mardi 15 octobre 2024

Château de Villebertin

 Château de Villebertin


Le château de Villebertin était au XVIIIe siècle, un des plus importants des environs de Troyes. Il est nommé Château de Maison Blanche à Buchèresmais se trouve sur les terres de Moussey, village à 6km de là.

Depuis le XVIe siècle, il appartenait à l’ancienne famille champenoise de Mesgrigny.

Sous Louis XV, ses vastes bâtiments, construits sur les bords du ruisseau de l’Hozin, étaient couverts de tuiles communes et de tuiles plombées, et flanqués de deux tourelles carrées couvertes d’ardoises de Saint-Louis. On y pénétrait par un escalier de pierres de Tonnerre en forme de perron, abrité sous un auvent garni « de petites ardoises taillées avec plomb sur les "arrêtiers" ».

A l’intérieur, à côté d’un escalier de bois à quatre rampes, s’ouvraient une salle à manger garnie de petits carreaux et une autre grande salle « plancheyée ».

En 1372, à la mort de Nicolas de Mesgrigny, cette grande salle, tendue de sept pièces de tapisserie façon Châtillon, était ornée de deux portraits d’empereurs et d’un grand tableau « où était dépeint Moïse », et qu’on estimait à 50 livres.

C’était le tableau que Jérôme de Mesgrigny, à son retour de Terre Sainte, avait fait exécuter à Bologne par un des Carrache. La pièce, munie de tapis de Turquie, était garnie d’un « lit de salle » et de sièges recouverts de moquette. Avec la grande salle communiquait la chambre à coucher du seigneur, tendue de tapisserie de haute lisse, avec un lit tapissé de damas cramoisi et un grand miroir garni d’argent. Dans les autres chambres, qui étaient assez nombreuses, on remarquait quelques meubles de luxe, tels « qu’une cassette de nuit de bois de la Chine garnie de cuivre doré », un « sac de tabis incarnat garni de dentelle d’or et d’argent, une montre d’argent propre à mettre sur la table ».

Au second étage se trouvait une chapelle munie de ses ornements, et qui était dédiée à la Nativité. Tout dans le château et ses dépendances, où 12 chevaux étaient enfermés dans les écuries, attestait la vie large et noble qu’on y menait.

 En 1725, après la mort de l’abbé de Mesgrigny, la terre de Mesgrigny fut mise en vente par licitation, et reprise moyennant 55.100 livres par un des membres de la famille. Le château n’avait pas été modifié depuis la mort de Nicolas de Mesgrigny.

En 1733, son état d’entretien laissait même à désirer, mais il devait recevoir d’importants agrandissements dans le cours du siècle.

A l’époque de la Révolution il avait été transformé selon le goût du jour. La grandeur des glaces, le nombre des meubles (2 canapés, 4 bergères, 24 fauteuils, 4 voyeuses en tapisserie brodée  à l’aiguille), indiquaient des habitudes de luxe et de large hospitalité.

Comme dans la plupart des grands châteaux du temps et de la région, à Brienne, à la Chapelle-Godefroy, à Chacenay, par exemple, on avait construit à Villebertin une salle de comédie. Quinze chambres à coucher, numérotées comme au château de Brienne, étaient destinées à recevoir les hôtes, et l’on peut avoir une idée de la largeur avec laquelle ils étaient traités, en sachant que les caves renfermaient 5 muids (1 muids = 300 à 500 litres) de vin d’Espagne.

A la Révolution, de très beaux tableaux sont transportés à Troyes, à l’Hôtel de Vauluisant, qui appartenait à la famille de Mesgrigny. En effet, leur propriétaire pensait que transportés dans une résidence urbaine, ils y seraient plus en sûreté que dans un château isolé, exposé aux attaques et aux déprédations des révolutionnaires. Et il ne se trompait pas.

Dans les jardins, transformés en parc anglais, et dans l’un des bosquets, on avait disposé, dans un labyrinthe, différentes statues : 1 ermite en terre rouge, 1 Bacchus sur 1 tonneau et un pêcheur.

