire de ce que saint Loup délivra la ville de Troyes de la fureur d’Attila, tous les ans le 29 juillet, fête de ce saint " la procession de l’abbaye s’arrête à la porte qui, de son temps, fermait la ville auprès de l’Hôtel-Dieu. La châsse est placée sur une table préparée à cet effet, et l’on chante... ".
Abbaye Royale de Notre-Dame-aux-Nonnains
Dès le III° siècle,
sous l’influence des prédications de saint Savinien, il faut placer la création
d’un collège de femmes, ayant à sa tête " une princesse de sang royal,
possédant de grands biens ", chargées d’entretenir le feu sacré d’un
temple païen, les Vestales.
Ce temple était situé
sous les murs de la cité des Tricasses.
Il devient une célèbre
abbaye de femmes, par son réformateur saint Leuçon (évêque de Troyes 651-656),
qui a l’idée de réunir des veuves et des jeunes filles converties par lui au
christianisme.
Elle est placée, en
657, sous l’invocation de la Vierge de l’Assomption et sous le nom de Notre-Dame,
dite aux Nonnains. Elle donne un de ses châteaux pour servir d’habitation à
l’évêque. Ce dernier fait vivre les religieuses en communauté, et en fait
d’abord des chanoinesses non cloîtrées. Les immunités singulières, les
privilèges considérables, dont jouissent les abbesses et les religieuses
pendant une longue suite de siècles, expliquent son antique origine. Les
paroissiens n‘ont pas l’usage des cloches et ne possèdent qu‘une partie du
cimetière en payant certains droits à l‘abbesse.. L’abbesse et les religieuses
de Notre Dame aux Nonnains sont honorées du titre de patronnes de la ville. Tous
ces privilèges ne peuvent s’expliquer que par l’antiquité de la fondation,
remontant à une époque antérieure à l’établissement du siège épiscopal de
Troyes et à l’organisation diocésaine (Saint Amateur est en 340, le premier
évêque de Troyes).
Le comte de Champagne
Henri le Libéral, fondateur de Saint Etienne, prend l’abbaye de Notre-Dame sous
sa protection, et la comble de biens et de fondation épiscopale.
Elle devient une maison
ou abbaye royale. Il semblerait, par les bulles du pape, qu’elle aurait pu
autrefois, dépendre directement du Saint-Siège.
L’incendie de 1188, qui
consume la moitié de la ville de Troyes, brûle une grande partie de ce
monastère qui y perd beaucoup de titres et de papiers. La plupart des
religieuses sont " étouffées dans les flammes ".
Notre pape Urbain IV,
voulant laisser à sa ville natale une marque d’affection et de magnificence,
demande aux religieuses de Notre-Dame-aux-Nonnains de lui céder l’emplacement
de l’échoppe de savetier de son père pour y bâtir une collégiale. Les travaux
sont interrompus en 1266 et 1268, en raison de l’opposition des religieuses de
Notre-Dame-aux-Nonnains, qui saccagent le chœur et le transept. Excommuniées
par Clément V, elles se soumettent en 1283.
En 1361, le roi Jean
ratifie les donations du comte Henri II.
Les maisons religieuses
ne sont pas à l’abri des désordres. En 1448, une religieuse y devient mère. Ce
fait provoque une série d’actes de procédure, d’informations et
d’excommunications, motivés moins sur le fait, qu’en raison de la lutte qui
s’établit entre l’évêque et l’abbesse.
L’abbesse Catherine de
Courcelles fait embrasser à ses religieuses la règle de saint Benoît, et les
cloître en 1518.
L’abbesse Claudée de
Choiseul, fille de Choiseul Praslain, maréchal de France, établit une nouvelle
réforme, en 1542, une clôture plus étroite, et fait mettre des grilles aux
parloirs et à l’église.
