L’église Saint-Jean est construite sur les ruines d’une autre ravagée par les Normands en 888. Son existence est attestée dès le VIIe siècle. Elle est placée sous le titre, de St-Jean-au-Marché, parce qu’elle se trouvait au centre du commerce troyen et les Foires du Moyen-âge se tenaient sous ses ailes. C’est pourquoi elle est la paroisse des forains.
En 878, lors d’un concile, le pape Jean VIII,
couronne empereur et roi d’Aquitaine, Louis II le Bègue. Un vitrail du XVIe
siècle l’atteste. C’est également au cours de ce siècle douloureux que l’église
est pillée par les Normands.
En 1188, un violent incendie détruit une partie de
l’église. Cette paroisse est restée longtemps la plus importante de Troyes,
parmi les 9 autres églises intra-muros
Le 20 mai 1420,
Henri V Roi d’Angleterre, vient à Troyes pour se marier avec Catherine
de France, fille de Charles VI (le roi fou) et d’Isabeau de Bavière. Ce mariage
fait suite au « Traité de Troyes » signé à la cathédrale, cédant le
royaume de France à Henri V. Henri V laisse à cette église la couronne de son
mariage, et son manteau royal, brocart chargé d’aigles et de fleurs en or. Ce
mariage scelle ce que l’on appelle "le honteux Traité de Troyes ",
qui déshérite le dauphin Charles et livre la France aux Anglais.
Marguerite Bourgeoys qui a fondé Montréal est
baptisée dans cette église le 17 avril 1620. Cette jeune femme décide de
quitter la ville et sa famille en 1653 pour se rendre à Ville-Marie en
Nouvelle-France et y fonde Montréal. Jean-Paul II la canonise en 1982. Une
plaque commémorative est apposée à l’entrée du porche. Marguerite Bourgeois est
régulièrement mise à l’Honneur grâce à la congrégation Notre-Dame de Montréal.
L’église actuelle date du XIIIe siècle, la tour du
XIIe, étant la seule partie des constructions antérieures. C’est la plus vaste
église, après la cathédrale et témoigne ainsi de son importance et de sa
puissance à une époque où les marchands viennent du monde entier durant les
foires de Champagne, nécessitant dès le XIIe s. des constructions que l’on
nomme ‘logettes » aux abords du lieu de culte. Il y a une foire chaude à
la St Jean (juillet-août) et une foire froide à la Saint Rémi
(octobre-novembre) qui atteignent leur apogée au XIIIe siècle.
La nef est dominée par la tour de l’horloge, espèce de minaret, et par le toit obtus à 4 pans d’un massif clocher. La longueur de l’édifice est de 77 mètres, la hauteur du porche de 8 mètres sur 3, celle de la voûte du chœur, de 21 mètres. En 1392, 4 autels sont établis.
Cependant, du 24 au 26 mai 1524, le grand incendie
brûle le clocher et les trois premières travées de la nef, les chapelles collatérales, le clocher
s’effondre dans la rue, écrasant les maisonnettes, le bronze des 6 cloches en
fusion coule dans les ruisseaux... C’est ce qui explique le mélange des 2
architectures de l’édifice, la nef appartient au style ogival, le chœur
avoisine la Renaissance. Aussitôt reconstruites par Martin de Vaulx. Le mur du
bas‑côté nord est antérieur à l’incendie tout comme la peinture monumentale du
Jugement dernier, classée au titre des monuments historiques en 1974.
Le voûtement du déambulatoire et des chapelles rayonnantes
est achevé. En 1548‑1549 débute la construction des arcs‑boutants avec une
colonne médiane.
La curieuse tourelle dite de l’horloge, est
construite en 1574. Un gros timbre, accompagné de plusieurs petites cloches,
sonne les heures. De grands cadrans, flanqués d’Agnus Dei dans les écoinçons,
sont peints sur 3 des faces du minaret. Cette même année 1574, le chantier est
abandonné en raison des problèmes de stabilité du chœur puis des guerres de
religion.
Les principales phases de construction de l’église
dans son état actuel sont réalisées en 1578. Le chantier reprend en 1593 sous
l’impulsion de Girard Faulchot, assistant puis successeur de Rémi Mauvoisin, travaillant
aussi sur le chantier de la cathédrale, qui va s’intéresser à la façade ouest.
