“
L'Art commence où la nature cesse d'agir ...”
Beaucoup de Francs-Maçons rejettent l'Alchimie et la classent dans la catégorie des " fausses sciences " et des superstitions inhérentes à une époque d'obscurantisme. C'est que le terme d'Alchimie est assez rarement compris. Un Adepte récent : Fulcanelli, en son livre " Les Demeures Philosophales " s'est cependant longuement efforcé de faire comprendre tout ce qu'elle n'est pas, tout ce qu'elle ne saurait être. Etant entendu qu'on ne comprend vraiment ce qu'elle est qu'avec la Grâce de Dieu et l'aide d'un ami. Il est certain que l'Alchimie n'a jamais été un moyen artisanal de fabriquer de l'or, le soir au bout de sa table de cuisine. Il est certain aussi qu'elle n'est pas l'ancêtre de la moderne chimie, non plus que les premiers balbutiements de celle-ci. C'est la spagyrie, l'hyper-chimie qui assume ce rôle et il est certain que ceux qu'on appelait, non sans raillerie, les " souffleurs " ont obscurément contribué à créer ce que la science moderne nomme la chimie. Mais l'Alchimie, l'Alchimiste dont on représente ce dernier, le plus souvent sous les traits d'un vieux sage dont les yeux se sont usés dans les grimoires ; cet art et le Maître qui le professe sont sans rapport comme sans commune mesure avec ce à quoi s’intéressent la science et les scientifiques.
L'Alchimie c'est l'Art
des transformations évolutives. L'évolution c'est la distance qui sépare
l'Alpha de l'Oméga, l'Alpha c'est le Verbe Créateur, c'est la poussée
initiale... L'Oméga c'est le terme. Louis Claude de Saint Martin dit : "
L'origine se confond avec la fin des choses ". Mais ne nous limitons pas à
ce qui a une vie apparente indiscutable. Tout ce qui existe vit et disons
simplement que la vie se manifeste différemment dans chacun des règnes, que la
conscience y est plus ou moins endormie et que chez l'homme ordinaire elle est
le plus souvent à peine éveillée. Cette idée d'une conscience propre à tous les
règnes y compris les minéraux, voire même d'une mémoire se trouve sous la plume
d'un grand Maçon contemporain : J. Corneloup, en son livre : " D'Alpha à
Oméga : la Vie ".
Dès lors si nous avons
reconnu qu'une même loi assume l'évolution de tout ce qui existe quelque soit
le règne envisagé ou l'ordre de grandeur circonscrit dans l'espace et le temps,
si nous admettons que des processus invariables tendent à faire jaillir le
maximum de perfection possible sur un être, ou une catégorie d'êtres donnée,
toujours dans l'un quelconque des règnes. Si enfin nous jugeons concevable
qu'il soit possible à l'homme de saisir cette loi en l'une des ses corrélations
et de l'appliquer de telle façon qu'une évolution minérale qui réclamerait sans
doute un nombre incalculable d'années, va se trouver réduite à un temps très
court du fait que l'Art va supplanter la nature, alors nous concevons la somme
de Sagesse qui se peut déduire d'une telle Opération. Cet Art, c'est l'Alchimie
: l'ART ROYAL. Et nous voyons clairement que son but essentiel n'est pas de
faire de l'or.
L'homme a tendance à rejeter tout ce qu'il ne comprend pas, ou tout du moins à le classer dans une catégorie qui lui est immédiatement accessible et le plus souvent il se contente de ces sortes de clichés. Pour l'ensemble des profanes, faute de pouvoir atteindre une compréhension raisonnable de la Franc-Maçonnerie, faute de pouvoir l'expliquer, ils échafaudent des invraisemblances, la ramenant au médiocre niveau de leur jugement. Pour les uns la F\ M\ est une organisation politique, clandestine puisque secrète, dont le but essentiel est de secouer dans l'ombre les fondements des Etats et des sociétés qui, d'aventure, se trouveraient contrecarrer des plans qui demeurent, en vérité obscurs... Pour d'autres il s'agit d'un mouvement anticlérical, ou d'une mafia dont les membres se distribuent, sous un manteau couleur de muraille, des places et des prébendes... Voire même une association de Mages malfaisants se livrant aux pires diableries. Que n'a-t-on dit, pas écrit ? Les débordements de Léo Taxil restent en filigrane dans les consciences profanes : le Franc-Maçon demeure un homme inquiétant ou un farfelu.