En 1640, pendant la
procession du dimanche du Rosaire, Marguerite Bourgeoys passe devant le
couvent, regarde une sculpture de la Sainte Vierge au-dessus du portail, et se
sent " si touchée et si changée qu’elle ne se connaissait plus ". Cet
événement marque un tournant dans sa vie personnelle et mène à la création de
la Congrégation de Notre-Dame.
Le duc d’Orléans,
régent, règle, en 1721, une partie des dettes que les religieuses "
avaient été forcées de contracter ".
En 1724, l’abbesse
madame de la Chaussée d’Eu d’Arrêt, explique au roi Louis XV, le triste état
des revenus de son monastère. Le monarque les honore de sa protection et unit
le prieuré de Saint Géôme de l’ordre de Saint-Augustin.
Madame de Montmorin,
abbesse, ayant exposé à Louis XVI le mauvais état de son monastère, ce monarque
accepte, en 1776, de lui accorder une somme considérable pour contribuer à la
reconstruction.
Madame Victoire de
France, tante du roi, accepte de poser la première pierre des nouveaux
bâtiments, et demande à madame la marquise de Montmorin, d’y accompagner madame
la comtesse d’Artois, belle sœur du roi. Cette cérémonie se fait le 30 avril
1778, " avec le plus grand appareil, Monseigneur l’évêque y officiant en
habits pontificaux, et tous les corps de la ville ayant leurs députés, ainsi
que Messieurs de l’État Major des gardes du roi en garnison à Troyes. Dans la
pierre qui faisait l’objet de la cérémonie fut incrustée une boîte de plomb
renfermant une plaque sur laquelle sont gravées les armes de madame Victoire, celles
de madame la marquise de Montmorin et celle de madame l’abbesse, avec une
inscription qui exprime le bienfait du roi et la pose de cette première pierre.
Dans cette boîte furent aussi renfermées deux médailles frappées pour la ville
de Troyes en mémoire du titre de capitale de la Champagne que le roi lui
confirma à son sacre en 1775 ".
En reconnaissance du
bienfait de Louis XVI, madame l’abbesse et la communauté fondent annuellement
et à perpétuité une messe solennelle, pour le roi, madame Victoire et la
famille royale.
En 1796, la
municipalité demande la démolition de l’église de Notre-Dame-aux-Nonnains, et
occupe une partie de l’abbaye pour l’administration du département, l’autre,
pour en faire un dépôt des métaux de la République.
La préfecture de l’Aube
occupe depuis 1794 le site de l’ancienne abbaye.
Privilèges
singuliers de l'abbaye de Notre-Dame-aux-Nonnains
La tradition dit que la
ville de Troyes, riche, puissante, ancien municipe romain, avait, à la porte de
son oppidum (ville fortifiée), un collège de femmes, de vestales consacrées à
l’entretien du feu sacré. Ces femmes, entraînées par les premières prédications
du christianisme, se seraient converties à la foi nouvelle et auraient
favorisé, à l’aide de leur exemple et de leurs richesses, l’établissement de la première église. Elles auraient donné
le sol sur lequel la maison des premiers évêques aurait été élevée, dans le
voisinage de cette église.
L’abbaye de
Notre-Dame-aux-Nonnains à Troyes remonte donc aux premières prédications de
l’Evangile, vers 259, bien avant l’établissement du siège épiscopal de Troyes,
qui eut lieu en 340. Elle avait à sa tête « une princesse de sang royal,
possédant de grands biens dans la ville des Tricasses », chargée d’entretenir
le feu sacré d’un temple païen.
Cette première
communauté devient la célèbre abbaye de femmes, par son réformateur Saint
Leuçon, évêque de Troyes (651-656), qui a l’idée de réunir des veuves et des
jeunes filles converties par lui au christianisme. Elle est placée, en 657,
sous l’invocation de la Vierge de l’Assomption et sous le nom de Notre-Dame,
dite aux Nonnains.