Durant la Révolution, l’église est fermée et sert de grenier. Elle perd alors
une grande partie de son mobilier.
L’horloge date de 1789. René Briat a écrit : "
Bizarrement perchée en porte à faux sur un arc-boutant, cette horloge revêt, le
soir, des allures de jaquemart rapporté d’Orient par quelque croisé ou marchand
aventureux ".
En 1807, la flèche qui surmontait la neuvième travée
est supprimée. L’église figure sur la première liste des édifices classés au
titre des monuments historiques en 1840. Du 23 au 24 mai 1911, le clocher
s’écroule et écrase le porche dans sa chute. Un projet de reconstruction est envisagé
mais ne voit jamais le jour en raison de la Première Guerre mondiale. L’église
a fait l’objet d’une restauration générale des élévations extérieures, des toitures
du chœur.
L’église a une belle nef de 8 travées, et 15
chapelles.
L’on peut admirer de nombreuses œuvres de Pierre Mignard dont Le baptême de Jésus-Christ par Saint Jean-Baptiste et Le Père Éternel, regardant avec complaisance le baptême de son Fils.
4 colonnes de marbre noir, de la plus grande
proportion, soutiennent 2 corps avancés, sur lesquels Girardon a répandu tous
les ornements qu’admet l’ordre corinthien.
La niche de marbre et les 2 anges en bronze doré, placés sur l’autel, sont de Girardon, qui, dans les accompagnements de ce chef-d’œuvre de goût, a ménagé une place pour 2 statues : l’une de Saint-Jean Baptiste, et l’autre de Saint-Jean l’évangéliste, de la main de Gentil et Dominique Florentin, qu’il regardait comme ses maîtres.La partie supérieure, ou retable de cet autel, est remplie par une Cène en albâtre, ouvrage de Dominique Florentin et Gentil.
Les très belles verrières du XVIe siècle sont bien
conservées.
Il y a également de magnifiques sculptures, comme le
beau groupe de la Visitation, chef-d'œuvre de la sculpture troyenne du XVIe
siècle.
Un grand nombre de pierres tombales provenant des
anciennes sépultures s’enchâssent dans le dallage
L’enlèvement de 2 étais entraîne dans la nuit du 23
au 24 mai 1911, l’effondrement du porche qui datait de 1593 et du grand beffroi,
construit 5 mois après l’incendie de 1524, qui commandait le haut de la nef sud
et renfermait les cloches. La presse locale et nationale de l’époque a
largement commenté l’événement. L’église Saint-Jean est fermée au culte depuis
1999, car son état s’est profondément dégradé.
Depuis 1998, 3 tranches de restauration se sont
échelonnées. Une 4ème tranche permettra la restauration de la nef, de la
toiture et de la maçonnerie.
En 2009 la prestigieuse exposition sur l’école
troyenne " Le beau XVIe, chefs
d’œuvres de la sculpture en Champagne " (94 sculptures, issues de
grands musées du monde, ainsi que des églises auboises et champenoises),
obtient le label " Exposition
d’intérêt national " décerné par le ministère de la Culture et de la
Communication, et reçoit des visiteurs du monde entier.
La particularité du plan de Saint‑Jean‑au‑Marché réside
dans la forme du chœur et du chevet de l’église en trapèze. En effet, lors de
son agrandissement au 16e siècle, Martin de Vaulx a adapté la construction à
l’îlot, le contraignant à augmenter la largeur des collatéraux situés à gauche
du chœur pour que le vaisseau central puisse demeurer dans l’axe de la nef. Le
chevet donnait autrefois sur le cimetière de la paroisse matérialisé par deux
inscriptions et le nom de la rue du « petit cimetière Saint‑Jean ».Les piliers
polygonaux à quatre colonnes engagées ont la particularité de posséder un noyau
quadrangulaire aux angles abattus comme à la cathédrale de Troyes. Les grandes arcades,
arcs doubleaux et nervures des voûtes pénètrent directement dans les supports, sans
l’intermédiaire de chapiteaux, système caractéristique de l’architecture
flamboyante. Ce modèle est en vogue dans la région troyenne au début du 16e
siècle. Le système des arcs‑boutants est unique en son genre dans la mesure où
il comporte une colonne polygonale complétée par deux branches courbes pour
renforcer la partie centrale des arcs.