En avril 1794, à la suite de l’émigration des frères de Mesgrigny, le mobilier du château de Villebertin fut mis en vente. Plusieurs des révolutionnaires les plus ardents de Troyes allèrent à cette vente comme à une partie de plaisir. Quelques sans-culottes se rendirent dans le labyrinthe, et, après leur passage, on put constater que les 3 statues gisaient en morceaux au bas de leurs piédestaux.

Après la chute du régime de la Terreur, les vandales furent poursuivis. Le jury les déclara coupables d’avoir brisé les statues et les condamna à 2 ans de fers et à l’exposition préalable  de 6 heures sur une place publique de Troyes.

Le château passa ensuite à la famille du comte du Parc. Son épouse était originale : elle tenait l’harmonium le dimanche à l’église de Bûchères, en fumant le cigare ! Le comte avait une fille et deux fils, les vicomtes Bernard et Maxime. Aucun n’eut de descendance.

Le château revint au vicomte Bernard, un vieil excentrique qui vivait seul et qui ne s’occupait pas des lieux. 

A son décès,  Maître Pierre Jonquet, notaire à Troyes, fit une magnifique vente du mobilier pendant 3 jours sous des tentes de l’armée. Ma grand-mère a acheté 6 belles chaises « à la gerbe ».

Antiquaires et collectionneurs du tout Paris et de l’étranger étaient sur les lieux, le secrétaire particulier de Rockefeller était également présent, sa Rolls-Royce faisant sensation. Cette vente mobilière a été jugée à l’époque de « Vente du Siècle ». Le mobilier étant de grande qualité.

Le domaine (château, ferme et champs) est acheté par Pierre Jonquet, qui fait une SCI. Quelques temps plus tard, le tout est revendu à la Compagnie Lesaffre International.

Depuis maintenant près de 40 ans, le château est abandonné. La ferme étant en fermage continue une activité des plus réduite. 


Mystère au château de Villebertin

 

Ce crime est une " énigme non résolue".

Vendredi 7 juillet 1939, vers 16h30, Geneviève Brigandet quitte, à bicyclette le Château de Villebertin, où ses parents sont régisseurs, au service de monsieur le vicomte du Parc.

Cette normalienne de 19 ans s’apprête à participer au voyage de promotion du 14 juillet. Pour cela, elle a demandé à sa couturière de Verrières de lui confectionner une jaquette, et l’essayage terminé, vers 17 h 30, elle repart au château.

A 19 h, ne la voyant pas de retour, ses parents pensent à un accident. Son père va chez la couturière qui lui confirme le départ de sa fille. Au lever du jour, M. Brigandet va à la gendarmerie faire sa déposition.

Les gendarmes enquêtent à Buchères, Maisons-Blanches, Moussey et Verrières. Ils fouillent le lit de la rivière et les bois environnants.

Le dimanche matin au lieu-dit Le Champ du moulin, ils trouvent un petit peigne, un morceau d’étoffe près de fils de fer barbelés, et dans un trou d’eau un cadavre qui est celui de Geneviève !

Le Parquet et la Police sont prévenus, le procureur, le juge d’instruction, le greffier, le médecin légiste arrivent sur les lieux. L’autopsie indique que Geneviève n’a été victime d’aucune violence. Juste un hématome au-dessus de l’oreille droite. Elle a succombé à une hémorragie interne. La mort n’est donc pas due à une immersion, c’est un cadavre qui a été jeté dans ce trou d’eau. Le corps est transporté à la mairie de Buchères. C’est alors l’audition des témoins. La couturière confirme que la jeune normalienne était enjouée et qu’elle lui a remis un échantillon de tissu (celui retrouvé), avant son retour pour le château, vers 17 h 30.

Une habitante de Verrières signale que près de La Fosse aux Carpes le vendredi soir, elle a entendu un bruit de lutte, des cris étouffés, a vu briller dans les broussailles le guidon d’un vélo. Un restaurateur à Troyes et Verrières, dit avoir aperçu lui aussi, vers 17 h 50, un guidon de bicyclette émergeant de fourrés.