C’est bien par son
origine si reculée que l’on peut se rendre compte du caractère particulier et
de l’importance des privilèges que nous allons voir, et qui constituent l’une
des plus curieuses énigmes historiques que présente l’histoire de la ville de
Troyes.
Si ces privilèges se
trouvaient entre les mains d’un abbé placé à la tête d’une nombreuse communauté
d’hommes, on pourrait penser que, pendant les ténèbres des premiers siècles,
cet abbé aurait pu s’emparer, par une voie quelconque, d’une autorité qui ne
lui appartenait pas, selon les lois de l’Eglise. Mais une telle usurpation ne
parait même pas supposable quand on la trouve aux mains d’une femme.
Seule la tradition peut
expliquer, en contradiction si évidente avec les lois de l’Eglise apostolique,
ces privilèges. S’il en était autrement, on ne comprendrait pas la possession
de ces droits entre les mains d’une femme, droits qui furent exercés contre les
principes de toutes les lois générales de l’Eglise catholique pendant un si
grand nombre de siècles.
La population se groupant
autour de l’abbaye, l’abbesse et sa communauté demandèrent un prêtre et, afin
que l’office ne pût troubler celui des religieuses, on éleva, au milieu de
l’église, un pignon qui sépara l’abbaye de la paroisse.
L’abbesse se réserva
tous les droits du curé primitif. Elle nomme à la cure et jouit de la moitié
des offrandes. Les paroissiens n’ont pas l’usage des cloches et ils n’ont
qu’une partie du cimetière s'ils lui paient certains droits. C’est entre ses
mains que le curé prête serment. Elle fait bénir par ses chapelains, l’eau des
fonts baptismaux à l’exclusion du curé, et fait, dans son église, le service
des jeudi, vendredi et samedi saints, sans que le curé puisse le faire dans son
église paroissiale. Elle nomme avec les paroissiens un marguillier qui prête
serment entre ses mains. Les comptes de la fabrique se rendent en sa présence…
Elle nomme de plein droit à 7 chapelles
qui sont dans l’église Saint-Jacques.
L’abbesse jouissait
encore d’un autre privilège non moins singulier que tous les autres, c’était de
choisir le prédicateur de la paroisse de Saint-Jacques pour le premier lundi de
carême. Ce jour-là il n’y avait à Troyes que ce seul prédicateur qui put monter
en chaire.
L’abbesse de
Notre-Dame-aux-Nonnains avait aussi des droits sur certaines églises de Troyes.
Elle jouissait des droits de collation dans l’église Saint-Jean-au-Marché, et
dans les 2 succursales de cette paroisse, les églises de Saint-Nicolas et de
Saint-Pantaléon. Dans chacune de ces églises, elle avait droit d’oblation
(Offrande faite à Dieu). Elle s’opposa avec succès, en 1223, au démembrement de
la paroisse de Saint-Jean, de laquelle l’évêque Hervée (1206-1223) voulait
séparer les 2 succursales de Saint-Nicolas et de Saint-Pantaléon, afin de les
ériger en paroisses. Le pape donna gain de cause à l’abbesse et le démembrement
ne fut point accordé.
En 1249, Innocent IV
(1243-1254) maintient l’abbesse dans le droit qu’elle avait de s’opposer à la
construction de toute chapelle ou église, de tout oratoire, dans l’étendue des
paroisses de la ville de Troyes, où elle avait droit de patronage. Ces
paroisses étaient celles de Saint-Jacques et de Saint-Jean, et les succursales
de cette dernière, les églises de Saint-Nicolas et de Saint-Pantaléon.
En 1318, l’abbesse fait
maintenir ses droits sur les sépultures des paroissiens de l’église Saint-Jean.
Elle fait reconnaître par le pape Jean XXII (1316-1334) que ceux de ces
paroissiens, décédés sans avoir choisi le lieu de leur sépulture, seront
déposés dans le cimetière de l’église Saint-Jacques-aux-Nonnains, cimetière qui
n’est autre que celui de l’abbaye.