La Franc-Maçonnerie,
dit-on, ne se comprend que vue de l'intérieur. Cela est vrai. Encore qu'il
faudrait aussi comprendre que le Symbolisme est un langage universel et que
s'il est écrit: " Frappez et l'on vous ouvrira... " il faut bien
admettre que la porte qui s'ouvre est celle à laquelle on a frappé. L'objet de
ce travail est l'Alchimie, c'est donc sous cet angle seulement que je traiterai
de Maçonnerie. En précisant qu'il m'est arrivé de me demander ce que les
colonnes J\ et B\ à l'entrée du Temple, le Soleil et la Lune à l'orient, les
douze signes du Zodiaque entre autres, sans parler du cabinet de réflexion et
de ce qui s'y trouve pouvaient bien représenter si on rejette à priori
l'Alchimie. Mais un grand Maçon : Oswald Wirth, a assez abondamment traité de ces
Symboles sous leur aspect Hermétique, aussi ne ferai-je que les signaler
lorsqu'ils se présenteront.
Nous pouvons d'ores et
déjà entrer dans ce qui fait l'objet de ce travail, car en tentant de définir
ce qu'est la F\ M\ nous verrons qu'elle est en liens étroits avec l'Alchimie et
que, bien mieux elle est une Alchimie.
- I - Entre l'ART ROYAL
(l'Alchimie) et la VOIE ROYALE (la F\M\) nous allons dès lors essayer d'établir
toutes les similitudes. Etant entendu que nous considérons comme analogue la
" Minière des Sages " dans son gîte métallifère et le " profane
initiable " dans le monde profane. Admettant d'autre part, ainsi que le
précise René Guénon dans son livre " Aperçus sur l'initiation " que
la Franc-Maçonnerie est une, sinon la grande voie de l'Initiation en Occident.
Tous les minerais, les
Sages l'ont bien précisé, ne sont pas aptes à être employés dans l'Art
d'Alchimie. Parmi les minerais il en est un seul qui convienne, et sa
désignation par son nom profane est un des grands secrets de l'Art, mais tous
les morceaux, toutes les parcelles de ce minerai recueillis dans la mine ne
sont pas d'une égale qualité : ils sont plus ou moins purs ce qui rend la durée
de l'Œuvre variable et les différentes Opérations plus ou moins délicates. De
même tous les profanes ne sont pas initiables, il s'en faut. Et parmi ceux que
le destin, le Karma a amené au bord de l'initiation, ou si l'on veut : parmi
ceux que Dieu a appelé à " mûrir " plus vite, tous ne présentent pas
les mêmes qualités, les mêmes possibilités. Car, ainsi que nous l'avons vu,
c'est bien une maturation accélérée qui est le but de l'Alchimie et de
l'Initiation, respectivement au minéral et à l'homme. Sans le concours de
l'Art, la parcelle de " Minière des Sages ", comme l'homme resterait,
l'une dans sa mine, l'autre dans le profane et l'évolution connaîtrait la
lenteur et les échec de la nature.
Nous savons que c'est
grâce à l'action du " Spiritus Mundi " que la " Pierre des
Philosophes " va devenir la " Pierre Philosophale ". Au niveau
du Minéral ce " Spiritus Mundi " est un Sel chimique, dont le nom
profane est aussi un des grands arcanes de l'Art Alchimique. Au niveau de
l'Initiation Maçonnique c'est un influx psychique, une action de la Loge en
tant que vectrice des forces de l'Egrégore de l'Ordre. Je dirais bien qu'il
s'agit là d'une corrélation du Saint-Esprit, aussi bien sur le plan de
l'Initiation humaine que sur celui de l'Alchimie minérale, mais je sais que
disant cela je vais m'attirer les véhémentes protestations aussi bien des
Francs-Maçons que des Catholiques : Les premiers vont sans doute me suspecter
de subordonner l'Initiation Maçonnique aux croyances particulières de l'Eglise
Catholique ; les autres vont trouver blasphématoires de ramener le Saint-Esprit
à l'action d'un sel chimique. Qu'importe, les Alchimistes me comprendront et
ces lignes s'adressent à eux.
