Les évêques de Troyes, du 1er à ce jour….
1er 340-346 :
saint Amateur ou Amadour
Saint
Amateur évêque de Troyes (appelé aussi Amadour), mort vers 340 est le premier
évêque de Troyes à l’époque de Constant Ier. Le bréviaire troyen fait mention
de ce saint le 1er jour de mai
Si son nom est connu, la date de fondation de
l'évêché est inconnue. Elle est probablement postérieure à la promulgation de
l'édit de Milan en 313 par l'empereur romain Constantin Ier.
Selon Jean Charles Courtalon-Delaistre,
Conflantin, métropolitain de Sens a invité le clergé et les citoyens de Troyes
à s'élire un évêque qu'il consacra lui-même.
2e 346-375 :
Optatien ou Obtatin
Optatien,
second évêque de Troyes, succède à saint Amateur vers 343.
Saint Servais
étant à Utrecht a une vision qui lui annonce les intrusions des Barbares (des
Huns) dans le siècle suivant. Il en fait part à plusieurs évêques qui
s’assemblent avec lui à Troyes, en 346, où ils tiennent un concile afin de délibérer sur les moyens
de détourner la colère de Dieu et de prévenir ce fléau. Ils chargent saint
Servais d’aller à Rome au tombeau des saints apôtres pour implorer leur
intercession auprès de Dieu.
Avant de partir,
le Saint charge les évêques d’examiner l’accusation d’hérésie qu’il a intentée
contre Euphratas, évêque de Cologne.
Sur
sa réquisition, ils se rendent en cette ville, où ils tiennent un concile le 12
mai 346, à ce sujet. Euphratas qui s’est lié aux ariens et nie la divinité de
Jésus-Christ, y est déposé et Séverin élu à sa place.
Ce concile est
présidé par saint Maximin, évêque de Trèves. On commence par lire la lettre de
l’église de Cologne et des villes de la Germanie, dénonçant l’apostasie
d’Euphratas ; ensuite, tous les évêques donnent leur avis, à leur tour, et
suivant leur rang. Optatien, Episcopus Tricassiium, est nommé le cinquième.
Baronius le nomme le quatrième.
Pendant
tout le moyen-âge, et jusqu’au XVIe siècle, ces actes souvent cités sont
constamment et universellement regardés comme authentiques, et on les trouve
insérés dans toutes les collections des conciles. L’année suivante se tient le
concile de Sardique, en Illyrie, aux confins des empires de Constant et de
Constance, assemblé par le pape saint Jules, de concert avec les 2 empereurs.
On
y compte 97 évêques, dont 34 évêques des Gaules, et Optatien y est nommé le 17ème.
Il s’y montre fortement attaché au parti
de saint Athanase, c’est-à-dire à la foi catholique, et y signale son zèle pour
la doctrine de l’Eglise.
Trois
objets sont soumis à l’examen du concile : 1) une déclaration de la foi
catholique sur la question posée par l’arianisme, 2) la cause des évêques
chassés de leurs sièges et accusés par les Ariens, 3) les plaintes formées
contre les Ariens eux-mêmes par leurs victimes.
Après un épiscopat glorieux par ses travaux pendant l’espace de plus de
34 ans, Optatien meurt.
3e
375-380 : Léon
"
Entre tous, l’évêque saint Loup occupe une place exceptionnelle, son seul nom suffit
à classer cette Eglise de Troyes dans l’histoire… tout le désigne à
l’admiration, au respect, et fait de lui le plus grand des évêques troyens
", a écrit Mgr Roserot de Melin.
Saint Loup naît
vers 383 à Toul. Parvenu à la plus haute érudition, la renommée de sa brillante
éloquence, le fait connaître à tout le pays.
En 417, il
épouse une bergère, Piméniola. Sept ans après, ils n’ont pas encore d’enfants,
et d’un commun consentement, s’engagent à garder la continence et à vivre comme
frère et sœur.
Il
abandonne son bien aux pauvres, quitte la demeure familiale et se rend auprès
de saint Honorat, abbé du monastère fondé dans l’île de Lérins. Après une année
passée dans une fervente piété, Loup juge sa vocation affermie.
Il regagne Troyes qui vient de perdre son évêque saint Ours. Les Troyens le prient de lui succéder. Ainsi commence en 426 un pastorat remarquable.
Il
crée le monastère de Saint-Martin-ès-Aires, instruit un peuple ignorant,
gouverne son clergé " avec les rênes d’une sainteté attentive ".
" Doté
d’une intelligence vigoureuse, d’une éloquence célèbre, d’une éminente sainteté
", il est envoyé en 429, en mission en Grande Bretagne, afin de purger
l’île de l’hérésie pélagienne. Il calme une forte tempête en s’y rendant, et
est accueilli par la foule, au vu de miracles éclatants : les paralytiques
marchent, les morts sont réanimés, les aveugles voient. Après cette mission, il
regagne Troyes avec une autorité accrue du succès éclatant qui l'a couronnée.
" les Gaules tressaillent d'allégresse à l'annonce de son arrivée ",
dit le biographe de saint germain.
Il
établit à Troyes une école d’où sortent plusieurs disciples qui ont honoré
l’épiscopat.
Mais les Huns
deviennent un grave danger. En 451, Attila franchit le Rhin, brûlant les
villes, et assailli par les Romains, il résiste dans la célèbre bataille des
Champs catalauniques, près de Saint-Mesmin.
Notre
évêque, qui fait également fonction de maire, lui envoie 8 clercs avec des
paroles de paix, pour le prier d’épargner Troyes. Mais un incident est cause de
leur mort : les rayons du soleil frappent les évangiles, et par réverbération,
les yeux d’un cheval qui renverse en le tuant son maître, général d’armée et
parent d’Attila.
Le
roi barbare furieux, ordonne la mort des troyens. Un jeune clerc peut se sauver
et en faire le rapport à son évêque. Saint Loup se présente, vêtu de ses
ornements pontificaux, son clergé marchant processionnellement devant lui.
Attila a peur que le prélat ne soit armé d’une puissance surnaturelle, il est
frappé du discours du pontife, subissant l’ascendant de notre évêque qu’il
devine comme partenaire digne de lui.
Il traverse
notre ville sans dommage, la population n’est pas molestée, et en admiration
pour la vertu de notre évêque, il lui demande de l’accompagner dans sa retraite
jusqu’au Rhin, puis le renvoie à Troyes comblé d’honneurs et se recommandant à
ses prières.
Les miracles
continuent, et saint Loup encourage et protège les premières foires de
Champagne.
Il décède en 479, et est inhumé à
Saint-Martin-ès-Aires.
La postérité le définit d’un mot :
" son amour a sauvé la patrie ".
Les
miracles continuent après sa mort, les mères portent leurs enfants à son
tombeau lorsqu’ils sont malades…
En
574, après le décès de Clotaire 1er, fils de Clovis, ses 3 fils Gontran, Sigebert
et Chilpéric, à la mort de leur frère Caribert, se disputent son héritage. Ils
se retrouvent à Troyes, et y jurent la paix, se promettant amitié, sur le
tombeau de saint Loup. Alors, les Troyens, d’abord effrayés de se voir au
milieu de 3 armées prêtes à combattre, passent de la crainte à la joie la plus
vive, et reçoivent les rois " avec des applaudissements universels !
".
Le
corps de notre évêque, dans ses vêtements pontificaux, miraculeusement conservé
intact, est montré en 1147 " à tout le peuple de la région " , et est
mis dans une magnifique châsse en argent.
En
1515, notre évêque Jacques Raguier expose le chef de saint Loup et le transfère
dans un magnifique vase précieux, décoré d’or et de pierreries, avec des
plaques d’émail de Limoges retraçant la vie du saint (Trésor de la cathédrale).
En 1524, lors du
grand incendie qui détruit une partie de la ville, 3.000 maisons brûlées, 3
églises gravement endommagées, les hospices Saint-Bernard et Saint-Abraham
détruits… le fléau s’arrête près de Saint-Jean, quand des religieux apportent
processionnellement les reliques de saint Loup. De même, en 1430, alors qu’un
incendie consume déjà 80 maisons, les chanoines de Saint-Loup apportent la
châsse de leur saint patron, et les flammes s’abattent aussitôt.
Dans
la malheureuse nuit du 9 au 10 janvier 1794, les révolutionnaires ouvrent la
châsse et jettent les ossements dans un feu allumé à la sacristie de la
cathédrale. Seule, une portion du crâne et 16 émaux sont détournés par deux
employés de l’église.
En
1811, une nouvelle châsse est bénie, et y reçoit les restes du saint.
Saint
Sidoine Apollinaire, évêque de Clermont-Ferrand (431-486), parle toujours de
saint Loup dans des termes les plus flatteurs. Il l'appelle " le père des
pères, l'évêque des évêques, la règle des moeurs, la colonne des vertus,
l'évêque incomparable, le premier des pontifes de la Gaule... il fait partie de
cette phalange de grands redresseurs de torts, de pourfendeurs d'hérésies,
infatigables prêcheurs, que préoccupent plus que les vicissitudes politiques,
le souci de leurs ouailles et la conversion des païens...".
On
dénombre dans l'Aube, de nombreuses églises dédiées à saint Loup : Blaincourt,
Bouy-Luxembourg, Buxeuil, Chappes, Molins, Saint-Loup de Buffigny et Thuisy.
9e 479-536 : saint
Camélien
Saint
Camélien est celui qui s’échappe du nombre des clercs envoyés par saint Loup
vers Attila, près de Saint-Mesmin. Echappé aux coups des soldats, il se cache
dans un petit bosquet, revient à Troyes, et rapporte ce qui s’est passé dans le
massacre de ses compagnons.
Saint
Loup, près de mourir, le désigne en 479, pour son successeur dans le siège
épiscopal de Troyes. Les citoyens, connaissant son mérite, se rendent avec joie
aux vœux du pontife, et acceptent Camélien pour évêque.
Il marche sur
les traces de son prédécesseur, et mérite, par ses vertus, le titre d’homme
apostolique.
Afin
de vaquer à ses fonctions avec plus de zèle et de ferveur, il choisit saint
Aventin pour être l’économe de son temporel, et s’aperçoit que plus il dépense
pour les pauvres et les infirmes, plus les biens croissent entre ses mains.
Pour l’éprouver, saint Camélien marque un tonneau de vin, et s’aperçoit que ce
vin ne diminue pas quand Aventin en fait la distribution. Il donne cette charge
à d’autres, et cette fontaine miraculeuse cesse, et le tonneau est bientôt
vide.
Sous son
épiscopat, la ville de Troyes tombe sous la puissance de Clovis, et fait partie
de la monarchie française.
Quoique
ce prince soit encore idolâtre, ce changement n’affaiblit pas la religion chez
les Tricasses. Clovis protège les chrétiens, loin de les détruire. Camélien
voit le prince venir recevoir sa future épouse Clotilde à Villery, et il reçoit
aussi sainte Geneviève qui vient à Troyes chercher des secours pour aider Paris
désolé par la famine.
En
511, il assiste à la sixième place, lors du concile qu’assemble Clovis, devenu
catholique, à Orléans, avec 32 autres évêques.
Saint Camélien
décède en 536, après un épiscopat de 57 ans ! Ses reliques sont dans l’église
de saint Loup.
Sa fête se célèbre le 28 juillet.
10e 536-546 :
saint Vincent
Le
Xe évêque de Troyes s’appelle saint Vincent. En 536, il succède à saint
Camélien.
Il forme sa
conduite sur celle de ses prédécesseurs, et leur vie est pour lui « un miroir
de toutes les vertus épiscopales ».
Il assiste à divers conciles
mérovingiens tenus à Orléans, sous son épiscopat.
De
son temps, sur le tombeau de saint Parre, il y a un petit oratoire desservi par
un simple clerc pour satisfaire la dévotion des fidèles. On n’a pas encore les
actes de martyre de ce saint. Mais, un jour, un voyageur passant par ce
lieu-là, en présente l’histoire au clerc desservant. Celui-ci passe la nuit à
copier ce manuscrit, et va le présenter à son évêque. Saint Vincent n’y ajoute
pas foi, croit ces actes de l’invention de son clerc, et lui en fait « une
forte réprimande ».
Sept
ans après, une armée de français, rapporte d’Italie les actes du martyre, que
notre évêque trouve conformes à ceux qu’il avait vus. Saint Vincent les
autorise alors et rend plus célèbre ce culte de saint Parre, et fait construire
l’église qui porte encore le nom de ce premier martyr troyen.
Vincent,
plein de zèle pour le culte des vrais serviteurs de Dieu, fait reconnaître pour
saint, Camélien, son prédécesseur, ainsi que saint Aventin, en l’honneur de qui
il fait construire « sans délai, dans un faubourg de Troyes, une chapelle ».
C’est là que le pieux ermite aurait commencé sa retraite, dans l’enclos de
Saint-Martin-ès-Aires, alors situé hors de la cité. Cette construction a lieu
en 540, et l’on dit que le pieux évêque aimait y venir en pèlerinage.
L’édifice a
disparu depuis longtemps, remplacé par une petite église gothique au XIIIe siècle,
qui a été elle-même détruite en 1795 et 1866.
Après
avoir gouverné l’église de Troyes pendant 10 ans, saint Vincent décède en 546. Il
est inhumé comme il l’a désiré, dans l’église de Saint Aventin, où l’on voit
son tombeau : « saint Vincent est enterré devant le chœur de la dite église du
côté droit sous une tombe élevée d’un demi-pied et sur laquelle sont quatre
piliers et sur iceux une autre grande table de pierre à la hauteur de la moitié
d’un homme au bas de la chaire ».
Une
première tentative de canonisation a lieu en 1698 : « Noël le Grand, curé de
Saint Aventin, fait l’ouverture de ce tombeau et expose de sa propre autorité
les ossements du saint évêque à la vénération des fidèles. Mais, comme l’Eglise
de Troyes n’a aucun jour consacré à sa mémoire, M. Bouthillier, alors évêque,
empêche ce culte et met fin à une dévotion téméraire et inconsidérée en lançant
sur le curé un interdit de ses fonctions. On remarque qu’il n’emploie pas plus
de formalités pour se relever de l’interdit que pour la canonisation de son
saint.
Un
matin, étant allé voir le prélat, il est très bien accueilli et M. Bouthillier
se recommande pieusement à ses prières. Le curé, aussitôt vient faire sonner la
messe. Le secrétaire de l’évêché qui entend sonner une messe de plus qu’à
l’ordinaire, demande qui est le célébrant. Il apprend que le sieur le
Grand va monter à l’autel, court à
l’évêché, demande comment il est relevé de son interdit : on ne sait ce qu’il
veut dire, le Grand est mandé, on lui fait une vive réprimande. Monseigneur,
dit-il, vous m’avez fait l’honneur, il y a un instant, de vous recommander à
mes prières, et je n’ai pas cru devoir en faire de plus méritoire et de plus
convenable pour un prêtre que d’offrir le sacrifice pour la conservation de
Votre Grandeur ». Cette réponse apaise l’évêque, et le Grand est remis dans ses
fonctions.
Sur
la fin du XVIIIe siècle, le chanoine Fardeau, dernier curé de Saint Aventin,
travaille plusieurs années à faire établir le culte du saint évêque. Il n’y
réussit pas, mais c’est lui qui prend le chemin de la béatification, et voici
comment : le 19 août 1792, le tocsin appelle les volontaires pour
perquisitionner en ville à la recherche d’armes cachées ou d’ornements d’église.
On envahit au matin du 20 la maison de Fardeau et on y trouve un autel et des
vêtements sacerdotaux. Le chanoine
essaie de fuir, déguisé en charretier, mais il est reconnu par une femme au
moment où il passe le pont de la Tour
(ancien moulin Riousse). Il est conduit à l’hôtel de ville et refuse le
serment. On le jette en prison. La foule hurle, réclame sa tête, les femmes
surtout. Malgré la fermeté des officiers, le geôlier a la faiblesse de le
livrer à la populace. On lui demande de jurer et de crier : Vive la nation ! Il
répond qu’on lui couperait plutôt la tête. Les volontaires se précipitent, l’un
d’eux tranche la tête avec une hache empruntée à un boulanger. La tête
ensanglantée, lavée dans la rivière, est promenée dans les rues jusqu’à l’hôtel
de ville.
Le
diocèse célèbre saint Vincent le 4 février.
Originaire
d'Aquitaine, il fonde d'après la Vita Frodoberti, une vita de saint Frodobert,
une église au nom de sainte Savine sur une terre qui lui appartenait.
Son
tombeau y a été conservé ; il est décrit dans un article de 1834-18352 ;
Charles Fichot en donne un dessin dans son ouvrage, Statistique monumentale du
département de l'Aube, publié en 1884 à Troyes.
Le
tombeau est placé dans la chapelle nord de l’église Sainte-Savine dédiée à
Ragnégisile ; il est classé.
18e 631-651 : Leu, ou Leuse ou Loup II
19e 651-656 : saint Leuçon
Dès
qu’il est monté sur le trône épiscopal, ce nouveau pontife se distingue par son
zèle et par ses travaux apostoliques. Il voit avec amertume quelques restes
d’idolâtrie qui subsistent encore dans son diocèse, malgré les soins de ses
prédécesseurs. La grâce le soutient dans ses instructions, et le succès répond
à son attente. Il achève d’anéantir une religion dont la seule antiquité était
le fondement le plus solide.
Plusieurs
femmes et filles « perdues de mœurs », ayant été converties dans le cours de
ses prédications, par la force de sa parole et la vertu de son exemple, il en
rassemble plusieurs en commun pour mener une vie exemplaire, à l’abri des
séductions du monde, pour se livrer entièrement au service de Dieu.
De là l’origine
de l’abbaye de Notre-Dame-aux-Nonnains, aux portes de la cité gallo-romaine,
sur la rive gauche du ru Cordé, à l’emplacement de l’actuelle préfecture de
l’Aube. C’est lui qui en dédie l’église sous le titre de l’Assomption.
L’épiscopat
de Leuçon n’est pas très long, car il est certain qu’il est mort avant la tenue
du concile de Sens en 657, puisqu’on y voit la souscription de Bertoalde, son
successeur. .
Il
est inhumé dans l’abbaye qu’il a fondée, ses reliques y sont sans inscriptions,
et elles ont été « ramassées sans ordre », après des incendies.
Dans
certains récits, cet évêque n’est pas qualifié saint, mais un ancien
martyrologue, dans le bréviaire de l’abbaye Notre-Dame aux Nonnains, en fait
ainsi mention au 1er avril : « C’est maintenant que nous devons prendre
réjouissance, qui nous assemblons par l’esprit de piété pour solenniser et
célébrer en dévotion le jour de fête de notre saint père et protecteur, saint
Leuçon, évêque. C’est maintenant que nous devons avoir une liesse spirituelle,
louant de la plus intérieure charité de notre cœur, la clémence très douce de
notre Sauveur Jésus qui par la fervente et fructueuse prédication de notre saint
prélat a daigné nous retirer des faussetés et erreurs de l’idolâtrie pour nous
conduire sûrement à la connaissance de son saint nom et à la vérité de la foi
catholique ».
L’abbaye
de Notre-Dame l’a toujours honoré d’un culte public.
Sous
les actes du troisième concile de Chalon-sur-Saône tenu entre 639 et 654, on
trouve en quinzième lieu la signature de « Leusus episcopus ecclesie Trecasine
», que l’on identifie à notre Leuçon.
C’est
donc « grâce à saint Leuçon, que le peuple troyen a été tiré des faussetés et
des erreurs de l’idolâtrie ». C’est qu’à cette époque, la population est encore
loin d’être entièrement chrétienne. Saint Leuçon fut sans aucun doute un
pasteur zélé et vigilant, pour qu’il ait été honoré très tôt après sa mort.
Les
reliques du saint, qui étaient dans l’église de Notre-Dame aux Nonnains, ont
péri dans l’incendie de 1188.
Le diocèse célèbre désormais saint Leuçon le 6 juillet, parmi les saints évêques.
20e
656-666 : Bertoalde
Waimer
(ou Vaymer) est d’abord duc de Champagne, en 674. Il est belliqueux et
intrigant. Comme beaucoup de ses semblables, c’est un barbare sans littérature,
qui se croit « l’évêque le plus régulier du monde », parce qu’il a coupé en
rond sur son crâne ses cheveux roux et jeté une chasuble sur sa jasque de fer.
Avant de prendre
la mitre et la crosse, Waimer a, comme duc de Champagne, porté le casque et
l’épée.
Il
entre en 675, dans le complot d’Ebroin, maire du Palais, qui a rejoint les
rangs de l’Austrasie, contre Léger, évêque d’Autun, qu’Ebroin veut forcer de
reconnaître pour roi, à la place de Thierry I, prétendu fils de Clotaire III.
Ils
font couronner Clovis III roi d’Austrasie, et mettent en déroute l’armée de
Thierry III, roi de Neustrie, qui est capturé peu après. De nouveau intronisé maire du palais, Ebroin
écarte Clovis III du pouvoir.
En
675, suite à l'assassinat du roi Childéric II, les Neustriens et les
Burgondes remettent le royaume à Thierry
III (675-676).
Waimer
décide avec Diddon et Bobbon, de s’allier au duc d’Alsace Adaleric. La Ville
d’Autun est assiégée. Saint Léger ne voulant pas exposer son troupeau, va
lui-même se livrer à Waimer qui, sur le champ lui fait arracher les yeux,
couper les joues et la langue (sans doute pas lui-même, mais par ses soldats).
Il l’abandonne dans la vallée de la Voire, parsemée de fosses caverneuses et
couverte d’épaisses forêts, espérant qu’on allait lui apprendre qu’il est mort
de faim, noyé ou dévoré par des bêtes féroces.Il est trompé dans son attente.
Léger est recueilli par les moines de Montier-en-Der.
Le
riche évêché de Troyes étant venu à vaquer, Waimer est élu (peut-être à titre
de récompense) pour conduire spirituellement cette ville qu’il a gouvernée pour
le temporel en qualité de duc de Champagne.
Est-ce
qu’il se repend de son crime ? Est-ce qu’il croit, grâce à son caractère
sacerdotal dont il est revêtu, pouvoir braver le terrible maire du Palais
Ebroin ?
Il converse
plusieurs fois avec saint Léger, qui, enfin, « amollit la dureté de son cœur »,
le convertit et le persuade de restituer ce qu’il a pris dans le sac d’Autun.
Ebroin,
irrité du changement de Waimer, commence à le redouter. Il l’attaque avec une
armée et le contraint, ainsi qu’Adaleric, de fuir en Austrasie.
Waimer,
connaissant alors la fragilité des grandeurs humaines, confie sa conduite à
saint Berchaire, fondateur de l’abbaye de Montier-en-der, qui lui fait faire
par pénitence, le voyage de Jérusalem avec lui. A leur retour, Waimer efface,
par sa piété les mauvaises impressions que sa conduite passée avait laissées
dans les esprits. Il n‘est donc point, comme l’ont pensé plusieurs historiens,
un intrus qu’Ebroin a installé par violence. Waimer étant devenu son ennemi, et
il n’eut pas manqué alors de le faire mourir, s’il fût tombé entre ses mains.
Le
cruel Ebroin n’en perd pas le dessein depuis qu’il le voit sur le siège de
Troyes. Sous prétexte de venger la mort de saint Léger et d’en punir les
auteurs, il fait assembler, dans le Lyonnais, un concile, où il mande plusieurs
évêques qui lui sont attachés. Waimer y est condamné et des historiens disent
qu’il périt par la corde en 678.
Mais
ce concile était composé d’esclaves des volontés d’Ebroin, et une assemblée
d’évêques peut-elle prononcer de telles peines ?
La
vie de saint Léger nous apprend que Diddon de Châlons et Waimer furent déposés,
dégradés et condamnés par le roi à l’exil.
Quoiqu’il
en soit, Waimer fut assimilé à saint Amat de Sens et à saint Lambert de
Tongres, et il est toujours honorable pour un évêque, d’avoir péri par la
cruauté du perfide Ebroin, injustement et sans forme juridique !
Saint
Bobin qui succéda à Censard comme XXIX° évêque de Troyes, était natif
d’Aquitaine. La réputation, « La bonne odeur » que répandaient alors les
religieux de Montier-la-Celle, monastère de l’Île Germaine, l’engagea à y
embrasser la vie régulière. A peine eut-il pris l’habit, qu’il surpassa ses
compagnons dans l’observance des règles et qu’il devint, pour ses maîtres même,
un modèle de perfection. Tant de vertus lui méritèrent la dignité d’abbé, et le
monastère, qui n’était plus connu que par lui, prit le nom de « Celle de Bobin
».
Ce
fut le quatrième abbé de Montier-la-Celle.
« Il fut reçu (à
Montier-la-Celle) bénignement et y vécut encore plus saintement en la règle de
perfection, avec tant de vertu et bonne renommée, et avoir soin de leurs âmes,
que les Troyens qui ne voulaient que des saints pour les gouverner, après la mort
de Censard, demandèrent instamment l’abbé Bobin pour leur prélat. Il en fut
tiré dehors et fait XXIX° évêque de Troyes, où il fleurit en la chaire
pontificale assez de temps, faisant de grandes aumônes et retenant sa douceur
et son humilité religieuse ». Dès qu’il fut sur le siège épiscopal en 750, il
se fit admirer par ses vertus vraiment apostoliques.
«
Notre prélat est demeuré toujours dans l’enclos de sa douceur et humilité,
faisant ordinairement ce miracle que plus il était élevé, plus il se tenait abaissé,
plus que Dieu le faisait grand en vertus, mérites et merveilles, plus il se
profondait en son humilité, tant il était plein de modestie ».
A
tous les biens qu’il fit à l’abbaye de Montier-la-Celle, il faut ajouter qu’à
ses frais, il fit reconstruire l’église, en construction plus solide que les
anciens bâtiments qui avaient abrité saint Frobert et ses compagnons.
On
lui attribue l’édification de l’église dédiée à saint Pierre.
Au
siècle suivant, Montier-la-Celle était couramment appelé « cella domini Bobini
».
Après
avoir gouverné l’église de Troyes pendant l’espace de 16 ou 17 ans, il mourut
le 31 janvier 766. Il fut enterré à Montier-la-Celle qui célébrait sa
translation avec celle de saint Mélain le 22 avril.
Les reliques des
2 saints, longtemps conservées avec honneur à l’abbaye, ont été transférées en
1791 en l’église paroissiale de Saint-André-les-Vergers.
Il
y a une partie des reliques de saint Bobin dans l’abbaye de Beaulieu. La
mémoire de ce bienfait s’est conservée dans 2 distiques latins qu’on y lisait
autrefois dans le chœur. Le calendrier troyen fait aujourd’hui mention de saint
Bobin le 6 juillet.
L’épiscopat
de saint Bobin se situe à un tournant de notre histoire. En effet, à la mort de
Clovis en 411, ses fils, selon la coutume franque, se partagèrent son royaume
et essayèrent de le reconstituer par des querelles, des guerres et des
assassinats. La France est alors partagée en Neustrie, Austrasie et autres
provinces aux frontières perpétuellement changeantes et incertaines.
Deux
ans après la mort de saint Bobin, le
fils de Pépin-le-Bref, Charles le Grand, dit Charlemagne, héritait du trône. Il
se fera sacrer à Rome à Noël 800.
30e
766-789 : Amingue
Prudence
de Troyes (en latin Prudentius), né Galindo, (Espagne musulmane, ? - Troyes, 6
avril 861) est un évêque de Troyes, en France, reconnu saint par l'Église, et
fêté le 6 avril.
Originaire
d'Espagne, il quitta le territoire des Sarrasins pour l'Empire carolingien et
ses écoles ecclésiastiques, réputées depuis le règne de Charlemagne.
Succédant
à Adalbert en tant qu'évêque de Troyes vers 843, Prudence est connu pour sa
controverse avec l'évêque Hincmar de Reims à propos de la prédestination. Il
fut également l'un des auteurs, entre 835 et 861, des Annales de Saint-Bertin.
L'abbaye
de Montiéramey, influencée par Prudence au milieu du IXe siècle.
Il
a dédié l'église abbatiale de Montiéramey à saint Pierre et à saint Léon à la
demande du pape Léon IV. En 850, il consacra la première église abbatiale de
l'abbaye Saint-Pierre de Montier-la-Celle.
Il
participa au concile de Paris en 846, par deux fois à celui de Quierzy en 849
et 853, et aussi à celui du troisième de Soissons en 853 également qui traita
des positions entre Hincmar et les successeurs d'Ebbon.
37e
861-870 : Fulchrique ou Folcric ou Folericus
39e 883-890 : Bodon
40e 890-902 : Rithuée
41e 902-914 : Otbert ou Otbertus
42e 914-970 :
Ansegise ou Anserse ou Anseise
Encore
jeune, il parvient à la dignité épiscopale, en 914, et il gouverne pendant 56
ans, l’église de Troyes. Il devient grand aumônier de France et chancelier du
roi Raoul.
En
925, les Normands ravagent la Bourgogne. De peur qu’ils ne viennent jusqu’à
Troyes, Ansegise se ligue avec les comtes de Sens et Dijon et l’évêque de
Langres.