Par tradition très
ancienne, il y avait aussi échange entre l’abbesse qui recevait de l’évêque sa
mule, et celui-ci qui, de l’abbesse, recevait le lit sur lequel il avait couché
à l’abbaye, un fait purement féodal.
Les droits et privilèges dont jouissait cette abbaye sont donc considérables et singuliers en même temp
Livre commandé par Agostini à Nocholas Jenson en
1480. Innoncent IV bénit les seigneurs
Abbaye
Royale de St-Martin-ès-Aires
Troyes était riche en
abbayes, mais bientôt celle St Loup devient Musée, Notre-Dame-aux-Nonnains
Préfecture, les Cordeliers prison, les Jacobins gymnase… seule celle de
St-Martin-ès-Aires subsiste. C’est le plus ancien monument religieux de la
ville. Un cimetière gallo-romain puis mérovingien est situé dans l’enclos du
couvent.
En 429, à son retour
d’Angleterre, saint Loup y fonde une école qui acquiert une grande réputation.
La chapelle primitive,
premier monument élevé à Troyes en l’honneur de la mère de Dieu, est construit
par l’évêque saint Urse, et saint Loup y est inhumé dans la chapelle dédiée à
saint Vorles. Les nombreux miracles qui s’y opèrent alors, font changer le nom
en Oratoire ou Basilique de saint Loup.
Après une lutte fort
longue, les trois petits-fils du roi des Francs Clovis se " promirent amitié " à Troyes, sur le
tombeau de saint Loup. Les rois Gontran, Chilpéric et Sigebert, prêts à en
venir aux mains sous les murs de Troyes, se réunissent dans cet Oratoire et y
jurent la paix sur les reliques de saint Loup, en 570.
En 1104, Gérard, prévôt
de saint-Loup, encouragé par l’évêque de Troyes Philippe de Pons et le pape
Gélase II, fonde la nouvelle abbaye de Saint-Martin-ès-Aires, c’est-à-dire
aeris, dans les champs, dans les bâtiments du plus ancien monastère de Troyes,
datant du IX° siècle, et occupés par des chanoines de l’ordre de
Saint-Augustin, dont il s’engage à suivre la règle.
Son successeur
Guillaume (bulle d’Innocent II de 1136), fait fleurir la piété dans sa
communauté, et bientôt on sollicite ses prières. Alors, les largesses des
fidèles, et les libéralités des comtes de Champagne subviennent à ses besoins.
C’est lui qui fait
ouvrir la châsse de saint-Loup, montre au peuple son corps, et lui en fait une
nouvelle à ses frais, avec l’accord de l’évêque Henri de Carinthie.
En 1231, elle est
gouvernée par des religieux du Val-des-Ecoliers, envoyés à Troyes par saint
Louis, qui les avait créés en mémoire de la fameuse bataille de Bouvines,
gagnée par son aïeul Philippe Auguste.
En 1233, le pape
Honorius III demande au père abbé d’excommunier ceux des vassaux de Blanche et
de Thibaut IV, qui cesseraient de leur être fidèles.
François Primatice,
célèbre architecte et peintre italien, est nommé abbé commendataire de
Saint-Martin-ès-Aires par François 1er en 1544, bien qu’il ne soit honoré du
sacerdoce. Homme illustre par son grand talent, mais étranger à la vie
monastique et très familier avec les sujets érotiques et mythologiques. Nous
lui devons la châsse de Sainte-Maure.
En 1643, cette abbaye
est réformée par le cardinal de la Rochefoucault, envoyé du Saint Siège, pour
la réforme des religieux en France. Elle reste de l’ordre des chanoines
réguliers de saint Augustin, de la congrégation de France dite de sainte
Geneviève.
Les bâtiments tombent
en ruine au XVII° siècle, et sont reconstruits en 1656, mais terminés seulement
en 1759.