Le Grand Œuvre
Alchimique comporte ( en exceptant la pré-préparation) une première phase : la
Préparation, comprenant elle-même deux opérations la mortification et la
séparation. Par Mortification il faut entendre l'action de concasser, de broyer
et de pulvériser la Materia Prima. Quant à la séparation c'est proprement la
mort de cette Materia Prima puisque nous voyons l'Esprit et l'âme de l'être
minéral quitter le corps, c'est à dire en termes Alchimiques : Le Sel et le
Mercure séparés du Soufre.
Je précise encore que
c'est l'aspect essentiellement initiatique de la F\M\que j'ai retenu, que c'est
sous cet angle et sous cet angle seulement que je l'envisage. Donc au plan de
l'homme, il y a bien quelque chose qui amène un être donné à solliciter
l'Initiation Maçonnique. Là encore j'élimine les curieux, ceux que le goût du
mystère ou tout autre motif encore moins avouable peuvent avoir conduit
jusqu'au Parvis du Temple et ne retiens que ceux qui sont initiables ;
c'est-à-dire ceux qui recevront avec fruit l'Initiation et s'engageront tout
entier et sans restriction sur la Voie Royale. Il est plus que probable que ce
quelque chose qui les aura amené à se poser des questions qui ne préoccupent
habituellement pas leurs contemporains, des questions que ni les religions ni
les philosophies ni aucune idéologies partielles et partiales du monde profane
ne solutionnent pleinement, ce quelque chose, dis-je, sera une suite d'épreuves
ayant rompu toutes les amarres qui maintiennent en place ( c'est-à-dire dans
leurs illusions et leurs demi-vérités ) les profanes. Ces épreuves peuvent
n'être pas physiques. Elles sont en tout cas le fait de la souffrance
intérieure d'un homme qui se cherche : c'est la mortification... La Séparation
c'est cette sensation éprouvée par l'Ame que LA VIE n'est pas cette vie ( je
veux dire n'est pas que cette vie ) que nous ne sommes pas que cet ego à la
recherche de ses puériles satisfactions, de ses bonheurs fugitifs et tronqués.
La Materia Prima est
préparée. Le profane est à la porte du Temple. Le Grand'Œuvre va passer à la
phase active.
1° INITIATION : Pour la
Materia Prima c'est SOLVE. Il s'agit de rendre Eau, la Terre par le Feu. Les
Matières vont mourir, tout va pourrir. L'entité minérale va cesser d'être en
tant que telle et c'est au sein même de cette dissolution que va naître et
croître le germe d'une vie nouvelle : La GRANULATION. C'est une loi universelle
: Il faut qu 'un grain de blé soit mis en terre, qu'il y pourrisse, qu'il cesse
d'être un grain de blé pour qu'un nouvel épi jaillisse du germe infime né de la
pourriture même de ce grain.
Pour le profane, futur
Maçon, c'est le premier degré de la Maçonnerie symbolique. Il est reçu
Apprenti. Nous verrons plus en détail cette première Initiation qui est à elle
seule, ainsi que l'a dit Oswald Wirth, toute la Maçonnerie. Contentons-nous,
pour l'instant de constater l'étonnante similitude entre l'ascèse Maçonnique et
le Grand'Œuvre. Toute la symbolique Maçonnique tourne évidemment autour de
l'idée de construction. Le profane, c'est une pierre brute inutilisable comme
telle dans la construction sacrée du Temple universel. L'Apprenti aura pour
tâche de tailler cette pierre (cette pierre qui est lui-même) pour en faire une
Pierre cubique propre à la construction envisagée. Pour mener à bien cette
tâche deux outils seront à sa disposition, deux outils qui symboliseront son
grade : Le maillet et le ciseau.
Le ciseau, passif,
symbolise la pensée s'ouvrant à la Connaissance, les résolutions, aussi, prises
par cette pensée enrichie de Lumière... Le maillet, actif, c'est la volonté qui
va faire passer en acte, en réalité ce que l'esprit a perçu ou conçu. Dès lors,
nous voyons que l'apprentissage consiste, en fait, à détruire, à dissoudre (
Solvere ) la personnalité profane. Non pas en lui superposant une autre
personnalité. Je veux dire en lui apprenant une nouvelle science, une nouvelle
morale, un nouveau " savoir-vivre ", mais au contraire en l'aidant à
se réaliser, en le faisant être intégralement ce qu'il est. C'est-à-dire en
faisant pourrir l'être fictif que les conditionnements naturels ont faits de
lui et conjointement en faisant naître au sein de sa propre dissolution le
germe de ce qu'il va être, de ce qu'il est, de ce qu'il devrait être. Car c'est
bien de la mort du vieil homme que naît l'Initié. C'est bien durant la longue
nuit dont parle Saint Jean de la Croix, qu'à leu le mariage de l'Ame avec son
Divin Amant. Mais restons à la Maçonnerie : c'est bien de la destruction de la
pierre brute, de son remodelage que naît la Pierre cubique.
