mardi 15 octobre 2024

Châteaux de Villacerf, Ville-aux-bois,

 Château de Villacerf 



Le village actuel de Villacerf s’appelle, au moyen-âge, Samblières, et ne forme qu’une dépendance très secondaire de Saint-Lyé.

Vers la fin du XIe siècle, saint Adérald, chanoine et archidiacre de Troyes, apporte de son voyage de la Terre Sainte, un morceau de pierre du sépulcre de Jésus-Christ. Il fait bâtir à Samblières un monastère de l’ordre de Clugny, où il dépose cette pierre, et auquel il donne le nom de Saint-Sépulcre, qui devient dès lors celui du village, les seigneurs s’intitulant châtelains du Saint-Sépulcre.

En 1659, Louis Hesselin, baron, maire de la chambre aux-deniers, fait rebâtir le vieux manoir par Levau, architecte du roi. C’est ici qu’apparaît la puissante famille des Colbert, qui donne à cette résidence une illustration et des embellissements remarquables.

A cette époque, le nom de Villecerf ne sert à désigner qu’une seigneurie du voisinage, celle de Riancey.

Ce domaine, vers 1560, est possédé par un riche marchand de Troyes, Fouret, marié à Guillemette Cochot. Ils marient leur fille Marie, à Odard Colbert. Celui-ci, frère des Colbert de Reims a fait aussi à Troyes, d’excellentes affaires dans le commerce. Il a un établissement considérable rue du Mortier d’Or. Il hérite en 1588, de son beau-père, de la terre de Villacerf-Riancey, et l’ajoute à celles de Drônay, de Saint-Pouange et de Turgy, qu’il possédait déjà.

Son fils Jean-Baptiste, qui avait épousé une Letellier, sœur du chancelier, et qui ouvrit par là à ses descendants la porte aux plus grands honneurs, meurt en 1665, intendant de Lorraine.

C’est son fils et successeur, Edouard Colbert, qui, le 5 août 1667, réunit à ses possessions la terre de Saint-Sépulcre, et qui, en décembre 1673, obtient des lettres-patentes abolissant le nom de Saint-Sépulcre, et le remplace par celui de Villacerf-le-Grand, qui, dit-il dans sa requête, est depuis un siècle dans sa famille.

Celui de Villacerf-le-Petit ou du Petit-Villacerf, continue quelque temps à désigner Riancey, et finit par tomber entièrement en désuétude.

Edouard Colbert était magnifique dans ses goûts et ami éclairé des arts. Sa charge d’inspecteur général des bâtiments royaux le met en rapport avec tous les artistes du grand siècle, très disposés à lui consacrer leurs talents.

Le château du financier Hesselin ne lui paraît pas en rapport avec sa haute position. Il appelle de Paris les architectes, les peintres, les sculpteurs les plus en renom à cette époque, entre autres Girardon, et fait construire à nouveau le château dont vous voyez la reproduction. La grandeur des jardins, leur savante distribution, les bassins, les jets d’eau et les statues dont ils sont ornés, répondent à la magnificence de cette habitation princière.

Edouard Colbert, mort en 1699, a épousé Marie-Geneviève Larcher. Girardon a fait son portrait dans un médaillon de première grandeur, dont on conserve la chalcographie au Louvre.

Vers 1705, le marquis de Villacerf passe à Pierre-Gilbert Colbert, maître d’hôtel de la duchesse de Bourgogne, et à Marie-Madeleine de Senneterre, sa femme.  A sa mort en 1727, il a pour successeur son frère, Charles-Maurice, abbé de Saint-André, agent général du clergé.

A l’époque de la Révolution, il appartient à Madame Marie-Amélie-Caroline-Joseph-Françoise-Xavier de Bavière, épouse du comte d’Hautefort, grand d’Espagne, de première classe.

La terre, comme bien d’émigré, est vendue nationalement et le château démoli. Il n’en reste d’autres souvenirs, que les deux beaux bustes de Louis XIV et de Marie-Thérèse, de la main de Girardon, conservés au musée de Troyes, et une statue en pierre, représentant Atlas, recueillie au château de Sainte-Maure.

Monsieur l’abbé Saget, ancien aumônier de Madame d’Hautefort, conservait dans son cabinet la gouache représentant le dernier état du château de Villacerf, que vous trouverez en tête de ce chapitre.


Grande perspective des jardins de Villacerf, vers 1700




Edouard Colbert de Villacerf par Pierre Mignard


Louis XIV - par Girardon
Musée St Loup de Troyes


Marie-Thérèse d'Autriche - par Girardon 
Musée St Loup de Troyes



Château de Ville-au-Bois 



La Ville-aux-Bois est nommée « le Petit Poucet de l’Aube ».

C’est la plus petite commune du département et son territoire est planté des deux-tiers en bois. Trois étangs agrémentent l’environnement. Elle fait partie de la Communauté de communes « de Soulaines Dhuys ».

Le village de La Ville-aux-Bois se compose de 19 habitants.