Ces
prélats guerriers, portant le glaive et la crosse, se rejoignent et rencontrent
l’ennemi près de Chaumont en Bassigny. Ils en viennent aux mains, le combat est
opiniâtre et ils mettent en fuite les Normands qui perdent plus de 800 hommes Ansegise
y est blessé et le comte de Sens y perd la vie. La monarchie française
s’affaiblissait et le trône chancelait sous les descendants de Charlemagne.
Plusieurs
évêques s’étaient emparés des droits régaliens de leurs diocèses. Ansegise qui
a des alliances, du crédit, des talents et de l’ambition, se rend maître du
comté de Troyes.
Notre
évêque est envoyé par Hugues-le-Grand vers Louis d’Outremer, campé aux environs
de Senlis pour obtenir une trêve en 949, et il l’obtient.
Robert, fils
d’Heribert de Vermandois, apprend qu’Ansegise a usurpé les droits régaliens
dans le comté de Troyes. Il se présente devant la ville avec une armée pour la
lui ravir. Le siège dure peu.
Ansegise
est obligé d’abandonner sa ville épiscopale. Il se retire en Saxe où il obtient
des secours de l’empereur Othon.
Il revient alors
avec une armée de Saxons se présenter devant Troyes, dont le siège dure assez
longtemps. Robert et ses alliés joignent leurs forces pour le faire lever. Il y
a un combat où les saxons sont défaits. Leur chef Brunon, archevêque de
Cologne, lève alors le siège de Troyes et retourne en Saxe avec les débris de
son armée.
Cet
archevêque est à nouveau envoyé par l’empereur pour " raccommoder "
Anségise et le comte Robert. Ce seigneur demeure maître du comté de Troyes, et
Ansegise s’en tient à sa puissance spirituelle, en restant sur son siège
épiscopal.
Il y décède en 970.
Témoignage
retrouvé dans des textes anciens : " En 925, les Normands, ces pirates
furieux, continuèrent leurs brigandages et reprirent leurs brisées sur
Troyes... Anségise anima son peuple à une défense vigoureuse, leva des troupes
et marcha contre les barbares. Ils en vinrent aux mains. Le combat fut
opiniâtre, et les Normands furent mis en déroute après avoir perdu plus de 800
hommes. L'évêque y reçut une blessure assez considérable..."
43e
970-973 : Walon ou Gualon
44e 973-974 : Hadric ou Airic ou Héric
45e 974-985 : Milon
46° 985-993 : le Bienheureux Manassès I
Manassès
est le fils de Helpuin II, comte d’Arcis-sur-Aube, seigneur de Ramerupt et de
Pougy (ce dernier frère du comte de Montdidier) et d’Hersende, comtesse
d’Arcis, dame de Ramerupt, qui bâtit une église dans son château de Ramerupt et
y mit les reliques de saint Balsème. Manassès est l’un des plus puissants
seigneurs de la Champagne méridionale du Xe siècle, dont le domaine s’étend sur
la vallée de l’Aube en amont d’Arcis.
Sa
mère, la pieuse comtesse Hersende, se retire sur ses terres de Ramerupt lorsque
plus tard elle devient veuve et que le comté passe à leur autre fils, Hilduin.
Dès sa tendre
jeunesse, Manassès se fait remarquer par sa bonne nature, sa douceur, sa belle
simplicité. La comtesse sa mère, voyant en lui des signes remarquables de
dévotion, lui donne une excellente éducation, et s’emploie à le donner à Dieu.
Il est confié à l’évêque de Troyes, qui l’élève avec le plus grand soin. Il
voit ainsi entreprendre par l’évêque Milon, la reconstruction de la cathédrale.
Le voyant formé à toutes les vertus ecclésiastiques (l’aménité de son
caractère, sa piété, cultivée par l’évêque Milon), le clergé de Troyes jette
les yeux sur lui en 985, pour remplacer Milon, évêque depuis 974. « Ce choix
fut généralement applaudi ».
Il
faut savoir qu’à cette époque, les évêques sont élus par le chapitre cathédral,
et d’ordinaire ses membres ne vont pas chercher loin : un homme vertueux qu’on
a pu éprouver et, qui plus est, allié à une famille puissante et riche du
diocèse. Manassès est le premier de nos évêques appartenant à l’une des grandes
familles féodales de la Champagne. La charge est lourde, les invasions
normandes ont fait de profonds ravages, matériels et économiques, moraux
surtout, d’où un relâchement de la discipline dans le clergé et de la vie
chrétienne des fidèles
A
peine est-il le chancelier de l’église, qu’il prend soin de régler son clergé
et de lui donner un nouveau lustre, parce que les courses des Normands et les
troubles de l’Etat ont causé un dérangement dans la discipline, surtout dans le
chapitre de la cathédrale. Pour exécuter ses pieux desseins, il se compose un
conseil, dont les membres les plus distingués sont Adson de Montier-en-Der,
Hadric, trésorier de son église, et saint Adérald, chanoine, qu’il fait son
archidiacre. Ce projet de réforme essuie d’abord beaucoup de difficultés. En
effet, suite aux ruines occasionnées par les Normands, les chanoines de la
cathédrale avaient dû exercer quelque
métier afin de se procurer les ressources indispensables Mais Adérald, qui est
riche, se dépouille d’une partie de son patrimoine en faveur de cette église,
et bientôt le pontife « a la consolation de voir son chapitre embrasser la vie
commune », suivant la règle du Concile d’Aix-la-Chapelle de 816 qui réglait la
vie canoniale. Pour témoigner sa reconnaissance à l’abbé de Montier-en-der, il
lui accorde ainsi qu’à ses successeurs, la prétention aux cures de Lassicourt,
de Dodinicourt (aujourd’hui Saint-Christophe) et de Requinicourt (à présent
Saint-Léger-sous-Brienne). Manassès
rappelle également les prescriptions du concile de 802 faisant aux
prêtres un devoir « de ne point laisser mourir les malades sans leur avoir
administré le viatique, de tenir propre leur église et d’instruire leur peuple
les fêtes et dimanches. De s’instruire eux-mêmes d’abord ».
A
cette époque, Manassès a le plaisir de voir convertir son frère Hilduin, comte
d’Arcis, pour qui il a formé tant de vœux, fait tant de prières et répandu tant
de larmes. Ce seigneur a tous les défauts d’un homme de qualité qui n’a point
de religion et qui, enthousiasmé de sa noblesse, s’érige en tyran dans ses
seigneuries et commet impunément toutes sortes de désordres : « c’était un
mauvais garçon qui menait une vie militaire, carnassière, voluptueuse et
désespérée ». Malgré ses égarements, Hilduin sait encore honorer la vertu dans
le pieux Adson, abbé de Montier-en-Der. Il prête l’oreille à ses remontrances,
suit en tout ses conseils et, par esprit de pénitence, se détermine à faire le
voyage de la Palestine avec ce zélé directeur, en 992, pour y visiter les lieux
saints. Mais, comme ce nouveau pénitent est alarmé sur ses crimes, Adson
l’entretient souvent de la conversion merveilleuse de Waimer, duc de Champagne
et depuis évêque de Troyes (677-679), qui a été un des plus grands persécuteurs
de saint Léger d’Autun, et que saint Berchaire a également conduit en Palestine
pour faire pénitence et désarmer la justice divine.
Manassès
fonde le prieuré d’Arcis-sur-Aube en y bâtissant une église en l’honneur de la
Vierge Marie. Le monastère est confié aux religieux de Marmoutier. Il se trouve
à l’extrémité de la rue Notre-Dame, c’est-à-dire de la route de Brienne Le site
et les fondations sont transférées à la chapelle de la Sainte-Vierge de
l’église paroissiale en 1780. Les bâtiments disparaissent peu de temps après.
On
dit que sous le pontificat de Manassès II (1180-1190), « un homme ayant été
pendu innocemment, une génisse qu’il avait donné à un de ses filleuls, soutint
de ses cornes la plante des pieds du patient et lui sauva ainsi la vie. De là
vint l’usage de donner aux filleuls des présents que le peuple nomme la roulée
et le cogneu ».
Manassès décède
en 993, le 11 juin, après 10 ans d’épiscopat et une vie remplie d’actions
saintes. Son tombeau ne semble pas avoir été conservé dans notre cathédrale.
« C’était un homme plein de sainteté, un homme saint ».
47e
993-998 : Rainauld ou Renold
Mainard,
mort en 1062, est un prélat français du milieu du XIe siècle. Il est issu de la
famille des vicomtes de Sens.
Chanoine
et trésorier à la cathédrale de Sens, il devient évêque de Troyes en 1034
jusqu'en 1049 où il est nommé archevêque de Sens.
Il
est cité comme fils de Mainard et frère de Daimbert, vicomtes de Sens, et
serait parent d'Eudes, comte de Troyes et de Meaux.
Il
est chanoine et trésorier de la cathédrale de Sens en 1032 lors de la mort de
l'archevêque Léotheric. Il est alors réclamé par le peuple et le clergé local
pour prendre la suite, mais c'est finalement Gilduin de Joigny qui succède au
siège archiépiscopal, grâce à sa haute naissance, car issu de la famille des
comtes de Joigny, et à l'appui du roi de France Henri Ier.
Deux
années plus tard, en 1034, l'évêque de Troyes Fromond décède et c'est Mainard qui
est appelé pour lui succéder.
Accusé
de simonie par les moines de Saint-Pierre-le-Vif de Sens, l'archevêque de Sens
Gilduin de Joigny est déposé par un concile à Reims en 1049, et c'est Mainard
qui est désigné pour lui succéder, accédant ainsi au siège qui lui avait été
refusé en 1032.
En
1051, il souscrit à la fondation de l'abbaye de La Chaise-Dieu.
Le
23 mai 1059, jour de la Pentecôte, il assiste au sacre du roi Philippe Ier à la
cathédrale de Reims.
Il
meurt le 12 mars 1062 et est inhumé à l'abbaye Saint-Pierre-le-Vif de Sens auprès
de son père et de son frère.
50e
1049-1059 : Frotmond II
Né
à Paris, il était chanoine à Châlons-sur-Marne, lorsqu'il devint évêque de
Troyes. Il assista au sacre du roi Philippe Ier, et peut-être au synode du
Latran (1059). Il participa à la création des chanoines de
Saint-Martin-des-Champs à Paris. Il est compté parmi les bienfaiteurs de
l'abbaye de Montier-la-Celle.
Hugues
est chanoine dans l'église cathédrale de Châlons-sur-Marne, lorsqu'il devient
évêque de Troyes. Il accorde en 1079 aux religieux de Cluny l'église de Gaye et
un autel à Sézanne.
Il
est compté parmi les bienfaiteurs de l'abbaye de Montier-en-Der et de l'abbaye
de Fleury.
Issu
de la maison de Traînel, il est le fils de Pons Ier de Traînel, seigneur de
Traînel et de Pont, et de Mélisende Caravicina de Monthléry, ainsi que le frère
de Garnier Ier de Traînel.
Il
devint évêque de Troyes en 1081. Il était au concile de Sens et la même année
au mariage du roi avec Bertrade de Montfort. Il convoqua plusieurs conciles à
Troyes, l'un avec les évêques de Reims, Tours et Sens qui eut à statuer sur le
mariage royal ; un autre en 1107, en présence du pape Pascal II qui appelait à
la croisade.
54e
1121-1122 : Raunauld II de Montlhéry
Fils
de Milon Ier, seigneur de Montlhéry, et de Lithuaise, vicomtesse de Troyes, et
donc un descendant de Thibaud de Montlhéry, dit File Etoupe, forestier du roi
de France Robert II le Pieux.
Il
a peut-être été vicomte de Troyes.
Il
est prieur puis prévôt de l'église de Troyes, lorsqu'il est élu d'une voix
unanime pour succéder à Philippe de Pont et monter sur le siège épiscopal.
Toutefois,
il occupe ce poste peu de temps, car il décède l'année suivante, et est
remplacé par Hatton, moine à l'abbaye de Cluny.
55e 1122-1146 :
Hatton ou Hacto ou Hallo ou Callo ou Otton
Hatton,
seigneur de Saint-Lyé, monte sur le siège de Troyes en 1122.
Chaque année de
son épiscopat est marquée par quelque bonne œuvre et par des libéralités qu’il
accorde à des monastères, ou dont il est le témoin et le promoteur.
Hatton
" gouverne son diocèse avec sagesse
et édification " lorsqu’en 1128 le légat du saint siège assemble un
concile à Troyes. Saint Bernard, abbé de Clairvaux, y est appelé. Il y a 13
évêques et archevêques, plusieurs abbés, le comte de Champagne Thibaut II, le
comte de Nevers et Hugues de Payns, parent du comte de Champagne, maître de la
nouvelle milice du temple avec 5 de ses confrères. Hugues demande au concile
l’approbation de cet ordre et expose la règle de ses nouveaux chevaliers. Les
Pères demandent qu’il soit sous l’autorité du pape et du patriarche de
Jérusalem. Saint Bernard compose cette règle.
En
1129, il assiste au concile de Paris, où l’abbé Suger réclame pour son abbaye
de Saint-Denis, le monastère d’Argenteuil, dont les religieuses menaient une
vie scandaleuse. Elles avaient pour prieure la fameuse Héloïse. Son ami Abélard
la retire au Paraclet, où il vient, avec l’agrément de notre évêque Hatton, de
fonder un oratoire qui deviendra une abbaye célèbre. A la même époque, Hatton
est attaqué " d’une maladie dangereuse, dont les symptômes sont si
fâcheux, que les médecins n’y trouvent plus de remède ". Voyant l’heure de
sa mort approcher, le prélat vend ses meubles, dont il ordonne que le prix soit
distribué aux pauvres. Mais bientôt, sa santé se rétablit, et sa guérison est
regardée comme miraculeuse. Saint Bernard l’estime comme telle et lui écrit une
lettre où il lui donne " les louanges les plus magnifiques, de ce que, par
sa pauvreté volontaire, il a mérité que Dieu le renvoie à la vie ". Notre pontife, revenant du concile de Pise où
l’antipape Anaclet est excommunié, est attaqué par les troupes de Conrad de
Franconie, qui exerçait des hostilités continuelles sur les terres de
l’empereur Lothaire II. Un coup de lance le renverse de son cheval, il est
blessé à la tête, et presque laissé pour mort. Fait prisonnier, il est
maltraité et tous ses effets lui sont enlevés. Il réussit à s’échapper et
revient dans son diocèse où il continue d’y travailler avec édification. Il
seconde le comte de Champagne et saint Bernard, pour la fondation de l’abbaye
de Larrivour.
Hatton
décède en 1146, et est inhumé dans le chapitre de l’abbaye de Montiéramey, dont
il a favorisé la fondation. A cette occasion, il est décrit comme " un
évêque accompli et le modèle de ses confrères ".
Un
soir du mois d’août de l’année 1108, dans le Bassigny champenois, lorsque les
religieux de Morimond (ordre de Citeaux) se rendent à l’oratoire pour
psalmodier les complies, tout à coup un bruit de chevaux, d’hommes, de bagages,
arrive aux oreilles du frère portier : 15 étudiants demandent l’hospitalité
pour eux et pour leur suite.
L’abbé
appelé, accueille ses jeunes hôtes « avec cette politesse exquise, cette bonté
vraiment patriarcale que les étrangers ne rencontrent que dans les couvents ».
Après avoir rempli envers eux tous les devoirs de l’hospitalité monastique, le
frère indique à chacun sa cellule et sa couche. Tous se retirent pour se livrer
au sommeil et réparer leurs forces. C’est en vain, la parole si pénétrante et
si onctueuse de l’abbé a ému leurs âmes ; sa figure pâle, sur laquelle sont
empreintes les joies mystiques et les dures pénitences du cloître, se
représente toujours à leur esprit. Ils sont malgré eux, sous le charme de ces voix
angéliques qui alternent à leur arrivée les chants liturgiques. « La vanité de
la jeunesse et des plaisirs, toutes ces graves pensées avaient dissipé leurs
illusions et refoulé leurs espérances vers les choses éternelles ».
Le
matin, avant l’aurore, lorsque la cloche appelle les religieux à matines, les
étudiants se lèvent, se communiquent leurs impressions, font venir l’abbé sous
prétexte de prendre congé de lui, et ils lui déclarent leur projet.
C’est
l’ami de saint Bernard qui occupe alors le siège abbatial de Morimond. Il les
embrasse, les bénit et prie Dieu de les confirmer dans leurs pieuses
résolutions.
Tous
appartiennent aux familles les plus illustres de l’Allemagne, et on distingue
parmi eux Henri, fils du comte de Carinthie, proche de Henri I comte de
Champagne, qui a épousé Mathilde de Carinthie.
«
Son père, chrétien austère crucifie sa chair sous le pourpre, au milieu des
délices de la cour, comme s’il eut été au sein du désert et sous le froc des
ermites. Il regardait son enfant comme un dépôt sacré, confié à sa vigilante
sollicitude, et il était admirablement secondé par son épouse qui, loin de
l’entraver, le stimulait par ses exemples et par ses exhortations dans la voie
des bonnes œuvres ».
Henri,
tourmenté du désir de savoir, a obtenu l’autorisation de se rendre à
l’Université de Paris avec plusieurs gentilshommes de son âge, et ils
reviennent tous, pour la première fois, au sein de leurs familles, lorsqu’ils
s’arrêtent à Morimond pour y passer la nuit. Ils sont attendus avec inquiétude
dans leur pays. Un courrier y est envoyé, porteur d’une lettre de l’abbé de
Morimond, annonçant au comte et à la comtesse de Carinthie que leur fils et ses
compagnons d’étude sont installés au noviciat de l’abbaye champenoise. Les
vertueux époux, loin de s’affliger de cette nouvelle, s’en réjouissent.
Le
froc de grosse laine blanche que leur enfant a jeté sur ses épaules, et le vœu
qu’il a fait, ses progrès dans la science et la sainteté sont si rapides et si
étendus, qu’on le promeut en 1145, à l’évêché de Troyes. Hatton vient de
décéder et d’être inhumé dans le chapitre de l’abbaye de Montiéramey, dont il a
favorisé la fondation.
Henri montre son
zèle pour les maisons religieuses, il donne à l’abbaye de Vauluisant « les
dîmes de Bernières ». Il est très lié avec saint Bernard, avec le pieux Allain,
abbé de Larivour, avec le célèbre Pierre de Celle et Pierre Comestor, doyen de
la cathédrale.
L’auteur
de la vie de saint Bernard rapporte que ce saint abbé étant à la maison
épiscopale de Troyes, opéra, en présence de l’évêque, un miracle sur une fille
courbée et si faible qu’elle ne pouvait se tenir debout.
Louis
VII envoie Henri de Carinthie en Hongrie, comme ambassadeur auprès de
l’empereur Frédéric. A son retour, il voit que l’abbaye de Boulancour s’est
relâchée de sa première ferveur, « il se transporte sur les lieux, et met les
religieux sous la conduite de saint Bernard qui rappelle dans cette maison la
bonne odeur de la prière ».
L’évêque de
Troyes se prête volontiers à toutes les fondations, dotations ou confirmations
des pieux établissements, et l’on voit souvent son seing sur les titres et les
chartes de cette époque.
C’est
sous son épiscopat que le comte de Champagne Henri I, dit le Libéral, fonde
l’église collégiale de Saint-Etienne de Troyes, le chapitre de Pougy et
l’Hôtel-Dieu-le-Comte.
Henri,
comme évêque diocésain, prononce un jugement sur le mariage de Robert et de la
fille de Hugues de Broies. Il se trouve à la consécration et à la dédicace de
l’église du monastère de Neuvesbourg, diocèse de Strasbourg.
On voit sous son
épiscopat l’établissement de plusieurs communautés séculières et régulières,
comme le chapitre de Saint-Nicolas de Sézanne, le Reclus, Scellières, Foissy,
Macheret…
Après
avoir gouverné l’église de Troyes pendant 23 ans, Henri de Carinthie décède le
11 janvier 1169, et est inhumé dans l’église de l’abbaye de Boulancourt.
57e 1169-1180 :
Matthieu
Successeur
d'Henri de Carinthie, il est sacré par Guillaume aux Blanches Mains, frère du
comte de Champagne Thibaut IV de Blois, alors archevêque de Sens et futur
archevêque de Reims.
Il
côtoie saint Thomas de Canterbery, qui était alors en France, et en faveur de
qui il écrit au pape Alexandre III.
En
1173, il examine les immunités et privilèges de son église et en demande au roi
la confirmation, ainsi que celle de ses droits particuliers, terres et
seigneuries.
En
1178, il obtient du pape la confirmation de tous les biens que son église
possédait et pourrait posséder par la suite.
En
1179, il assiste au concile du Latran contre les Albigeois et les Vaudois, où
il attire l'estime du souverain pontife, qui le charge ensuite d'examiner, avec
Guillaume de Toucy, l'élection d’Étienne, évêque d'Autun, qui voulait se faire
nommer abbé de l'abbaye de Château-Censoir, alors que le pape veut y voir un
nommé Seguin, chanoine de Château-Censoir et neveu de l'abbé de
Saint-Germain-des-Prés. Ceci signifie probablement un rappel que la volonté du
pape passe avant celle d'un évêque, car il ajoute que si l'élection d’Étienne a
déjà été faite, elle est contraire aux saints canons. Toujours pour cette
affaire mais après l'élection de Seguin à la charge convoitée, le cardinal
diacre Jacques demande également de maintenir Seguin en place contre les
poursuites de l'évêque d'Autun qui devrait être content de l'évêché qu'il a.
Il
meurt au mois de septembre 1180 et est inhumé, selon ses volontés, à l'abbaye
de Boulancourt auprès de son prédécesseur Henri de Carinthie.
58e 1180-1190 :
Manassès II de Pougy
Manassès
de Pougy est né à Pougy vers 1130. Il est issu comme Manassès Ier d'Arcis,
évêque de 985 à 993, de la famille qui comprend les comtes d'Arcis, de Ramerupt
et de Pougy : il s'agit des seigneurs parmi les plus puissants de la province
de Champagne après le comte de Champagne.
Il
est le fils de Renaud Ier et frère d'Eudes de Pougy, tous successivement
seigneur de Pougy. Il fait ses études auprès de l'école cathédrale de Troyes.
Il est chanoine de Troyes, grand-archidiacre de Troyes en 1167 sous l'évêque
Henri de Carinthie. Il est identifié avec Manassès de Pougy, prévôt de Saint-Étienne
de Troyes
Il consacre beaucoup d'efforts à la discipline
ecclésiastique, enrichit les monastères et chapitres et fait des dons pour les
pauvres. Il se montre très généreux pour le chapitre de Saint-Nicolas que sa
famille avait fondé à Pougy.
Le
pape Lucius III confirme sa défense des ordres religieux du diocèse de Troyes
dans l'exercice de leurs droits particuliers. Il interdit aux vicaires des
paroisses d'enterrer les habitants des autres paroisses, sauf dans des
circonstances particulières.
Le
23 juillet 1188, pendant la Foire de Troyes, la plupart des bâtiments de la
ville sont détruits par un violent incendie, y compris la cathédrale et
l'Abbaye de Notre Dame aux Nonnains, où plusieurs moniales meurent et dont
toutes les archives sont perdues. Henri II, comte de Champagne reconstruit
l'abbaye et Manassès renouvelle les privilèges des moniales.
Des
travaux pour remettre en état la cathédrale sont engagés ; c'est à partir de
1200, sous l'épiscopat de Garnier de Trainel que la reconstruction commence.
Manassès
meurt à Troyes le 11 juin 1190 ; il est enterré dans la cathédrale, dont il
avait été l'un des principaux bienfaiteurs.
Il
est l'oncle d'Ode de Pougy, abbesse de Notre-Dame-aux-Nonnains de 1264 à 1272,
principalement connue pour avoir tenté de s'opposer à la construction de la basilique
Saint-Urbain de Troyes.
Une
crosse épiscopale et un anneau conservés dans le trésor de la cathédrale de
Troyes sont attribués à l'évêque Manassès II, mais seraient en fait ceux de
l'évêque Robert (1223-1233). Deux des vitraux du chœur de la cathédrale, qui
datent du XIIIe siècle, représentent Manassès II bénissant Henri II, comte de
Champagne qui porte une relique (dent de saint Pierre).
59e 1190-1193 :
Barthélemy ou Barthélemi ou Haice de Plancy
Barthélemy
de Plancy ou Haïce de Plancy (né vers 1135 et mort en 1193) est un religieux
français de la fin du XIIe siècle qui fut évêque de Troyes de 1190 jusqu'à sa
mort. Il est le fils d'Hugues II de Plancy, seigneur de Plancy, et d'Emeline de
Bazoches. Il est le frère d'Hugues III de Plancy et de Miles de Plancy. Haïce
de Plancy serait son nom de naissance et Barthélemy le nom qu'il aurait pris en
tant qu'évêque de Troyes.
Fils
cadet d'une puissante famille champenoise, ses origines et son éducation l'ont
sûrement prédestiné à sa carrière politique et religieuse.
Il
fut très jeune chanoine à la cathédrale de Troyes, puis écolâtre à la
collégiale Saint-Étienne, ensuite prévôt et chanoine à la collégiale
Saint-Quiriace de Provins, puis doyen de l'église de Troyes à partir de 1173,
fonction pendant laquelle il fonda les chanoines de Notre-Dame, et enfin évêque
de Troyes de 1190 jusqu'à sa mort.
II
avait mis son canonicat à la nomination du chapitre, mais lorsqu'il fut parvenu
à l'épiscopat, il les fit mettre à la collation de l'évêque. Pour dédommager le
chapitre, il lui céda tous ses droits à Vannes, ce qui le rendit seigneur en
entier de cette terre, et lui accorda également la cure de Ramerupt ainsi que
les moulins de Jaillard (qui étaient une cause fréquente de difficultés entre
le chapitre et les religieuses de Foicy, qu'il dédommagea par les dîmes de
Villechétif). Il donna aussi la cure de Bussey avec la chapelle de Chars à
l'abbaye Saint-Loup.
Il
fut également chancelier du comte de Champagne Henri Ier à partir de 1168, puis
de son épouse Marie de France, fille du roi de France Louis VII le Jeune,
pendant la régence de celle-ci, puis d'Henri II de Champagne jusqu'en 11901. Il
fut probablement un des conseillers du comte Henri Ier avant son élévation à la
chancellerie, car il est témoin de nombreuses chartes entre 1159 et 1177.
En
1179, il a accompagné le comte de Champagne Henri Ier en Terre-Sainte où il
exerça toujours la fonction de chancelier.
Son
épiscopat fut relativement court (environ deux ans et demi). À sa mort, il est
inhumé à l'abbaye de Larrivour.
60e 1193-1206 :
Garnier de Traisnel ou Garnier ou Resnier de Saint-Quentin
Il naît à Traînel vers 1125.
Lorsque Garnier
de Traisnel est élu évêque en 1193, la ville de Troyes se sent encore des
pertes qu’elle a subies dans l’incendie de 1188.
L’année 1195 amène une famine qui dure 3 ans.
Le pays est
désolé par la guerre occasionnée par l’usurpation de Thibaut, des états de Henri,
son frère, qui est en Palestine.
Ces
malheurs engagent le prélat à se croiser pour aller représenter au prince les
besoins de son peuple réduit aux dernières extrémités. Ayant pris la route par
l’Italie, il apprend à Plaisance, la mort fatale du comte de Champagne. A la
nouvelle de cette mort, l’évêque Garnier est longtemps indécis sur le parti
qu’il doit prendre. Enfin, il se détermine à aller à Rome pour consulter le
pape Innocent III.
Ce pontife, sur
les représentations que l’archevêque de Sens lui a envoyées, engage l’évêque de
Troyes de retourner dans son église, et commue son vœu d’Outremer, en autres
œuvres de piété.
A
son retour, Garnier assiste au concile de Sens qui se tient contre les
Publicains, espèce d’Albigeois et de Manichéens.
Deux
ans après, il est du nombre des évêques qui écrivent au pape, sur ce qui s’est
passé dans l’assemblée de Nesles en Vermandois, au sujet de l’interdit que le
souverain pontife avait jeté sur la France à cause de la séparation du roi et
de son épouse Ingerburge, et de son mariage avec Agnès de Méranie. Les évêques
de la province de Sens approuvent ce dernier mariage, et à l’exemple de ses
confrères, celui de Troyes donne un mandement pour faire exécuter la bulle du
pape qui légitime les enfants qui en sont nés.
Il
commence la construction gothique de la cathédrale. Cependant, le zèle des
croisades s’enflamme dans toute la chrétienté.
Garnier quitte
son église, joint les croisés à Venise, et se trouve au siège de
Constantinople, où il signale la bravoure, ainsi que l’évêque de Soissons.
Ils commandent
deux navires, le Paradis et le Pélerine, dont les troupes sautent les premiers
sur les murs, arborent les drapeaux de ces pontifes et annoncent la victoire
qui est suivie de la prise de cette ville impériale, où 2.000 chrétiens sont
délivrés.