La loi de 1790 ayant
supprimé les instituts religieux, l’abbaye est vendue en 1791. Dans une partie
s’installent les orphelines des hospices de Saint-Abraham et de la Providence,
fondées par le curé de Saint-Nizier en 1703 et dirigées par les Dames du Sacré
Cœur, pour les filles réduites à mendier et exposées à tous les dangers d’une
vie errante. La bibliothèque compte 1.124 volumes.
L’église est démolie et
une chapelle de style roman est construite en 1861.
En 1907 le Grand
Séminaire s’installe dans une partie de l'ancienne abbaye, devenue pensionnat
de jeunes filles dirigé par les Dames des S.S. Coeurs, que la loi de 1901 a dispersées. Dans l’autre partie s'installe
une carderie et filature de coton.
Lorsque l’on arrive, il
y a un joli portail du XVII° siècle qui précède une cour délimitée à droite par
la chapelle de l’ancien Couvent des Sacrés-Cœurs (Institut Saint-Loup), en face
et à gauche, par les bâtiments de Saint-Martin-ès-Aires.
Passée la porte à
fronton brisé, surmontée du blason martelé de Gilbert de Choiseul, abbé de
Saint-Martin-ès-Aires de 1629 à 1678, on se trouve aussitôt dans le cloître, de
forme carrée.
Aujourd’hui, St Martin
ès Aires accueille l’Institut Universitaire des Métiers et du Patrimoine.
Abbaye
de Seillières (ou Sceillières)
La date de la fondation
de cette abbaye date du XIIe siècle.
En 1153, les moines de
l’Abbaye de Jouy possèdent des biens dans la région de Romilly, notamment, la
ferme de Malminoux, et des terres et des prés à Saint-Hilaire. Henri de
Carinthie, évêque de Troyes, entre 1146 et 1169, pour aider au repos de l’âme
de sa mère et de ses aïeux, fait don à Renaud, abbé du bois de Jouy, et à ses
religieuses, de tout ce qu’il possède à Malminoux, entre Bocenay et
Pont-sur-Seine.
Vers 1155, les moines
de Jouy achètent quelques terres sur le finage de Saint-Hilaire. Ces derniers,
appartenant à l’abbaye de Molème, craignent que les Bénédictins, excellents
agriculteurs se fixent sur les immenses prairies arrosées par la Seine, favorables
à l’élevage du bétail. Ainsi pourrait naître, dans l’avenir, une redoutable
concurrence. Afin d’écarter cette suspicion, les Bernardins de Jouy s’engagent
à ne plus rien acquérir sur le territoire de St-Hilaire. En retour, les moines
de Molème déclarent renoncer à toutes les redevances auxquelles le Prieur de
St-Hilaire peut prétendre sur les terres qu’achèteraient éventuellement les
Bernardins à Malminoux.
Les Seigneurs de
Romilly installent sur leur domaine quelques uns de ces moines. Les religieux
s’établissent en pleine vallée de la Seine, sur un terrain environné d’eau,
appelé Île. A cette époque les ponts sont fort rares, d’où la nécessité, pour
accéder à l’emplacement destiné au nouveau monastère, de faire usage de seilles
ou bacs, placés sur les différents bras des rivières voisines. De là vient le
nom d’île des Seilles, bientôt attribué à la contrée, et c’est ainsi que la
Maison conventuelle reçoive l’appellation de Notre-Dame de Seillières.
Peu après 1179,
appréciant les efforts déployés par les monastères en faveur des progrès de
l’agriculture, le Comte de Champagne Henri le Libéral, augmente à son tour, la
dotation de Seillières. Il fait donation des rentes à prélever sur le domaine
de Malminoux et il abandonne à la Communauté une partie de sa terre de Minay.
En même temps, il approuve le don, consenti par Hugues de Romilly, d’une autre
partie de Minay. Enfin, le Comte amortit tout ce que l’Abbaye possède ou pourra
posséder dans sa mouvance et il certifie, qu’en sa présence, Hugues de Romilly et
son frère Eudes reconnaissent à l’Abbaye le droit de faire paître ses troupeaux
sur leur domaine, et de pêcher dans tous les cours d’eau.
