Château de Villacerf
Le village actuel de Villacerf s’appelle, au
moyen-âge, Samblières, et ne forme qu’une dépendance très secondaire de
Saint-Lyé.
Vers la fin du XIe siècle, saint Adérald, chanoine
et archidiacre de Troyes, apporte de son voyage de la Terre Sainte, un morceau
de pierre du sépulcre de Jésus-Christ. Il fait bâtir à Samblières un monastère
de l’ordre de Clugny, où il dépose cette pierre, et auquel il donne le nom de
Saint-Sépulcre, qui devient dès lors celui du village, les seigneurs
s’intitulant châtelains du Saint-Sépulcre.
En 1659, Louis Hesselin, baron, maire de la chambre
aux-deniers, fait rebâtir le vieux manoir par Levau, architecte du roi. C’est
ici qu’apparaît la puissante famille des Colbert, qui donne à cette résidence
une illustration et des embellissements remarquables.
A cette époque, le nom de Villecerf ne sert à
désigner qu’une seigneurie du voisinage, celle de Riancey.
Ce domaine, vers 1560, est possédé par un riche
marchand de Troyes, Fouret, marié à Guillemette Cochot. Ils marient leur fille
Marie, à Odard Colbert. Celui-ci, frère des Colbert de Reims a fait aussi à
Troyes, d’excellentes affaires dans le commerce. Il a un établissement
considérable rue du Mortier d’Or. Il hérite en 1588, de son beau-père, de la
terre de Villacerf-Riancey, et l’ajoute à celles de Drônay, de Saint-Pouange et
de Turgy, qu’il possédait déjà.
Son fils Jean-Baptiste, qui avait épousé une
Letellier, sœur du chancelier, et qui ouvrit par là à ses descendants la porte
aux plus grands honneurs, meurt en 1665, intendant de Lorraine.
C’est son fils et successeur, Edouard Colbert, qui,
le 5 août 1667, réunit à ses possessions la terre de Saint-Sépulcre, et qui, en
décembre 1673, obtient des lettres-patentes abolissant le nom de
Saint-Sépulcre, et le remplace par celui de Villacerf-le-Grand, qui, dit-il
dans sa requête, est depuis un siècle dans sa famille.
Celui de Villacerf-le-Petit ou du Petit-Villacerf,
continue quelque temps à désigner Riancey, et finit par tomber entièrement en
désuétude.
Edouard Colbert était magnifique dans ses goûts et
ami éclairé des arts. Sa charge d’inspecteur général des bâtiments royaux le
met en rapport avec tous les artistes du grand siècle, très disposés à lui
consacrer leurs talents.
Le château du financier Hesselin ne lui paraît pas
en rapport avec sa haute position. Il appelle de Paris les architectes, les
peintres, les sculpteurs les plus en renom à cette époque, entre autres Girardon, et fait construire à nouveau le château dont vous voyez la
reproduction. La grandeur des jardins, leur savante distribution, les bassins,
les jets d’eau et les statues dont ils sont ornés, répondent à la magnificence
de cette habitation princière.
Edouard Colbert, mort en 1699, a épousé
Marie-Geneviève Larcher. Girardon a fait son portrait dans un médaillon de
première grandeur, dont on conserve la chalcographie au Louvre.
Vers 1705, le marquis de Villacerf passe à
Pierre-Gilbert Colbert, maître d’hôtel de la duchesse de Bourgogne, et à
Marie-Madeleine de Senneterre, sa femme.
A sa mort en 1727, il a pour successeur son frère, Charles-Maurice, abbé de Saint-André, agent général du clergé.
A l’époque de la Révolution, il appartient à Madame
Marie-Amélie-Caroline-Joseph-Françoise-Xavier de Bavière, épouse du comte
d’Hautefort, grand d’Espagne, de première classe.
La terre, comme bien d’émigré, est vendue
nationalement et le château démoli. Il n’en reste d’autres souvenirs, que les
deux beaux bustes de Louis XIV et de Marie-Thérèse, de la main de Girardon,
conservés au musée de Troyes, et une statue en pierre, représentant Atlas,
recueillie au château de Sainte-Maure.
Monsieur l’abbé Saget, ancien aumônier de Madame
d’Hautefort, conservait dans son cabinet la gouache représentant le dernier
état du château de Villacerf, que vous trouverez en tête de ce chapitre.
Château de Ville-au-Bois
La Ville-aux-Bois est nommée « le Petit Poucet de
l’Aube ».
C’est la plus petite commune du département et son
territoire est planté des deux-tiers en bois. Trois étangs agrémentent
l’environnement. Elle fait partie de la Communauté de communes « de Soulaines
Dhuys ».
Le village de La Ville-aux-Bois se compose de 19
habitants.
Le Château avait été bâti au début du XVIIIe siècle
par un membre de la famille de Tance (Claude vraisemblablement) qui possédait
la seigneurie de Ville-au-Bois-Epothémont et Remy-Mesnil (aujourd’hui partie de
la forêt d’Epothémont).