Les garde‑corps sont inspirés du jubé de l’église Sainte‑Madeleine.
On remarque un rythme serré de panneaux délimitant des fleurs de lys et des
formes en amande. Au deuxième niveau, le remplage des fenêtres, réalisé en 1553
sur les dessins de Gabriel Favereau, maître‑maçon de la cathédrale, marque soudainement
l’introduction de la Renaissance sur le chantier. Il s’agit d’une composition en
deux registres, séparée par une épaisse traverse percée d’oculus, dont la partie
supérieure est couronnée d’un fronton triangulaire. Rappelons que Gabriel
Favereau est le gendre de Dominique Florentin dont il a suivi l’enseignement et
subi l’influence. La chapelle Saint‑Sébastien constitue une autre curiosité en
raison de sa voûte en berceau romaine ornée de compartiments. Au niveau de la
façade ouest, la trace de la voûte du porche subsiste encore au‑dessus du portail
corinthien. La grande fenêtre en plein‑cintre du deuxième niveau fut murée en
1760 par la construction d’un étage en pan de bois au‑dessus du porche pour
abriter la soufflerie du nouvel orgue qui se situait au revers de la façade.
Il est parfois complexe d’étudier les vitraux de cette église car nombre d’entre eux ont disparu et certains ont été reconstitués à partir d’éléments des baies de l’édifice ou de provenance inconnue.
LE BAPTÊME DU CHRIST (VERS 1540)
Reconstruite suite à l’incendie de 1524, cette baie,
offerte par Catherine Léguisé dont les armes figurent sur le prie‑Dieu, représente
La Nativité, L’Annonce aux bergers et Le Baptême du Christ. La dernière scène
comporte des couleurs chatoyantes sur un fond étoilé avec de multiples montures
en chef‑d’œuvre. À son sommet, on y aperçoit Dieu le Père et la Colombe de
l’Esprit.
Cette grisaille*, embellie de jaune d’argent*, fait
aussi partie d’une baie reconstruite après l’incendie de 1524. Restaurée par
Pierre Soudain en 1560, elle se compose de deux registres qui respectent le
sens traditionnel de lecture d’un vitrail (de gauche à droite) et représente la
vie du saint patron de l’église. Nous y découvrons, au registre inférieur, La Prédication
de Jean‑Baptiste, La Discussion avec les pharisiens, L’Emprisonnement du saint
et au registre supérieur, La Décollation du Baptiste, Le Repas d’Hérode puis
L’Ensevelissement.
LE JUGEMENT DE SALOMON (1512)
Offerte par le marchand de sel Jean Ménisson, cette
verrière est la plus renommée de l’église. Elle a la particularité de s’étendre
sur toute la surface de la fenêtre dans un décor typique de la Renaissance où
la perspective est accentuée par une architecture italianisante. Ce vitrail
associe le jugement de Salomon (personnage biblique et roi d’Israël) à un autre
relatif à un vol de pommes qui ferait référence à une légende troyenne.
LA LÉGENDE DE SAINTE AGATHE (VERS 1530)
Cette verrière incomplète, en grisaille et jaune d’argent*,
aurait été financée par la famille Vestier, fondatrice de la chapelle. Adaptée
aux nouveaux remplages* ajoutés au cours de la seconde moitié du 16e siècle,
elle relate des scènes du Martyre de sainte Agathe, jeune sicilienne et fervente
chrétienne, dont le consul romain Quintien s’éprend. Refusant ses avances, il
la fait flageller puis lui fait couper les seins. La jeune femme guérit
miraculeusement de ses blessures et Quintien décide de lui faire couper la
tête. Ces épisodes sont mis en scène dans un décor antique utilisant la
perspective. Ce vitrail témoigne de l’influence italienne et maniériste à travers
les visages expressifs, la posture du corps et l’usage du nu.