Lorsque le calme
est revenu, il est fait la recherche de toutes les choses saintes, qui sont
remises en dépôt entre les mains de l’évêque de Troyes. C’est ainsi que nous
pouvons admirer dans le trésor de la cathédrale des pièces uniques au monde et
inestimables !
Langlois,
chapelain de Garnier, rapporte à Troyes, les reliques de sainte Hélène.
L’empereur Alexis écrit au pape Innocent III
pour faire l’éloge de l’évêque Garnier.
Notre évêque ne revient plus à Troyes, il
meurt à Constantinople au mois d’avril 1205, après douze ans d’épiscopat.
61e 1206-1223 :
Hervée
A
la nouvelle de la mort de Garnier, le chapitre de Troyes s’assembla pour lui
donner un successeur. Il se forma deux partis qui partagèrent les suffrages.
Mais on eut recours au pape Honorius III qui cassa la double élection, se fit
présenter plusieurs sujets, parmi lesquels il nomma Hervée qu’il protégeait
depuis longtemps à cause de son mérite.
Né
au village de Courmorin, aujourd’hui Saint-Benoit-sur-vanne, il avait étudié à
l’université de Paris, Docteur de la Sorbonne, où la science et la piété
l’avaient fait connaître du souverain pontife. Ayant manqué à Orléans un canonicat que le
pape avait demandé pour lui, il fut chanoine de Troyes, où il devint
successivement chantre et grand archidiacre. Lors de son élection à
l’épiscopat, il n’était pas encore prêtre, mais le pape, par la bulle qu’il
donna à cette occasion, manda aux chanoines de le présenter à l’archevêque de
Sens pour l’ordonner prêtre et le consacrer évêque, en février 1207.
A
peine fut-il intronisé que le roi prétendit les droits de régale (l'ensemble
des droits que le roi de France avait sur les diocèses catholiques qui
temporairement n'avaient pas d’évêque titulaire), lors de la vacance du siège. Hervée
se défendit, et l’affaire ayant été mûrement examinée, le roi se départit de
ses prétentions.
Alors Hervée,
tranquille possesseur, s’appliqua à conduire son troupeau et augmenta le terrain
qui environnait la cathédrale vers l’orient par la destruction du four banal de
sainte Mâtie, qu’il transporta sur un terrain appartenant à Chrétien le
pêcheur, moyennant un arrangement qu’il fit avec lui. Il a bâti le chevet de la
cathédrale, et est représenté dans un vitrail du chœur. C’est pourquoi l’on dit
que c’est lui qui a bâti la cathédrale. Deux ans après, Hervée autorisa dans
son diocèse le culte de sainte Hélène (voir ce chapitre), dont Langlois,
chapelain de l’évêque Garnier de Traisnel, avait rapporté les reliques de
Constantinople.
En
1211, les revenus des évêques d’Auxerre et d’Orléans furent saisis par le roi
pour avoir refusé le service militaire à cause de leurs fiefs dépendant de la
couronne. L’archevêque de Sens ayant donné une sentence contre eux, le pape
chargea l’évêque de Troyes, l’abbé de Clairvaux et Henri, chanoine de Troyes,
de casser la sentence de l’archevêque.
Hervée
et l’archidiacre de Paris reçurent, en 1212, un rescrit du même pape Innocent
III, qui décida que celui qui a une dignité, en vertu de laquelle il est
collateur de bénéfices, ne peut se nommer à aucun de ces bénéfices. L’année
suivante, Hervée introduisit, dans son église, l’usage d’encenser, à la grande
messe, la sainte hostie après la consécration. Il ne négligeait rien de ce qui
pouvait contribuer au bien de son église et de son diocèse.
En
1219, Hervé est en litige avec le comte de Champagne Thibaut IV, à propos de la
forteresse de Méry, qui appartient à l'évêque, mais que Thibaut veut détruire.
Enfin,
après avoir gouverné l’église de Troyes pendant l’espace de 17 ans, Hervée
mourut le 2 juillet 1223, et fut inhumé au milieu de la chapelle de Notre-Dame,
derrière le chœur de la cathédrale de Troyes.
Le
pape Honorius III en fit l'éloge.
Son
tombeau qui était de bronze était élevé d’un pied. On y voyait la figure en
relief de grandeur naturelle, avec une inscription qui marquait les principales
époques de sa vie.
Le
tombeau a été enlevé et vendu en 1778.
Un
vitrail du chœur lui est consacré.
Hervée
est le premier évêque de Troyes qui fit des statuts pour son diocèse
62e 1223-1233 :
Robert
Il
est d'abord chanoine, puis doyen de l'église de Troyes.
En
1223, il est élu comme successeur d'Hervé et est sacré par Gauthier le Cornu,
archevêque de Sens.
En
1225, il suit le roi de France Louis VIII le Lion et son armée qui allaient
combattre les Anglais aux environs de Tours.
Sous
son pontificat se formèrent plusieurs établissements religieux, tels que
l'Abbaye du Jardin Lez Pleurs, celle de la Piété-sous-Ramerupt, Notre-Dame des
Prés, les Chartreux et les Dominicains.
En
mars 1232, il passe le contrat de mariage du comte de Champagne Thibaut IV et
de Marguerite de Bourbon, fille d'Archambaud VIII, seigneur de Bourbon et
d'Alix de Forez. Robert y notifie que le comte a constitué, donné et accordé à
sa nouvelle épouse, en donation de noce, Sézanne, Lachy, Barbonne,
Nogent-sur-Seine, Méry-sur-Seine, Pouan, Chantemerle et Semoine, avec toutes
leurs appartenances.
Il
meurt le 3 juin 1233.
63e 1233-1269 :
Nicolas de Brie
En
1233, pour remplacer l’évêque Robert décédé, le clergé de Troyes élit Nicolas,
natif de Brie, d’abord Chanoine de Notre-Dame en la cathédrale, et docteur en
droit canon. Au commencement de son
épiscopat, il fait valoir ses droits sur l’abbaye Notre-Dame-des-Prés, qui
venait d’être fondée. L’incorporation des religieuses à l’ordre de Citeaux met
fin à toutes les contestations.
Il
reçoit en 1239, la sainte couronne d’épines que saint Louis avait retirée des
Vénitiens pour l’envoyer à Paris, dans la chapelle royale de
Saint-Nicolais-du-Palais, qui prit depuis, le nom de Sainte-Chapelle. Il se
trouve la même année, à l’horrible exécution du Montaimé, au diocèse de
Châlons, où furent brûlés 183 Bulgares ou Manichéens : " L’église serait
aujourd’hui plus complaisante, et la voie de la persécution lui paraîtrait plus
efficace que le fer et le feu : mais, dans ces siècles reculés, on croyait que
c’était un holocauste très agréable à Dieu ".
A la même
époque, Nicolas assiste au concile de Sens, et présente 14 statuts : - De la
nécessité de se trouver au concile.
-
De la conduite que doivent tenir les religieuses.
-
Qu’elles doivent vivre en commun.
- Qu’elles
n’auront point de chambres particulières, si ce n’est pour l’infirmerie, qu’on
détruira celles qui auraient été faites.
-
Qu’elles ne doivent point sortir de leur couvent.
-
Qu’elles doivent éviter de donner du scandale...
-
On établit la manière dont on doit célébrer l’office divin dans les cathédrales
- On ordonne à
ces églises de se conformer aux ordonnances du concile de Latran.
-
On ordonne la réparation des monastères.
-
On règle ce qui regarde les valets des abbesses…
- On ordonne aux
évêques, aux archidiacres, aux officiers et aux doyens d’arrêter tous les
clercs appelés Ribauds, surtout ceux qui se disent de la famille de Golias, les
Goliards, pour les faire tondre et raser, en sorte qu’il ne reste pas, sur la
tête, le moindre vestige de la tonsure cléricale.
Nicolas
pose la première pierre de l’église des Cordeliers que le pape avait envoyée
avec des indulgences, et l’année suivante, il fait la dédicace de l’église de
l’abbaye de Montiéramey. Il assiste, en 1246, à la cérémonie solennelle de la
découverte du tombeau de saint Edme, dont on expose les reliques à la
vénération du peuple.
Nicolas
assiste aux conciles de Sens, Etampes, Paris, Provins, se nommant " humble
ministre de l’église de Troyes ".
Pendant
son épiscopat, Jacques Pantaléon de Troyes est élevé à la chaire de
Saint-Pierre sous le nom d’Urbain IV. Son chanoine Thibaut est élu évêque de
Châlons-sur-Saône.
Dans
son testament, il choisit sa sépulture à la Ferté-sur-Grosne, maison de l’ordre
de Citeaux, dans son diocèse, et donne à ce monastère sa bible, et ses sermons,
tous écrits de sa main.
En
1267, Nicolas de Brie réforme l’abbesse et les religieuses de
Notre-Dame-aux-Nonnains.
En
1268, il fait composer un nouveau bréviaire, qui est le plus ancien qui existe
en France.
Il
meurt le 24 mars 1269, âgé de plus de 70 ans, et après en avoir siégé 36.
Il
est inhumé dans la cathédrale de Troyes, au pied de l’aigle, où l’on voyait son
effigie.
64e 1269-1297 :
Jean de Nanteuil
Jean
de Nanteuil était d'une illustre famille, frère (ou oncle) de l'évêque Thibaud
de Nanteuil, ayant pour père (ou frère) le chevalier et poète Philippe de
Nanteuil.
Il
fut élu en 1269 par le chapitre pour succéder à Nicolas de Brie à l'évêché de
Troyes.
Il
mourut le 3 août 1297 et repose à Beauvais dans une seule tombe avec son frère
Thibaud, indiquée par l'épitaphe
«
Jungitur huic frater, hos edidit unica mater, Hos junxit funus, fuit horum
spiritus unus ».
65e 1297-1314 :
Guichard
Le
récit ci-dessous peut choquer certains lecteurs, mais, ce n’est qu’un résumé
des archives du Vatican.
Guichard naît à
Villemaur, au milieu du XIIIe siècle. Sa maison, hantée du démon, est exorcisée
par l'évêque de Troyes, Nicolas de Brie.
Il est élevé dans l’état monacal. En 1273, il
est prieur de Saint-Ayoul de Provins.
Le bruit court
alors qu’il a empoisonné son prédécesseur pour en recueillir la dignité. Dix
ans plus tard, il est abbé de Montier-la-Celle, monastère le plus riche de Champagne
et de Navarre.
Il
entre dans les bonnes grâces de la jeune héritière de la Champagne et de la
Navarre, Jeanne qui, en 1285, épouse Philippe le Bel et devient reine de
France.
En
1297, les chanoines de Troyes le choisissent pour évêque. Il prend possession
de son diocèse, comme un être atroce. Il fait assassiner un curé qui le gêne,
fait mourir de froid et de faim dans un cachot deux pauvres diables dont le
seul crime est d’avoir joué aux dés, pend ceux auxquels il ne peut soutirer de
sérieuses sommes, se montre parjure et larron de biens, usurier manifeste et
faussaire, et ses mœurs sont à l’avenant. Il entretient publiquement Jacquette
de Vinets, la femme d’un boucher de Provins, qu’il rosse d’ailleurs à tour de
bras et il est de plus accusé de " sodomite, bougre et mécréant en la foi
car quand il chante la messe, il tient le corps de Notre-Seigneur en sa bouche,
sans user et le recrache ". Tout le pays l’exècre, mais sa puissance à la
cour est telle, que personne n’ose se plaindre.
Un
chanoine de Troyes, receveur des revenus de Blanche, reine douairière de
Navarre, met imprudemment les revenus dans sa propre tirelire. Il est arrêté et
confié à la garde de son évêque. Il s’enfuit à Rome et y vit bien à son aise.
Guichard est
accusé d’avoir ouvert pour de l’argent, au chanoine indélicat, la porte de sa
prison. Le chanoine avoue qu’il lui a donné 400 florins d’or et des joyaux pour
sa délivrance.
La
reine de Navarre et la reine de France, exaspérées par cette trahison, le
renient, le rendent responsable des escroqueries du clerc fugitif, et le font
chasser du conseil du roi.
L’évêque
les hait et dit devant témoins : " Je serai bientôt vengé d’elle (la reine
Blanche) et cela ne tardera pas ". Son désir se réalise en mai 1302. La
reine de Navarre meurt et elle est à peine refroidie que son visage éclate. Les
médecins ne comprennent rien et le bruit se répand que Guichard l’a fait
empoisonner. L’enquête démontre que l’évêque a commandé à un apothicaire une
drogue qui a été mélangée à une purée servie à la reine par un écuyer qu’il a
soudoyé.
Trois
ans après, la reine de France âgée de 32 ans décède d’un mal inconnu. En 1308,
un ermite avoue en confession qu’à l’époque où la reine trépassa, Guichard
était venu plusieurs fois la nuit dans son ermitage de Saint-Flavit, avec un
moine, et y rencontrèrent une sorcière et une accoucheuse. Le frère modèle dans
la cire une statue de femme et selon le rite de l’église, Guichard la baptise
lui donnant le nom de Jeanne. La sorcière l’approche du feu et la pique
plusieurs fois à la tête disant : " Celle pour qui ceci est fait, cette
semaine n’aura pas sa tête ". Cela est renouvelé plusieurs fois. L’évêque
trouvant que l’envoûtement n’agit pas assez vite, brise la statuette, la foule
aux pieds criant : " Emporte-la, de par le diable ! ", et la jette au
feu.
Presque
aussitôt, la maléficiée meurt et Guichard jubile : " Grâce à Dieu, je me
suis vengé d’elle et je me vengerai bien encore de quelques autres ! ".
Il retourne à
l’ermitage de Saint-Flavit et prépare un poison violent, destiné aux fils et au
frère du roi. De nombreux témoins affirment " qu’il a commerce habituel
avec le diable ".
Le
pape Clément V le fait arrêter et interner dans la tour du Louvre. Lors du
procès, d’autres crimes sont reprochés à l’évêque : assassinats, simonie, faux
en écritures notariées, subornations de témoins, hérésie, sorcellerie, alchimie
criminelle, fausse monnaie, prêtre bigame ordonné par lui, usure…
L’enquête
dure un an et demi et est close quand le pape réclame le prisonnier qui arrive
en 1311 à Avignon. Là, Guichard est libre et vit à la cour pontificale. Son
innocence est reconnue, le clerc, au pied de la potence, rétractant ses
accusations. Un autre scélérat près d’être pendu assure qu’il est coupable avec
d’autres complices, des faits dont l’évêque de Troyes est accusé.
Cependant une
preuve de sa culpabilité existe dans un document retrouvé aux Archives
nationales, lettre de Guichard à l’apothicaire qui se termine par : "
mettez cette lettre au feu quand vous l’aurez lue ".
Quoiqu’il
en fut, l’évêque est bien l’inspirateur du crime, la mort de Jeanne de Navarre
est bien son œuvre, œuvre de vengeance personnelle.
L’archevêque de
Sens excommunie Guichard, mais Clément V, avant de mourir, le transfère à un
évêché en Bosnie (où il n’est jamais allé).
Lors
de son décès en 1317, il est enterré dans notre cathédrale.
La conclusion de
ce grand procès, l’acquittement de l’accusé par sentence papale, est assez
extraordinaire.
Il est évident
que Guichard a été la victime d’une machination impitoyable qui ressemble
singulièrement à celles lancées contre les templiers.
Il est certain que l’évêque de Troyes
eut pour lui l’opinion populaire et bourgeoise.
66e 1314-1316 :
Jean d’Auxois I
Jean
d'Auxois, né en Bourgogne et mort en 1316 à Auxerre, est un prélat français du
XIVe siècle, évêque de Troyes de 1314 à 1316.
Il
est issu de la noble famille de Tournelle et est l'oncle de l'évêque de Troyes
Jean II d'Auxois.
67e 1316-1324 :
Guillaume Méchin
Il
fut en premier lieu notaire du Pape et conseiller du Roi. Initialement vicaire
général de l'évêque de Lectoure Pierre de Ferrières qui réside dans le royaume
de Naples, il est remarqué par le pape Jean XXII qui le fit nonce et l'envoya
dans le royaume de Sicile pour tenter de trouver une paix entre les rois Robert
d'Anjou et Frédéric II de Sicile qui se disputaient le royaume. Il accompagna
ensuite le légat Gosselin pour aider Philippe V à trouver la paix avec les
Flamands. Membre du conseil Royal, il est nommé évêque de Pampelune en 1315.
Transféré
sur le siège épiscopal de Troyes le 2 mars 1316, il demeure un diplomate du
souverain-pontife et réside le plus souvent à Avignon.
Il
est néanmoins transféré sur le siège de Dol en Bretagne en 1324 et meurt à
Avignon en 1328.
68e 1324-1342 :
Jean d’Aubigny
Jean
d'Aubigny est né à Amiens. Il était alors abbé d’Abbaye
Saint-Martin-aux-Jumeaux d’ Amiens lorsqu’il est nommé évêque de Troyes par
décision du pape. Il décéda le 6 novembre et fut inhumé dans la chapelle du
Christ Sauveur de la cathédrale de Troyes, sous une dalle de marbre noir.
69e 1342-1352 :
Jean d’Auxois II, neveu de Jean d’Auxois I
Jean
II d'Auxois est issu de la noble famille de Tournelle et est le neveu de
l'évêque de Troyes Jean d'Auxois (év. 1314-1316). Certaines sources indiquent
qu'il est chanoine d'Autun, ensuite chanoine et chantre de Troyes.
À
partir de 1328 Philippe de Valois le charge d'estimer le marquisat d'Isle.
Élu
évêque de Troyes, il s'occupe avec soin de son diocèse.
Le
pape Innocent VI le nomme évêque d'Auxerre. Il fait son entrée à Auxerre le 29
aout 1353. Il fonde une chapelle de sainte Syrie à Fontaines et dédie l'église
des dominicains à Auxerre en 1356.
1358
: invasion anglaise et décès
En
1358 les Anglais se rapprochent du nord de la Bourgogne. Les habitants d'Appoigny
veulent rétablir l'ancienne forteresse et ses fossés, autour de l'église et
ailleurs ; mais ils ne peuvent le faire sans démolir l'auditoire du bailliage
et d'autres bâtiments générateurs de revenu pour l'évêché. Ils demandent donc à
Jean d'Auxois la permission de les démolir et ce dernier la leur accorde le 6
juin 1358. Toutefois ils ne se sont pas engagés à les maintenir mais seulement
à les creuser. Ils demandent donc au chapitre confirmation de cette
autorisation, confirmation apportée le 8 juin deux jours après celle de Jean
d'Auxois. Mais les Anglais se rapprochent de plus en plus. Jean d'Auxois quitte
Régennes pour s'enfermer dans Auxerre. Régennes est pris le 8 juin 1358. Très
affecté, Jean II d'Auxois en tombe malade ; il ne peut pas officier pour
l'ordination aux Quatre-Temps de l'Avent.
Le
19 janvier 1359, jeudi après l’Épiphanie, les Anglais attaquent la ville
d'Auxerre alors que l'évêque est mourant ; l'alerte est donnée, et en
conséquence la chambre de Jean II d'Auxois est emplie de défenseurs portant
armes lorsque l'extrême-onction lui est donnée.
L'attaque
manquée des Anglais retarde l'enterrement, qui est fait quelques jours plus
tard dans la cathédrale à gauche du chœur, entre la tombe de Guy de Mello et
les marches montant aux stalles du chœur.
70e 1352-1370 : Henri de Poitiers
Henri
est le cinquième fils d'Aimar IV, comte du Valentinois et de Diois, et de
Sybille de Baux, et a pour frères Guillaume, évêque de Langres, et Othon,
évêque de Verdun.
Nommé
en 1349 à l'évêché de Gap, il a à combattre une révolte des habitants de sa
ville épiscopale, qui, indignés du meurtre commis par Hault-de-Cœur, bâtard de
Poitiers, sur Ismidon de Montauban, parent de Dragonnet, son prédécesseur, ont
pillé son palais et l'ont obligé de sortir de Gap en 1350. Après diverses
rencontres, un accommodement est signé qui permet à Henri de revenir dans sa
ville épiscopale où il demeure jusqu'à ce qu'il soit transféré à Troyes, par
Clément VI, en 1352.
Brave
guerrier, Henri de Poitiers met Robert Kernolle en déroute au moment où, après
avoir brûlé le château d'Aix-en-Othe, il va s'emparer de la ville de Troyes. Il
défait et prend Eustache d'Aubrécicourt dans les plaines de Nogent-sur-Seine
(1358-1359) alors que celui-ci pillait le pays entre Nogent, Arcis et Torcy
dans ce que Froissart nommait « sa chambre. »
71e 1370-1375 :
Jean Braque
Il
est le fils de Nicolas Braque et devient Jean VI évêque de Troyes en 1370. Il
est mort le 10 août 1375, et repose derrière le grand autel de la cathédrale de
Troyes.
Extrait
de "L'Aube" édition du 9 août 1874 : "Mort de l'évêque Jean
Braque. Comme il était alors d'usage, le chœur fut jonché de paille. A l'église
St-Etienne de Troyes, il y avait jonchée de fleurs. Le revenu de la terre de
Bouranton servait à en payer la dépense."
72e 1375-1377 :
Pierre de Villiers
Pierre
Champagne, né à Villiers-lès-Herbisse, à deux lieues d’Arcis-sur-Aube succéda à
l'évêque Jean Braque. Il entra de bonne heure chez les Dominicains de Troyes,
où il fit profession et prit le nom de Pierre de Villiers qu’il a toujours
conservé depuis.
Il étudia à
Paris, devint docteur en théologie à la Sorbonne, et « parut avec éclat dans
les chaires les plus distinguées ».
Sa
réputation le fit connaître à la cour, où le roi Charles V le choisit comme
prédicateur et confesseur. Il le nomma à l’évêché de Nevers (1372-1374) et
anoblit son frère Nicolas Champagne, avec ses enfants et leur postérité mâle et
femelle, issu de légitimes mariages.
En
1373, Pierre de Villiers fit la dédicace de la chapelle du collège de Navarre
le dimanche 16 octobre.
L’évêché
de Troyes étant venu à vaquer en 1375, le roi voulut le rapprocher de lui et le
fit passer de Nevers à Troyes pour y occuper le siège épiscopal. Il y fit son
entrée solennelle le 29 avril de l’année suivante.
Il
dispensa les quatre barons de la crosse de le porter suivant l’usage, parce
qu’il fut accompagné du duc de Bourgogne Philippe-le-Hardi, frère du roi.
Devenu évêque de
Troyes, il fit du bien aux Dominicains de cette ville, où il avait fait
profession. Il augmenta leurs bâtiments, agrandit leur église, la fournit
d’ornements, et fit bâtir la bibliothèque, où il mit beaucoup de manuscrits.
Il ne siégea que vingt mois.
Il
mourut le 12 juin 1377, et fut inhumé dans l’église des Dominicains, où l’on
voyait son tombeau « élevé d’environ deux pieds, avec sa figure revêtue
d’habits pontificaux ».
On lisait à
côté, une longue épitaphe en vers français, qui est insérée dans le promptuaire
(Recueil d'un ouvrage de philosophie en usage du Moyen Âge à l'époque
classique) de Camusat.
Sous
son épiscopat, le chanoine Pierre d’Arbois, voyant que l’église de Troyes ne
célébrait pas les fêtes de l’annonciation, de la nativité, de la purification
et de la conception de la sainte Vierge, Pierre de Villiers les fonda, afin
qu’elles fussent célébrées du rite annuel.
73e 1377-1395 :
Pierre d’Arcies
Il
est chanoine à Châlons-sur-Marne puis à la collégiale Saint-Étienne de Troyes,
où il devient ensuite trésorier puis official. Il fut évêque de Troyes de 1377
à 1395. Au cours de son épiscopat, il pose la première pierre du jubé de la
cathédrale. Il reçoit une relique de sainte Syre, des mains de la duchesse
d'Orléans ; il laisse cette relique par testament à Guillaume Doma prieur de
l'hôpital Saint-Bernard. Il fonde l'hôpital d'Arcis-sur-Aube, où on l'associe à
la famille seigneuriale (cf. son frère Nicolas évêque d'Auxerre).
Il
est mort le dimanche de Quasimodo 1395, et repose en la cathédrale de Troyes.
Il
s'est opposé à Jeanne de Vergy à propos du Saint Suaire par son Mémorandum de
Pierre d'Arcis dans lequel il affirme que « ce linge habilement peint sur
lequel, par une adroite prestidigitation, était représentée la double image
d'un homme avait été fait pour attirer les foules afin de leur extorquer habilement
de l'argent ».
74e 1395-1426 :
Etienne de Givry
Élu
au siège épiscopal en 1395, il fut l'envoyé du roi à Marseille auprès du pape
Benoit. Il fut l'exécuteur testamentaire de Guillaume de Dormans, famille de
laquelle il était proche. Il fut présent à l'assemblé des députés qui était
présidée par la Patriarche latin d'Antioche pour régler l'affaire des annates
et qui se tenait dans le réfectoire des dominicains de Troyes.
Il
décède le 26 avril 1426 à l'âge de quatre-vingt-douze ans et repose devant
l'autel de la cathédrale au côté de Jean d'Auxois.
75e
1426-1450 : Jean Léguisé ou Lesguisier ou Lesguisé ou l’Aiguisié ou
Laguise
Jean Léguisé naît à Troyes et y fait
ses études.
En 1426, il est placé sur le trône
épiscopal.
En
1429, Troyes est " possédé par les Anglo-Bourguignons " qui tiennent
garnison.
Le
5 juillet, Jeanne d’Arc, conduisant l’armée française, se présente devant
Troyes " qui était forte par ses murailles ".
A
une lettre du Dauphin lui demandant d’ouvrir ses portes, la municipalité répond
que les défenseurs résisteront jusqu’à la mort.
Travaillés par
l’évêque Léguisé, qui les exhorte vivement de se rendre, les éléments français
restés en ville, avec les habitants, obligent la garnison à capituler.
Le roi est reçu avec les témoignages de la
joie la plus parfaite.
Tous les
historiens disent que " les événements qui se passèrent à Troyes du 5 au
12 juillet 1429, décidèrent du sort de la France ".
L’entrée
des troupes royales dans la ville ont un retentissement considérable : les
villes situées sur la route de Reims se rallient alors au Dauphin.
C’est ainsi que
" Troyes fut le triomphe du Droit et de la Justice. Ce fut la grande
revanche du traité sacrilège et déshonorant livrant la France à l’étranger, qui
y avait été signé en 1420, et que, de toutes les autorités politiques de
l’époque, seule la Papauté, seul le pape Martin V, ne voulut pas reconnaître
".
Charles VII accompagné de Jeanne d’Arc,
peut ainsi aller se faire sacrer à Reims.
Pour le
récompenser d’un service si important, le roi anoblit notre évêque, lui, son
père, ses frères, ses sœurs et toute leur postérité.
Le
9 juillet 1430, l’évêque Léguisé procède à la dédicace de la cathédrale de
Troyes .
En 1431, notre évêque est envoyé au concile de
Bâle en qualité d’ambassadeur.
En
1437, il est délégué pour faire la dédicace de l’abbaye de Saint-Spire de
Corbeil.
L’évêque
de Troyes s’applique à visiter son diocèse.
Jean
Léguisé est bien déterminé à rétablir l'ordre moral dans son clergé. Il emploie
tout son zèle pour abolir les cérémonies extravagantes de la fête des fous. Il
écrit à l'archevêque de Sens, une longue missive pour lui dénoncer, forçant
peut-être un peu le trait, des bouffonneries " grandes moqueries,
dérisions et folie " encore plus excessives qu'à l'accoutumée.
Il
rédige une autre lettre à l'intention de Charles VII, dont il est un
conseiller. Les maîtres théologiens de Paris, sollicités par le roi, condamnent
irrévocablement " la damnable fête " en y dénonçant une inacceptable
survivance des superstitions païennes et concluent que, célébrée dans ou hors
des églises, la Fête des fous sent l'hérésie. C'est la menace d'un procès. Les
trois chapitres battent leur coulpe devant l'évêque et l'inquisiteur. En avril
1445, par lettres patentes, Charles VII ordonne au bailli de Troyes et aux
prévôts de punir ceux qui transgresseraient l'interdit des théologiens. Malgré
tout, il y eut encore à Troyes quelques Fêtes des fous. Mais beaucoup plus…
sages.
Jean
Léguisé décède à Paris en 1450, son corps est amené à Troyes et il est inhumé
dans la chapelle du Sauveur de la cathédrale, avec une inscription sur son
tombeau.
Le
5 décembre 1980, le conseil municipal donne son nom à une rue de Troyes.
76e 1450-1483 :
Louis Raguier
Louis
Raguier est le fils d’Aimon ou Hémond Raguier, maître de Comptes et trésorier
des guerres, et de Gillette de la Fontaine, sa première femme.
A
la mort de Jean Léguisé évêque de Troyes de 1426 à 1450, le chapitre de la
cathédrale l’élit pour évêque, le 14 septembre 1450. C’est la reine Isabeau de
Bavière, épouse de Charles VI, qui l'a ramené en France comme son trésorier.
C’est grâce à sa protection que Louis lui doit les premiers succès de sa
carrière. A cette époque, pour le choix d’un évêque, les influences du pouvoir
royal peuvent compter autant que ses mérites.