L’année suivante,
Hilduin de Minay vend aux religieux de Seillières une maison sise à Minay.
Cette vente, ratifiée par le Comte Henri, marque l’origine de la Grange de
Minay, dont l’importance s’accroîtra, peu à peu, ou par acquisitions, ou par de
nouvelles donations.
En 1180, on peut
considérer comme définitive la fondation de Notre-Dame de Seillières. Les
religieux s’habillent primitivement en bure noire. Ensuite, ils portent des
vêtements de laine naturelle de couleur plutôt grise. Mais, à partir de 1270,
la couleur grise étant réservée aux frères convers pour les distinguer, les
moines de Seillières adoptent l’habit blanc. Ils portent d’abord la longue
barbe, plus tard, on les enjoint de se raser 9 fois par an, puis 12 fois, et
enfin chaque quinzaine. En même temps, ils pratiquent la coupe des cheveux et
la tonsure. Les convers gardent constamment la barbe.
Depuis le Concordat de
1516, les rois de France lèvent avec régularité et sévérité, chaque année, des
taxes spéciales sur les biens du clergé. Voilà pourquoi se précise
inexorablement la décadence de Seillières.
Avec le XVIIIe siècle,
l’importance numérique de la Communauté se réduit de plus en plus : en 1648, 3
moines, en 1728, le Prieur, 1 moine et 4 domestiques, en 1768, 2 religieux. En
conséquence du manque de main d’œuvre ecclésiastique, la location des terres de
Seillières se poursuit nécessairement, et se traduit par la signature de
nombreux baux.
Les formalités de vente
des biens nationaux s’échelonnent au cours de l’année 1790. Le domaine de
Seillières se trouve compris dans la liste des adjudications éventuelles.
D’abord les moines sont expulsés, puis c’est la vente des bâtiments et des
terres de l’Ile de Seillières le 3 mai 1791.
A la suite de ces
décisions révolutionnaires, le domaine de Seillières change plusieurs fois de
propriétaires. En 1905, la propriété devient possession du Duc de Levis
Mirepoix, Grand d’Espagne, et en 1954, le château et son parc, la ferme et le
moulin sont cédés au Docteur Graffin, chirurgien à Romilly qui le cède plus
tard à des Hollandais.
C'est dans cette abbaye
que Voltaire fut inhumé
Translation
de Voltaire à l’abbaye de Scellières ou Seillières
Voltaire représente au
XIXe siècle, la négation des idées dont le catholicisme est l’affirmation.
Mort en 1778, le
célèbre écrivain soulève autour de son cercueil « autant d’orages qu’en avaient
provoqués ses écrits ».
Le clergé de Paris lui
refuse ses prières. Pour ces restes proscrits, la famille cherche un asile, et
cet asile est l’abbaye de Scellières (ou Seillières), près de
Romilly-sur-Seine. Un neveu de l’écrivain, Mignot, abbé commendataire des
bénédictins de Scellières, donne l’ordre au prieur de recevoir et d’inhumer
Voltaire.
L’évêque de Troyes
s’oppose vainement à l’accomplissement de cet ordre, et par lettre en date du 2
juin 1778, il menace le prieur dom Potherat des suites de l’inhumation si elle
a eu lieu, et renferme une défense pour le cas où elle n’aurait pas été
accomplie.
La réponse du prieur
relate un exeat du curé de Saint-Sulpice, une profession de foi catholique,
apostolique et romaine faite in extremis par Voltaire. Au refus de sépulture
que lui commande, le cas échéant, l’évêque, dom Potherat répond :« Je ne savais
pas qu’on put refuser la sépulture à un homme mort dans le corps de l’église,
et j’avoue que, selon mes faibles lumières, je ne crois pas que cela soit
possible ». Puis, il relate les circonstances de l’inhumation. Les restes de
Voltaire, enfermés dans un cercueil de plomb sont déposés dans un caveau dont
la dalle porte les 2 initiales : A. V.