Le jeudi 11 juillet, les obsèques de Geneviève Brigandet ont lieu à Buchères, avec le curé de Bréviandes et l’abbé Boudoul, curé de Moussey. Les discours d’une élève, puis de la directrice, sont entrecoupés de sanglots, comme dans l’assistance.

Quatre jours plus tard, le mystère persiste ! Le commissariat fait paraître un article demandant aux personnes qui auraient emprunté la route de Verrières à Buchères, le vendredi après-midi, de se faire connaître. On a retrouvé le corps, mais où se trouve la bicyclette ? - Suicide ? - Accident mortel ? - Crime ? Après les auditions le crime ne fait aucun doute. Mais, quels peuvent en être les motifs ?

- Suspect n°1 : un automobiliste ? La jeune fille a peut-être été heurtée par un automobiliste qui aurait caché le corps dans un trou d’eau. C’est invraisemblable, car il aurait fallu porter 150 mètres, par-dessus une clôture, des fils de fer barbelés, à travers des ronces… le corps très robuste, avant de le précipiter, dans le trou d’eau ! Enfin, que serait devenue sa bicyclette ?

- suspect n°2 : lors des obsèques, un jeune homme s’écroule inanimé. C’est un ami d’enfance de Geneviève. Cela éveille aussitôt la curiosité les gendarmes, mais ils écartent cette piste ! La piste est aussitôt abandonnée, puisque le vendredi tragique, ce jeune homme n’a pas quitté la ferme de ses parents, où il a chargé tout l’après-midi du fumier !

- suspect n°3 : un jeune déséquilibré ?

- suspect n°4 : un inconnu aurait donné rendez-vous à Geneviève à La Fosse aux carpes ? Une discussion, elle est frappée, son interlocuteur prend peur et la jette dans le trou d’eau ? La police regrette que l’autopsie ait été faite dès la découverte du corps, et surtout, sans la présence ni du commissaire, ni de l’inspecteur, qui auraient peut-être décelé des indices pouvant être d’un précieux appoint pour leur enquête ! Les tests avec ADN n’existaient pas encore.

Pour madame X de Méry-sur-Seine, ce serait un drame de la jalousie :

- suspect n°5 : une jeune fille jalouse. Madame X avait 23 ans à l’époque était une amie de Geneviève, qui venait de se fiancer à un jeune instituteur qui faisait son service militaire au 35ème  Régiment d’Infanterie à Belfort. La jeune fille, auparavant, aurait eu une liaison, et Geneviève aurait reçu des menaces d’une femme qui fréquentait le même jeune-homme.

- suspect n°6 : un cambrioleur. monsieur Z, qui parle d’un cambrioleur, que Geneviève aurait reconnu lors d’un vol commis au château de Villebertin, la veille de sa disparition !

Visite à madame Y de Pont-Sainte-Marie, qui aurait reçu les confidences de ses parents et grands-parents… 1 jeune, travaillant aux Transports Lauvergeat serait notre 7° suspect.

Madame S.F. qui habite Maisons Blanches, et connaissait bien Geneviève confie que depuis 70 ans, elle ne peut s’empêcher de penser à Geneviève chaque fois qu’elle passe devant le château ! Je l’interroge sur ses souvenirs de cette époque, et j’inscris le nom d’un 8° suspect : le Vicomte du Parc ! A l’époque, la rumeur parlait d’un crime commis par le Vicomte du Parc.. Bernard du Parc a en effet été mis en prison, mais relâché faute de preuves deux jours plus tard !

Je rends visite à monsieur B.C . Pour lui, il y aurait un - 9°suspect : un soldat !  L’audition, à l’époque de soldats n’a pas eu de suites. Il me reste un important témoin : Mme Fays, dont les parents étaient, en 1939, régisseurs du Château, où elle habite. A ma question : " Après ce drame, en avez-vous parlé avec votre père ? ", elle me répond : " Oh oui, plusieurs fois, mais c’était toujours bouche cousue, et je n’ai plus insisté devant la fureur du père !!! ". " En avez-vous parlé avec les vicomtes Maxime ou son frère Bernard ? "."M. Bernard m’a dit avoir été mis en prison à ce sujet, et qu’il ne voulait plus en entendre parler ! On a aussi parlé du curé d’une commune proche, qui passait sa vie au château, et y commandait tout le monde, même M. le Vicomte ! La rumeur disait que c’était lui le coupable ! "

Suspect n°10 : le curé voisin ! Mais cette dame ne sait pas s’il a été entendu par les gendarmes à cette époque, c’est seulement M. Hugerot qui le lui a affirmé ! Lorsque je rencontre Mme Fays, elle pousse le fauteuil roulant de son époux dans l’allée du château. Avant de les quitter, je lui pose cette question : " Et vous, M. Fays, avez-vous quelques souvenirs de ce drame ? ".