Il
est d’abord conseiller clerc au
Parlement, ensuite il devient président en la Chambre des Aides, Seigneur de
Payns, Fontaine-Saint-Grorges, Poussey en partie de Romilly, doyen du chapitre
d’Auxerre, chanoine de Notre-Dame de Paris et de Saint-Pierre de Troyes. En
1458, il reçoit la commende de Montier-la-Celle.
Louis
Raguier construit la nef de la cathédrale.
Sous
son épiscopat, Louis de Melun, archevêque de Sens, convoque un concile
provincial pour la publication des canons du concile de Bâle. Les évêques se
plaignent de la manière dont on les y a appelés. Les envoyés des chapitres
d’Orléans, d’Auxerre, de Nevers et de Troyes appuient ces plaintes, et l’archevêque
voyant qu’il s’est trop avancé, se rétracte et s’explique de manière à satisfaire
tous les mécontents.
L’évêque
de Troyes est envoyé par Louis XI aux habitants de Liège, pour les engager à
quitter l’alliance qu’ils ont fait avec leur évêque. Cette négociation a un si grand effet, que les Liégeois non
seulement abandonnent leur alliance, mais encore tiennent prisonniers quelques
seigneurs de la famille du duc de Bourgogne qui trament contre le roi.
L’année
suivante, le prélat, sur une requête des habitants de Somme-Fontaine, se
transporte dans leur village, et fait la translation des reliques de saint
Lupien, leur patron, dans une nouvelle châsse.
Cinq
après, étant à Paris, il bénit Germain le Moine, nouvel abbé de Saint-Victor.
M. l’abbé le Beuf rapporte qu’il y a dans l’église de cette abbaye un buste où
est la tête de sainte Syre de Troyes. On prétend que, lors de la translation du
corps de cette sainte, l’évêque de Troyes fait présent de ce chef au chapitre
de Saint-Merry pour quelques reliques.
Les
évêques ne sont pas toujours d’accord avec leur chapitre : le fait suivant en
est une preuve. Un père d’une des paroisses de la ville soumise à la
juridiction du chapitre de la cathédrale, ayant commis un délit, l’official de
l’évêque en connut, quoiqu’il ne fût point de son ressort. Le chapitre
revendique ses droits et conduit l’affaire au parlement. Il y a un arrêté
contre le prélat, et les privilèges et exemptions du chapitre sont confirmés.
C’est au moment où la ville de Troyes retentit du bruit des vertus de l’ermite
Jean de Gand. Louis XIII qui a beaucoup de dévotion pour lui, fait travailler à
sa canonisation, mais elle n’a pas lieu (voir à Jean de Gand).
Louis
Raguier, se voyant sur le retour de l’âge, veut mettre un intervalle entre la
vie et la mort, et fait la démission de son évêché en 1483, en faveur de
Jacques Raguier, son neveu.
Il
survit encore 5 ans et meurt en 1488. Il est inhumé proche le grand autel de la
cathédrale, sous un tombeau de cuivre, avec cette épitaphe : « Ci gît Révérend Père
en Dieu noble sieur Messire Loys Raguier, évêque de cette église, lequel, du
temps du très chrétien et victorieux prince Charles, roi de France VII de ce
nom, fut son conseiller en la cour de parlement et depuis, fut président de la
chambre de la justice des aides de Paris, lequel trépassa le 19 août 1488. Dieu
en ait l’âme ».
Cet
évêque se signale par ses libéralités envers son église, en reliques, vases,
ornements et autres décorations, et fit présent au chapitre de livres
concernant l’office divin et l’étude ecclésiastique. Sous son épiscopat, est
imprimé pour la première fois, un bréviaire à l’usage du diocèse.
La
même année de la démission de Louis Raguier, Jean Verne, licencié en droit,
trésorier de l’église de Lisieux, conseiller et aumônier du roi, est nommé
coadjuteur de l’évêché de Troyes. Raguier s’y oppose et le chapitre, déférant
aux ordres du pape et du roi, le reconnaît.
C’est
donc Jacques Raguier, neveu de Louis, qui lui succède en 1483.
77e 1483-1518 : Jacques Raguier neveu du précédent
Jacques
Raguier est le second fils d'Antoine Raguier, seigneur de Thionville, la
Motte-Tilly et Estenay, conseiller et trésorier de la guerre et de Jacquette
Budé. Prêtre, chanoine de Notre-Dame de Paris, docteur és-lois. Il est le frère
d'Antoine Raguier évêque de Lisieux en 1474.
Le
3 décembre 1483, son oncle Louis Raguier évêque de Troyes résigne en sa faveur
son siège épiscopal et il prête serment le 11 janvier suivant.
En
août 1485 il assiste au Concile provincial de Sens réuni par l'archevêque
Tristan de Salazar. Il fait ériger une statue de Saint-Michel sur le pignon de
la cathédrale et en août 1506 il est à l'origine des fondations du portail et
des tours de la cathédrale.
En
1509 il réforme l'abbaye du Paraclet. Il est devenu en 1501 le premier
commendataire de l'abbaye Saint-Pierre de Montiéramey et de Saint-Jacques de
Provins, ainsi que de l'Abbaye Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Montier-en-Der.
En
1494 il fait venir à Troyes ses deux cousins germains frères de Guillaume Budé
: Étienne qui devient official et meurt en 1501 et Louis, chanoine du chapitre
et archidiacre d'Arcis-sur-Aube qui meurt à 47 ans le 19 novembre 1517.
L'épiscopat de Jacques Ragier se poursuit pendant 35 ans et lorsqu'il meurt en
1518 il est inhumé près de son oncle dans la cathédrale de Troyes.
En
1513, il reçoit une lettre du Concile de Pise momentanément transféré à Lyon, portant
nomination de Denys Du Val, secrétaire du Roi comme receveur de la part due par
le diocèse de Troyes (2600 livres tournois) dans le subside accordé par le
concile à Louis XII, Lyon le 15 mars 1513
Ce
prélat donnait l'exemple lors des obligations de "guet et porte, dont son
successeur Guillaume Parvy obtiendra l'exemption en 1521 pour les chanoines de
sa cathédrale dans le cas de périls éminents, à savoir l'ennemi à 15 lieues de
la ville. Car les religieux dont le nom étaient portés sur les rôles de guet
revêtaient au jour dit casaque et cuirasse, portant selon les cas hallebarde,
javeline ou pertuisane. Une fois sur la muraille il commandait aux hommes de
garde leur assignant un poste à tenir.
78e 1518-1527 :
Guillaume Parvi
La
pragmatique sanction vient d’être abolie en France pour les élections, le
concordat de Léon X et de François 1er est reçu malgré les réclamations du
clergé, des parlements et des universités.
Pour
donner un successeur à Jacques Raguier dans l’évêché de Troyes, le chapitre de
la cathédrale envoie deux députés au roi pour lui demander la permission de
procéder à une élection. Mais le prince, dès le 22 novembre 1517 écrit au
chapitre qu’il a prié le pape Léon X de pourvoir à l’évêché de Troyes,
Guillaume Parvi, de l’ordre des Frères Prêcheurs, docteur en théologie, son
conseiller et son confesseur, homme savant et vertueux, qu’il prie les
chanoines de le recevoir et de ne lui donner aucun compétiteur. Après la
lecture de cette lettre, le chapitre "
presse les députés, mais leur voyage fut inutile : ils rapportèrent
seulement une lettre du roi qui déclara de nouveau avoir nommé Guillaume Parvi
".
Malgré
ces ordres, le chapitre se dispose à faire une élection pour laquelle il fixe
le jour au 14 février 1518. Mais, tandis que le temps passe, Parvi reçoit de
Rome les bulles. Alors le roi envoie des commissaires pour intimer au chapitre
cette promotion et les inviter amicalement à se désister de leur élection
projetée. Les chanoines obéissent enfin, et font le plus grand éloge de leur
nouveau prélat, dans leur acte capitulaire.
Le
roi leur en témoigne sa satisfaction " et leur mande que le nouvel évêque
ne pourra prendre possession personnelle, qu’il le retenait auprès de lui pour
prêcher le carême, et qu’ils eussent à mettre ses procureurs en pleine et
entière possession de l’évêché ".
Parvi
naît à Montvilliers près du Havre vers 1470. Il prend l’habit de saint
Dominique et fait profession dans la maison des Jacobins de Rouen. Il est
docteur en Sorbonne en 1502. Très bon helléniste, il cultive les lettres, et
est en liaison avec un grand nombre de savants. Il fait venir Erasme à la cour
du roi. Ce dominicain est très célèbre par ses sermons.
En
1509, Parvi est confesseur et chapelain du roi Louis XII, de qui il est très
estimé. Il assiste la reine Anne de Bretagne dans ses derniers instants, et
fait jusqu’à trois fois son oraison funèbre : à Blois où elle est morte, à
Notre-Dame de Paris et à Saint-Denis où elle est inhumée. Il devient chapelain
de François 1er. Il fait aussi l’oraison funèbre de Louis XII, décédé le 1er
janvier 1515.
En
1518, il est l’auteur du premier inventaire de la bibliothèque du roi, devenue
ensuite la Bibliothèque Nationale. Le prélat fait son entrée solennelle à
Troyes en mars 1519, avec toutes les cérémonies accoutumées. Il remplit ses
devoirs avec une édification qui le rend cher à son clergé, et le fait aimer et
estimer de tout son peuple. Il s’applique, à faire un bon choix des
ecclésiastiques pour emplir les cures.
Il visite
souvent ses ouailles, et veille sur la doctrine et sur les mœurs avec d’autant
plus d’attention que le luthéranisme commence à faire des progrès en France et
menace d’infester le diocèse de Troyes.
Il
établit en communauté les filles repentantes, et les met en possession de
l’Hôpital de Saint-Abraham, et " fournit son église cathédrale d’ornements
précieux et de plusieurs décorations ".
En
1521, l’évêque de Troyes reçoit dans sa ville épiscopale, le roi François 1er
et la reine. A sa demande, le roi établit une foire pour récompenser les
habitants " de leur bonne loyauté et fidélité ".
Cependant,
le diocèse de Troyes commence à être infesté de la nouvelle doctrine de Luther
dont les livres se répandent énormément. Le zèle de Parvi se ranime : il envoie
à tous ses curés une instruction pastorale " pour les exhorter à veiller
sur leurs ouailles et à leur ôter les livres qui contiennent les erreurs du
luthéranisme... Ces erreurs se dissipèrent et le diocèse en fut préservé
".
En 1525, il fait imprimer un missel pour tout
son diocèse.
Il
siège ensuite 9 ans à Senlis, où il compose un recueil de tous les sentiments
des docteurs de son ordre pour prouver et établir la souveraineté du roi.
Il
décède en 1536.
Homme
de lettres, Guillaume Parvi est l’auteur de nombreux ouvrages, un total de
1.324 titres. Il traduit pour Marguerite de Valois " Les Heures en langue
française… ".
79e 1527-1544 :
Odard Hennequin
La
famille d’Hennequin est originaire du comté d’Artois, d’où, vers l’an 1196, un
de ses membres vint s’établir à Troyes. « Elle s’est toujours distinguée par
les talents, par les places, les dignités et les offices qu’on l’a vu occuper
dans toutes les compagnies souveraines de Paris. Elle a eu des alliances avec
de très grandes et considérables
familles : celles des de Balzac-d’Entragues, de Brichabreau-Nongis, de la
Bourdairière, de Nicolaï, de le Maître, de Bruslart, de Moslé de Blancmesnil,
de Mesmes, de Reffuge, de Luillier, de Mauroy…».
Il
naquit à Troyes en 1484.
Il
fut d’abord chanoine de la cathédrale, ensuite archidiacre de Puisaye, diocèse
d’Auxerre, et il est nommé en cette qualité dans la publication de la coutume
de Troyes.
Son
mérite perça à la cour et le fit
connaître de François 1er qui l’aima, le fit son aumônier et lui donna les
abbayes de Vertus (diocèse de Châlons), de Saint-Loup et de
Saint-Martin-ès-Aires de Troyes. Il eut en outre le prieuré du Saint-Sépulcre
et celui de la Celle-sous-Chantemerle. Enfin il fut nommé évêque de Senlis en
1526, et le 28 mars 1527, il fit son entrée solennelle dans l’évêché de Troyes
avec les cérémonies usitées.
Dès
qu’il fut sur le siège de Troyes, il visita son diocèse pour connaître l’état
de ses ouailles, pour réformer les abus et pour empêcher que les nouvelles
erreurs ne se répandissent dans sa patrie, dont il était devenu le père
spirituel.
Il
assista à l’assemblée du clergé, qui se tint vers la fin de 1527, à l’effet de
supplier le roi d’employer son autorité souveraine pour remédier au mal que
commençait à causer dans le royaume la nouvelle secte des partisans de Luther.
Il
se trouva aussi au Concile de Paris, au mois de février de l’année suivante, où
furent promulgués plusieurs décrets dogmatiques contre la doctrine de cet
hérésiarque. Convaincu de la nécessité de maintenir la discipline, il eut soin
de tenir les synodes, et il fit imprimer tous les statuts de ses prédécesseurs
avec les siens. Il employa à cet ouvrage son official et grand vicaire Jean
Colet, natif de Rumilly-les-Vaudes, personnage fort savant et surtout versé
dans la connaissance du droit (voir le chapitre : Statuts synodaux de Jean
Colet).
Sur
le baptême, il est défendu de ne rien exiger, mais il est permis de recevoir ce
que les fidèles ont coutume d’offrir, et il est dit que 2 ou 3 parrains
suffisent. On doit ouvrir les femmes mortes, lorsque l’on est certain que
l’enfant est encore vivant dans leur sein, pour le baptiser ensuite.
Un
statut dit qu’il y a des prêtres qui, dans le temps de Pâques, défendent à
leurs paroissiens, sous peine d’excommunication de communier s’ils ne se sont
pas confessés à eux, ou à des prêtres à qui ils ont donné permission. Cette
défense est regardée comme téméraire, parce que d’autres prêtres ou des
religieux ont, du pape et des évêques, le pouvoir de confesser et d’absoudre ceux
qui auraient confiance en eux.
Un
statut enjoint aux prêtres de se confesser, au moins une fois l’an, à leur
évêque ou à son pénitencier… Un statut indique que les prêtres ne doivent pas
se confesser réciproquement, à moins que l’un ne soit curé de l’autre…
L’article
du mariage condamne un jeu appelé « Charivari » (voir le chapitre Carnaval),
qui se pratiquait aux secondes noces. On y entendait des cris horribles, des
blasphèmes, des obscénités et les acteurs portaient des masques injurieux et se
répandaient en outrages contre les épousés.
A
cette époque, le décanat de Saint-Urbain était occupé par Jean Hennequin,
archidiacre d’Arcis-sur-Aube et de Saint-Léger-sous-Margerie, abbé de l’abbaye
de Basse-Fontaine (Brienne-la-Vieille), et frère de notre évêque. Il mourut le
23 juillet 1531, et l’évêque Odard fut élu par le chapitre pour remplir cette
dignité. Il ne la garda pas longtemps et demanda au roi la permission de la
résigner en faveur de son neveu Nicolas Hennequin, se réservant néanmoins la
collation des bénéfices qui y sont attachés, ce qui fut approuvé par le pape
Paul III en 1534.
«
M. Hennequin se rendit recommandable par ses vertus épiscopales, par son zèle
apostolique et par le sage emploi de ses revenus. Il en distribua une partie
aux pauvres et en fit servir une autre à réparer son palais épiscopal, son
château de Saint-Lyé, et à mettre en bon état les églises et les monastères
dont il était titulaire ».
En
1535, il fit imprimer un missel à l’usage de son diocèse, et quelques années
après un rituel pour l’administration des sacrements et les différentes
bénédictions de l’église.
« Le bien qu’il faisait au diocèse rendit sa
mort prématurée ».
Il
termina sa vie le 13 novembre 1544, après 17 ans d’épiscopat, âgé de 60 ans, et
fut inhumé au milieu de la nef de la cathédrale sous un tombeau d’airain, sur
lequel sa figure est représentée en habits pontificaux.
Malgré la
vigilance et les soins continuels de M. Hennequin, l’hérésie continuait de
faire des progrès dans le diocèse.
Jean
Dubec, prêtre, natif des Essarts, embrassa les erreurs de Luther et les
répandit dans notre diocèse. Il se maria et déclama contre le célibat des
prêtres. En vain lui présenta-t-on l’abîme où il se précipitait, il persista et
soutint cette doctrine avec tant d’opiniâtreté, qu’il fut arrêté et mis dans
les prisons de Troyes. Rien ne put lui dessiller les yeux et lui faire
connaître ses erreurs. On instruisit son procès, il fut dégradé de la prêtrise
et livré au bras séculier le 9 juin 1543. Enfin, il fut condamné à mort,
étranglé et brûlé dans l’Etape-au-Vin. Certains prétendent qu’il se convertit
avant de mourir.
80e 1544-1550 : Louis de Lorraine
Le
siège de Troyes demeura vacant pendant environ 8 mois après la mort d’Odard
Hennequin (1527-1544).
Enfin,
le 13 juillet 1545, le roi François 1er y nomma Louis de Lorraine, quatrième
fils de Claude de Lorraine et d’Antoinette de Bourbon-Vendôme.
Il
n’avait encore que 18 ans quand il fut nommé administrateur du diocèse de
Troyes, et cet âge, suivant le concordat, n’était pas suffisant pour occuper un
évêché. Mais le pape Jules III lui accorda l’administration de celui de Troyes,
jusqu’à ce qu’il eût atteint l’âge compétent pour exercer les fonctions
épiscopales, soit 27 ans.
Dès
que les bulles furent arrivées à Troyes, le chapitre de la cathédrale
s’assembla par « ostiatim » (de porte en porte) et au son de la cloche pour en
faire la lecture. A cette assemblée se trouvèrent l’abbé de Clairvaux, les
lieutenants civil et criminel, l’avocat du roi, le maire, les échevins les
conseillers et autres notables bourgeois de la ville. La lecture étant faite,
tous ceux qui étaient présents, pleins de joie et de satisfaction, reçurent
pour leur pasteur et évêque et pour administrateur de ce diocèse, tant au
spirituel qu’au temporel, le seigneur Louis de Lorraine, issu d’une des plus
illustres maisons du royaume.
Guillaume
Juvenis, chanoine de l’église de Troyes, le représenta, et par une procuration
en bonne forme, prêta le serment accoutumé.
Pendant cette
période, il eut pour coadjuteur, chargé des fonctions pastorales, André Richer,
moine de Vauluisant, archevêque de Chalcédoine, tandis que Guillaume Lejeune,
vicaire général, administrait le diocèse et qu’un autre chanoine, Jean Petit,
régissait le temporel.
Calvin
répandait alors sa doctrine en France. Malgré la tenue du concile de trente,
les sectateurs de cet hérésiarque ne laissaient pas de se multiplier. Un
cordelier nommé Pierre Morel, docteur de Sorbonne et fils d’un bourrelier de
Troyes, avait apostasié pour embrasser la nouvelle religion. L’amour de la
liberté et l’espérance de quelques avantages temporels l’avaient déterminé à
l’apostasie. Le supplice de Dubec ne l’avait point effrayé, il eut même
l’audace de se faire ministre de l’église calviniste. Mais, enfin tourmenté par
les remords et frustré de ses espérances, il rougit de son crime, et rentra
dans son ordre dont, par la suite, il devint provincial.
Les
remords n’agirent pas également sur un nommé Macey, marchand, natif de Troyes
et luthérien. Tous les jours il se répandait en blasphèmes contre
l’eucharistie. Il fut arrêté et condamné à être brulé vif.
L’imprimeur
Moreau qui vendant un livre hérétique intitulé : « Le trafic et train de
marchandises que les prêtres exercent en l’église », fut aussi arrêté et
condamné au supplice du feu.
A
cette époque, on représentait dans Troyes des comédies superstitieuses dans le
goût de celles des mystères de la passion. On y jouait la « Vengeance de Notre
Seigneur Jésus-Christ », appelée aussi le jeu ou la diablerie de la vengeance.
Le 24 février 1539, on annonça au sermon et par les églises, qu’on allât
chercher les rôles pour jouer cette pièce. Le 1er mai 1540, « on fit les
montres de cette diablerie », le 9 on les répéta, mais en belle ordonnance,
avec trompettes, tambours et autres instruments, enfin 8 jours après on
commença ces « montres » (tenir un rôle) autour du jeu et en même temps de la
représentation où il y avait beaucoup de monde, et où l’on paya un « douzain »
(d’une valeur de 12 deniers) par personne. Il y avait aussi le jeu de saint
Loup, pour lequel on chantait une messe devant le chef de ce saint, le jeu de
la sainte hostie, celui de sainte Catherine et celui de sainte Jule.
Cependant,
Louis de Lorraine qui n’avait presque pas résidé dans son diocèse, à
l’exception de quelques séjours à Aix-en-Othe et à Saint-Lyé, permuta son
évêché avec Antoine Caracciole, pour l’abbaye de Saint-Victor de Paris.
Il
fut ensuite nommé évêque d’Albi, en 1550, où il succéda au cardinal Jean de
Lorraine.
Trois
ans après, le pape Jules III lui donna le chapeau de Cardinal, et depuis il ne
fut plus connu que sous le nom de cardinal de Guise.
Il quitta encore
l’évêché d’Albi pour passer à l’archevêché de Sens, où il ne demeura que 2 ans.
Enfin,
il fut évêque de Metz et posséda les abbayes de Saint-Germain-d’Auxerre, de
Bourgueuil, de Tournus et de Moissac.
Il
décéda à Paris le 28 mars 1578, et fut inhumé dans le chœur de l’abbaye de
Saint-Victor.
Caracciole,
à qui Louis de Lorraine remet son évêché de Troyes, est le fils de Jean
Caraccioli, napolitain, prince de Melphe, maréchal de France, gouverneur du
Piémont, et d’Eléonore de San-Severino, fille du prince de Salerne. A 18 ans,
le jeune Caracciole suit la Cour où « il paraît avec distinction ». Il en goûte
les délices, en suit le luxe et la splendeur par la richesse de ses habits et
par l’éclat d’un brillant équipage.
Mais,
ses moyens n’étant pas suffisants pour satisfaire ses désirs, « ses affaires se
dérangèrent tellement qu’il est obligé de quitter son train de vie et de se
retirer de la Cour, pour mener une vie plus simple et plus conforme à la
religion. Il choisit pour sa retraite, la Sainte-Beaume de Marseille. Mais,
soit inconstance, soit impossibilité d’y faire son projet, il revient bientôt à
Paris se faire chartreux.
Avant
la fin de son noviciat, « sa première ferveur s’étant éclipsée », il quitte
l’habit et se fait chanoine régulier dans l’abbaye de Saint-Victor. Le cardinal
de Bourbon ne pouvant obtenir ses bulles pour cette abbaye, Caracciole use de
finesse. Il déclare aux religieux qu’il se chargerait d’obtenir du roi la
permission d’élire un abbé, à condition toutefois que, s’il réussissait, on lui
conférerait le prieuré d’Athis. Il fait alors des démarches, mais, en rusé
négociateur, il obtient pour lui-même cette abbaye avec l’économat.
Il
reçoit ses bulles quelque temps après, et en prend possession le 22 février
1544, et en est le dernier abbé régulier. Se voyant maître de cette dignité, il
veut gouverner le spirituel et le temporel à sa fantaisie, sans consulter les
anciens religieux. Ceux-ci, mécontents, en appellent comme d’abus, et le
conseil du roi commet le cardinal de Tournon pour déléguer des juges en cette
affaire. En conséquence, il est ordonné un partage des biens entre l’abbé et
les religieux, et pour lui donner plus de force, il est enregistré au conseil
et au parlement, et agréé par une bulle du Pape Paul III.
Cependant,
Caracciole, qui a du talent pour la chaire, avance dans ses sermons quelques
propositions luthériennes. Il en est repris, et il est menacé d’interdit. Il
répond avec fierté qu’il aurait une autre chaire, qu’on ne pourrait lui
interdire, et, dès ce moment, afin d’être plus libre, il quitte son abbaye, et
vise à un évêché. Ce qu’il fait en effet, par la permutation avec Louis de
Lorraine.
Il
est sacré à Saint-Victor le 15 novembre 1550. Il porte alors une longue barbe,
et suivant l’usage de l’église de Troyes, le nouvel évêque doit se présenter
rasé au chapitre. Il en est averti, et il trouve mauvais que l’on veuille
l’assujettir à cette coutume. Il emploie toutes sortes de moyens pour être
dispensé de s’y soumettre. Enfin, il a recours à l’autorité du roi Henri II,
qui veut bien écrire, à ce sujet, au chapitre de Troyes.
Le monarque déclare dans une lettre, qu’ayant
dessein d’employer Caracciole à quelque ambassade éloignée, pour affaire
importante, il est nécessaire qu’il conserve sa barbe, ne pouvant y aller sans
cela. Cette lettre est datée de Fontainebleau
le 27 novembre 1551. Le chapitre se rend alors, et veut bien suspendre
son usage pour cette fois, à cause des ordres du roi. Tous les obstacles étant
levés, le nouvel évêque vient à Troyes, et fait son entrée solennelle, le 13
décembre. Tout le clergé se rend à l’abbaye de Notre-Dame-aux-Nonnains, où le
prélat est arrivé la veille, accompagné d’un nombreux cortège, dont l’évêque
d’Auxerre, de plusieurs grands seigneurs et des officiers municipaux, tous à
cheval. Au moment de la solennité, il part en procession de l’abbaye, porté sur
une chaise, suivant la coutume, jusqu’à la cathédrale, par les 4 barons de la
Crosse. Arrivé dans le chœur, il célèbre la messe et confère les ordres à un
grand nombre d’ecclésiastiques.
Aux
fêtes de Noël, il commence à prêcher dans son église, et il y a tant de monde à
ce premier sermon, qu’il est très difficile de l’entendre. Il est nommé à l’abbaye de Ham (diocèse de
Noyon).
Le
31 janvier 1552, il assiste dans Troyes, à une procession générale pour la paix
qui vient d’être faite avec l’Angleterre, et il est fait de grandes aumônes
pour les 3.000 pauvres. « Les commencements de l’épiscopat de Caracciole sont
assez louables et édifiants. Mais déjà hérétique dans le cœur, il insinue, dans
ses sermons, des opinions nouvelles, qui scandalisent ses auditeurs ». Le
peuple se soulève, et les magistrats font au prélat de vives remontrances.
Accoutumé aux feintes et aux artifices, il promet de se rétracter et affecte du
zèle pour la religion catholique, mais il n’est pas sincère : loin d’empêcher
le calvinisme de pénétrer dans Troyes, il le favorise, s’en rend l’apôtre et le
défenseur. L’exemple du pasteur crée la contagion et inspire de la hardiesse
aux nouveaux sectaires qui rompent et brisent plusieurs images dans le
cimetière de Notre-Dame ou de Saint-Jacques, et en d’autres lieux de Troyes.
Pour réparer ces scandales, on fait une procession générale, où les reliques
sont portées pour en confirmer le culte. Les magistrats, sur les ordres du roi,
punissent les hérétiques.
Par
exemple, un cordelier, fils d’un charpentier troyen, qui a été à Genève, Lausanne… est arrêté,
condamné à faire abjuration et à tenir prison perpétuelle chez les cordeliers
d’Auxerre, où il a fait profession. Il a l’évêché pour prison, mais il sait gagner
son gardien, et s’enfuit avec lui. Le cardinal Caraffe, beau-frère du prince de
Melphe, venant de monter sur la chaire de Saint-Pierre sous le nom de Paul IV,
notre évêque, qui est son neveu, se rend à Rome, pour lui faire la cour et en
obtenir le chapeau de cardinal.
Cela
n’ayant pu avoir lieu, Caracciole revient à Troyes, en passant par Genève où il
séjourne quelque temps, et fait la connaissance de Calvin et Bèze, théologien
protestant, tous deux chefs du parti huguenot, et se confirme dans ses opinions
erronées, et promet de se déclarer pour la nouvelle religion.
Le
nombre des calvinistes augmente de jour en jour, et leur retraite est dans la
rue Moyenne, qui, pour cette raison, est alors appelée « la Petite Genève ». Les catholiques ne sont
pas tranquilles, les hérétiques ne cherchent que les occasions de les insulter.
Le jour de la sainte Mâtie, le peuple s’empresse de révérer ses reliques.
Un
homme s’approche de la châsse et profère des paroles injurieuses et
blasphématoires. Le peuple indigné l’entraîne hors de l’église et l’assomme à
coups de pied, de pierres, de petits bancs de merciers qui sont sur la place.
L’année
suivante, les hérétiques s’enhardissent de plus en plus et « font mille
horreurs à l’image de la Vierge qui est au bout de la ruelle du Chaudron ».
Lors d’une procession de la paroisse Saint-Jean, les Huguenots insultent les
prêtres, la croix et la bannière. Un bonnetier y est tué d’un coup de pistolet,
et les religionnaires font sonner le tocsin.