LES ÂMES DU PURGATOIRE (1879)
Composition impressionnante réalisée par Babouot,
peintre‑verrier à Paris, ce vitrail évoque la peinture sur porcelaine tant le
rendu est minutieux. Il se compose de trois registres : au niveau inférieur
figure L'Église priant pour les âmes du Purgatoire, au niveau médian, Le
Purgatoire encadré par la Vierge et saint Jean‑Baptiste et au niveau du tympan,
La Sainte-Trinité dans les cieux.
LE MAÎTRE‑AUTEL
Auparavant, un jubé en charpente, démoli en 1648,
fermait le chœur liturgique. Identifiable dès l’entrée dans l’église, ce
maître‑autel, classé au titre des monuments historiques en 1840, comporte un
important retable haut de 15 mètres, dessiné en 1663 par Michel Noblet,
architecte des ouvrages publics de Paris, directeur et garde des fontaines de
cette ville. Le maçon Madain et le sculpteur Pierre Chabouillet en sont les exécutants
lors des travaux qui se déroulent de 1665 à 1667. Il est fait usage de l’ordre
corinthien pour mettre en évidence le niveau principal au sein duquel la pierre
blanche et le marbre noir rythment la composition. Les deux socles vides recevaient,
avant la Révolution, deux statues du 16e siècle représentant saint Jean‑Baptiste
et saint Jean l’Évangéliste. Afin d’orner l’ouvrage, Pierre Mignard, célèbre
peintre troyen né dans cette paroisse, réalise deux tableaux en 1666 et 1667 :
Le Baptême du Christ, sur lequel figure le saint patron Jean‑Baptiste et Dieu
le Père au niveau de l’attique. Pierre Mignard devient le premier peintre du
roi Louis XIV à la mort de Le Brun. Commandé en 1691 à l’éminent troyen
François Girardon, grand sculpteur du règne de Louis XIV, et installé par le
marbrier Lapierre, le tabernacle témoigne de l’esprit versaillais de l’époque
et offre une alternance et un contraste de nobles matériaux : marbres de
couleur, marbre blanc, bronze doré. L’œuvre fait écho à celle que le sculpteur
conçoit en 1679‑1680 pour le maître‑autel de la chapelle de la Trinité à Fontainebleau.
On y aperçoit les bas‑reliefs de l’Enfant Jésus sur la porte, du Christ et de
la Vierge sur les médaillons, des deux saints Jean sur les ailes et les supports
de deux sculptures d’ange (aujourd’hui disparues). Quant au pavage de marbre,
il date de 1744 et l’autel est refait en 1846.
LES RELIEFS DE L’AUTEL DU SAINT‑CIBOIRE
Destiné à la conservation des saintes espèces, l’autel
du Saint‑Ciboire est consacré en 1693. Le sculpteur Laporte et le marbrier
Lapierre, de l’atelier de François Girardon, en sont les maîtres d’œuvre. On rapporte
que François Girardon envoya douze caisses de marbre de Paris pour sa
réalisation. En 1793, l’ensemble est démonté et transporté au muséum de la
ville pour être rendu à l’église en 1803 puis remonté par le sculpteur troyen Valtat
en 1862. Ce tabernacle fut beaucoup admiré au 18e siècle en raison de la rareté
du marbre. On remarque un bas‑relief figurant la Sainte‑Trinité sur la porte
tandis que les médaillons représentent la Vierge et le Christ. Les quatre
bas‑reliefs, datés du milieu du 16e siècle, ne figuraient vraisemblablement pas
dans la composition du 17e siècle. Ils illustrent Le Portement de la Croix, L’Érection
de la Croix, La Résurrection et La Mise au tombeau. Toutefois, le chef‑d’œuvre
de cette composition réside dans les trois hauts reliefs
taillés dans l’albâtre vers 1540‑1550 représentant Le Lavement des pieds, La Cène
et La Restitution des deniers. On y retrouve l’influence italienne dans la
sculpture troyenne à travers les corps musclés, l’expressivité des personnages,
leur dynamisme et la perspective de l’architecture à l’antique du second plan. Cette
œuvre d’une grande finesse, identifiée à Jacques Juliot, témoigne de sa
virtuosité.