Cette demeure avait belle allure, bâtie en brique et pierre, elle était précédée d’une cour d’honneur close par de belles grilles ouvragées qui furent transportées, lors de la démolition du château, à Wassy (Haute-Marne), au « Château Pissot », au début du XXe siècle. Derrière, s’étendait jusqu’à la forêt un tapis vert, bordé de grands arbres.
Une source « Goule du Moulin à Vent », située à la
lisière de la forêt, captée, alimentait ces lieux en eau potable.
En équerre à gauche de la façade s’élevaient des
communs importants, dont subsiste encore une construction basse à toiture en
forme de carène de bateau.
En 1789, ce château était habité par Jean-Baptiste
Antoine de la More, Conseiller en la Chambre des Comptes du Barrois, seigneur
d’Epothémont et Remy-Mesnil. Il y vint vers 1766, époque de son mariage avec
Mademoiselle Marie Marguerite de Saint-Vincent, descendante par alliance de la
famille de Tance (Seigneurs de Ville-au-Bois et Epothémont depuis le XVIe siècle). De leur union naquirent 2 fils et 1 fille : Jean-Baptiste Marie
Bercaire, comte de la Morre, Claude Antoine, baron de la Morre-Villaubois,
Françoise Florentine de la Morre.
Sous la Révolution : Les châtelains de Ville-au-Bois
et leur fille (les 2 fils émigrèrent) auraient dû passer la période troublée de
la Révolution en toute quiétude dans leur belle demeure. En effet, le village
était peu important, perdu dans la forêt ne comptait que 16 ménages en 1787.
La Convention, par une loi publiée le 21 mars 1793, institua auprès des municipalités, des « Comités de Surveillance », qui avaient mission d’espionner, dénoncer et faire appliquer les lois terroristes.
Dès le
11 Messidor An II (10 novembre 1793), le Comité de Surveillance de La
Ville-au-Bois est constitué.
Des dénonciations eurent lieu, et plusieurs
délateurs se présentèrent.
Le 3 décembre, il fut « annoncé au son de la caisse dans tous les endroits de la commune où il est usage de le faire, qu’il est du devoir de tous les citoyens de ce lieu, de déclarer dans les 24 heures au greffe du Comité « toutes les personnes qui, par leur conduite et leurs propos "arrestatiques", se seraient montrés ennemis de la Révolution…» :
par exemple, Jean Laurain déclara au Comité qu’il avait été dit par la « femme Morre que l’on célébrait des fêtes et que l’on chantait des Te Deum et que l’on s’en repentirait ».
« Un autre dénonciateur nommé Edme Laurain a entendu dire à la femme Morre qu’un assignat de 500 livres ce serait peut-être pour torcher son derrière »…
En clôture de la séance du 3 décembre 1793, nous lisons :
« Nous, le Comité citons le citoyen et les citoyennes de ne point s’écarter de leurs bâtiments… ».
En dessous se trouve cette déclaration écrite de la main de J-B. de la Morre :
« Je soussigné m’engage et promet de ne point sortir de ma maison, ni du finage de Ville-au-Bois non plus que mon épouse et ma fille et de laisser l’entrée toujours de ladite maison au Comité de Surveillance et à toutes autres personnes pourvues d’ordre par les autorités constituées ».
Le 30 Frimaire (30
décembre) suivant, les membres du Comité se transportèrent chez les nobles et
les particuliers pour faire la recherche de toutes les argenteries monnayées et
non monnayées. 28 citoyens (dont le châtelain) déclarèrent avoir et posséder
quelques bijoux en or et argent et quelques pièces de monnaie : « le citoyen
Jean Morre a déclaré avoir un crucifix et un cœur et une croix d’or et une
épingle d’argent non monoyé, plus tout en or pour argent 102 livres argent
monoyé… ».
Le 7 Nivôse An II (27 décembre 1793), à 10 heures du
matin les membres du Comité se transportèrent en la maison de J-B. Morre pour faire la visite des
papiers…
A la fin de l’année 1793, la cloche de l’église fut
descendue ainsi que le crucifix.
A partir de Nivôse An II (fin décembre 1793) le
Comité n’eut plus d’activité et le châtelain et sa famille ne furent plus
inquiétés. Cependant, le 8 germinal An II (21 mars 1794) le châtelain est porté
sur la liste demandée par l’agent national du District de Bar-sur-Aube, comme
détenu suspect.
La dernière délibération du Comité de Surveillance
de Ville-au-Bois eut lieu le 11 Messidor An II (29 juin 1794), clôturant la
période de la Terreur au village.
Après le décès du Vicomte J-B. Antoine de la Morre
et de sa femme (23 juillet 1832), Monsieur et Madame d’Astier, le 11 novembre
1839 en furent les propriétaires.
Quelques années plus tard, M. et Mme d’Astier
vendirent tout le domaine et le château.
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