Dans le Rituel "
Ancien et Primitif de Menphis-Misraïm, le Grand-Expert s'adressant au candidat,
avant que de frapper à la porte du Temple, lui dit : " S "initier,
Monsieur, c'est apprendre à mourir ... ".
En fin de Solve
l'Alchimiste coupe la " tête au Corbeau ", nous sommes alors en
possession de la QUINTESSENCE. Le flacon sera ouvert pour permettre la
Végétation. En Maçonnerie nous passons au Grade de Compagnon.
2° INITIATION : Alors que la caractéristique fondamentale de Solve était la putréfaction et la mort desquels naissait une vie nouvelle, la caractéristique de Coagula sera la construction et le perfectionnement de cette forme nouvellement née. Elle sera d'abord nourrie, tel un enfant, du " Lait Virginal ", c'est-à-dire du Sel philosophique qui a débuté Solve. Un axiome Alchimique nous dit en effet que " Toute chaleur activée dans un lieu humide donne la couleur Noire et que toute chaleur activée dans un milieu sec donne la couleur blanche, puis la couleur rouge ", car la Pierre au Blanc sera nourrie précisément de la QUINTESSCENCE.
Solve a vu la
destruction de l'entité minérale en tant que Materia Prima. Du pourrissement et
de la mort de cet être est né une Granulation germe d'un nouvel être plus pur
et que les Maîtres ont appelé " l'Enfant-Roi ". C'est à porter ce
germe à l'état adulte que va tendre Coagula. Et la Pierre rubifiée de la fin de
Coagula est bien cet " Enfant " devenu adulte.
L'Apprenti Franc-Maçon,
durant son apprentissage, et sous l'effet de ce que certains ont appelé le
" travail de la Loge " a vu se dissoudre sa personnalité profane. Le
ciseau de sa pensée s'est aiguisé sur l'universel et libre langage des
Symboles. Et sans doute certains de ces Symboles ont commencé d'ouvrir pour lui
leurs inépuisables trésors. Le Maillet de sa volonté a fait passer en acte,
avec fermeté, dans sa vie ce que sa pensée a pu saisir de la mouvante Vérité ;
et c'est ainsi que s'est formé en lui le fragile embryon du nouvel être, de
l'Initié qu'il est en train de devenir. Tout autour de cet embryon c'est la
nuit, car pour la première fois cet homme est libre. Il a rompu les amarres du
profane : plus de morale toute faite. Plus de croyances acceptées globalement.
Plus de vérités enseignées. Fini le confort de la vérité des autres, de la
vérité pour tout le monde. Il ne reste qu'une expérience à vivre, qu'une
lumière à découvrir dans l'obscurité de son incarnation, au fond de l'abîme
d'un " moi " qui s'effiloche...
Dans la nuit ainsi que
toute " génération " un Initié est né. Mais c'est un enfant si
fragile... " J'ai trois ans, mon Frère " répond l'Apprenti-Maçon
lorsqu'on lui demande son âge. Mais nous verrons plus tard pourquoi le Trois
est le Nombre de l'Apprenti.
Toute l'Initiation,
tout le travail du Compagnon aura pour objet de consolider ce germe naissant,
d'élever cet enfant. La pierre est grossièrement taillée, il s'agit de la
parfaire.