Attribué à Nicolas Halins, sculpteur ayant également
travaillé sur le jubé de l’église Sainte ‑Madeleine, ce groupe, autrefois
polychrome, est un autre exemple de la sculpture troyenne du 16e siècle (front
dégagé, yeux étirés, sourcils fins et hauts, chevelure à longues mèches ondulantes)
et demeure une des plus belles pièces de l’église. Marie et Élisabeth sont
richement vêtues à la mode contemporaine de l’époque Renaissance. Outre les
plis et les broderies très raffinés des deux robes, le sculpteur a ajouté des détails
d’une grande précision. On peut admirer un trousseau de clés et une aumônière
sous le vêtement d’Élisabeth tandis que la Vierge, dont la coiffe est ornée de perles,
tient un livre dans sa main gauche.
LA DÉPLORATION (VERS 1515‑1530)
L’expression contenue de la douleur des personnages
fait référence aux œuvres du Maître de Chaource, identifié comme le sculpteur Jacques
Bachot, ou d’un de ses disciples. Cet ouvrage de petites dimensions, taillé
dans un seul bloc, comporte des traces de polychromie. La composition, réaliste
et équilibrée, présente le Christ étendu, saint Jean, la Vierge et sainte Madeleine.
Le jeu des gestes et des regards invite le fidèle à méditer sur la mort du
Christ et conduit au personnage de Madeleine qui sèche ses larmes de son voile
et parfume les pieds de Jésus.
MARGUERITE BOURGEOYS ET TROIS ENFANTS (1982)
Œuvre du sculpteur Geneviève Bourdet, ce groupe a
été commandé et financé par les soeurs de la Congrégation Notre‑Dame de Montréal
au moment de la canonisation de Marguerite Bourgeoys*, le 31 octobre 1982. Il a
été installé dans l’église le 6 novembre 1982 par Monseigneur Fauchet, évêque
de Troyes.
L’œuvre figure devant un vitrail, don du Comité
Marguerite Bourgeoys, réalisé par la créatrice troyenne Flavie Serrière
Vincent‑Petit, à l’occasion du 400e anniversaire de la naissance de la sainte
et inauguré en mai 2022.
PEINTURE MONUMENTALE DU XVe
LA CENE
ECCE HOMO Vers 1530-1540 -Calcaire polychrome
Jésus est représenté au moment où Pilate le livre au peuple en s’écriant « Voici l’homme ». Debout, coiffé d’une couronne à grosses épines, les poignets liés par une épaisse corde, il est vêtu du perizonium et porte le manteau de dérision attaché par un lacet. Jésus tient encore dans la main droite un morceau de roseau, sceptre ridicule, dont la partie supérieur a été brisée. Cette statue s’inscrit parmi les exemples, nombreux mais à chaque fois différents, d’Ecce Homo sculptés, recensés en Champagne. L’Ecce Home, à l’instar du Christ de Pitié, fut en effet un thème particulièrement prisé au XVIe siècle, qui permettait d’émouvoir le spectateur pour le conduire à méditer sur les souffrances du Christ, Sauveur de l’Humanité. La terrasse légèrement inclinée, et la positon ployée du Christ laisse à penser que la statue était destinée à un emplacement relativement haut, peut-être sur un autel, comme œuvre de dévotion.
Saint Michel terrassant le dragon - vers 1500
Groupe calcaire polychrome
Très populaire au cours de la guerre de Cent ans, il a symbolisé, par la résistance du Mont-Saint-Michel et ses apparitions à jeanne d’Arc, le refus de la domination anglaise. La sculpture champenoise en montre de nombreuses représentations. Sous une ample cape galonnée, l’archange est revêtu d’une armure en métal et se protège du côté gauche avec un petit bouclier rond pour le combat au corps à corps sur l’umbo* duquel figure, finement ciselé, le monogramme du christ, IHS la main droite est levée dans un geste destiné à porter avec une lance (disparue) un coup fatal à l’horrible monstre, bloqué entre ses jambes.
*umbo : L'umbo est une pièce bombée ou conique
en fer ou bronze se trouvant au milieu d'un bouclier, protégeant la main, permettant
de détourner les traits frappant ce point.
L'ORGUE
L'orgue de tribune, dû à René Cochu, date de 1806.
Orgue construit par René Cochu en 1804-1806, relevé
et agrandi par le même en 1824. Ducroquet intervint à son tour en 1850 et le
positif de dos fut alors vendu à la paroisse de Saint-Martin-de-Bossenay. Les
Rolin assurèrent l'entretien à la fin du siècle, et Jules Bossier effectua des
transformations en 1923.