" Ben oui, pour moi, j’avais entendu dire que c’était l’œuvre du marchand de frites qui était sur la plage de Villepart, où il venait le dimanche et les jours de fête l’été ! "

Suspect n°11 : le marchand de frites. Cette hypothèse n’est pas plausible, Geneviève Brigandet ne fréquentait que la plage de Verrières !

En recherchant les témoins de ce drame, j’ai recueilli 70 ans après :

- 11 confidences, mais….

- 11 hypothèses différentes, donc…

- 11 assassins présumés !!

La solution de l’énigme est aujourd’hui entre vos mains. Pour vous, quel est l’auteur de ce crime ?

Le 17 Mai 2020, j'ai reçu un message au sujet du crime que j'avais relaté ci-dessus. Ce correspondant, qui me demande l'anonymat, mais que je remercie chaleureusement, apporte des éléments complémentaires à ce dossier :

" J'ai retrouvé ces éléments dans des papiers manuscrits de ma mère, qui était condisciple de Geneviève Brigandet à l'Ecole Normale d'Institutrice de Troyes.

Elles ont été très proches, et se sont brouillées pour des affaires de coeur.

Ces éléments ne sont ni une preuve, ni un témoignage, mais un récit autobiographique dans lequel les noms ne sont pas indiqués, et les prénoms changés.

 Mais je sais, pour en avoir beaucoup entendu parler dans mon enfance, de qui et de quoi il s'agit.

L'Hypothèse émise est la suivante : les propriétaires du château ont un fils (Hubert dans le texte de ma mère), un peu retardé mentalement, et très amoureux de Geneviève.

Ma mère le rencontre dans le parc du château quelques semaines avant le crime (les dates ne sont pas précisées), lors d'une promenade solitaire dans la forêt.

Au jeune homme qui demande des nouvelles de "Viève", ma mère répond qu'elle n'est pas là, et propose, par jeu, qu'ils la cherchent tous les deux.

Lors de la longue promenade qui suit, le jeune homme dit tout son amour pour Geneviève, qu'elle lui appartient, qu'il est malheureux  quand elle est à l'école, qu'il voudrait qu'elle soit toujours là et qu'il ne la laissera plus jamais quitter le château.

Ma mère, qui, rappelons-le, est maintenant brouillée avec Geneviève, après une phase d'amitié assez exclusive à l'école, et est très remontée contre elle, est alors prise d'une sorte de frénésie verbale contre son ex amie, qui, selon elle, a beaucoup changé et la rejette.

Elle dit alors à Hubert toute l'indifférence de Geneviève pour lui, son dégoût du château et de sa forêt, dans lequel ses parents sont domestiques. Elle dit que Geneviève est fiancée, qu'elle partira, loin de la forêt, du château et de Hubert...

Hubert pleure, s'agite et refuse d'entendre ce que ma mère lui raconte.

Ma mère le calme et le console, en lui donnant des bonbons, un peu inquiète toutefois de tout ce qu'elle vient de dire.

Quelques jours plus tard, les vacances scolaires arrivent et ma mère part quelques jours.

A son retour, elle apprend l'assassinat de Geneviève, la veille...

A ma connaissance, ma mère n'a jamais été auditionnée et n'a aucunement fait état des faits relatés dans son texte.

Je ne veux, ni ne peux porter, de grave accusation sur la base de ce qui précède, seulement ajouter un suspect non évoqué, dans votre liste, déjà étoffée ".

 

Raconté par mon arrière-grand-oncle

 

Les châteaux dans l'Aube


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