L'Apprenti a tué le
profane, le Compagnon va développer en lui l'Initiation, il va s'affermir et
devenir vraiment un Initié. Et nous verrons qu'en fin de compte un Franc-Maçon
n'est jamais autre qu'un Compagnon. C'est-à-dire un de ceux qui partagent le
même pain (Compagnon, du latin Cum : avec et panis : pain) participe à la même construction
sacrée : " Le Temple universel élevé A-la-Gloire-du-Grand
Architecte-des-Mondes " 3°INITIATION : Nous arrivons à la dernière
Opération Alchimique. En fin de Coagula, si l'Artiste a bien œuvré, il est en
possession de la Pierre au Rouge. Mais nous savons que cette Pierre qui
contient encore des impuretés est considérée par les Maîtres comme le "
Faux-Prophète " de l'Apocalypse. Elle a atteint une certaine perfection
intérieure, mais elle est inapte à opérer les transmutations des métaux
vulgaires en or. Pour qu'elle soit à même d'opérer ces transmutations et de
collaborer ainsi à la rédemption minérale, il lui faut être multipliée, pour
cela elle devra être à nouveau broyée, puis mourir comme durant Solve et
repasser par toutes les Opérations jusqu'à ce qu'elle revienne au Rouge, alors
en cet état elle pourra transmuter dix fois son poids. Et il sera possible de
recommencer encore et toujours et à chaque fois elle multipliera sa puissance
transmutatoire.
Au niveau du minéral,
il y a des limites à cette Voie de Perfection, elles sont essentiellement
définies par l'impossibilité pour l'Artiste d'opérer assez vite et pour les
ballons de contenir une Chrysopée devenue liquide et radiante, etc.
Nous allons voir que la
Maîtrise Maçonnique correspond très exactement à la Multiplication Alchimique.
Le Franc-Maçon, à la fin de son temps de Compagnon est très exactement ( doit
être très exactement ) en l'état de la Pierre fin Coagula. L'Initié, en lui a
grandi, il a travaillé à l'œuvre commune de construction. Sa morale, il l'a
construite lui-même dans son cœur. Ses croyances ne lui ont pas été apprises,
elles sont le fruit d'une expérience et d'une méditation corollaire. L'Amour
n'est pas pour lui une loi morale, c'est une Connaissance et il sait s'élever au-dessus
de ma mêlée et trouver la Vérité là où elle se cache. Mais ce Temple, c'est un
Temple intérieur, il l'a construit en lui, pour lui, il n'est pas encore
capable de transformer ce qu'il touche, de régénérer ceux qui l'approchent ...
Il n'est pas encore un Maître.
La Maîtrise c'est la
Multiplication et nous verrons dans un instant que son appareil funèbre évoque
parfaitement ce recommencement. Mais avant que d'aborder le détail des
Initiations proprement dites, je voudrais préciser davantage ce que je n'ai
fait qu'évoquer au sujet du Compagnon.
On considère
d'ordinaire le deuxième Degré de Compagnon comme un Grade intermédiaire entre
celui d'Apprenti et celui de Maître, et cela est vrai dans un certain sens.
Mais en fait l'Apprentissage conduit à la Maçonnerie proprement dite. Car un
Franc-Maçon n'est rien d'autre qu'un Compagnon et la Maîtrise est ce but jamais
complètement atteint. Le F\M\ est donc un Compagnon sorti d'Apprentissage et en
quête de Maîtrise. Car s'il y a une limite à la perfection des Multiplications
Alchimiques, si la condition humaine implique elle aussi ces limites à la
perfection Initiatique, la raison de l'homme sait que cet Absolu existe ( ou
plutôt est ) bien que sans pouvoir le saisir parce qu'au-delà de toute raison
humaine. Et la Voie Royale est cette Voie qui va indéfiniment vers la Maîtrise,
vers l'Absolu. Le Franc-Maçon est ce Compagnon qui marche de tout son être, de
toute sa volonté vers l'UNITE. C'est un " Pèlerin de l'Absolu ".
- II - Entrons plus
avant dans le détail de la rituelie des trois Initiations Symboliques, et
précisant que les Rituels sont innombrables dans leur forme et que je vais
m'efforcer de glaner ça et là dans ce que j'ai vu et compris et qui a un
indiscutable parallélisme Alchimique, étant entendu que toutes les autres
interprétations qui ont pu être données ne sont pas fausses pour autant. Disons
qu'elles sont à un autre niveau, qu'elles sont traitées autrement et qu'elles
s'adressent à un autre entendement ? Le Symbole est universel.
La première phase de
l'Initiation d'Apprenti c'est le " cabinet de réflexion ". C'est un
local exigu, aménagé, en principe, dans une cave. Là, le récipiendaire séjourne
un temps plus ou moins long. Il est assis sur un escabeau de bois devant un
pupitre, afin d'y pouvoir rédiger son " testament philosophique ".
Devant lui deux coupes : l'une contenant du sel, l'autre contenant du soufre.
Puis une tête de mort. Ce réduit est le plus souvent éclairé par une chandelle.