Le Château avait été bâti au début du XVIIIe siècle par un membre de la famille de Tance (Claude vraisemblablement) qui possédait la seigneurie de Ville-au-Bois-Epothémont et Remy-Mesnil (aujourd’hui partie de la forêt d’Epothémont).

 Cette demeure avait belle allure, bâtie en brique et pierre, elle était précédée d’une cour d’honneur close par de belles grilles ouvragées qui furent transportées, lors de la démolition du château, à Wassy (Haute-Marne), au « Château Pissot », au début du XXe siècle. Derrière, s’étendait jusqu’à la forêt un tapis vert, bordé de grands arbres.

Une source « Goule du Moulin à Vent », située à la lisière de la forêt, captée, alimentait ces lieux en eau potable.

En équerre à gauche de la façade s’élevaient des communs importants, dont subsiste encore une construction basse à toiture en forme de carène de bateau.

En 1789, ce château était habité par Jean-Baptiste Antoine de la More, Conseiller en la Chambre des Comptes du Barrois, seigneur d’Epothémont et Remy-Mesnil. Il y vint vers 1766, époque de son mariage avec Mademoiselle Marie Marguerite de Saint-Vincent, descendante par alliance de la famille de Tance (Seigneurs de Ville-au-Bois et Epothémont depuis le XVIe siècle). De leur union naquirent 2 fils et 1 fille : Jean-Baptiste Marie Bercaire, comte de la Morre, Claude Antoine, baron de la Morre-Villaubois, Françoise Florentine de la Morre.

Sous la Révolution : Les châtelains de Ville-au-Bois et leur fille (les 2 fils émigrèrent) auraient dû passer la période troublée de la Révolution en toute quiétude dans leur belle demeure. En effet, le village était peu important, perdu dans la forêt ne comptait que 16 ménages en 1787.

La Convention, par une loi publiée le 21 mars 1793, institua auprès des municipalités, des « Comités de Surveillance », qui avaient mission d’espionner, dénoncer et faire appliquer les lois terroristes. 

Dès le 11 Messidor An II (10 novembre 1793), le Comité de Surveillance de La Ville-au-Bois est constitué.

Des dénonciations eurent lieu, et plusieurs délateurs se présentèrent.

Le 3 décembre, il fut « annoncé au son de la caisse dans tous les endroits de la commune où il est usage de le faire, qu’il est du devoir de tous les citoyens de ce lieu, de déclarer dans les 24 heures au greffe du Comité «  toutes les personnes qui, par leur conduite et leurs propos "arrestatiques", se seraient montrés ennemis de la Révolution…» :

 par exemple, Jean Laurain déclara au Comité qu’il avait été dit par la « femme Morre que l’on célébrait des fêtes et que l’on chantait des Te Deum et que l’on s’en repentirait ». 

« Un autre dénonciateur nommé Edme Laurain a entendu dire à la femme Morre qu’un assignat de 500 livres ce serait peut-être pour torcher son derrière »… 

En clôture de la séance du 3 décembre 1793, nous lisons : 

« Nous, le Comité citons le citoyen et les citoyennes de ne point s’écarter de leurs bâtiments… ». 

En dessous se trouve cette déclaration écrite de la main de J-B. de la Morre : 

« Je soussigné m’engage et promet de ne point sortir de ma maison, ni du finage de Ville-au-Bois non plus que mon épouse et ma fille et de laisser l’entrée toujours de ladite maison au Comité de Surveillance et à toutes autres personnes pourvues d’ordre par les autorités constituées ». 

Le 30 Frimaire (30 décembre) suivant, les membres du Comité se transportèrent chez les nobles et les particuliers pour faire la recherche de toutes les argenteries monnayées et non monnayées. 28 citoyens (dont le châtelain) déclarèrent avoir et posséder quelques bijoux en or et argent et quelques pièces de monnaie : « le citoyen Jean Morre a déclaré avoir un crucifix et un cœur et une croix d’or et une épingle d’argent non monoyé, plus tout en or pour argent 102 livres argent monoyé… ».

Le 7 Nivôse An II (27 décembre 1793), à 10 heures du matin les membres du Comité se transportèrent en la maison  de J-B. Morre pour faire la visite des papiers…

A la fin de l’année 1793, la cloche de l’église fut descendue ainsi que le crucifix.

A partir de Nivôse An II (fin décembre 1793) le Comité n’eut plus d’activité et le châtelain et sa famille ne furent plus inquiétés. Cependant, le 8 germinal An II (21 mars 1794) le châtelain est porté sur la liste demandée par l’agent national du District de Bar-sur-Aube, comme détenu suspect.

La dernière délibération du Comité de Surveillance de Ville-au-Bois eut lieu le 11 Messidor An II (29 juin 1794), clôturant la période de la Terreur au village.

Après le décès du Vicomte J-B. Antoine de la Morre et de sa femme (23 juillet 1832), Monsieur et Madame d’Astier, le 11 novembre 1839 en furent les propriétaires.

Quelques années plus tard, M. et Mme d’Astier vendirent tout le domaine et le château.




Les châteaux dans l'Aube




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