jeudi 25 avril 2024

Chapelle Saint Gilles

 

Les bombardements de 1940 détruisirent de nombreuses maisons faubourg Croncels, dont la chapelle Saint-Gilles, ce qui suscita d’énormes regrets parmi les Troyens.

En 1928, la Société Académique de l’Aube s’est émue de l’état d’abandon, devenu dangereux, dans lequel se trouvait la petite chapelle Saint-Gilles, et encouragée par l’offre spontanée d’une importante contribution, elle a décidé de faire appel à la générosité des habitants de Troyes, afin de réunir les fonds nécessaires à la remise en état de ce curieux édifice : « On dit que la France, devancée dans le domaine des choses pratiques par des pays mieux organisés, doit porter son effort sur les métiers d’art, où elle excelle. Montrons à nos ouvriers avec quel soin leurs ancêtres, de simples charpentiers de faubourg, ont décoré les bois de leur chapelle : sans prétention, avec de l’étude, du goût et du temps, avec l’amour aussi de leur métier, ils ont fait à la fois solide et beau. C’est leur travail qu’il s’agit de sauver. 

Saint-Gilles, chef-d’œuvre d’artisanat local, ne doit pas tomber en ruines faute de subsides, il faut conserver sa silhouette pittoresque au vieux faubourg, leur cadre aux intéressantes peintures et sculptures qu’il renferme. »

 A l’appel de la Société, de la Presse locale et du Clergé de la paroisse, un bel élan s’est manifesté. Déjà près de 30.000 francs ont été recueillis. Encore un effort, et l’existence de Saint-Gilles sera assurée pour longtemps.

 Dès l’époque carolingienne, Croncels (Crunscellum) apparaît, avant 854, lorsque Charles le Chauve en confirme la possession à l’abbaye (qui deviendra) Abbaye Montier la celle  , depuis le VIIe siècle.

 Dans une bulle du 5 avril 1139, le pape Innocent II confirme dans ses biens la chapelle Saint-Gilles.

 Elle ne faisait pas partie des paroisses de Troyes, mais sa proximité de la ville lui valut souvent d’être traitée comme tel dans le langage courant.

La guerre de Cent Ans répandit sur la Champagne les torrents dévastateurs des armées anglaises et bourguignonnes. C’est alors en 1420, que Saint-Gilles, qui a vu les ruines s’amasser autour de lui, disparaît à son tour sous la pioche.

Après la ruine de la chapelle, les paroissiens fréquentèrent l’église de Saint-André .

  C’est tout au début du XVIe siècle, que fut élevé l’édifice, dont la grande originalité résidait dans sa construction entièrement en bois, procédé économique, rare aux environs de Troyes, mais qu’on a employé, dans le nord-est du département, pour les églises rurales de Lentilles, Longsols. La chapelle dépendait alors de la cure de Saint-André.

A la fin du XVIIIe siècle, Saint-Gilles, dont la sacristie n’existait pas encore, était entourée de son cimetière..


 Tout autour de la place qui s’étendait au chevet de Saint-Gilles, des auberges accueillaient les routiers : « La Bonne Âme », « La Fontaine », « l’Image Saint-Claude », « l’Ecu de France », « Le Dauphin Couronné », « La Corne de Cerf », « Le Moulin à Vent », « La Bannière de France »…         La Révolution ferme Saint-Gilles et menace de la détruire une seconde fois.

Le 20 janvier 1798, la municipalité troyenne, sur la proposition de l’architecte Milony, décide la destruction de toutes les églises, sauf la Cathédrale. Saint-Gilles, vendue, ferait place à des maisons particulières. Fort heureusement cette délibération resta lettre morte. Une ordonnance royale du 20 mars 1844 érige la chapelle Saint-Gilles en secours de la paroisse Saint-Jean.

 A Troyes, au XVe siècle, presque toutes les maisons sont en bois, les maîtres-charpentiers y étant fort habiles. L’Aube est à peu près seule à posséder des édifices de bois. Il n’est pas étonnant que, pour de petites églises rurales, les ressources faisant souvent défaut, les habitants se soient servis, comme pour leurs maisons, de matériaux que fournissaient abondamment les forêts de la région, la pierre manquant totalement. La chapelle dédiée à saint Gilles fut reconstruite en bois.