Les
Huguenots, favorisés par Caracciole, projettent de troubler et d’empêcher la
procession du Saint Sacrement le jour de la Fête-Dieu. Les magistrats
l’apprennent et prennent leurs précautions. Ils font garder la ville par 200
hommes, et, comme « il s’élève souvent des disputes entre les catholiques et
les hérétiques, ils font défense, aux uns et aux autres, de s’appeler Papistes
ou Huguenots, à peine d’être pendu, conformément à l’édit de Juillet ».
Les
Calvinistes prêchent publiquement et font des baptêmes et des mariages.
Un
moine, nommé Robin, sort du couvent de la trinité, prend une fille « qu’il a
déjà connue, la conduit par les rues comme un triomphe, l’amène au prêche, où
ils se marient comme Calvinistes ».
Notre
prélat se déclare alors ouvertement pour la religion réformée. Il se fait à nouveau ordonner dans une
assemblée de Calvinistes. Afin de prévenir d’autres séditions, on fait garder
la ville par 300 hommes. Ils font des recherches dans les maisons des
hérétiques, à qui ils ôtent les armes, en emprisonnent plusieurs, et brûlent
beaucoup de leurs livres. Le peuple était si fort animé contre eux, qu’une
femme arrivée de Genève, n’ayant pas voulu fléchir le genou devant l’église de
Notre-Dame, est assommée sur le champ et jetée dans la rivière sur le pont de
la Salle. Les soldats de la garde, « emportés par une fougue impétueuse »,
exercent contre les Huguenots de la ville et de la campagne, les plus grandes
violences. A la vue de tant de cruautés, ces religionnaires sortent éperdus de
Troyes avec leurs femmes et leurs enfants, et emmènent avec eux une grande
partie de leurs effets.
Ils
se retirent à Bar-sur-Seine, et là, pour se venger de ce qu’on leur a fait
souffrir à Troyes, ils se saisissent du château et des munitions de guerre,
pillent les églises et causent dans la ville et les environs les plus étranges
ravages.
En
août 1562, les chanoines interviennent auprès du gouverneur, pour lui retracer
la conduite de l’évêque « tant dans ses vie et mœurs que dans sa doctrine ».
Caracciole se résous à abandonner son siège épiscopal.
Le
siège est déclaré vaquant. La cour désigne pour remplacer notre prélat, Claude
de Beauffremont, qui reçoit les bulles de Paul VI, et est sacré à la cathédrale
le 9 mai 1563. Caracciole se retire à Châteauneuf, l’une des terres que
François 1er avait donnée à son père, et il prend femme.
Quelque
temps avant sa mort, Caracciole reconnait son aveuglement, dit qu’il déteste
l’hérésie, conseille la pureté de la foi catholique et rentre en grâce avec
l’église romaine.
Il
décède à Châteauneuf en 1570, et y est enterré dans l’église paroissiale
82e
1562-1593 : Claude de Beauffremont
« S’il est
triste pour un écrivain d’avoir à raconter des faits tels que ceux de la vie de
Caracciole, il est consolant aussi d’avoir à parler de son successeur, pontife
attaché d’esprit et de cœur à la religion catholique, rempli de zèle pour
détruire l’hérésie et faire revivre la foi languissante et persécutée.
Ce prélat
n’épargna ni soins ni, travaux pour arrêter les progrès de l’erreur, il lui
porta des coups mortels, et après s’être longtemps débattue, elle succomba
enfin. La catholicité reprit le dessus, et son éclat répandit une lumière plus
éclatante que jamais »
écrit en 1783,
Courtalon-Delaistres, Curé de Sainte-Savine.
Claude
de Beauffremont, d’une des plus illustres familles du royaume, était fils de
Claude de Beauffremont, seigneur de Scey-sur-Saône, gouverneur de
Franche-Comté, et d’Anne ou Antoinette de Vienne, dame de Listenois et d’Arc en
Barrois.
Il fut d’abord
trésorier de la collégiale de Saint-Martin de Tours, abbé d’Acey et de
Balernes, et ensuite de Longüi, ordre de Citeaux.
Dès
que le siège épiscopal de Troyes eut été déclaré vacant par l’apostasie de
Caracciole, M. de Beauffremont, préconisé à Rome, envoya ses bulles à Troyes
pour les faire notifier au chapitre, par Nicole de Villemaur, licencié ès lois.
Quelque
temps après, il vint à Troyes et fut sacré dans la cathédrale par l’évêque de
Negrepont, assisté des évêques de Langres et de Poitiers, en présence de M. de
Barbezieux, lieutenant-général de Champagne et d’un grand nombre de personnes. Il se fit ensuite introniser suivant les
cérémonies ordinaires. Soit politesse, soit humilité, il ne voulait pas
souffrir d’être porté par les barons de la crosse. Mais toute l’assemblée
l’exhorta à se conformer aux usages. Il y avait alors une difficulté de savoir
qui devait fournir la chaire, l’évêque, le chapitre ou l’abbesse. Il fut décidé
que c’était le chapitre, et, en attendant, M. Mergey, qui a raconté cette
anecdote, dit qu’il emprunta une chaise de malade. L’évêque fut porté par les
barons de Poussey et de Méry, et par les députés des barons d’Anglure et de
Saint-Just. Tout le peuple témoigna, dans une conjoncture, une satisfaction infinie de voir qu’après un évêque apostat,
celui-ci allait faire reprendre à la religion catholique son ancienne
splendeur.
Ce
pontife avait un air de dignité répandu dans toute sa personne : il estimait
les gens de lettres et honorait de sa confiance les personnes vertueuses. Mais
sa piété et son zèle le firent distinguer encore davantage.
Dès le
commencement de son épiscopat, il tint un synode pour connaître ses curés et
prendre les moyens de remédier aux maux que son prédécesseur avait causés dans
le diocèse.
«
Pasteur selon le cœur de Dieu, il cherchait les brebis égarées et faisait tous
ses efforts pour les ramener au bercail ». Tantôt il annonçait en public la
parole de Dieu et appuyait sur la vérité et la sainteté de la religion
catholique, tantôt il visitait ses ouailles en particulier, ou pour les
empêcher de tomber dans les pièges de l’hérésie, ou pour les confirmer dans la
foi. Une charité apostolique éclairait son esprit, dirigeait son cœur et
l’animait dans toutes ses démarches. Mais, les troubles des Huguenots et les
guerres civiles et de religion mirent souvent des obstacles à l’ardeur de son
zèle. Le mal avait jeté de trop profondes racines, le fanatisme était porté à
un tel degré que rien ne pouvait en arrêter les fureurs.
Cependant,
M. de Beauffremont tint, en 1580, un synode, où il fit de nouveaux statuts
qu’il publia en latin, et un autre le 9 mai 1584. Il en fit l’ouverture par une
procession générale, où les châsses des églises de Saint-Pierre, de
Saint-Etienne et de Saint-Loup furent portées. Tous les corps de la ville s’y
trouvèrent et toutes les boutiques furent fermées jusqu’à midi, ce qui ne
s’était pas fait depuis longtemps.
Les
troubles de la ligue continuaient en France. Henri III, qui s’était d’abord
déclaré imprudemment le chef de cette fameuse confédération, ne put en arrêter
le progrès, et en fut la victime malheureuse. A la mort de ce monarque, le duc
de Mayenne, qui prit la qualité de lieutenant-général de l’état et couronne de
France, fit publier une déclaration qu’il envoya dans les meilleures villes du
royaume, pour faire réitérer le serment de l’union, et obliger les curés d’en
adresser les procès-verbaux au conseil de l’union.
Tandis
qu’Henri IV travaillait à conquérir son royaume, les ligueurs de Troyes ne
négligeaient rien pour se fortifier contre les royalistes et pour exécuter les
ordres du duc de Mayenne. Le chapitre de la cathédrale, après avoir signé la
ligue, somma son évêque, qui était alors absent, de donner également sa
signature et de revenir dans sa ville épiscopale. M. de Beauffremont, pontife
toujours fidèle à son roi, ne fit ni l’un ni l’autre, et en conséquence le
conseil de la ligue fit saisir ses revenus, déclara le siège vacant et demanda
au duc un prélat qui entra dans ses vues.
Le
prince alors nomma à l’évêché de Troyes François Perricard, qui, depuis, se
qualifia « nommé évêque de Troyes » dans une quittance qu’il donna le 4 avril
1594, à Edme Berthelin, receveur-général des finances de Champagne pour une
somme de 600 écus, suivant une
ordonnance expédiée à son profit par le duc de Mayenne. Pendant cette
usurpation de l’autorité épiscopale, le chapitre renouvelait de temps en temps
ses serments d’union contre Henri IV, par délibérations capitulaires des 11
avril et 22 juillet 1590. Ce n’était que sermons, messes solennelles et
processions générales pour entretenir le peuple dans ses sentiments et
l’engager, par ses actes de dévotion, « à ne recevoir un roi hérétique en ce
royaume… pour invoquer la grâce de Dieu à ce qu’il lui plût d’afficher Mgr le
duc de Mayenne… et avoir victoire contre l’hérétique Biarnois (la ligue
méprisante donnait ce nom au grand Henri IV) et ses associés ».
Enfin,
après avoir rempli les devoirs de son ministère et confirmé la doctrine
évangélique par ses exemples et par ses discours, M. de Beauffremont mourut le
24 septembre 1593, âgé de 64 ans, dans la terre se Scey-sur-Saône, après 30 ans
d’épiscopat. Son corps ne put être transféré à Troyes, à cause des désordres
des guerres civiles.
83e 1593-1604 : René Benoit
Né
en 1521, René Benoît va à Paris en 1548, étudier la philosophie et la
théologie, et il reçoit le bonnet de docteur au collège de Navarre. Le cardinal
de Lorraine lui procure la place de prédicateur et de confesseur auprès de Marie
Stuart, épouse du roi François II. Après la mort de ce prince, René Benoît suit
Marie qui retourne en Écosse.
Il
revient à Paris, où il emploie ses talents à combattre les hérétiques, et
devient curé de Saint-Pierre des Arcis et ensuite de Saint-Eustache.
En
1566, René Benoît fait imprimer une traduction de la bible, avec des
commentaires et des notes. Cette bible fait beaucoup de bruit. Ses ennemis
croient y trouver des erreurs, et envoient une liste au pape Pie V, puis à
Grégoire XIII qui le censure en 1575. Benoît se soumet. Le fanatisme de la
ligue excluant de la succession à la couronne de France, Henri, roi de Navarre,
qui en est pourtant le seul et véritable héritier, René Benoît soutient
constamment les droits du roi de Navarre au trône.
Il
publie en 1585, l’Apologie catholique, où il montre " le défaut de droit
de la maison de Lorraine et la réalité de celui de la maison de Bourbon à la
succession de Henri III, que tous ces droits se réunissent dans la personne du
roi de Navarre, héritier de la branche aînée, et que sa non-catholicité n‘est
pas un titre d’exclusion ". Si cet ouvrage attire à son auteur " la
haine des chefs des fanatiques connus sous le nom des Seize, il ouvre les yeux
des gens sensés sur les droits du roi de Navarre ".
René
Benoît, pour éviter leur persécution, se retire dans le camp même de Henri IV, alors
monté sur le trône, et par ses conversations et ses soins contribue beaucoup à
la conversion du monarque. La même année, il publie une " Histoire des
saints ".
En
1587, Henri III reconnaît en René Benoît un sujet fidèle et zélé. Il le fait
premier lecteur et professeur royal en théologie.
Le
14 juillet 1593, Benoît rencontre le roi à Saint-Denis, et le 23 et le 25,
Henri IV s’engage à embrasser le catholicisme. Le 25 juillet, dans l’église
Saint-Denis, il abjure le protestantisme.
Par
lettres datées de Fontainebleau du 29 septembre 1593, Henri IV, roi de Navarre,
roi de France, nomme René Benoît LXXXIII° évêque de Troyes, et le prend pour
confesseur. Le chapitre refuse sa nomination à la tête du diocèse. L’évêque
tient à Troyes un synode en 1594, et en 1602. Le roi confirme les nominations
de Benoît, concernant les grands-vicaires.
Benoît
prend la qualité de grand aumônier, prédicateur et confesseur du roi Henri IV,
évêque de Troyes, docteur et lecteur dudit seigneur en la faculté, et curé de
Saint-Eustache à Paris.
Les
29 juin et 11 juillet 1593, le duc de Guise avait espéré se rendre à Troyes, et
avait donné à la population " les marques de la sympathie la plus
affectueuse ". Mais l’abjuration du protestantisme par le roi, est un
événement qui ébranle profondément le parti de l’Union. La Ligue perd son
autorité et sa puissance, les ressources manquent, les chefs l’abandonnent, la
confiance dans les Guise, s’affaiblit chaque jour. Ces derniers sont
promptement dominés par le succès de l’unique, du véritable héritier de la
couronne, auquel l’histoire a fait une place si élevée parmi nos rois.
En
1594, Benoît publie un " Avertissement à tous Français d’obéir et
reconnaître pour leur roi très chrétien Henri IV, à l’imitation de la grande
ville, et principalement de la Sorbonne et généralement de toute l’Université
de Paris ". Cet ouvrage est imprimé chez Moreau à Troyes et dédié au
prince Charles de Bourbon, dont Benoît se dit orateur. En 1604, René Benoît se
résigne, avec l’agrément du roi, à céder l’évêché de Troyes à René de Breslay,
grand Archidiacre d’Angers.
Il
décède le 7 mars 1608, âgé de 87 ans, doyen des curés et de la faculté de
théologie, après avoir joui des revenus de l’évêché de Troyes, pendant 11 ans.
84e 1604-1641 :
René de Breslay
René
de Breslay est issu d'une famille originaire de la région d'Angers. L'un de ses
ancêtres est successivement sénéchal de Chemillé puis bailli de Sablé et
finalement juge à Angers. René Breslay nait à Angers en mai 1557. Il est le
fils d'Étienne Breslay et de Françoise Hériz. Son éducation est négligée, ce
qui est assez étonnant pour un membre d'une famille en pleine ascension sociale
et ce qui lui vaudra une « réputation d'ignorant » à Troyes.
Il
devient curé, vraisemblablement titulaire, de Bazouges-sur-le-Loir, puis
chanoine de la collégiale Saint-Pierre d'Angers en 1574. Sa carrière s'accélère
lorsque son frère Pierre meurt en 1583 et qu'il lui succède comme chanoine de
la cathédrale d'Angers où il devient grand archidiacre. Il est reçu à Paris par
un ami angevin René Benoît, confesseur et intime du roi Henri IV qui tente en
vain depuis 1593 de se faire reconnaître comme évêque de Troyes par le
Saint-Siège. Lorsqu'il renonce à ses ambitions, il obtient du Roi la
désignation de René Breslay en 1605 qui est consacré en septembre par l'évêque
d'Angers. Il prend possession par procuration le 20 septembre et en personne le
23 octobre. Avec les mêmes appuis, le nouvel évêque est pourvu en commende de
Saint-Serge d'Angers.
Pendant
son épiscopat, s'il échoue plusieurs fois à implanter les Jésuites à Troyes, il
est à l'origine de l'installation de nombreuses congrégations religieuses :
Capucins (1610), Ursulines (1629), Oratoriens (1630), Carmélites (1630),
Visitandines (1631) et Lazaristes (1637). En conflit avec son chapitre de
chanoines, il décide en 1621 de résigner son siège épiscopal mais son successeur
désigné, Jacques Vignier, meurt à l'âge de 22 ans, le 28 mars 1622 à Rome, où
il est venu chercher ses bulles pontificales d'investiture. Le roi Louis XIII
nomme alors comme nouvel évêque de Troyes son conseiller Nicolas de Mesgrigny,
abbé commendataire de l'abbaye de Blasimon au diocèse de Bazas, qui est l'oncle
maternel de Jacques Vignier. Le nouvel évêque meurt à son tour à l'âge de 30
ans le 24 janvier 1624 sans avoir été ni confirmé ni consacré. René Breslay est
donc contraint de réintégrer son évêché.
En
1636, il obtient la nomination d'un coadjuteur en la personne de François
Mallier du Houssay qui est consacré en septembre avec le titre d'évêque
titulaire d'Augustopolis-en-Phrygie. Le vieil évêque meurt à Troyes à l'âge de
84 ans le 2 novembre 1641. Il est inhumé dans la chapelle Saint-Sauveur de la
cathédrale de Troyes mais un cénotaphe en marbre noir lui est édifié dans la
cathédrale Saint-Maurice d'Angers dont il fut le bienfaiteur.
85e
1641-1678 : François Malier du Houssay
Dès
l’année 1636, vu l’impuissance où était M. de Breslay d’exercer ses fonctions à
cause de son grand âge, il eut pour coadjuteur M. François Malier, fils de
Claude, seigneur de Houssay, intendant des finances, et de Marie de Melissent.
M. Malier fut d’abord abbé de Saint-Pierre de Melun, ensuite évêque « in
partibus », sous le titre d’Auguste « Augustopolitanus ».
Après
la mort de René de Breslay, il prit possession de l’évêché de Troyes le 5 avril
1642, sans beaucoup de cérémonies, ayant
prié l’abbesse de N.D. Claude de Choiseul, de l’exempter d’une rentrée
solennelle, à cause du décès de sa mère arrivé depuis peu. L’abbesse se rendit
à cette supplication, sans tirer à conséquence pour la suite au préjudice de
ses droits. Mais il vint en l’abbaye, en présence de quelques témoins, faire le
serment ordinaire de garder les droits de ce monastère.
Dès
que le nouveau Pontife eut pris en main les rênes du gouvernement de l’église
troyenne, il s’appliqua avec zèle à la conduite de son peuple et au maintien de
la discipline. Le 3 septembre de l’année suivante, il tint un synode, où il
déclara ses intentions et engagea son clergé à le seconder dans ses projets. Il
commença par la communauté des chanoines de Saint-Pierre et de Saint-Etienne, à
établir des conférences ecclésiastiques, qui furent ensuite tenues dans les
doyennés de la campagne. En 1645, il assista à l’assemblée générale du clergé,
et, en 1646, au sacre de Gilbert de Choiseul, évêque de Comminges, qui se fit
aux Minimes de Paris.
Le nouveau
consacré s’y démit des abbayes de Boullancourt, de Chantemerle et
Basse-Fontaine, et ne garda que celle de Saint-Martin-ès-Aires de Troyes, où il
introduisit les chanoines réguliers de la congrégation de France, dite de
Sainte-Geneviève.
François
Malier donna un catéchisme qu’il publia
en français pour les paroisses et en latin pour l’usage des collèges et
pensions. Le 4 juin, M. Malier tint un synode général dont il fit imprimer les
statuts et règlements avec le catalogue des cas réservés et des empêchements de
mariage. Le 3 septembre 1652, dans un autre synode, il donna des corrections de
son premier.
Il
refusa l’installation de Jésuites à Troyes, condamnant la doctrine « de ces
casuistes relâchés de cette société », et ces Pères résolurent d’attendre
encore pour renouveler leurs entreprises sur la ville de Troyes.
Quoique
l’évêque de Troyes fût occupé à la paix appelée du pape Clément IX, à laquelle
il contribuait, il ne négligeait pas son diocèse. Il ordonna d’éviter
soigneusement tout ce qui pourrait troubler la paix, et défendit, aux peines de
droit, d’user des termes d’« Hérétiques, Jansénistes, Molinistes et Novateurs
», ou de quelque nom de parti, dans les chaires et ailleurs. C’est sous son
pontificat qu’eut lieu le scandale des « faux miracles » (voir ce chapitre).
Cependant,
M. Malier avançait en âge et gouvernait toujours l’église de Troyes en vrai
pasteur. Mais, le 10 octobre 1678, il tomba dans une léthargie qui, le
lendemain, le conduisit au tombeau à l’âge de 75 ans. Le 17, il fut inhumé dans
le chœur de la cathédrale, à droite au-dessus de l’aigle, sous une tombe
couverte d’airain. Son cœur fut porté au couvent de la Visitation, dans le
sanctuaire de l’église où l’on voit son épitaphe.
Ce
prélat avait mérité les louanges de Louis XIV. Ce prince dit un jour, en
parlant de lui, que « c’était l’exemple et le modèle des évêques tant pour la
résidence que pour les autres vertus ».
M. Malier eut
pour successeur M. Bouthillier, petit-fils de Claude, surintendant des Finances
et fils de Léon, comte de Chavigny et de Buzançois, ministre et secrétaire
d’état des affaires étrangères, et d’Anne Phélippeaux, fille de Jean, seigneur
de Villesavin.
86e 1678-1697 :
François Bouthillier
M.
François Bouthillier, petit fils de Claude, surintendant des Finances et fils
de Léon, comte de Chavigny et de Buzançois, ministre et secrétaire d’état des
affaires étrangères, et d’Anne Phélippeaux, fille de Jean, seigneur de
Villefavin.
Dès
l’âge de 5 ans, le jeune Bouthillier fut pourvu de l’abbaye de Scellière qu’il
a gardée pendant plus de 80 ans, et qui lui assura un revenu confortable. Dans
la suite, il fut abbé d’Oigny, prieur de Pont-sur-Seine, de Marnay et de
Beaumont en Auge, aumônier du roi, nommé à l’évêché de Rennes (qu’il refuse) et
enfin à celui de Troyes.
Notre
86ème évêque fut sacré à
Paris le 9 avril 1679, et, le 18 mai suivant, mis en possession de son diocèse
par l’archidiacre de Sens. A l’exemple de son prédécesseur il ne fit pas
d’entrée solennelle, « mais il se transporta » seulement à l’abbaye de
Notre-Dame-aux-Nonnains où il prêta, entre les mains de l’abbesse, le serment
ordinaire de garder les privilèges de ce monastère.
A
son avènement, M. Bouthillier crut ne devoir pas négliger les synodes pour
maintenir la discipline dans son diocèse. Dès le mois de mai de l’année
suivante, il donna un mandement par lequel il indique un synode pour le mardi 4
juin suivant, et donne des règlements généraux pour tous ceux qui se tiendront
dans sa suite. Il publia encore une lettre pastorale où il dit que, malgré
l’application de ses prédécesseurs à maintenir les saintes règles du diocèse,
on ne voit pas encore tout le bien, qu’on pouvait en espérer, et il renouvelle
en même temps les anciens statuts, en tout ce qui ne sera pas contraire aux
règlements postérieurs. Ce prélat, qui ne laissait échapper aucune occasion de signaler son
zèle, crut qu’une mission était aussi nécessaire pour confirmer la piété des
fidèles, que les synodes pour le maintien de la discipline parmi les
ecclésiastiques. Il en chargea les Capucins qui se distinguaient alors par la
conversion de plusieurs protestants qu’ils ramenèrent dans le sein de l’église.
Elle se fit dans les paroisses de Saint-Jean, de Sainte-Madeleine et de
Saint-Nizier, où il y avait tous les jours entretiens et conférences utiles
pour l’instruction du peuple.
Mgr
l’Evêque prêcha dans la cathédrale à cette occasion et bénit la croix qui fut
plantée solennellement au Fort-Chevreuse. Cette mission produisit tout l’effet
qu’on avait lieu d’attendre, et le prélat vit, avec satisfaction, ses ouailles
se porter d’elles-mêmes et avec ardeur à tous les exercices de piété.
Quoique
les entreprises des Jésuites sur Troyes eussent toujours été vaines et
malheureuses, ils espéraient encore contre toute espérance. Dans cette vue, ils
firent prêcher dans l’église de Saint-Etienne le panégyrique de ce saint par un
de leurs prédicateurs, qui, en entrant en chaire, parla de la mort de la reine
Anne d’Autriche.
Comme
Mgr l’évêque ne leur semblait pas favorable, ils s’adressèrent à M. l’intendant
de la province. Mais toutes leurs intrigues et toutes leurs démarches furent
encore inutiles, les citoyens persévérèrent dans la volonté de ne pas les
recevoir.
Parmi
tous ces démêlés où Mgr l’évêque ne prenait aucune part, ce prélat conservait
son zèle pour le bien de son diocèse. Il confirma les statuts de 1680 contre
les « écreignes ou veilleries » qui étaient souvent un sujet de scandale. Pour
y remédier, il rendit, le 20 octobre 1686, une ordonnance, qui, tous les ans
doit être publiée aux approches et à la fin de l’hiver, et défend, sous peine
d’excommunication, aux garçons d’entrer dans ces « veilleries et d’employer la
violence à cet effet ». Il y est recommandé aux curés d’envoyer, au
commencement du carême, à l’évêché, un mémoire des noms des coupables, avec les
circonstances de leur péché et de leur donner pour pénitence d’entendre la
messe un dimanche à genoux, un cierge à la main, dans une place distinguée,
sous le crucifix ou proche des fonts baptismaux, autant de fois qu’ils
encourront l’excommunication.
L’année
suivante, il donne une autre ordonnance par laquelle il défend, sous peine
d’excommunication encourue par le seul fait, toute entrée dans les monastères
sans permission de lui ou de ses vicaires-généraux. Il publia plusieurs statuts
parmi lesquels, celui de l’assiduité aux conférences ecclésiastiques pour
lesquelles il avait fait des règlements 8 ans auparavant.
Cependant,
les Jésuites ne s’endormaient pas sur leur projet d’établissement dans Troyes.
Les sollicitations, les démarches, les assurances de l’amour du bien public,
rien ne leur coûtait pour parvenir à leurs fins. L’année 1688 les vit se remuer
de nouveau et employer tous les moyens qui leur semblèrent les plus propres à
obtenir l’effet de leur demande. Mais autant ils montraient d’ardeur pour cette
affaire, autant les Troyens témoignaient d’éloignement pour les recevoir dans
le sein de leur ville.
A
cette même époque, les Jacobins et les Cordeliers scandalisaient les Troyens,
lorsqu’ils sortaient de leur couvent pour aller dire la messe dans les
paroisses. M. l’évêque y mit bon ordre et leur défendit de se charger d’aucune
messe hors de chez eux, leur laissant néanmoins l’espace de 3 mois pour achever
ce qu’ils avaient commencé.
Mgr
l’évêque avait fait mettre, à Notre-Dame-en-l’Isle, un prêtre qui avait
l’esprit aliéné et qu’il avait bien recommandé au prieur. Un jour ce prêtre
alla lui demander une cure, mais se voyant refusé, même avec des menaces, il
tomba dans un accès de folie, s’en retourna à Notre-Dame-en-l’Isle, où l’on commençait
les complies. Là, il monte sur le grand autel, et à coups de pieds renverse le
tabernacle et les reliques des saints. Il est arrêté, et, par l’ordre de
l’official, conduit à la Santé, où on lui met les fers aux pieds. Quatre jours
après, les religieux, accompagnés de ceux de Saint-Martin-ès-Aires firent une
procession pour réparer ce sacrilège.
En
1694, les Oratoriens firent soutenir une thèse qui fut mal interprétée par
leurs ennemis. Ceux-ci firent « courir une feuille volante anonyme intitulée Le
Luthéranisme renaissant ». Il y avait sur une colonne les sentiments de Luther
sur l’autorité du pape, et sur l’autre les propositions de la thèse, afin de
montrer, par cet artifice, la conformité de la doctrine des Oratoriens avec
celle de cet hérésiarque. Mgr l’évêque en fut informé, mais l’affaire n’eut pas
de suite, et le prélat vit bien que cette accusation avait été faite par un
esprit de vengeance et de jalousie. On travaillait alors à imposer une
capitation (impôt) sur les ecclésiastiques. Le diocèse de Troyes fut imposé à
45.000 livres, mais on prétend que la proportion ne fut pas exactement
observée, ce qui amena quelques plaintes qui ne furent pas beaucoup écoutées.
En
1697, Mgr Bouthillier, qui résidait plus souvent à Paris qu’à Troyes, annonça à
son chapitre que, s’étant plusieurs fois trouvé mal en officiant, il s’était
déterminé à se démettre de son évêché, et que le roi qui avait agréé sa
démission, y avait nommé son neveu. En fait, c’était dans l’espoir d’entrer au
ministère. Il revint à Troyes, et résolut de vivre dans une retraite absolue,
d’abord au Grand-Séminaire, puis il choisit la maison des Chartreux de
Croncels, où il se fit bâtir un appartement.
Il
alla encore de temps en temps à la cour, surtout en 1713, où le roi le reçut «
avec distinction ». L’année suivante, il travailla avec les cardinaux d’Etrées
et de Polignac, à l’accommodement du cardinal de Noailles avec la cour de Rome,
au sujet des disputes sur la bulle « Unigenitus » du pape Clépent XI, pour
dénoncer le jansénisme.
Après
la mort du roi Louis XIV il est appelé au Conseil de Régence par Philippe
d'Orléans en septembre 1715.
Il se fixa de
nouveau à Paris où il mourut le 15 novembre 1731, âgé de 90 ans.
87e 1697-1718 : D.F. Bouthillier de Chavigny,
neveu du précédent
Le
neveu de Mgr François Bouthillier qui lui succéda, était le fils d’Armand-Léon
Bouthillier, comte de Chavigny, seigneur de Pont-sur-Seine, maître des
Requêtes, puis conseiller au Parlement et d’Elisabeth Bossuet.