Il y a 13 ans que
Voltaire repose dans ce lieu, quand la Révolution, après avoir fermé les
églises, ouvert des temples à la raison, ne peut négliger de rendre hommage à
l’un de ses précurseurs. Presque dans la même semaine, l’Assemblée Constituante
et le Directoire du département de l’Aube songent, l’un à glorifier l’écrivain,
l’autre à lui donner « les honneurs de l’apothéose ». Le Directoire du
département de l’Aube commence. En séance extraordinaire du 15 mai 1791, le
procureur général proclame les titres de Voltaire à la reconnaissance de la
France, sous le règne de la Justice, de la Liberté et de la Raison. Les conclusions
tendent à faire inhumer le corps de l’écrivain, et à le faire placer par les
soins des « amis de la Constituante » qui l’avaient demandé, dans l’intérieur
de la cathédrale de Troyes. le Directoire adopte la proposition et les « amis
de la Constituante » s’occupent des préliminaires de la translation. Le vœu,
communiqué au district de Nogent, est approuvé. Au moment d’organiser la
cérémonie, ils en sont empêchés. Romilly demande le préliminaire d’une décision
formelle du Conseil Général, se réservant toutefois par un vœu, la tête et le
bras de Voltaire. Transmises au Directoire, les prétentions de Romilly sont mal
accueillies. Le procureur s’élève contre un démembrement qui rappelle « les
procédés barbares » de la Cour de Rome, et autorise la translation, enjoignant
aux habitants de Romilly de ne pas s’y opposer.
Tout marche au mieux,
lorsque la Constituante décrète la translation de Voltaire au Panthéon.
Voltaire est enlevé et
conduit, le 10 mai 1791, au milieu des manifestations et des fêtes, à Paris, où
il gît au fond d’un obscur caveau de l’église de l’abbaye de Sainte-Geneviève,
transformée en temple des grands hommes.
Le curé de Romilly
raconte les circonstances de l’exhumation et de l’exposition du corps, qui est
transporté dans son intégrité au Panthéon, sauf un fragment de talon qui se
trouve en la possession de M. Mandonnet, propriétaire à Chicherey.
M. Bouquot, imprimeur à
Troyes, a donné en 1847, au Musée de Troyes le premier des os du métatarse de
Voltaire. Il tenait ce fragment de M. le docteur Bouquot, son oncle, présent à
Scellières lors de l’exhumation du célèbre écrivain.
Par décision du Conseil
municipal du 8 octobre 1886, le nom de Voltaire est donné à une rue de Troyes.
Abbaye
Val des Vignes
En 1220, une autre
abbaye de cisterciennes prend naissance au Val-des-Vignes, à Ailleville
Elle sera réunie à
Clairvaux en 1399 et remplacée 50 ans plus tard, par un prieuré d’hommes
dépendant de cette abbaye.
L’arrivée des moniales
de la Piété-Dieu, au Val des Vignes, n’apporte pas à cette abbaye de moniales
cisterciennes l’élan que l’on en espérait.
L’ensemble fut vendu
comme bien national en 1791.
L’église qui était
restée debout fut démolie après 1800.
Les habitants de
Bar-sur-Aube avaient alors l’habitude, le lundi de Pâques, de se rendre en pèlerinage
à l’église des « Filles-Dieu ». On appelait cette fête « le rapport des
Filles-Dieu ».
« Un antiquaire qui
fait le portrait de sa ruine, a écrit Victor Hugo, comme un amant qui fait le
portrait de sa maîtresse, se charme lui-même et risque d’ennuyer les autres.
Pour les indifférents qui écoutent l’amoureux, toutes les belles se ressemblent
et toutes les ruines aussi ».
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