 Cet édifice a subi de nombreux remaniements, mais il est facile de se rendre compte de ce qu’était l’œuvre primitive, une simple nef divisée par des poteaux soutenant des fermes en 5 travées inégales et un chœur à 4 pans.  A cette construction est venu s’ajouter, au XVIe siècle, un transept. La nef a été agrandie par 32 travées et 1 appentis. Des fenêtres devaient être ouvertes dans chaque travée, entre 2 potelets.



 Dans ce petit édifice, les charpentiers ont voulu montrer tout leur savoir. La flèche, très champenoise, fine et élégante, entièrement en bois, est à 8 pans. Elle se termine par une croix en fer, avec des ornements en plomb. Le clocher renfermait une cloche de 1698, de 55 cm de hauteur, qui donnait le fa.

 Saint-Gilles mesurait 19,50 m. de longueur sur 5,90 m. au sanctuaire et 6,10 m. au portail. La nef allait en s’élargissant à partir des transepts et donnait une longueur totale de 16,50 m. La hauteur était de 8 mètres. Elle recélait tout un musée d’œuvres de l’ancien art troyen, peinture et sculpture.

 Parmi les peintures à l’admiration des connaisseurs, il y avait : la jolie « Vierge à l’Enfant », sur un fond d’or, très beau spécimen de l’art primitif local, datant de la fin du XVe siècle ; un « Triptyque de la Passion », sur bois à volets : l’« Ecce homo », avec le « Portement de croix », le « Crucifiement », la « Résurrection » ; « La Légende de sainte Anne » racontée en 3 panneaux ; un autre triptyque : « Présentation de Jésus au Temple », « Massacre des Innocents », « Jésus au milieu des Docteurs » ; un dernier triptyque était sur l’autel : « La Salutation angélique », « l’Adoration des Bergers » et « l’Adoration des Mages ».


Vierge au manteau rouge

Huile sur bois, 16e siècle

123 x 100 cm


Ce tableau représente la Vierge Marie, assise sur un banc, dans une arcade en anse de panier. Elle porte dans ses bras l’enfant Jésus. Caractéristique du style gothique du Moyen Âge, le fond d’or symbolise ici le monde céleste et le rayonnement divin.

Enveloppée dans un ample manteau rouge bordé d’un galon précieux et portant une couronne richement ornée, la Vierge s’impose ici comme Reine du ciel et de la terre comme dans de nombreuses représentations nordiques, notamment celles de Jan Van Eyck (La Vierge au chancelier Rolin, 15e siècle).

Ce type de représentation qui montre la Vierge assise sur un siège ou un trône et richement vêtue est appelée « Vierge en Majesté », par opposition à la « Vierge de l’humilité », souvent assise à même le sol et parfois représentée pieds nus.

Ce panneau de bois révèle également l’influence des gravures d’Albrecht Dürer, qui ont pu être diffusées grâce à l’imprimerie. S’il pourrait sembler plus ancien au vu de son style gothique, il a pu être daté grâce aux armoiries représentées dans ses angles inférieurs : à gauche celles de la famille La Ferté et à droite celles de la famille Godier, qui avaient noué une alliance en Champagne au début du 16e siècle.

Le panneau se trouvait à l’origine dans la chapelle Saint-Gilles (15e-16e siècles), qui fut détruite durant la Deuxième Guerre mondiale. Elle est visible à  L'Hôtel de Vauluisant .

Cette œuvre majeure est un jalon entre l’art du Moyen Age, plein de retenue, et celui plus expressif, qui va s’épanouir avec une force accrue tout au long du siècle, sous l’influence de Fontainebleau et de l’Italie.

Espacées entre ces panneaux, se voyaient de belles sculptures du XVIe siècle : « saint Jérôme », 2 statues  du patron de la chapelle, une le montrant en religieux, très âgé avec sa biche familière, l’autre en abbé revêtu de l’étole et de la chape, tenant une croix et un livre, la troisième, en religieux, une mitre à ses pieds ; une « Piéta », une « sainte Catherine », un « saint Sébastien », une « sainte Anne et la Vierge ».

 La statue de « saint Roch » était citée dans l’ouvrage de M. Mâle sur « l’Art religieux de la fin du Moyen Âge en France ». Saint Roch  était invoqué, au moyen âge, contre les épidémies. Ce groupe de pierre est très bon et est attribué au Maître de la sainte Marthe de l’église Sainte-Madeleine.

 Espérons que ces quelques lignes laisseront un souvenir durable envers cette belle œuvre d’artisans locaux.

 

 Abbé Jean Dieudonné Bonnard

 

 

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