Appelé
tout d’abord « l’abbé de Chavigny », Docteur de Sorbonne, vicaire général de
son oncle, et archidiacre de Sézanne, abbé de Basse-Fontaine, de Saint-Loup de
Troyes, d’Oigny et de Vauluisant, prieur de Marnay, il fut proposé à Rome dans
un consistoire par le cardinal Bouillon, et obtint ses bulles le 10 mars 1697.
Pour implorer le secours de Dieu à son entrée dans l’épiscopat, il chargea M.
Vinot, doyen de la cathédrale et son grand-vicaire, de publier un mandement par
lequel il donnerait avis que le jour de son sacre était fixé au 20 avril 1697,
et d’inviter tous les diocésains à prier Dieu qu’il lui donnât toutes les
grâces nécessaires pour bien gouverner son diocèse. Au commencement de l’année
suivante, il prit possession par son procureur à cet effet, M. de Chavaudon,
chanoine, archidiacre d’Arcis et abbé de Notre-Dame de Mores (abbaye de
Celles-sur-Ource), assisté des doyens de Saint-Etienne et Saint-Urbain. Après
avoir reçu la députation du chapitre à Pont-sur-Seine, le nouvel évêque vint à
Troyes, où il ne fit pas d’entrée solennelle comme anciennement, mais il se
contenta de prêter son serment entre les mains de Mlle d’Estampes, grande
prieure, l’abbesse désignée n’ayant pas encore ses bulles. Lorsque le nouveau
prélat vint se faire installer à la cathédrale, il y eut beaucoup de difficultés
entre le chapitre et Mgr Imbert, archidiacre de Sens, à qui appartenait, en
cette qualité, le droit d’installer les évêques de la province. Cet archidiacre
voyant « qu’on lui faisait violence » se retira, et le doyen fit lui-même la
cérémonie. Le lendemain on s’attendait à un procès, mais on remit le différend
aux jugements de deux avocats qui décidèrent que le droit de l’archidiacre de
Sens était incontestable. L’affaire n’eut pas plus de suite, et la délibération
des avocats termina toutes les difficultés.
Le
4 décembre, Mgr de Chavigny envoya à tous les ecclésiastiques de son diocèse
une « lettre pastorale pour confirmer les statuts de son oncle et ordonner en
particulier l’exécution de quelques-uns des plus importants. Au mois de mars
suivant, il bénit à la Visitation le nouvel abbé de la Piété en présence de son
oncle et des abbés prieurs de l’ordre de Citeaux.
Le
livre des « maximes des saints » de Mgr de Fénelon, archevêque de Cambrai,
venant d’être condamné, Mgr l’évêque de Troyes reconnut dans la constitution du
Pape la voix du chef de l’église, en vertu des lettres patentes du roi, il
donna un mandement d’adhésion qui fut publié dans toutes les églises du
diocèse, afin d’empêcher la lecture de ce livre.
On
parlait alors de réunir à l’évêché le prieuré de Notre-Dame-en-l’Isle, possédé
par les chanoines réguliers du Val des Ecoliers. Ce changement parut aux
Jésuites une occasion favorable pour reprendre le projet de leur établissement
dans Troyes, en faisant aux habitants des propositions avantageuses. Ils se
présentèrent au conseil pour en obtenir des lettres, mais on leur demanda la
requête des habitants à cet effet, et n’ayant pas pu la montrer, ils furent
déboutés de leur demande, et le prieuré fut réuni à la manse épiscopale pour en
augmenter les revenus.
Mgr
de Chevigny fut député à l’assemblée générale du clergé pour aller haranguer la
reine d’Angleterre à qui Louis XIV avait donné un asile à
Saint-Germain-en-Laye.
Pendant
son absence et celle de son oncle, le plus fâcheux événement jeta les Troyens
dans la consternation. La nuit du 7 au 8 octobre, le tonnerre tomba sur la
cathédrale, dont il brûla le clocher et où il fit les plus grands ravages. On
envoya à Pont-sur-Seine où étaient les deux prélats, un messager pour leur
annoncer cette fatale nouvelle. A la vue du désastre, M. de Chevigny ordonna
des prières publiques pour remercier Dieu de ce qu’il avait préservé l’Église.
Il alla lui-même avec des députés du chapitre se présenter au roi pour obtenir
des secours que le prince accorda à sa recommandation.
Les
contestations sur le Jansénisme s’étaient renouvelées, et le pape Clément XI,
venait de donner la bulle « Vineam Domini Sabaoth », qui fut envoyée en France.
Le roi la remit à l’assemblée du clergé qui y reconnut la doctrine que le clergé
de France avait toujours suivie. Sa Majesté exhorta les évêques à la faire
exécuter dans tous les diocèses, et Mgr de Chavigny la fit publier à Troyes par
un mandement daté du 2 novembre. Il donna cette même année, un catéchisme pour
remplacer celui de Mgr Malier dont les exemplaires étaient rares et le langage
suranné. Ce fut celui le plus à la portée des enfants.
Mgr
de Chavigny convoqua un synode pour le 18 mai. Il établit des assemblées de
doyenné appelées « calendes », pour lesquelles il donna un règlement, et qui se
tinrent pour la première fois le 3 mai 1707, au séminaire. Il supprima quelques
fêtes chômées à l’imitation de son oncle qui en avait déjà retranché
quelques-unes en 1688. Le 3 mai 1707, à la fin de la « calendes », Mgr de
Chavigny fit sortir tous les ecclésiastiques, à l’exception des curés. Il fit à
quelques-uns des reproches sanglants sur leur conduite, il en condamna même au
séminaire les uns pour 8 jours, les autres pour 1 mois, d’autres pour 3 ou 6
mois, ce qui le fit blâmer dans Troyes, où il fut accusé d’indiscrétion.
L’abbé
de Saint-Loup, simple tonsuré, âgé de plus de 80 ans, voulut se démettre de son
abbaye. Mgr de Chavigny pensa à se la procurer et même à la faire unir à
l’évêché. Le roi l’y nomma le jour de l’assomption.
Notre
évêque fut consulté sur un événement extraordinaire. Une muraille du couvent de
Foissy étant tombée, les religieuses profitèrent de cette occasion pour se «
procurer de la société ». On vint les voir en foule, on entra librement
partout, on chanta des chansons peu décentes, on proféra toutes sortes de
« paroles sales », de sorte qu’une
religieuse voulant y mettre de l’ordre, reçut un soufflet pour récompense de
son zèle. On demanda à Mgr de Chavigny si les coupables étaient excommuniés. Il
répondit que cela n’était marqué dans aucun statut, mais que néanmoins, il
fallait leur imposer une forte pénitence.
En
1711, il prit possession du prieuré de Notre-Dame-en-l’Isle, uni à l’évêché.
Le
pape Clément XI venait de donner en 1713 la bulle « Unigenitus » contre le
livre du P. Quesnel et les Jansénistes. Le clergé de France s’assembla pour en
décider l’acceptation. Mgr de Chavigny fut un des acceptants, et sa signature
se trouve parmi celles des 40 évêques, en 1714. Son oncle parut le blâmer
d’avoir signé, mais il donna pour toute réponse qu’il y avait 39 évêques à
l’assemblée, et que lui faisait le quarantième.
M.
l’ancien évêque, son oncle, devenu conseiller de la régence à la mort de Louis
XIV, chercha l’occasion de faire passer son neveu à un siège plus considérable.
Elle se présenta peu de temps après. Mgr Fortin de la Hoguette mourut le 28
novembre et laissa vacant le siège archiépiscopal de Sens. A la supplication de
Mgr Bouthillier, le régent y nomma Mgr de Chevigny, et pour l’évêché de Troyes,
M. de la Croix de Castries, grand archidiacre de Narbonne, premier aumônier de
la duchesse de Berry et d’une des plus illustres familles du royaume, qui
n’accepta pas. « On jeta alors les yeux » sur M. Bossuet, cousin germain de Mgr
de Chavigny, neveu du grand Bossuet et archidiacre de Meaux. MM. de Bouthillier
et de Chavigny se rendirent ses protecteurs, et le firent nommer à l’évêché de
Troyes. Un nouveau bréviaire fut imprimé en août 1717.
Mgr
de Chavigny reçut ses bulles pour l’archevêché de Sens. Il écrivit de
Pont-sur-Seine, au chapitre de Troyes, qu’il remettait entre les mains des
chanoines le « dépôt que la providence lui avait confié, et qu’ainsi, ils
devenaient chargés du gouvernement du diocèse ». Il témoigna dans sa lettre «
qu’il se séparait, avec beaucoup de peine, d’une église qu’il révérait
infiniment… ».
Mgr
de Chavigny mourut à Sens le 9 novembre 1730, âgé de 65 ans.
88e 1718-1742 :
Jacques-Bénigne Bossuet, neveu et
filleul du grand Bossuet évêque de
Meaux.
La
vacance du siège de D.F. Bouthillier de Chavigny, ne fut pas de longue durée.
Les bulles de M. Jacques-Bénigne Bossuet (cousin germain de son prédécesseur)
qui avaient été retardées à cause des affaires de la constitution, furent
expédiées le 27 juin 1718.
Dès
qu’il les eut reçues, il les adressa au chapitre de Troyes avec une procuration
à M. le Fèvre, archidiacre et grand-vicaire pour la prise de possession, et une
lettre par laquelle il avertit que son sacre était fixé au 31 juillet. Cette
cérémonie se fit dans la grande chapelle de l’archevêché de Paris, par le
cardinal de Noailles, assisté des évêques d’Auxerre et d’Avranches.
Le
nouvel évêque de Troyes était le fils de Louis Bossuet, maître des requêtes,
neveu et filleul du grand Bossuet, évêque de Meaux. Il fut élevé sous les yeux
de son oncle qui l’envoya à Rome (Jacques-Bénigne était conseiller du roi) pour
y suivre la condamnation du Quiétisme (doctrine mystique), obtint pour lui
l’abbaye de Saint-Lucien de Beauvais, et le fit chanoine, archidiacre de Meaux
et son grand-vicaire.
La réputation
que M. Bossuet s’était acquise et le nom qu’il portait « le firent désirer dans
Troyes ». Les citoyens allèrent au-devant de lui et l’amenèrent dans la ville
comme en triomphe.
Le
jour de son installation, le 11 novembre, il se transporta à l’abbaye de
Notre-Dame-aux-Nonnains, où l’attendaient des notaires et autres témoins pour
recevoir son serment. Le prélat étonné demanda ce que signifiait cet appareil,
mais ayant appris qu’on se disposait à recevoir son serment comme avaient fait
ses prédécesseurs, il dit d’un ton grave et sérieux aux abbesse et religieuses
: « Je suis votre supérieur. En cette qualité, il ne me convient pas de faire
de tels serments, je ne sais ce que c’est que vos privilèges. Je souhaite les
voir et m’instruire avant que de rien faire. Je viens pour vous témoigner
l’affection que je vous porte et l’estime que j’ai pour vous, je m’en vais
entendre la messe, et après je vous donnerai ma bénédiction ». Après la messe,
M. l’évêque se disposa à donner la bénédiction. Mais, comme il n’avait pas
voulu prêter le serment accoutumé, les religieuses fermèrent leur grille et se
retirèrent.
Le
même jour, après-midi, on procéda à l’installation. L’abbesse de Notre-Dame
protesta pour conserver ses droits, mais ses protestations n’empêchèrent pas de continuer. Le prélat fut
mis en possession personnellement par MM. François Comparot, doyen, et Louis-Guillaume
de Chavaudon, grand archidiacre, et installé par le célerier (titre dans
certain monastère) de l’église de Sens, fondé de procuration du
grand-archidiacre de cette métropole à qui ce droit appartient.
Après
toutes ces cérémonies d’usage, M. Bossuet « s’appliqua tout entier à la
conduite de son troupeau ». Il commença par soutenir les conférences
ecclésiastiques, puis il entreprit les visites du diocèse. Ce pontife regarda
la jeunesse « comme la portion la plus précieuse dont il devait tirer un jour
de pieux ecclésiastiques ». Il fit faire par les Oratoriens du collège une
mission en faveur des écoliers et des jeunes enfants de Troyes. Le petit
séminaire mérita toute son attention. Il donna une lettre pastorale et
ordonnance touchant l’éducation des
jeunes gens qui s’y destinent à l’état ecclésiastique, et promis une
faveur spéciale envers ceux qui y seraient élevés. Enfin, il donna un règlement
pour les conférences des clercs qu’il établit dans son diocèse, et qui tinrent
le petit séminaire. Il rendit une ordonnance pour faire garder la clôture dans
tous les couvents, dont quelques religieuses sortaient au mépris de toutes les
défenses.
Il
réunit un synode en juin 1719, dont les statuts furent publiés aux prônes des
paroisses et affichés aux églises et aux carrefours des rues, ce qui ne s’était
jamais fait.
Il faisait de
temps en temps des visites en différentes églises. Dans celle qu’il fit à la
Madeleine, il proposa d’ériger cette paroisse en cure, comme il avait fait à
Saint-Pantaléon et à Saint-Nicolas. Mais il rencontra trop d’oppositions, et
cette église demeura succursale de Saint-Remi.
M.
Bossuet se distingua d’une manière particulière dans l’assemblée générale du
clergé de France de 1725. Les évêques voulaient faire dresser, en faveur de la
bulle « Unigenitus », un formulaire que l’on ferait signer par tous les
ecclésiastiques du royaume, sous peine de privation de leurs bénéfices. Indigné
d’une telle proposition, M. Bossuet s’y opposa de toutes ses forces et montra
une telle résistance, que ce formulaire projeté n’eut pas lieu, et que la
hardiesse de cette action lui mérita l’estime de la capitale et de la province.
A son retour à Troyes, il en fut complimenté par le chapitre de la cathédrale
qui lui dit que « le diocèse et tout le clergé de France lui avaient fait
obligation de ce qu’il avait fait à l’assemblée générale ».
Il
travailla beaucoup à rassembler les manuscrits des ouvrages du grand Bossuet,
son oncle, pour les donner au public : « La politique tirée des propres paroles
de l’écriture », « Les élévations à Dieu sur tous les mystères de la religion
chrétienne ». Quoique ce dernier ouvrage, eût été reçu du public avec
empressement, les Jésuites entreprirent de le dénigrer. Notre prélat se pourvut
en justice contre eux, et la cour rendit un arrêt en sa faveur, contre les
Jésuites qui furent obligés d’avouer leur défaite. Des journalistes voulurent
imiter les Jésuites, contre le livre des « Méditations sur l’Evangile » qui
parut en 1711. Les journalistes furent obligés de se taire, et ces ouvrages
restèrent au grand Bossuet et ont été applaudis par tous ceux qui se
connaissent en matière de doctrine.
En
1730, M. de Tourouvre, évêque de Rodez, ayant abandonné la supériorité des
religieuses bénédictines du Calvaire, madame de Coëtquen, supérieure générale,
choisit pour le remplacer M. l’évêque de Troyes, dont elle connaissait les
sentiments. M. Colbert, évêque de Montpellier, l’un des supérieurs de cette
maison, en félicita la supérieure et en écrivit une lettre de congratulations à
notre évêque.
M.
Bossuet continua de publier les œuvres posthumes de son oncle : « Traités du
libre arbitre et de la concupiscence », « De l’amour de Dieu dans le sacrement
de pénitence »… Il composa un nouveau
missel imprimé en 1733.
M.
Bossuet âgé, accablé par le poids des années et par le nombre de ses
infirmités, se résolut à quitter son évêché et l’annonça à ses diocésains le 3
avril 1742. Monsieur Matthias Poncet de la Rivière, neveu de M. Poncet évêque
d’Angers et grand vicaire de Seez, fut nommé pour successeur de M. Bossuet.
Jacques-Bénigne
Bossuet décéda à Paris le 12 juillet 1743. Il était âgé de 82 ans et fut inhumé
aux Feuillants, sépulture de sa famille. Un service solennel eut lieu à la
cathédrale de Troyes, « avec un grand concours de tous les corps et états de la
ville ». Les curés, dans l’annonce de leurs services, « firent l’éloge du
prélat et rendirent à sa mémoire ce qui lui était dû ».
89e 1742-1758 :
Matthias Poncet de la Rivière
Mathias
Poncet de La Rivière est le fils de Pierre Poncet (1666-1728), président au
parlement de Paris, comte d'Ablis, et de Jeanne Severt. Par sa mère, il est le
neveu d'Elisabeth Christine Severt, épouse de Pomponne Mirey, et du conseiller
au Parlement Jean Jacques Severt, un des rapporteurs du procès du régicide
Damiens et homme « fort attaché à la société des cy-devant soi-disant jésuites
». Par son père, il est le neveu de Michel Poncet de La Rivière, évêque
d'Angers.
Destiné
à l'Église, il est accueilli comme chanoine d'Angers par son oncle paternel qui
veille à son éducation. Il est pourvu en commende dès 1730 de l'abbaye
Saint-Junien de Nouaillé-Maupertuis dans le diocèse de Poitiers. Il devient
vicaire général de l'évêché de Séez pendant l'épiscopat de Jacques Lallement.
Il
est désigné pour l'évêché de Troyes en 1742. Il est confirmé le 29 juillet et
est consacré en septembre suivant par l'archevêque de Sens Jean-Joseph Languet
de Gergy. En 1745 il obtient la commende de l'abbaye de Montebourg.
L'administration de son diocèse est particulièrement conflictuelle. « Petit
prélat constitutionnaire » selon l'expression du marquis d'Argenson, il
s'emploie à faire respecter la bulle Unigenitus. Il a de ce fait de nombreux
démêlés avec les Appelants, le chapitre de chanoines, les curés, les magistrats
et le parlement de Paris qui soutiennent les jansénistes locaux. Son
intransigeance pousse le roi à l'exiler à Méry-sur-Seine en 1755 puis à Murbach
en 1756 où il devient l'aumônier de Stanislas Leszczynski, duc de Lorraine.
Rentré dans son évêché en 1757, il décline l'offre d'un transfert à l'évêché
d'Aire pour reprendre la résistance à ses opposants. Mais le roi Louis XV le
pousse à se démettre le 28 février 1758.
Il
devient alors le dernier abbé de l'abbaye Saint-Bénigne de Dijon jusqu'à ce que
la mense abbatiale soit rattachée à celle de l'évêché de Dijon en 1775. Il
meurt en 1780 à Paris où il résidait en fait.
Il
s'est fait remarquer par ses prêches et ses oraisons funèbres qui seront
publiées en 1804 particulièrement celles de Marie-Thérèse d'Espagne (1746),
Catherine Opalinska (1747), Anne-Henriette de France (1752), Louise-Elisabeth
de France duchesse de Parme (1760) et Elisabeth Farnèse reine d'Espagne (1766).
Il prononce également un sermon lors de la prise d'habit de Louise-Marie de
France chez les carmélites le 10 septembre 1770.
90° 1758-1761:
Jean-Baptiste-Marie Champion
Il
naît le 10 février 1725 à Rennes, dans la paroisse de Saint-Aubin. Fait ses
études à Paris, obtenant un doctorat en théologie.
Le cardinal
Frédéric-Jérôme de La Rochefoucauld, évêque de Bourges, le choisit comme
vicaire général.
À
peine âgé de 21 ans, il est nommé le 24 mars 1746 abbé commendataire de
l'abbaye de Landévennec, qu'il est le dernier à posséder en commende.
Le
2 février 1758 il est sélectionné pour devenir évêque de Troyes.
Confirmé
le 2 août suivant, il est ordonné le 3 septembre 1758, étant sacré à Rome en
cette qualité par le pape Clément XIII.
Il
occupe ce siège de 1758 à 1761, le résignant le 14 février 1761 à la suite de
sa sélection pour le siège d'Auxerre.
Période de la
Révolution française
91° 1761-1790 : Claude-Mathias-Joseph de Barral
Claude-Mathias-Joseph
de Barral est l'un des quatorze enfants de Joseph de Barral, Marquis de la
Bâtie d'Arvillard, Maître de Forges et Seigneur d'Allevard, Président à mortier
du Parlement de Grenoble et de Marie Françoise Blondel. Il est le frère cadet
de Jean-Sébastien de Barral.
Destiné
comme son frère à l'Église, il effectue une longue carrière ecclésiastique.
Vicaire-général de l'archevêque d'Embrun il est aumônier du roi. De 1739 à
1773, il est prieur commandataire du prieuré de Vif. Lorsque son frère
Jean-Sébastien de Barral est nommé évêque de Castres en 1752 il lui succède
comme 60e et dernier abbé commendataire de Saint-Géraud d'Aurillac et comme
dernier Prieur également commendataire de Notre-Dame de Montdidier et du
prieuré de Saint-Pierre d'Allevard.
Il
est nommé évêque de Troyes le 8 janvier, confirmé le 16 février et sacré par
l'archevêque de Sens Paul d'Albert de Luynes le 29 mars 1761. Le 22 décembre
1790 il résigne son évêché en faveur de son neveu et coadjuteur depuis 1788
Louis-Mathias de Barral qui refuse de prêter le serment à la Constitution
civile du clergé et se démet en 1791. Lorsque ce dernier devient après le
Concordat, évêque de Meaux il le suit dans cette ville où il meurt sénile à
l'âge de 88 ans.
Franc-maçon,
Louis, Mathias de Barral fut initié à la loge « La Concorde de Sens » le 25
octobre 1777 et fut aussi membre du « Rite Ecossais Rectifié ». Il activa dans
la loge « La Bienfaisance et l’Egalité » de Grenoble dont son frère Joseph,
Marie de Barral, marquis de Montferrat était dignitaire.
Claude-Joseph-Mathias
de Barral décède le 31 janvier 1803. Taine nous apprend que ce très mondain
évêque de Troyes, possédait « la plus belle batterie de cuisine du royaume ».
Ayant
refusé de prêter le serment à la nouvelle constitution civile du clergé (1791),
émigre en Suisse le 22 décembre 1790, puis en Angleterre.
Il
démissionne le 5 octobre 1801.
Né
à Grenoble le 20 avril 1746, il appartenait à une vieille famille de maîtres de
forges d'Allevard et de magistrats dauphinois.
Il
fut initié à la loge La Concorde de Sens le 25 octobre 1777 et fut, aussi, dès
1781, membre du Rite Écossais Rectifié - il activa dans la loge La Bienfaisance
et l'Égalité de Grenoble dont son frère, Joseph Marie de Barral, marquis de
Montferrat, était dignitaire. (voir Dictionnaire de la Franc-maçonnerie sous la
direction de Daniel Ligou, PUF, 2005).
Il
entra dans les ordres et dut autant à son mérite qu'aux relations de sa
puissante famille l'avancement rapide qu'il y obtint. Attaché au cardinal de
Luynes, il le suivit à Rome et à son retour devient en 1785 agent général du
clergé. En 1787, il est « prieur commendataire du prieuré simple et régulier
Saint Jean Baptiste de Mougon, diocèse de Poitiers », tout en résidant à Paris,
« rue de Seine, hôtel de Mirabeau, paroisse Saint Sulpice ».
Son
oncle, Claude-Mathias-Joseph de Barral, le très mondain évêque de Troyes, dont
Taine nous apprend qu'il possédait « la plus belle batterie de cuisine du
royaume », l'ayant appelé près de lui comme coadjuteur, lui céda le 5 octobre
1788 son siège épiscopal.
Ayant
refusé de prêter le serment à la nouvelle constitution civile du clergé (1791),
il émigra en Suisse puis en Angleterre.
Il
rentra après le coup d'État du 18 brumaire an VIII, en prêtant serment au
gouvernement consulaire, en engageant les prêtres de son diocèse à en faire
autant, et en se démettant spontanément de son évêché pour faciliter le
Concordat de 1801. À l'origine de ce ralliement figure sans doute l'alliance de
son frère aîné, André Horace François de Barral de Rochechinard avec
Anne-Amédée de Beauharnais, fille de Fanny de Beauharnais et cousine par alliance
de la future impératrice.
Le
Premier consul lui confia aussitôt une mission de confiance et de conciliation
avec les tenants de la « petite église » dans le diocèse de Poitiers, et, après
son succès, le nomma en 1802 évêque de Meaux, puis à l'institution de l'Empire,
aumônier de la princesse Murat, et enfin archevêque de Tours entre 1805 et
1815. À cette époque, ses démêlés avec le préfet-baron de Pommereul sont restés
fameux.
Napoléon
le chargea de toutes ses délicates négociations avec le pape : il s'en acquitta
si bien que l'empereur le fit entrer le 20 mai 1806 au Sénat conservateur. Il
le créa comte de l'Empire le 11 août 1808, et lui donna le 3 avril 1813 la
grand-croix de l'ordre de la Réunion.
L'archevêque
de Tours ne se crut pas délié, par la chute de Napoléon, de ses serments et de
la reconnaissance. Il prononça l'oraison funèbre de sa cousine, l'impératrice
Joséphine, et Louis XVIII, appréciant cet acte de fidélité si rare surtout à
cette époque, l'en récompensa en le nommant deux jours après pair de France.
Le
2 juin 1815, il fut maintenu par l'empereur à la Chambre des pairs pendant les
Cent-Jours. Le même jour, il officia pontificalement à la messe du Champ-de-Mai
: il refusa toutefois de signer l'Acte additionnel aux Constitutions de
l'Empire.
Au retour de Gand, il fut « déclaré
démissionnaire » (ou plutôt révoqué par l'ordonnance du 24 juillet 1815), au
moment où il donnait lui-même sa démission, par probité politique. Il rédigea
un mémoire justificatif de sa conduite, et mourut un an après d'une attaque
d'apoplexie à Paris le 6 juin 1816.
Plusieurs
ouvrages relatifs à l'histoire ecclésiastique, et à des questions de polémique
religieuse dont : Défense des libertés de l'église gallicane, 1817.
93° 1791-1793 : Augustin Sibille, évêque constitutionnel
(L'évêque
constitutionnel est considéré comme schismatique par le Saint-Siège).
Le
décret du 2 novembre 1789, en mettant « à la disposition de la nation » les
biens ecclésiastiques, portait au diocèse de Troyes un coup très sensible.
Parti de Troyes
dès le 11 mars 1792, Mgr Louis-Mathias de Barral, précise dans une lettre aux
membres du corps électoral que « jusqu’au moment d’une heureuse conciliation
entre le sacerdoce et l’empire, il restait toujours le seul légitime évêque ».
Avant
qu’il soit procédé au vote, pour son remplacement, Sibille invite à désigner
Mgr de Barral « ce sensible et bienfaisant prélat, leur légitime pasteur ». La
légitimité du titre de Mgr de Barral est donc reconnue par celui qu’on va lui
donner comme successeur. Cette confirmation de son droit, Mgr de Barral la
renouvelle à Nangis, le 23 avril 1791, dans une « Lettre de M. l’Evêque de
Troyes à M. Sibille se disant évêque du département de l’Aube », où il rappelle
la déclaration faite par celui-ci qu’il était « le légitime pasteur de l’Eglise
de Troyes », qu’il l’est encore et ne donnera sa démission que « quand l’Eglise
la lui demandera », ce qui n’advint que le 5 octobre 1801. Le 8 juin 1791, de
Trèves, il adresse à ses diocésains les lettres de Pie VI qui condamnent le
serment constitutionnel. D’autre part, il reste en relation, par
correspondance, avec prêtres et fidèles de l’Aube.
Le
siège épiscopal ayant donc été déclaré vacant, le 12 mars 1791, par le
président du département, en raison du refus de Mgr de Barral de prêter
serment, le corps électoral du département formé de 348 électeurs (soit 1/100
des citoyens actifs) se réunit à la cathédrale, le 20 mars. Dans le cadre de
cette belle église, cette cérémonie d’un genre nouveau ne manque pas d’allure,
présidée par un grand seigneur, Athanase-Louis-Marie de Loménie, comte de
Brienne, l’assemblée composée de gens d’opinions très diverses, ayant à choisir
entre 2 concurrents : l’un modeste, presque effacé, qui n’a pas fait acte de
candidature, l’autre intrigant qui a manœuvré de toutes manières. Cette
assemblée paraît, pour le moins, un peu déconcertée. Surprise ou timidité, elle
hésite entre les 2 candidats qu’on lui propose. Le premier scrutin n’ayant pas
été concluant, le lendemain, les électeurs, par 243 voix sur 334 votants,
désignent le curé de Saint-Pantaléon (1751-1791), Augustin Sibille, comme
évêque du département.
Le
nouvel élu est un troyen. Son concurrent, Jean-Baptiste Blampoix, curé de
Vendeuvre, est un étranger, né à Mâcon, qui n’est agrégé au diocèse que depuis
21 ans, intelligent, mais de moralité moins évidente.
Curé de
Saint-Pantaléon depuis 40 ans, Sibille avait réputation d’homme doux et
bienfaisant et « tout indique que ses mœurs étaient à l’abri du soupçon, mais
d’une intelligence médiocre, faible de volonté… un de ces hommes qui n’ont pas
de vie personnelle et suivent tranquillement le courant de leur temps ».
L’épiscopat de Sibille va justifier ce jugement. Il sera l’homme qui laisse
faire.