Au mur quelques inscriptions un peu grandiloquentes telles que : " Si la
curiosité t'a conduit ici, va-t’en ... " ou : " Si tu es capable de
dissimulation, tremble, on te pénétrera... " Mais insistons plutôt :
" Si tu persévères, tu seras purifié par les Eléments, tu sortiras de
l'abîme des ténèbres, tu verras la Lumière.... "
Enfin toujours au mur :
un tableau sur fond noir sur lequel se détachent en blanc d'abord un coq, puis
un sablier et une faux, puis encore au-dessous, au centre, une tête de mort et
de chaque côté les Symboles spagyriques du Soufre et du Sel, au milieu du tout,
ces deux mots : " VIGILANCE - PERSEVERANCE ". Et pour finir, dans un
autre coin du mur, l'inscription : VITRIOL.
Le symbolisme
Alchimique me semble vraiment très visible. Le récipiendaire, dans cet "
in space " souterrain c'est assurément la pierre des philosophes dans sa
minière. Il en sera retiré par les offices du Frère Grand-Expert pour être
conduit dans le Temple, tout comme le minerai pour être placé dans l'Athanor.
La coupe de sel et la coupe de soufre, tout comme leurs symboles spagyriques
peints sur le tableau se passe, je crois de commentaires. Le crâne humain et la
tête de mort peints sur le tableau, c'est le " Caput mortuum " la
Terre damnée des Philosophes ". Quant à la dernière sentence que j'ai
citée, elle résume toute l'Alchimie : la première partie se rapporte
indiscutablement à la phase Solve ( l'abîme des ténèbres ) et aux phases de
Coagula qui lui font suite ( tu verras la Lumière ). Le coq symbolise l'élément
volatil, souvent on lui oppose un quadrupède pour symboliser le " fixe
". La faux et le sablier sont l'un et l'autre des Symboles propres à
Saturne, planète qui régit l'Œuvre jusqu'à la fin du Corbeau où commence le
régime de Jupiter. Enfin, s'il est deux mots qui peuvent parfaitement
s'appliquer à l'Alchimie c'est assurément : Vigilance et Persévérance...
Vitriol, c'est évidemment : " Visita Interiora Terrae Rectificando
Invenies Occultum Lapidum " soit : Visite l'intérieur de la terre et en
rectifiant (par l’Art) tu trouveras la Pierre cachée des Sages.
A un moment donné le
F... Grand-Expert vient préparer le récipiendaire. Pour ce faire on lui retire
son soulier gauche, on lui relève la jambe droite de son pantalon
jusqu'au-dessus du genou, puis ne lui ayant laissé sur le buste que sa chemise,
on lui dénude tout le côté gauche de la poitrine et on lui bande les yeux.
C'est dans cet appareil qu'il sera conduit au Temple.
Nous n'insisterons pas
sur le fait qu'il n'a qu'une chaussure. La similitude avec la légende de Jason
est par trop évidente et nous savons que c'est la perte de cette chaussure qui
décide de l'expédition des Argonautes et il est connu que cette légende, comme
d'ailleurs toutes les légendes sont des récits Alchimiques. Par contre il y a
lieu d'insister davantage sur le fait que cette " Préparation " du
récipiendaire a pour objet de le mettre dans un état où il n'est " ni nu,
ni vêtu ". Cette préparation ne serait-elle pas la Préparation Alchimique
? Opération qui, en fait a pour but d'épurer sommairement la Matière. Et ce
candidat à l'Initiation Maçonnique " ni nu, ni vêtu " n'est-il pas la
matière sommairement épurée ? De plus, si nous considérons l'Alchimie comme un
éternel recommencement, l'abandon d'une partie des vêtements n'est-il pas la
représentation de ce qui se passe durant Solve, lorsque lors de la "
Mondification " toute une partie de soufre non amalgamable est abandonnée.
il y a là, je pense une interprétation qui peut se faire en plusieurs "
épaisseurs ", comme souvent en Alchimie. Le bandeau c'est, bien sûr,
l'ignorance du profane et alchimiquement la pierre obscurcie par les
terrestréités qu'elle contient.
Enfin le récipiendaire
est introduit dans le Temple. Il doit presque ramper pour passer sous la porte
" qui est très basse " disent les Rituels. C'est que, alchimiquement,
le col du Ballon est très étroit. Le Temple c'est l'Athanor et dans le cas
particulier de Solve c'est un Ballon soigneusement bouché, tout comme le Temple
dont la porte est elle aussi soigneusement fermée. Le F\ Couvreur veille à ce
que le Temple soit couvert...