L'église Saint-Jean expose une statue contemporaine d'une jeune femme dénommée Marguerite Bourgeoys dont il est intéressant de connaître la vie et l'œuvre. Elle naît à Troyes en 1620 et elle est baptisée à l'église Saint-Jean-au-Marché. Son père est maître-chandelier, ce qui le place dans la petite bourgeoisie troyenne. À la suite du décès de sa mère, à dix-huit ans, elle doit s'occuper de ses treize frères et sœurs. À vingt ans, elle se sent appelée par la religion, ce qui la conduit à enseigner dans les faubourgs de sa ville, sous l'égide des chanoinesses de Saint-Augustin. En 1635, la France est entrée dans la guerre de Trente Ans et Marguerite Bourgeoys se dévoue au service des miséreux et des malades. Innovatrice, elle essaie d'intégrer un cloître en prônant un «mouvement religieux actif et concret, mais les portes se ferment. Alors, bien conseillée, elle construit son destin : elle optera pour «le service du prochain dans une vie vagabonde. Et ce sera en Amérique du Nord. Par son action va naître la première congrégation non cloîtrée de cette région du monde (les membres sont liés à leur Ordre par des vœux simples, et non solennels comme pour les réguliers).
En 1641, Marguerite part au Canada. Le sieur de Maisonneuve, avec qui elle embarque, écrit à un correspondant : «J'amène une excellente fille qui sera d'un puissant secours au Montréal. Au reste, c'est encore un fruit de cette Champagne qui semble vouloir donner à ce lieu plus que toutes les autres provinces réunies ensemble». Elle y fera trois séjours malgré des conditions de vie très rudes : le froid, les vivres qui n'arrivent pas, les Indiens Iroquois toujours menaçants. En 1653, elle crée la première école française dans la petite ville canadienne de Ville-Marie. Elle en est la première institutrice. Son modèle pédagogique est saint Pierre Fourier, mort en 1640, et fondateur de la congrégation Notre-Dame. Le principe de base est double : acquérir le savoir fondamental (dont le calcul, même pour les jeunes filles) et apprendre un métier pour pouvoir gagner sa vie. L'école est gratuite, ouverte à tous et à toutes, et la famille est impliquée dans l'enseignement des enfants. Notions très innovantes pour l'époque, surtout si l'on y ajoute l'émulation, concrétisée par la présence du tableau noir qui fait son apparition dans les salles de classe. Dans son livre «Troyes de A à Z», Jean-Claude Czmara le rappelle : le but suprême est d'inscrire l'amour de Dieu dans les cœurs. Ce n'est pas tout : à l'école va s'ajouter un l'hôpital. En 1657, Marguerite fonde la chapelle Notre-Dame-du-Bon-Secours, toujours présente dans le vieux Montréal.
En France, la politique de peuplement en Amérique du Nord se précise : à partir de 1663, huit cents jeunes filles orphelines, dotées par Louis XIV et appelées «filles du Roy» embarquent pour le Canada (notamment à partir de la Rochelle) pour fonder une famille. En 1672, Marguerite Bourgeoys revient en France et repart avec des enseignantes. Enfin, en 1698, les sœurs, qui jusqu'ici sont restées laïques, prononcent leurs premiers vœux. La congrégation Notre-Dame, créée par Pierre Fourier, reçoit ainsi ses premières femmes séculières. J.-C. Czmara ajoute : «Une école pour les filles autochtones ainsi qu'une école d'arts ménagers sont en place dans la "réserve des Sulpiciens de la Montagne." Il faut également se consacrer à la formation des adultes, les femmes de colons notamment.» On remarquera à droite la présence d'une petite iroquoise parmi les trois enfants.
En janvier 1700, Marguerite Bourgeoys s'éteint à Ville-Marie, à l'âge de soixante-dix-neuf ans. Elle est béatifiée à Rome en 1950 et canonisée par le pape Jean-Paul II en 1982. Elle est la première sainte du Canada.
Source : «Troyes de A à Z» de Jean-Claude Czmara, éditions Alan Sutton.
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