Sacré
le 3 avril par Gobel, l’évêque constitutionnel de Paris, et installé le 17, il
compose son conseil, formé de 9 vicaires épiscopaux et des supérieur et
directeurs du Grand Séminaire. On y rencontre à côté de révolutionnaires
déterminés, des assermentés réticents. Il en sera de même pour les paroisses de
la ville et du diocèse lorsque, dès la fin de 1791, des conflits éclatent entre
les curés assermentés et les prêtres réfractaires qui font valoir le droit que
leur a donné le décret du 7 mai de célébrer la messe dans les oratoires :
Sibille s’abstient de prendre parti et s’en remet aux marguilliers des
paroisses.
Le
rôle essentiel de Sibille paraît être de figurer aux cérémonies patriotiques,
fût-ce même de célébrer la messe, place Saint-Pierre, sur un autel où le buste
de Mirabeau brûle de l’encens, de bénir des drapeaux, de présider dans les
jardins de l’évêché un repas civique offert par la Société des Amis de la
Constitution aux soldats indisciplinés d’un régiment, ou de recevoir à dîner
les commissaires de la Convention.
Il
ne dira pas un mot, ne fera pas un geste pour protester contre les mesures anti
chrétiennes de la Législative, toujours passif
devant les désirs du pouvoir, il déposera sur le bureau du comité
révolutionnaire ses lettres de prêtrise, le 17 novembre 1793. Ce geste
constituait une apostasie et une renonciation à sa fonction épiscopale. S’en
rend-il compte ?
Il
ne semble pas. D’ailleurs, il n’a même plus l’usage de l’évêché, signe
extérieur de sa fonction. On le lui a retiré en juillet 1792, pour en faire un
hôpital militaire, un lieu de détention et un casernement. Alors il renonce à
tout exercice du culte, se confine dans un silence qui est plus que de
l’apathie : une lâcheté.
De
cette apathie il ne s’éveille un moment qu’en 1797 pour solliciter de rentrer
en possession de la cathédrale que les lois conciliantes de 1795 ont rendue
aussi bien aux catholiques qu’aux autres cultes, ce qui lui est concédé sous
d’humiliantes conditions d’horaire et de jours et ce commentaire brutal que ce
n’était pas au « soit disant évêque du diocèse » que cette faculté était
accordée, mais à titre d’ecclésiastique comme les autres.
Ce
revirement ne lui ouvre pas les yeux, ne provoque aucune réaction généreuse.
Jusqu’au bout il reste l’homme qui laisse faire, car rien n’indique qu’il ait
reconnu son erreur avant de mourir.
Les
directeurs lazaristes du Grand-Séminaire ne purent affirmer longtemps leur
fidélité. Dès le 7 juin, Sibille obtient du directoire du district leur renvoi
et les remplace par trois assermentés.
La
suppression des registres paroissiaux de baptêmes, mariages et enterrements, la
disjonction du contrat matrimonial et de la bénédiction nuptiale provoquèrent
de nombreuses résistances. Sibille, de plus en plus embarrassé de son rôle,
avait écrit à certains prêtres : « N’ayez plus de registres… Ne publiez plus de
bans… Je m’en rapporte à votre prudence ».
Le
24 novembre 1793, le commissaire Rousselin (voir ce chapitre) avait décrété que
« les maisons nationales, reconnues précédemment sous le nom d’églises, seraient fermées ». L’évêque
Sibille et ses vicaires épiscopaux
accueillent cette décision, comme les précédentes, avec une docilité que l’on
ne réussit pas à expliquer.
Après
la mort de Robespierre (27 juillet 1794), la loi du 21 février 1795 sur la
liberté des cultes, puis le décret de réouverture des églises le 30 mai,
semblent avoir mis fin aux luttes. D’ailleurs, le nouveau serment dit de
Liberté-Egalité qui est exigé en mai 1795 est prêté par Sibille et avec lui,
par la plupart des prêtres constitutionnels.
Jusqu’au
bout Sibille reste l’homme qui laisse faire, car rien n’indique qu’il ait
reconnu son erreur avant de mourir le 11 février 1798, dans la maison qu’il
possédait rue de la Clef-de-Bois (rue François Gentil), sur le territoire de
son ancienne paroisse de Saint-Pantaléon.
Jean-Baptiste
Blampoix, curé de Vendeuvre (1798-1801)) est désigné comme successeur par 6
voix contre 4 à Nicolas Bluget curé des Riceys. Il est sacré à paris le 4
novembre 1798. Il décède réconcilié le 18 juin 1820.
Le
premier évêque du nouveau diocèse sera Mg Marc-Antoine de Noé qui, dans ses
mandements ne s’intitulera qu’« Evêque de Troyes » conformément aux textes
pontificaux.
94e 1798-1801 :
Jean-Baptiste Blampoix, évêque constitutionnel
Jean-Baptiste
Blampoix est né à Mâcon. Après ses études il devient professeur de philosophie
au collège de la cité. En 1772 il devient curé de Longpré-le-Sec dans le
diocèse de Langres puis de Vendeuvre-sur-Barse près de Troyes mais dépendant du
même diocèse. En 1789 il est l'un des membres de la commission chargée
d'établir le cahier de doléance de Bar-sur-Aube. L'année suivante il est membre
de l'administration du district, il prête le serment à la Constitution civile
du clergé et reste curé constitutionnel de sa paroisse. En 1793 il cesse
d'exercer de facto son ministère jusqu'en 1795.
Après
la mort d'Augustin Sibille, dans l'impossibilité de rassembler un collège de
prêtres suffisant pour procéder à une nouvelle élection, le métropolitain
Jean-Baptiste Royer le nomme évêque constitutionnel du département de l'Aube et
le sacre à Paris le 4 novembre 1798. Il prend possession de son diocèse le 4
janvier 1799 mais ne peut s'installer à Troyes et demeure dans son église
paroissiale de Vendeuvre-sur-Barse. Il tente néanmoins de mettre en place une
réforme administrative du diocèse qui est considérée comme attentatoire aux
droits de l'État et il n'échappe à l'arrestation qu'à la suite d'une nouvelle
élection à l'assemblée départementale. Il se heurte également au clergé
réfractaire très présent qui organise des campagnes calomnieuses contre lui. Il
assiste au Concile de 1801 où il tente de jouer un rôle de modérateur en
appelant à la réconciliation.
Après
le Concordat de 1801 il se démet et Henri Reymond l'évêque concordataire de
Dijon le nomme curé d'Arnay-le-Duc, fonction dont il ne prend pas possession.
Il se retire alors dans sa famille à Mâcon où il rencontre en 1804 le pape Pie
VII lors de son passage dans la ville. Il meurt à Mâcon le 18 juin 1820 après
avoir fait une « rétractation expresse de ses erreurs » entre les mains d'un
prêtre délégué par l'évêque d'Autun.
95e 1802-1802 :
Marc-Antoine de Noé
Marc-Antoine
Noé est issu d'une famille de Gascogne. Il est le 3e fils de Marc-Roger de Noé
(1673-1733), baron de L'Isle en Armagnac, colonel du régiment de son nom,
brigadier des armées du roi et commandant de la province de Guyenne et de
Marie-Charlotte Colbert de Saint-Mars (1692-1767) (petite fille du grand
Colbert). Il est le cousin germain du comte Louis-Pantaléon de Noé.
Destiné
à une carrière ecclésiastique, il reçoit en commende l'abbaye de Simorre dans
le diocèse d'Auch en 1756 puis il devient grand-vicaire de l'évêque d'Albi puis
de l'archevêque de Rouen. Député à l'Assemblée du clergé de 1762 et il est
nommé évêque de Lescar le 1er janvier, confirmé le 16 mai et sacré le 12 juin
1763 par Dominique de La Rochefoucauld. Il est l'un des quatre prélats qui
refusent d'adhérer aux actes de l'Assemblée du clergé de 1765 sur la Bulle
Unigenitus.
Marc-Antoine
de Noé est parmi les évêques à qui le roi ordonne de résider dans leur diocèse
en octobre 1784. Il fait éditer en 1788 son Discours sur l'état futur de
l'Église, destiné à l'origine à être prononcé lors de l'assemblée du clergé de
1785 et qui avait été refusé et sera jugé a posteriori comme prémonitoire.
Député du clergé de Béarn aux États généraux de 1789 il ne siège pas et se
retire dans son évêché. Il refuse la Constitution civile du clergé et il doit
quitter son évêché qui est supprimé lors de la nomination comme évêque
constitutionnel des Basses-Pyrénées de Barthélemy-Jean-Baptiste Sanadon le 2 mars
1790
Il
émigre d'abord en Espagne en 1791 puis en Angleterre où il publie ses œuvres et
où il réside jusqu'au Concordat de 1801.
Rentré
en France il accepte alors de se démettre officiellement de son évêché de
Lescar et il est nommé évêque de Troyes par décret, le 9 avril 1802
On
dit de lui que " ses vertus sont si douces et si contagieuses, qu’il lui
suffit de se montrer pour pacifier le diocèse et s’attirer tous les cœurs … il
a laissé des regrets profonds et une réputation d’orateur si bien établie…".
La Société Académique de l’Aube apprécie vivement Mgr de Noé.
Le
Préfet de l'Yonne dit de lui " Homme de science et de paix... éloge
touchant de sa conduite lors de l'épizootie qui ravagea son ancien
diocèse..." En effet, sa lettre pastorale sur l’épizootie qui ruina le
Béarn est le plus pressant appel que l’on n'ait jamais fait à la bienfaisance
publique. C’est un exemple de ce que peut le cœur, joint au talent, pour
ennoblir les détails les plus vulgaires, et élever le sujet le plus commun
jusqu’à la plus haute et la plus touchante éloquence.
Homme
de talent, il est placé au premier rang des orateurs, après son triomphe pour
son premier sermon pour la bénédiction des guidons du régiment de dragons du
roi, le 28 septembre 1781, à la cathédrale d'Auch, où il exalte le courage militaire au service de la patrie.
Lorsqu'il rentre d'Angleterre où il a émigré, il est un des premiers à donner
sa démission pour répondre à l'invitation que Pie VII, acquiesçant au désir du
Premier Consul, adresse aux anciens évêques.
Le
talent de Mgr de Noé tire son double caractère de ses fortes études, et "
de la divine bonté que Dieu a mise au fond de son cœur ".
Sa
passion pour les écrivains de l’antiquité paraît excessive à ses supérieurs. Le
Directeur du séminaire où il étudie, le trouvant un jour occupé de la lecture
de Sénèque lui dit : " Monsieur de Noé, celui-là ne vous conduira pas à un
évêché ". " Non, répond M. de Noé, mais il me consolera de n’y être
point parvenu ".
" Le
commerce des grands esprits de la Grèce et de Rome, laissa à Mgr de Noé,
l’empreinte indélébile du bon goût et d’une saine philosophie. La sensibilité
de son cœur y mêla quelque chose de tendre, d’affectueux, d’ému qui
caractérisait son éloquence ".
Son
discours sur l'état futur de l'Eglise, composé pour l'Assemblée générale du
clergé de 1785 est un cri prophétique adressé à l'Eglise de France, qui
s'endormait dans la mollesse, et au peuple aveuglé qui " traînant avec un
faible reste de christianisme, semble n’attendre que le moment de la tentation
pour s’en défaire et se livrer aux derniers excès ".
S’adressant
au préfet de l’Aube, il fait l’éloge de ce fonctionnaire avec convenance et
délicatesse, définissant le problème, toujours brûlant de nos jours : les
rapports qui doivent unir, pour un même but, le pouvoir religieux et le pouvoir
civil.
Il
meurt le 22 septembre 1802.
Par
une étrange coïncidence, ce même jour, le ministre Portalis lui écrit que le
Premier Consul, pour " prouver combien il est satisfait de sa conduite
", a demandé au pape de lui attribuer l'un des 4 chapeaux cardinalices
qu'il vient d'accorder en France. Il a été le premier de nos évêques honoré de
cette dignité.
Les
historiens disent de lui : " sa pensée grave et attendrie, son style noble
dans sa simplicité, son ton de vérité, de philosophie, de charité, protègeront
toujours contre l’oubli et sa mémoire et ses écrits ".
96e 1802-1807 :
Louis-Apollinaire de la Tour du Pin-Montauban
Né
le 13 janvier 1744 de Louis de la Tour du Pin, comte de Montauban, brigadier des armées du roi et 1er écuyer du
duc d’Orléans et de Marie-Olympe de Vaulserre des Adrets.
Dès
ses plus jeunes années, « ses qualités et ses vertus font entrevoir les plus
belles espérances ». A 34 ans, il est nommé évêque de Nancy (1777), où il se
révèle « un saint prélat ». Il entreprend à pied, la visite de son diocèse, où
il fait beaucoup de réformes. Les pauvres, les abandonnés sont les premiers
objets de sa sollicitude. L’estime et l’affection de ses diocésains
récompensent ses vertus et ses bienfaits, et, dans une émeute, c’est lui qui
calme l’effervescence populaire. Il succède en 1783 à Mgr d’Apehon, archevêque
d’Auch, à son décès.
Il
se consacre tout entier aux intérêts de son diocèse, agissant en toutes choses,
en sage et actif administrateur. « Par ses mœurs douces, sa piété profonde et
la bonté de son cœur, il est l’édification et la joie de son peuple ».
Le
28 novembre 1790, environ un tiers des prêtres députés prêtent serment. Lui,
refuse. Dénoncé pour ses écrits et ses discours « tendant à soulever le peuple
contre la loi », il est ajourné, par ordonnance du 24 décembre, à comparaître
en personne devant le tribunal du district. Il est civilement déchu de son
titre et de ses fonctions. Il continue de protester, signant, comme de coutume,
Louis-Apollinaire Archevêque d’Auch. Le 2 août 1791, le tribunal le décrète de
prise de corps. Mais, à cette date, le prélat fugitif, trompe la vigilance de
la police et réussit à mettre les Pyrénées entre lui et ses persécuteurs. Il
est libre, mais proscrit.
Le
prélat se fixe d’abord dans le Val d’Aran avec l’évêque de Tarbes et celui de
Lavaur. Il y fait une ordination à laquelle prend part un grand nombre de
jeunes gens venus des diocèses français limitrophes. Le gouvernement jacobin de
Paris s’en émeut et fait des représentations au cabinet de Madrid. Les 3
évêques reçoivent l’ordre de s’éloigner de la frontière et de pénétrer plus
avant dans l’intérieur. Le Concordat est signé en 1801, et Mgr de la Tour du Pin
rentre en France début 1802.
Le siège épiscopal de Troyes devient vacant au
décès de Mgr de Noé. Il est proposé à Mgr de la Tour du Pin qui ne l’accepte
qu’à condition que l’abbé Fournier (dont il fera son vicaire général à Troyes),
alors détenu à Turin, soit élargi. Son crime était d’avoir flétri, en chaire,
les forfaits de la Révolution. Le ministre de la police, Fouché, ex-oratorien
et régicide, s’était senti atteint par cette parole enflammée, et, pour
l’étouffer et se venger, il avait fait enfermer l’orateur à Bicêtre, parmi les
fous, et de là, l’avait fait transférer à la citadelle de Turin. En décembre
1802, Bonaparte signe une lettre le libérant.
Mgr
de la Tour du Pin arrive à Troyes le 22 décembre, et prend possession de son
siège le 6 février 1803. La Révolution ayant fait table rase des institutions
anciennes, l’archevêque évêque de Troyes assume une charge très pesante et fort
compliquée, tout est à relever et organiser. Il nomme Claude Arvisenet en 1804,
vicaire-général honoraire.
Sans
cesser jamais d’être bon et doux, Mgr de la Tour du Pin est ferme, intrépide,
au milieu des plus graves difficultés et en face des périls les plus menaçants.
Son administration est laborieuse, pendant les 5 années qu’il gouverne l’église
de Troyes. Son œuvre principale est l’unification et l’organisation des 3
diocèses placés sous sa juridiction. Ses prêtres l’aiment comme un père, les
fidèles reconnaissent en lui la vivante image du bon pasteur.
Mgr
de la Tour du Pin travaille, sans bruit, mais « avec suite et fermement, à
assurer les intérêts religieux dans son diocèse ». Il prend des mesures de
prudence contre les anciens et nombreux constitutionnels qui avaient demandé à
rentrer dans les rangs du clergé paroissial. Par lettres circulaires, il
recommande avec insistance aux curés, l’instruction religieuse des enfants,
particulièrement des pauvres, et la formation de la jeunesse à la vie
chrétienne. Les pauvres de la ville de Troyes, devenus une multitude, par suite
de la disette, sont largement assistés par notre prélat. Il crée l’association
des Dames de Charité pour leur distribuer des secours. Il constitue le bureau
de secours aux incendiés, institution d’autant plus précieuse, que les
compagnies d’assurances n’existent pas encore, et que l’idée en est sortie de
ces mesures de prévoyance, qui ne tardèrent pas à se généraliser.
En
1805, Mgr de la Tour du Pin reçoit, dans son palais épiscopal, à 4 jours de
distance, les 2 plus hauts personnages
de l’époque, d’abord l’Empereur, ensuite le Pape Pie VII. Le couple impérial
fait son entrée solennelle à Troyes le 2 avril. Le bâtiment épiscopal, seul
bâtiment assez vaste pour recevoir Leurs Majestés, est offert, mais comme tout
s’y ressent encore des ravages de la Révolution, il faut le réparer à la hâte,
et presque tout entier. L’aile faisant face au levant est destinée à recevoir
l’empereur, celle regardant le midi, est préparée pour l’impératrice. Leurs
Majestés entrent dans la ville « au bruit des acclamations universelles, des
coups de canon et du son de toutes les cloches de la ville ». Le clergé de
chaque paroisse en habits sacerdotaux, est placé sur le passage de Leurs
Majestés. Celui de la cathédrale, ayant à sa tête notre Archevêque-évêque de
Troyes, est rangé sous le parvis de la cathédrale, où l’Empereur le salue «
d’un air très affectueux ». Le 3, à 9 h, Sa Majesté donne audience aux
autorités et aux fonctionnaires publics. Il reçoit d’abord tout le clergé de la
ville et dit : « Je vous recommande, messieurs, de prêcher, avec la morale de
l’Evangile, la soumission aux lois et le paiement des contributions, de prier
et de faire prier Dieu pour moi... Imitez l’exemple que votre évêque vous
donne, et tout ira bien… ». Napoléon fait don à Mgr de La Tour du Pin d’un très
bel anneau pastoral et d’une boîte en or rehaussée de son portrait et enrichie
de diamants. Il le nomme chevalier, et bientôt après, officier de la Légion
d’honneur, puis le fait entrer dans le collège électoral du département de
l’Aube. Peu de temps avant sa mort, le digne prélat est désigné par ce corps
comme candidat au Sénat.
Le
6 avril, le Pape arrive à Troyes. Mgr de la Tour du Pin, Archevêque-évêque de
Troyes, à la tête de tout le clergé de la ville, reçoit Sa Sainteté sous le
parvis de son église cathédrale. En pénétrant dans l’église, le Saint-Père
s’écrie : « Che é bella ! » (qu’elle est belle). Entrant dans l’évêché, il y
prend le logement qu’a occupé l’empereur. Le 7, tout le clergé de la ville et
des environs, toutes les autorités constituées, et une foule innombrable se
rendent à la cathédrale, où le Saint-Père dit une messe basse. « Une foule
immense n’a pu entrer dans l’église ». Il part le 8 : « La place et les rues
par où il passe sont remplies d’une foule de peuple… La ville de Troyes vit ce
qu’elle pouvait jamais voir de plus grand. La concorde du Sacerdoce et de
l’Empire, parut aux yeux d’un peuple émerveillé, dans toute sa réalité et dans
tout son éclat….».
Mgr de la Tour du Pin décède dans son palais épiscopal le 28 novembre 1807, d’une attaque d’apoplexie. « Le Moniteur » parle « des vertus éminentes de ce prélat, de sa charité envers les pauvres, de sa bonté envers tous et de la sagesse de son administration, qui lui avaient concilié l’amour et la vénération de tous ses diocésains ». On sait maintenant avec quel courage il a résisté aux entreprises sacrilèges de la Révolution et tenu tête au schisme : « Nous ne croyons pas exagérer, en disant que son intrépidité s’éleva jusqu’à l’héroïsme ».
Ordonné
prêtre en 1771 à l'âge de 23 ans, il entame également une carrière littéraire.
Son
premier succès eut les suffrages de l'Académie de Besançon pour son discours :
Il n'y a pas de meilleur garant de la religion. Il vient ensuite à Paris, attaché
aux paroisses de Sainte-Marguerite et Saint-Germain-l'Auxerrois.
Il
se fit connaître dans la capitale par un concours pour L'Éloge du Dauphin, le
père de Louis XVI, couronné d’un prix de la société des Amis de la Religion et
des Lettres.
Il fut sur de
faux rapports frappé d’interdit par l'archevêque Christophe de Beaumont, qui
refusa de donner les raisons de cette rigueur. Il alla jusqu’à tenter d’enlever
au prêtre censuré son prix, mais la société qui avait institué le concours
résista. L’archevêque réussit tout de même à faire enfermer trois mois le lauréat
à la prison Saint-Lazare.
La
mort de Beaumont mit un terme à cette situation et ouvrit la voie des honneurs.
L’abbé de Boulogne devint successivement archidiacre, puis vicaire général de
Châlons, et reçut le titre prédicateur du roi.
À
la suite de son discours d'ouverture à l'assemblée provinciale de Champagne, il
reçut, de l'évêque d'Autun Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, détenteur de
la feuille des Bénéfices, l'abbaye de Tonnay-Charente.
Il fut élu
député du clergé pour la paroisse parisienne de Saint-Sulpice à l'assemblée
baillagère de Paris en 1789.
Opposé
aux décrets de l'assemblée constituante sur le clergé, il refusa le serment à
la constitution civile du clergé. Il n’émigra pas pour autant, et fut arrêté
trois fois pendant la Terreur. Il est condamné à la déportation, au 18
fructidor, pour avoir attaqué les doctrines théophilantropiques de La
Révellière-Lépeaux, mais il réussit à se cacher.
Il
adhéra au concordat de 1801 avec un empressement dont le premier Consul lui sut
gré. Nommé chanoine de la cathédrale de Versailles et grand vicaire de Charrier
de La Roche, évêque de Versailles, Napoléon Ier le nomme à la Grande Aumônerie
en tant que chapelain ordinaire en 1806.
Appelé
à l'évêché d'Acqui Terme dès 1807, il refusa, ne sachant pas parler l'italien.
Nommé
à l'évêché de Troyes le 8 mars 1808, confirmé par la curie romaine le 11
juillet 1808, il fut sacré évêque de Troyes le 2 février 1809 par le cardinal
Joseph Fesch, Grand Aumônier de France, assisté par Louis Charrier de La Roche,
évêque de Versailles, Maurice Jean Madeleine de Broglie, évêque de Gand.
Il
fut créé baron de l'Empire le 5 octobre 1808.
L'Empereur
n'eut pas de plus enthousiaste panégyrique : les mandements de l'évêque de
Boulogne le représentait comme « un Cyrus conduit par la main de Dieu, et
appelé dès le commencement des siècles pour relever les ruines du temple et
rendre au sacerdoce toute sa majesté ».
Cependant,
pour avoir trop embrassé la cause du pape Pie VII, captif au concile convoqué à
Paris en juin 1811, il fut suspendu et mis au secret au donjon de Vincennes. On
exigea en vain sa démission, après quoi il fut exilé à Falaise (Calvados).
Libéré
à la chute de l’Empire, il n’en resta pas moins à la marge de la Première
Restauration. Il se retira à Vaugirard pendant les Cent-Jours.
Le
21 janvier 1815, il prononça à la basilique de Saint-Denis l'oraison funèbre de
Louis XVI, payant sans retard à la Restauration cette dette de reconnaissance
par l'Instruction pastorale sur l'amour et la fidélité que doivent les Français
au roi.
Il reprit
possession du siège de Troyes en avril 1816. Le gouvernement de la Restauration
le nomma en 1817 à l'archevêché de Vienne, mais le nouveau concordat
qu'envisageait Louis XVIII n’ayant pas eu de suite de la part du Saint-Siège,
cette nomination resta lettre morte. On l'en dédommagea en l'élevant à la
pairie le 31 octobre 1822.
Autorisé,
le 25 février 1825, à porter le titre d'archevêque à titre personnel, il mourut
d'une attaque d'apoplexie le 13 mai 1825 à Paris et fut enterré au cimetière du
Mont-Valérien à Suresnes2. Charles X refusa le transfert de sa dépouille à
Troyes, malgré les demandes du clergé local.
Lors
de la construction des fortifications de Paris, son corps, réclamé par le
clergé de Troyes, fut inhumé dans le caveau des évêques de la cathédrale le (11
mai 1842).
98e 1826-1843 : Jacques-Louis-David de Seguin des Hons
Ce
Prélat fut un de ceux qui fut le plus sage, le plus regretté dans le diocèse de
Troyes. Fils de messire Jacques-Louis de Seguin-des-Hons, capitaine au
régiment, Jacques-Louis-David nait le 30 octobre 1760 à 6 h du matin à Castres,
dans un midi riche en gallicans de marque. Il est baptisé le 31 octobre. Il va
au collège de Sainte Barbe, puis à 22 ans, entre dans les ordres. Quatre ans
plus tard, il est licencié en théologie à la Sorbonne, et on lui confère la
prêtrise en 1786. Vicaire général de l'évêque d'Agen en 1789, il émigre en
Espagne et y vit dans l’intimité de Mgr de la Tour du Pin, à l’abbaye de
Montserrat. A son retour, il occupe la petite cure de Cadix, dans le Tarn, puis
celle, beaucoup plus importante, de Saint Pons, dans l'Hérault. Il y demeure
jusqu'en 1819 et devient vicaire général de Mgr Fournier, évêque de
Montpellier. Il passe ensuite à l'archevêché d'Albi, toujours avec le titre de
vicaire général, et y demeure jusqu'en 1825. Il devient alors évêque de Troyes,
les 4 et 17 mars 1826 en remplacement de Mgr De Boulogne. Il reçoit la
consécration épiscopale l'année suivante des mains de Mgr De Frayssinous, en
l'église de la Sorbonne.
Il
installe le Petit Séminaire en 1831 dans l’ancien domaine des Antonins, puis
des Ursulines, à Saint-Martin-ès-Vignes. Il crée en 1833 l’œuvre des « Messes
post Obitum », pour les prêtres défunts. En 1837, rétablit les « Conférences ecclésiastiques »
instaurées en 1650, par Mgr Malier :
réunion des prêtres d’un même doyenné, où ils étudient les questions de
théologie dogmatique, morale, pastorale, la liturgie ou l’histoire. Il fut un
modèle de bonté et de zèle pastoral pendant tout son épiscopat. Avec cet
évêque, l’occasion se présentait de se conformer aux règles formulées par Pie
V, en 1568, en vertu desquelles le bréviaire romain devait être adopté par
toutes les Eglises en pouvant se prévaloir d’un usage de 200 ans au moins.
C’était le cas du bréviaire troyen de 1770 et, néanmoins, Mgr de Séguin des
Hons se contente, en 1828, de le rééditer, tout en lui apportant des
changements. De même fait-il imprimer, en 1829, des « Heures latines », sorte
de paroissien latin-français à l’usage des fidèles, et, en 1835, un « Graduel
», un « Antiphonaire » et un « Psautier », sans se préoccuper autrement de
l’usage romain.
