L’Hôtel du Lion Noir a été construit au XVIe siècle
à l’emplacement d’un bâtiment détruit par l’incendie du 26 février 1559 qui
coûta la vie à plusieurs de ses occupants. Un blason retrouvé sur la hotte de
la cheminée du premier étage mentionne quatre familles troyennes importantes :
la famille Huez[1], Marguenat[2], Largentier[3] et d’Angenoust[4]. Ces familles
devaient être les propriétaires de cet hôtel mais aucun élément n’a permis de
savoir s’ils sont les premiers propriétaires. L’histoire de ce bâtiment devient
plus précise au XVIIe siècle puisqu’il apparaît dans des actes notariés[5]. Il
est mentionné comme « la maison du Lion Noir » à laquelle pend une enseigne
représentant un lion noir.
L’Hôtel du Lion Noir est constitué de deux bâtiments
: un bâtiment donnant sur la rue que les modifications architecturales
apportées ne permettent pas de dater avec précision mais dont les ouvertures
laissent penser à un bâtiment du XVIIe siècle. Le corps du logis, sur cour, est
incontestablement du XVIe siècle et caractéristique de l’architecture de la
Renaissance. En effet, la composition architecturale et les sculptures de ce
bâtiment le situent dans la seconde Renaissance italienne. Après l’exubérance de
la première Renaissance, la seconde se traduit par une plus grande sobriété et
une inspiration directe des monuments antiques. L’harmonie des ouvertures, les
pilastres et les chapiteaux traduisent sur cet hôtel du Lion Noir la seconde
Renaissance troyenne. Cette architecture remarquable est unique à Troyes, et
c’est par ailleurs une des rares représentations de ce style construit en bois
visible en France. Ce type d’architecture s’applique habituellement à des
bâtiments en pierre.
Ce chef d’œuvre architectural pourrait
vraisemblablement être l’œuvre de Dominique Florentin, sculpteur italien qui a
vécu à Troyes entre 1541 et 1571. Dominique Florentin a travaillé sur le
château de Fontainebleau avec le Primatice (initiateur de la seconde
Renaissance) et également à Troyes. Il a également construit les portiques
décoratifs pour l’entrée du roi de France dans la capitale de la Champagne.
Selon Jean Louis Valentin, architecte et compagnon charpentier, cet hôtel a dû
être construit vers 1570, ce qui semble être cohérent avec la période de
passage à Troyes de Dominique Florentin.
Par ailleurs, une salle située au premier étage
rappelle les salles de château avec sa cheminée et ses murs en damiers
champenois, et laisse penser que cet hôtel devait être plus grand. Il a dû être
séparé en deux parties pour des raisons inconnues. En effet, au fil du temps,
toutes traces de cet hôtel ont disparu et sa présence tombe dans l’oubli.
C’est par un concours de circonstances que l’hôtel
du Lion Noir a été découvert : la faillite du magasin de chaussures Bally
entraîna le rachat de cet hôtel en 1997 par les Mutuelles de Poitiers d’une
part et par la société SCI Renaissance appartenant à l’architecte François
Peiffer et à Maître Somborn, notaire, d’autre part. A cette période, le
bâtiment est entièrement recouvert de crépi, cependant, certains éléments
architecturaux du bâtiment donnant sur la cour indiquent la présence d’un
immeuble de qualité, malgré les transformations et les dégradations. Les deux
bâtiments sont reliés par des galeries à un escalier dissimulé par des
verrières qui servaient d’entrepôt.
Une fois le crépi enlevé, une magnifique façade
Renaissance à pans de bois apparaît. Les travaux sont momentanément suspendus.
Une demande d’inscription à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments
Historiques est alors déposée après concertation entre la Ville de Troyes et
les Services Départementaux et Régionaux des Affaires Culturelles.
L’escalier montre un travail minutieux de sculpture
: le poteau central est réalisé dans un seul chêne. Les décorations sculptées,
les chapiteaux et autres ornementations sont également de grande qualité. Les
sculpteurs ont travaillé le bois comme la pierre : ils ont sculpté dans
l’épaisseur de la façade en creusant le bois.
Cette restauration achevée en 1998 est révélatrice
des merveilles que l’on peut découvrir par hasard et que l’on ne soupçonnait
pas.
[1] D’azur à un oiseau sur une terrasse accompagné de trois étoiles.
[2] D’azur à trois bandes d’or au chef du même
chargé de trois roses.
[3] D’azur à trois chandeliers d’église or posés
deux en chef et un en pointe.
[4] D’azur à deux épées hautes les gardes d’or
posées en sautoirs.
[5] Un acte notarié du 14 mars 1695 constate la
cession de cet immeuble par Jehan Huez à Thienette Lambert veuve Benoist.
Description des MH :
Construit entre 1560 et 1580 à l'emplacement d'un bâtiment détruit par un incendie le mercredi 26 février 1559, cet hôtel particulier est implanté rue de l'épicerie. Il a été édifié par un riche commerçant troyen.
La façade présente trois niveaux. Le rez-de-chaussée n'a gardé aucune façade, seul apparaît à gauche le pilier en pierre portant la sablière du premier étage. Peut-être faut-il imaginer un rez-de-chaussée en pierre.
Le premier étage a conservé une petite partie de son décor. Celui-ci permet de reconstituer la disposition de l'ensemble de la façade : quatre travées séparées par des pilastres corinthiens. Les allèges sont scandées de petits potelets. Celui qui est conservé à gauche montre une grande qualité de sculpture. Une partie des autres, bûchés lors du crépissage de la façade ont été remplacés par des copies du potelet sculpté.
Au deuxième étage les éléments sont mieux conservés et montrent aussi une qualité de sculpture très intéressante. A l'intérieur les cheminées des deux premiers niveaux sont conservées. Celle du rez-de-chaussée présente deux têtes de lions sculptées ainsi qu'un décor de plafond, à côté de la hotte, d'une grande finesse. La cheminée du premier étage est aussi du 16ème siècle. Sur le plafond sont sculptées des armoiries qui pourraient donner l'identité du constructeur du bâtiment. On voit les armes de la famille de Huez alliées aux armes d'importantes familles troyennes (Largentière, Marguenat, Angenoust)
Aile en fond de cour en totalité avec les deux caves superposées ; escalier à vis attenant ; galeries superposées sur cour (cad. BY 57) : inscription par arrêté du 4 décembre 2000
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