Les Abbayes devaient « le charroy
» en temps de guerre
Un rôle de contribution à force de loi et rend le charroy régulièrement
obligatoire, en temps de guerre, pour toutes les abbayes contribuables.
Cependant, même en temps de
guerre, les abbayes soumises au charroy ne sont pas charroyables à merci. D’un
côté, le charroy est une prestation ou réquisition bien déterminée, qui
consiste à fournir un chariot à 4 roues, attelé de 2 chevaux, ou une charrette
à 2 roues attelée d’un cheval. D’un autre côté, les abbayes charroyables sont
obligées au charroy, seulement lorsque le « corps du Roy est en l’ost »,
c’est-à-dire lorsque le roi en personne est à la tête de l’armée. Dans ce cas,
les abbayes doivent s’exécuter dès qu’elles ont reçu la « semonce »
(avertissement) de se rendre en « l’ost » (armée) avec le Roi, en tel lieu et à
tel jour désigné par qui de droit. Ces prestations ou réquisitions de charroy
font partie du service militaire que les abbayes doivent au Roi.
Pour bien comprendre cela, il
faut se rappeler que les rois des 2 races mérovingienne et carolingienne, ainsi
que les premiers rois de la race capétienne, ont été les fondateurs, les
restaurateurs, ou les principaux bienfaiteurs de la plupart des grandes abbayes
de France, et principalement des nôtres !
A ces divers titres, les rois
tiennent naturellement les abbayes sous leur dépendance, sauvegarde et
protection. Les abbayes, reconnues de fondation royale et qui ont été dotées de
grands et beaux fiefs temporels, sont assimilées aux laïques possesseurs de
fiefs, qui, entre autres services féodaux, doivent le service militaire et
l’impôt du sang au roi, leur suzerain. Aussi, dès les premières guerres de
Charlemagne, nous trouvons dans les armées des abbés avec leurs vassaux. Déjà à
cette époque, le roi demandait à plusieurs abbés et abbesses, en temps de
guerre, un contingent d’hommes armés et d’autres prestations militaires, soit
en nature, soit en argent. Mais ce n’est qu’en 817, que la loi militaire rend
le service obligatoire en temps de guerre pour les abbayes, et est discutée et
votée par l’Assemblée Concile d’Aix-la-Chapelle.
Cette assemblée des évêques et
des grands du royaume, sous la présidence du roi Louis le Débonnaire, dresse le
rôle officiel des abbayes au point de vue du service militaire, rôle empreint
d’une grande sagesse et qui montre dans quelle mesure de modération et de
justice le roi demande aux abbayes de participer au service militaire et à la
défense de la patrie, en temps de guerre.
Quelques mois après la
publication du rôle des abbayes soumises au service militaire, Louis le
Débonnaire ordonne aux abbés et abbesses de lever leurs troupes pour l’aider à
conjurer la révolte de Bernard, roi d’Italie. La lettre de convocation est
adressée aux archevêques, aux évêques de leurs paroisses, qui la communiquent
aux abbés et abbesses, aux comtes, aux officiers royaux et à tous les fidèles
de leurs diocèses.
Cette loi de l’an 817, sur le
service militaire dû par les abbayes est en vigueur jusqu’au XVII° siècle.
Toutefois, pendant le moyen-âge, les rois ne prennent pas son exécution avec
trop de rigueur. En principe, les abbayes sont tenues dans une certaine mesure
au service militaire, mais dès le temps de Charles le Chauve, les unes ou les autres,
en tel cas particulier, peuvent obtenir par grâce d’être exonérées de ce
service en partie ou même en totalité. D’ailleurs, au XIII° siècle, elles
peuvent déjà, moyennant finance, se racheter du service militaire. De même, les
prestations de guerre en nature, peuvent être rachetées à prix d’argent.
Dès le XIV° siècle, les subsides
pécuniaires ou aides, sous divers noms, deviennent plus fréquents et sont
étendus à tous les établissements monastiques, sans exception, même aux simples
prieurés. Par suite, les grandes abbayes sont obligées moins fréquemment à
envoyer au roi des soldats tout équipés. Les commissaires de guerre préfèrent
les contributions en argent aux hommes inhabiles que fournissent les abbayes.
Enfin, les abbayes cessent de
fournir un contingent d’hommes. Charles VII commence l’organisation des armées
permanentes, par ses Ordonnances de 1439 et 1445. Dès lors, la plupart des
charges de guerre sont converties pour les abbayes en subventions pécuniaires.
Il ne faut pas oublier qu’au XIV°
siècle et dans les siècles suivants, plusieurs abbayes engagent ou vendent des
vases sacrés, des reliquaires, des croix précieuses…, pour payer les
contributions de guerre.
Il ne faut pas oublier que, pour
la même cause, au XVI° siècle, plusieurs abbayes engagent ou vendent de beaux
immeubles, avec l’autorisation du pape Grégoire XIII.
C’est ainsi que les abbayes, ont subvenu
aux besoins de l’Etat, dont les dangers et les avantages sont inséparables de
ceux de l’Eglise.
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