Dans
son éloge funèbre à « l’Illustrissime et Révérendissime père en Dieu,
Jacques-Louis-David de Seguin-des-Hons », l’abbé Roisard, Chanoine, Vicaire
général capitulaire dit : «… notre illustre Pontife était la douceur
évangélique, qui se révélait sur son visage, entourée des vertus qui sont ses
compagnes nécessaires… Tous ceux qui l’ont connu, célébré, ne l’ont-ils pas
proclamé << le plus aimable de tous les Saints >> ? Comme pour
saint Grégoire-le-Grand, nous pouvons dire que << son attentive politesse
égalait son inépuisable charité >>… Vous étiez sûrs d’être accueillis
avec intérêt, avec amitié. Sa plus douce jouissance était de vous voir, de savoir
par lui-même l’état de vos paroisses, vos peines, vos consolations, vos
craintes, vos espérances… Notre bien-aimé prélat, au temps de la terrible
épreuve de l’apostasie, fuyant de ville en ville, mendiant le pain de
l’indigence, bégayant un idiome nouveau, achetant au prix des peines, des
fatigues et des privations de l’exil, le droit de rester fidèle à l’Eglise…
L’Espagne fut la contrée qui lui donna un abri contre l’orage, et où il alla
attendre des jours meilleurs. Quels bons souvenirs il conservait de ces bons
Catalans si pauvres, et pourtant si hospitaliers ! Comme il aimait à nous
peindre leur foi vive, leur piété simple, leurs cérémonies dramatiques comme
dans notre moyen-âge… Notre Pontife quitte les lieux qui lui sont chers,
Montpellier, Albi, où il fut le conseiller, l’âme du conseil de plusieurs
évêques, et d’où il emporte les regrets et l’affection de tous ceux qui l’ont
connu… Le caractère principal de son administration était la patience. Il ne
voulait pas provoquer les mesures, il aimait attendre que les circonstances
semblassent les indiquer, et alors il était habile à en profiter… Il savait
bien pénétrer les hommes… D’un esprit juste et prompt, il saisissait au premier
coup d’œil la portée d’une affaire, et toutefois il voulait y réfléchir, et ne
se hâtait jamais de se prononcer. Il aimait à la discuter. Découvrant le côté
faible des meilleures choses, il prévoyait toutes les difficultés et les
objections que pouvaient soulever les décisions les plus sages…
Notre
Pontife trouvait sa force dans sa patience, il n’était pas timide, mais prudent. Il n’était pas faible, mais
charitable et doux. Il n’a jamais été le jouet des événements ni des hommes,
mais une sagesse supérieure à nos faibles et courtes vues l’a constamment
dirigé dans sa marche… Il a vu quelquefois les hommes s’agiter, se remuer
au-dessous de lui : il a conservé le calme de son noble caractère, et, sans commotion, sans
scandale, il n’a voulu tout obtenir que par la patience… A tous ceux qui sont
revêtus de l’autorité il disait : tenez-vous dans les bornes du pouvoir qui
vous a été confié, demeurez dans vos limites propres, ne les franchissez
jamais, et là, exercez l’autorité qui vous appartient, dans toute l’étendue,
dans toute la latitude de la charité…
De
là le bonheur de ses relations avec la puissance publique, avec
l’administration provinciale, de là surtout son profond respect pour le saint
Siège, et son inviolable soumission à l’autorité et aux moindres décisions du
successeur de Pierre… Comme sa voix était insinuante ! Comme elle parlait au
cœur ! Quelle délicatesse ! Quel à-propos ! Quelle consolation ne répandit-elle
pas !... Rappelons sa construction du petit séminaire, l’entretien des frères
des écoles chrétiennes avec le concours du conseil municipal, les secours pour
les prêtres infirmes, la fondation régulière des sœurs de la Providence de
Troyes, la Conférence de saint Vincent-de-Paul, le commencement de l’œuvre des
sœurs gardes-malades d’Arcis-sur-Aube, d’autres établissements religieux à
Brienne, à Bar-sur-Aube, les Incurables, les ouvroirs des sœurs, et combien
d’autres œuvres utiles, charitables, pieuses, fondées, établies, encouragées,
soutenues par son autorité et ses dons ! Et que dire de ses aumônes ? Toutes
les misères avaient un égal droit à l’épanchement de ses dons. Les vieillards
infirmes, la veuve indigente et chargée de famille, le pauvre voyageur, l’exilé
privé des ressources de la patrie, et combien encore chaque jour, les uns ou
les autres, et plus souvent tous ensemble, participaient à ses aumônes !... »
Atteint
d’un mal implacable, avec de grandes souffrances, il s’éteint le 31 août
1842.
Le
16 mai 1828, il s’était fait ouvrir le tombeau de sainte Maure et avait trouvé
les reliques, avec les sceaux et les inscriptions sur d’antiques parchemins.
Le
Musée de Troyes possède son buste..
99e 1844-1848 :
Jean Marie Mathias Debelay
Jean-Marie-Matthias
Debelay est né à Viriat (Ain) le 24 février 1800 d'une famille honorablement
connue. Il fit, au collège de Bourg-en-Bresse, ses classes de latinité. Il
terminait sa théologie en 1823, au séminaire de Saint-Irénée, lorsque l'ancien
diocèse de Belley fut rétabli et distrait du diocèse de Lyon, dont il faisait
alors partie.
Une
ordonnance royale l'appela sur la fin de 1843 à l’évêché de Troyes, et il fut
consacré le 10 mars 1844 par l'archevêque de Paris. En 1848, il fut promu à
l'archevêché d'Avignon.
Pierre-Louis
Cœur naît à Tarare en 1805. Voué par goût autant que par l’ordre de ses
supérieurs au ministère de la parole, à 27 ans, il prêche un magnifique sermon
sur la communion, à Saint-Jean de Lyon. Dans cette même ville, il donne la
station du carême, devant une église comble et passionnée.
Ensuite,
il y a peu de villes en France, y compris Paris, où il ne fait entendre les grands
enseignements de l’Evangile Partout, il attire un auditoire immense, mais
surtout " les classes intelligentes que charment la poésie de son style,
la profondeur de sa pensée, et cet accent de conviction passionnée qui remue
profondément les âmes ".
Jeune alors, et
" plein de la sainte folie de la croix, l’abbé Cœur, en chaire, est plein
de dignité. Sa voix onctueuse et sympathique pénètre jusque dans les parties
les plus reculées de nos vieilles basiliques. "
On
compare alors dans les journaux et dans les revues, son éloquence à celle de
saint Jean Chrysostome.
Dans cette
période de sa vie, il compose des discours sur les principaux mystères, sur les
peines de l'enfer, sur la parole évangélique, sur les mauvaises lectures, sur
la charité, sur le respect humain...
On
lui donne la chaire d'éloquence sacrée à la Sorbonne. " Il fallait voir
l'effet immense produit par le nouveau professeur, non seulement sur la
jeunesse des écoles, mais encore sur les hommes de la plus haute intelligence
et de la plus grande renommée, qui se pressaient autour de sa chaire". Il
fallait qu'il interdise absolument les applaudissements toujours prêts à
éclater.
Pierre-Louis
Cœur occupe la chaire d'éloquence sacrée pendant 6 ans. C'est la période la
plus heureuse de sa carrière. C'est alors qu'il se crée d'illustres amitiés qui
firent l'honneur de sa vie.
En
1848, il quitte la Sorbonne pour le siège de Troyes. Il se défend d'un honneur
si redoutable à ses yeux. Il se retire à la campagne pour se préparer à son
sacre en 1849.
Pendant
la cérémonie qui le fait prince de l'Eglise, il ne peut étouffer ses sanglots
et l'autel est trempé de ses larmes. Ses discours sont imprimés et "
occupent une place d’honneur dans les bibliothèques où ils sont lus et relus
".
Lors
d’un discours prêché à la cathédrale pendant la Semaine Sainte, " il
trouve les accents les plus saisissants et adresse à son troupeau l’appel le
plus pathétique. L’impression est vive et profonde ".
A
l’occasion de la bénédiction de la cloche de la chapelle de l’Hôtel-Dieu, dont
il est le parrain, la Société Académique écrit : " Ce fut pour Mgr Cœur,
l’un de ces jours d’inspiration, rares même pour le génie, où l’esprit divin
vous touche et vous élève à des hauteurs inaccoutumées. Dans une improvisation
enflammée, l’orateur demanda aux sociétés païennes compte de ce qu’elles
avaient fait pour le pauvre et pour l’affligé. Il prouva quelles avaient été
sur ce point, capital pour l’humanité, la sécheresse et l’impuissance de leurs
institutions publiques, ainsi que le manque absolu, parmi elles, de la
bienfaisance privée. Puis, montrant le sentiment de la fraternité et de la
charité se levant sur le monde avec le Christ, il déroule le magnifique tableau
de ce flot toujours croissant de générosités et de fondations charitables… Il
dit les prodiges accomplis par les associations chrétiennes, par les ordres
charitables d’hommes et de femmes, leur dévouement relevant les ruines de
l’invasion des barbares, adoucissant les rudes mœurs de la féodalité,
s’interposant dans les luttes implacables du moyen-âge…".
"
Il y avait dans Mgr Cœur, une impuissance touchante à contenir les sentiments
qui l’oppressaient, lorsqu’il parlait sur des sujets attendrissants. L’émotion
faisait trembler sa voix, les pleurs troublaient son regard, et, il semblait
prêt à succomber sous le poids de son inspiration. Cela donnait à son éloquence
je ne sais quoi de pénétrant et d’irrésistible… ".
Mgr
Cœur avait dans son style, l’ampleur de la majesté des prophètes, jointe à une
sensibilité ardente et à une sorte de pieuse tristesse qui s’accompagnait bien
avec sa devise : " souffrir et compatir "
Il
décède au château de Charmont-sous-Barbuise (résidence
d’été des évêques de Troyes - Aube) en 1860 et est inhumé à la cathédrale
de Troyes.
101e 1860-1875 :
Emmanuel-Jules Ravinet
Après
avoir fait des études littéraires au collège Stanislas sous la direction de
l’abbé Liautard, il poursuit en théologie. Ordonné prêtre le 28 mai 1825 par
Quelen, il fut chargé de l’enseignement des sciences ecclésiastiques. Il devint
secrétaire particulier de l’archevêque de Paris, Affre, puis fut nommé en 1843
chanoine titulaire de Notre-Dame.
Il
dirigea la communauté des Sœurs de Saint Joseph de Cluny et celle des Sœurs de
l’Immaculé Conception. Nommé par un décret le 15 décembre 1860, il succéda à Cœur
au siège épiscopal de Troyes.
Préconisé
par Pie IX lors du consistoire du 18 mars 1861, il fut sacré évêque le 1er mai
suivant à Notre-Dame de Paris avec l’accord de Napoléon III.
Il
fut reçu solennellement à la cathédrale de Troyes par son clergé et toutes les
autorités du département de l'Aube ; au premier rang desquelles le vicomte de
Charnailles, préfet, qui avait été un de ses anciens élèves au Collège
Stanislas. Buquet, évêque de Parium et ancien directeur de Stanislas,
accompagnait ce jour-là Ravinet qui avait été son bras droit à la direction de
l’établissement dès 1839.
Ravinet
fut remis de ses fonctions le 2 août 1875, atteignant l’âge de la retraite. Il
mourut le 21 mars 1881. Il avait été décrété officier de la Légion d’Honneur en
1862.
102e 1875-1898 :
Pierre-Louis-Marie Cortet
Un
décret présidentiel du 3 août 1875 l'appelle au siège épiscopal de Troyes rendu
vacant à la suite de la démission de Ravinet et il est préconisé dans le
consistoire tenu à Rome le 27 septembre 1875.
Il
occupe cette fonction jusqu'à son décès, le 16 février 1898. Pierre Cortet est
nommé chevalier de la Légion d'honneur le 11 août 1860.
103e 1898-1907 : Gustave-Adolphe de Pélacot
Gustave-Adolphe
de La Rousse de Pélacot est né le 14 juin 1840 à Le Puy-en-Velay (Haute-Loire)
d'un père officier de gendarmerie. À 12 ans, il entre au petit séminaire de la
Chartreuse où il reste six ans. Il poursuit sa formation au grand séminaire du
Puy jusqu'en 1857 et termine ses études au séminaire Saint-Sulpice qu'il quitte
en 1864. Il est ordonné prêtre le 21 mai 1864 à Paris et retourne ensuite dans
sa ville natale.
La
même année, il est nommé secrétaire particulier de l'évêque du Puy Pierre Le
Breton et pro-secrétaire de l'évêché. Durant la guerre franco-prussienne, il
est aumônier militaire auprès du 119e de ligne. En remerciement, la jeune
république le nomme en 1871 chevalier de la légion d'honneur. Il est
successivement nommé chanoine honoraire et secrétaire de l'évêché, puis vicaire
épiscopal et enfin vicaire général.
Il
est sacré évêque de Troyes le 29 juin 1898 par l'évêque du Puy Constant
Guillois accompagné de l'évêque de Colombie britannique Pierre-Paul Durieu et
de l'évêque de Saint-Flour Jean-Marie-François Lamouroux.
Il
meurt à Troyes le 5 août 1907, quatre mois après sa promotion à l'archevêché de
Chambéry, sans avoir pu prendre possession de son nouveau siège. Il est enterré
dans la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Troyes.
104e 1907-1927 :
Marie-Etienne-Laurent Monnier
Marie-Etienne-Laurent
Monnier naît le 23 décembre 1847 à Poligny, dans le superbe hôtel du
lieutenant-général Etienne Monnier, son grand-père. Son père Edmond, a laissé
le « souvenir inoubliable d’un patron profondément chrétien ».
Il
était chevalier de Saint Grégoire et de la Légion d’honneur, sa mère était née
Bathilde de Baudicour. Les Monnier sont une famille aux traditions chrétiennes
et profondes où l’amour du passé n’enlève rien à un sens profond du présent.
Il
commence ses études à Baudin, dans la « Maîtrise blanche » qu’avait organisée
son cousin germain, dom Gréa, plus âgé de 20 ans. Il puisa dans cette éducation
forte l’énergie qui devait jusqu’au bout le caractériser. Il passa ensuite au
Collège Saint-Clément de Metz où il conquit les gardes de bachelier-ès-lettres
et ès-science. Il fut admissible à Polytechnique, entra au Séminaire de Saint
Sulpice. Il y fut de suite remarqué et ses maîtres le choisirent comme maître
de conférences en philosophie et aumônier des pauvres.
Il
reçut le sacerdoce en septembre 1871, en même temps qu’un jeune diacre de
Troyes, auquel il conserva toute son amitié. L’abbé Monnier fut nommé vicaire à
la cathédrale de Saint-Claude, où sa bonté lui attira de suite les sympathies.
Au bout de 10 ans de vicariat, on lui confia le doyenné de Saint Aubin. En
1894, l’abbé Monnier est proposé comme curé de Poligny, mais le gouvernement ne
l’ayant pas agréé, on le fit alors chanoine titulaire du noble chapitre de
Saint-Claude. Puis il quitta le diocèse et devint, à Paris, directeur des
Prêtres de Saint François de Sales. En 1898, il est nommé archiprêtre de la
cathédrale de Saint-Claude.
C’était
l’heure des expulsions et de la séparation, celle où on faisait le siège de
l’évêché en hurlant : « L’évêque à la lanterne ! ». C’était l’heure où l’on
saccageait la Cathédrale, où l’on tentait d’incendier ses magnifiques stalles…
Laurent Monnier vécut ces heures.
En
septembre 1907, il est nommé 104° évêque de Troyes. Il reçoit la consécration le 21 novembre.
Fin
1909, Mgr Monnier décide la création d’un « Bulletin paroissial diocésain ».
Dès
1910, Mgr Monnier constitue une « Association départementale des pères de
famille », pour la défense de la liberté d’enseignement.
Lors
de la guerre 1914-1918, le coudoiement dans la tranchée entre prêtres,
séminaristes, ou laïcs chrétiens et leurs adversaires de la veille, amènera
ceux-ci à une meilleure intelligence de leurs concitoyens sous quelque habit
qu’ils se présentent. La bonté de Mgr Monnier, y contribuera beaucoup. Il
prescrit des quêtes pour venir au secours des soldats blessés, des combattants,
des prisonniers.
Il
institue « l’œuvre du tricot » qui leur fournira des vêtements chauds, il
collabore aux initiatives de la Croix-Rouge, mais encore à celles de la « Ligue des Dames Françaises », sans se
préoccuper de son caractère « neutre » et encore moins de sa direction
protestante, il visite les hôpitaux militaires et s’impose partout par sa
bienveillance souriante et sa compassion effective.
En
septembre 1914, il ferme les yeux de son frère héros de la guerre le colonel
Georges Monnier qui décède à l’évêché de Troyes le 8 septembre.
En
1914, Mgr Monnier ouvre, à Ville-sur-Terre, une « Maison de retraite » pour les
prêtres, la « Maison Saint-Joseph ». Celle-ci subsistera jusqu’en 1930.
Notre
évêque s’occupe beaucoup de l’enseignement et de l’éducation : avec lui,
l’enseignement primaire n’a pas été interrompu par le retrait des écoles
communales aux « Frères des Ecoles Chrétiennes ». Sécularisés, il en forme
d’autres : 5 à Troyes qui, en 1911, totalisent quelque 550 élèves. Il y a 10
écoles pour les filles, à Troyes, dont le pensionnat de Sainte-Savine dirigé
par les Oblates de Saint-François-de-sales, avec 166 élèves. Une vingtaine
d’autres, sont réparties dans le département. Quant à l’enseignement
secondaire, il continue d’être représenté par le « Collège Urbain IV », qui a
succédé, depuis 1906, à l’ancien « Saint Bernard » et que dirigent des laïcs et
des prêtres du diocèse : 102 élèves en 1911. Les Oblates, sécularisées en 1904,
avaient ouvert pour la jeunesse féminine, un « Cours Sévigné » de 102 élèves.
Parmi
d’autres mesures, sous son épiscopat, il réunit un synode en 1923, complété par
la publication d’un « Manuel pratique à l’usage des prêtres », petit code du ministère
paroissial des plus utiles.
Cette
même année, Mgr Monnier réunit un « Congrès diocésain des hommes et des jeunes
gens », et en 1925, il fonde un « Comité diocésain des réunions d’hommes ».
Mgr
Monnier songe aussi aux paroisses rurales. A titres d’exemples, l’année 1919
vit, du 11 au 21 novembre, à Ervy, 300 assistants, dont une trentaine d’hommes,
à Auxon, du 18 au 28 novembre, 200 personnes, au Mesnil-la-Comtesse, en
décembre, se « trouva un très bel auditoire où les hommes étaient aussi nombreux
que les femmes ».
Son
Grand Séminaire avait doublé depuis 1920. Il avait également créé un Petit
Séminaire où il attirait des jeunes gens originaires d’autres diocèses.
Après
la loi de 1905, une reprise des relations diplomatiques eut lieu en 1921. Mgr
Monnier constitua en mai 1924, une « Association diocésaine » conforme aux
statuts acceptés par le pape Pie IX et reconnus légaux par le Conseil d’Etat.
Il rédigea sa lettre pastorale du carême 1924, sur le « Culte de Notre-Dame de
la Sainte-Espérance » et participa au pèlerinage de Mesnil-Saint-Loup. Au mois
de novembre, il publie un tableau des missions à donner dans la ville de Troyes
et dans les paroisses rurales durant la période décennale à dater du 1er
janvier 1925.
A
79 ans, il sillonne encore les routes de France pour assister à toutes les
cérémonies de famille, conférer un baptême, bénir un mariage ou présider une
première messe.
Jusqu’à
la fin, chaque jour, et sans y manquer une seule fois pendant ses 56 ans de
prêtrise, il dit sa messe.
Il
s’éteint doucement, le 7 juillet 1927. Même les journaux socialistes de
Saint-Claude et de Troyes relatent alors des regrets unanimes.
Il
ordonna 71 prêtres, mais il y eut 157 décès de prêtres !
105e 1928-1932 :
Maurice Feltin
Fils
de Charles et de Marie Haas, Maurice Feltin, après des études classiques chez
les bénédictins de Mariastein réfugiés à Delle, puis chez les jésuites de Lyon,
reçoit sa formation philosophique et théologique au séminaire de Saint-Sulpice
de Paris et est ordonné prêtre le 3 juillet 19091. Jusqu'en 1927, il exerce son
ministère dans le diocèse de Besançon.
Âgé
de 31 ans quand éclate la Première Guerre mondiale, il sert comme sergent à la
7e section du groupe des brancardiers du 7e Corps d'Armée. Il est « remis »
caporal à sa demande le 5 avril 1916 et transféré au 174e régiment
d'infanterie. Il est de nouveau nommé sergent le 24 octobre 1916. Il est évacué
pour maladie du 7 mars au 13 avril 1917. Il est démobilisé en 1919 et reçoit de
nombreuses décorations militaires. Il est décoré de la médaille militaire, de
la croix de guerre 1914-1918 et de la Légion d'honneur.
En
1927, le pape Pie XI le nomme évêque de Troyes où il érige canoniquement les
Dominicaines missionnaires des campagnes. En 1932, il est nommé archevêque de Sens.
106e 1934-1938 :
Joseph-Jean Heintz
Ordonné
prêtre le 21 mai 1910, Joseph-Jean Heintz participe au conflit de 1914-1918
comme aumônier militaire.
Le
11 juin 1916, il est caporal au 347e RI et il est chargé d'assister les deux
sous-lieutenants Herduin et Millant, condamnés à mort sans jugement et fusillés
sur ordre du colonel Bernard.
Après
avoir été archiprêtre de Charleville-Mézières, il est nommé évêque de Troyes le
7 décembre 1933 par le pape Pie XI (consacré le 25 janvier 19343), puis est nommé
au siège de Metz le 15 février 1938 (intronisé le 4 mars).
107e 1938-1943 :
Joseph Lefebvre
D'une
famille d'industriels catholiques du Nord, fils de Georges Lefebvre, négociant
et industriel, et de Marie Agnès Lucie Joseph Decaestecker, Joseph-Charles
Lefèbvre étudie la théologie catholique et la philosophie à Lille et à Rome. Il
sert pendant la Première Guerre mondiale au cours de laquelle il est blessé et
fait prisonnier.
Le
17 décembre 1921, il est ordonné prêtre à Rome. De 1924 jusqu'à 1936, il assure
un ministère en tant que curé de paroisse puis dirige la section du personnel
de l'évêché de Poitiers dont il est vicaire général de 1936 à 1938.
Le
27 juillet 1938, il est nommé évêque de Troyes et consacré le 11 octobre 1938
par Édouard Mesguen.
Le
17 juin 1943, il devient archevêque de Bourges. Lors du consistoire du 28 mars
1960, il est créé cardinal par le pape Jean XXIII avec le titre de
cardinal-prêtre de San Giovanni Battista dei Fiorentini qu'il est le premier à
porter.
De
1962 à 1965, il participe au concile de Vatican II et au conclave en 1963 qui
élit Paul VI.
Le
10 octobre 1969, il abandonne sa charge d'archevêque de Bourges et meurt le 2
avril 1973. Il est enterré dans la cathédrale.
118e 1944-1967 :
Julien Le Couëdic
Ordonné
prêtre du diocèse de Versailles en 1915, il est nommé évêque de Troyes en 1943,
sacré évêque le 18 janvier 1944 et intronisé en la cathédrale de Troyes le 29
janvier 1944. Il restera à Troyes pendant 23 ans.
En
1962, il participe au Concile Vatican II en sa qualité de docteur en théologie
et en droit canonique.
Évêque
conservateur, il est membre du Cœtus Internationalis Patrum aux côtés de Marcel
Lefebvre, cousin de son prédécesseur.
Il
accepta d'accueillir en son diocèse l'abbé Georges de Nantes, figure du
traditionalisme catholique et il le nomme curé de Villemaur-sur-Vanne (Aube) en
1958, alors qu'il avait été rejeté des diocèses de Grenoble et de Paris. Il y
crée deux communautés des Petits Frères et Sœurs du Sacré-Cœur de Jésus à
Rumilly-les-Vaudes (10). Plus connu sous le nom de l’abbé de Nantes*
Ni
Le Couëdic ni ses successeurs n'accorderont de statut canonique à ces
fondations. Le Couëdic, lassé des débordements de Georges de Nantes, le
frappera de suspense a divinis le 25 août 1966, le relevant de toute fonction
juridictionnelle dans son diocèse.
Le
Couëdic laisse dans son diocèse le souvenir de quelqu'un de très précieux et
distant. Il est à l'origine du dernier renouvellement du vestiaire de la
cathédrale de Troyes. De superbes et riches ornements sont commandés à cette
époque. Il fut décoré de la Croix de Guerre et fait Chevalier de la Légion
d’Honneur.
109e 1967-1992 :
André Fauchet
S.
Exc. Mgr André, Pierre, Louis, Marie, Evêque. Né le 30 novembre 1918 à
Langourla (Côtes-du-Nord). Fils de Louis Fauchet, Cultivateur, et de Mme, née
Thérèse Brillault
Etudes
: Ecole Saint-Charles à Saint-Brieuc, Grand séminaire et Institut catholique du
diocèse de Paris. Diplômes : Licencié en théologie, droit civil, droit
canonique et sciences sociales, Diplômé d’études supérieures d’histoire du
droit et d’économie politique
Carrière
: ordonné Prêtre (13 juillet 1943), Etudiant à Paris (1943-49), Vicaire et
Directeur des œuvres diocésaines (1951), Vicaire général chargé de la pastorale
(1958) puis Archidiacre (1961) de Dinan.
Il
est nommé Evêque de Troyes le 21 février 1967, consacré à Saint-Brieuc le 1er
mai 1967 et intronisé à Troyes le 6 mai 1967.
Président de la commission Justice et Paix de
1984à 1992.
Œuvres
: Au service des foyers missionnaires, Ecouter les hommes pour répondre à Dieu,
Au cœur du renouveau : le dynamisme de la Communauté; divers articles de
pastorale et spiritualité. Décoration : Chevalier de la Légion d’honneur.
110e 1992-1998 :
Gérard Daucourt
Ordonné prêtre à l'âge de 25 ans, le
26 juin 1966, pour le diocèse de Besançon, il a commencé son ministère
presbytéral pendant cinq ans comme vicaire à Montbéliard.
Il
est ensuite devenu supérieur du foyer-séminaire de Besançon en 1971, puis
supérieur du séminaire interdiocésain de 2e et 3e cycle de Besançon en 1977,
cumulant cette responsabilité avec celle de délégué diocésain à l'œcuménisme.
C'est
alors qu'il est appelé à la Curie romaine de 1984 à 1991, comme délégué de la
section orientale au Conseil pontifical pour la promotion de l'unité des
chrétiens. Il garde cependant des activités pastorales, en particulier auprès
de personnes handicapées.
Nommé
évêque coadjuteur du diocèse de Troyes le 1er février 1991, il est consacré le
14 avril 1991.
Il
succède à André Fauchet comme évêque diocésain le 4 avril 1992, il est nommé
par le pape Jean-Paul II en décembre 1992 membre du conseil pontifical pour
l'unité des chrétiens.
111e
1999-2020 : Marc Stenger
sa devise :
Tout à tous !
Évêque
émérite : Troyes, depuis 2020
Né
le 27 août 1946 ; Fils de Jules Stenger, directeur commercial, et de Mme, née
Camille Freund. Ordonné prêtre le 28 juin 1975.
Nommé évêque le 30 avril 1999 il est consacré évêque le 05 septembre
1999.
Séminaire
français de Rome et Université grégorienne ; Séminaire des Carmes et Institut
catholique à Paris ; École pratique des hautes études
Vicaire
à la paroisse de l'Immaculée-Conception à Metz (1975 - 1981) ; Membre de
l'équipe de formation du séminaire français à Rome (1981 - 1984) ; Puis du
grand séminaire de Metz (1984 - 1990) ;
Vicaire épiscopal chargé de la pastorale de la jeunesse (1984 - 1998) ;
Responsable diocésain, puis régional (Alsace-Lorraine) de la formation des
jeunes prêtres (1985 - 1992) ; Curé de
la paroisse Notre-Dame de Metz (1990 - 1992) ;
Supérieur du grand séminaire de Metz (1992 - 1999) ; Évêque
de Troyes (1999 - 2020) ; Président de Pax Christi France (2003 - 2019) ; Membre
du Conseil pour les mouvements et associations de fidèles (2014 - 2020) ;
Co-président de Pax Christi International (2019)
112e 2021 - …
Alexandre Joly – sa devise : Totus Christus
Le
pape François a nommé samedi 11 décembre 2021, Mgr Alexandre Joly, évêque de
Troyes suite à la démission de Mgr Marc Stenger.
Né
le 9 octobre 1971 à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), il est ordonné le 28 juin
1997 pour l’archidiocèse de Rouen,
Mgr
Alexandre Joly fut vicaire à la paroisse Notre-Dame de Rouen Centre (2000-2003)
et aumônier des étudiants (2000-2015) ; curé de la paroisse Saint-Jacques de
Mont-Saint-Aignan (2003-2013) ; directeur du Service diocésain de la Catéchèse
(2006-2008).
En
2008, il fut nommé Secrétaire général du Synode de l’archidiocèse de Rouen,
fonction qu’il occupa pendant 2 ans.
De
2011 à 2018, il fut directeur du Service diocésain Liturgie et Sacrements.
Pendant 4 ans (2013 à 2017),
Mgr
Joly fut vicaire épiscopal en charge des laïcs en mission ecclésiale et curé de
la paroisse Saint-Paul de Quevilly – Couronne.
Mgr
Alexandre Joly fut vicaire général de l’archidiocèse de Rouen de 2017 à 2018.
Nommé évêque le 14 décembre 2018, il fut évêque auxiliaire de Rennes de 2018 à
2021.
Monseigneur
Joly a été installé dimanche 23 janvier 2022, en la cathédrale Saint-Pierre
Saint-Paul de Troyes
A ce
jour pour le Diocèse de Troyes
Évêque
: Mgr Alexandre Joly
Évêque
émérite : Mgr Marc Stenger
Vicaire
général : P. Richard Lukaszewski
Chancelier
: Mme Marie-Madeleine Wuillaume
Références :
·
Eugène-Edmond
Defer, Vie des Saints
·
Brénot-Leblanc
·
Jean
Charles Courtalon-Delaistre
·
Nicolas
Camusat
·
Noël
Moreau
·
Poulié
de Troyes.
·
Mgr
J. Dieudonné Bonnard, Dr en Théologie et Droit Canonique
·
Registres de l'officialité de
Troyes : 15 Registres
· Cour judiciaire de l'Église de Troyes,
·
Registres de Jean Baudet Notaire
Apostolique et Tabellion de l’Officialité
·
Mgr l’Archevêque Eugène-Marie
Ernoult ; archives privées et de l'Église de Sens
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