L'initiation au Grade
d'Apprenti se compose principalement de trois " voyages " qui sont
chacun une purification par un Elément. On considère alors que le séjour dans
le cabinet de réflexion, séjour souterrain, correspond à la purification par la
Terre. Or au cours de la Préparation Alchimique, l'Agent Salin est bien utilisé
sous son aspect de terre, et c'est bien comme Sel qu'il va permettre la
Séparation. Nous sommes donc bien au début de Solve.
Le premier voyage dans
le Temple sera la Purification par l'Eau. Parti de l'Occident sous la conduite
de " l'Expert " il passe par le midi, l'Orient et revient par le
Nord. Sa marche est semée d'embûches et de traquenards. Elle se déroule dans le
bruit et le tumulte assourdissant des épées que les FF\ de la Loge frappent
violemment sur le sol et des maillets que le Vénérable-Maître et les deux FF\
Surveillants heurtent à leurs plateaux respectifs. Revenu au Nord il est arrêté
par le F\ 2ème Surveillant ( je laisse volontairement ce qui ne me paraît pas
avoir un intérêt Alchimique très précis ). On plonge alors le bras du
récipiendaire dans un seau d'eau. C'est la Purification symbolique par l'Eau.
Alchimiquement, il me
semble tout à fait évident que nous sommes au début de Solve. Cette agitation
de la Loge n'est-elle pas l'effervescence dans le Ballon, lorsque le Feu Salin
excité par le 5ème Feu réveille les trois Feux de la Materia Prima et que
s'affrontent les principes adverses. C'est dans cet affrontement que se fait la
Conjonction, c'est bien au cours de cette Initiation que naît l'Initié. L'Eau,
c'est le " Feu-Eau " qui ne mouille pas les mains et qui entraîne la
liquéfaction propre à Solve. Ainsi le " mariage " dans les
proportions de nature est symboliquement fait.
Le Deuxième Voyage :
Purification par l'Air. Même itinéraire, mais ce n'est plus le grand bruit du
premier voyage. Les épées effleurent légèrement le sol, comme un souffle. Il
n'y a plus d'embûches, la voie est libre. Le candidat est conduit cette fois
jusqu'au Midi où le F\ 1er Surveillant l'arrête. Le F\ Maître des Cérémonies
souffle trois fois sur le front du néophyte. Le deuxième voyage est terminé.
Ici une petite parenthèse : il y a inversion dans le " Rite Ecossais
" de l'emplacement des Surveillants. J'ai suivi pour cette description le
rituel de Menphis-Misraïm qui pour ce qui est de la place des Surveillants est
semblable au Rituel du Grand-Orient. Ceci n'a du reste aucune importance dans
ce travail consacré à l 'Alchimie. Je l'ai déjà précisé, les Rituels sont
nombreux et cela prouve le caractère d'universalité de la Franc-Maçonnerie.
Alchimiquement (seul aspect qui intéresse ce travail), cette purification par l'Air me semble indiquer ce Feu énergétique ou 5ème Feu qui du début à la fin anime la Matière et permet d'en soumettre toutes les parcelles à l'action purificatrice et régénératrice de l'Agent Igné, qui permet aussi l'excitation de cet Agent. Enfin nous savons que ce Sel prend tour à tour l'aspect des quatre Eléments...
Le Troisième voyage :
Purification par le Feu. Ici nul bruit, nulle embûche, mais arrivé à l'Orient,
le récipiendaire se trouve environné par la flamme qui sort de la " pipe à
lycopode ". Revenu à l'Occident, il entendra, comme lors des précédents
voyages, le discours initiatique.
Ici, rien à préciser,
l'Alchimie est la philosophie par le Feu. Ce voyage l'indique expressément. Il
s'agit donc de l'Agent Igné. Je dirais même qu'il s'agit toujours de l'Agent
igné, puisque celui-ci est le " Chaos des Sages " et qu'il contient
en lui tous les Eléments. Il est donc tour à tour : Terre- Eau. Air, Feu, sans
cesser d'être aussi et simultanément les trois autres Eléments.
Après ces trois
voyages, le récipiendaire est conduit sur les Parvis, c'est-à-dire hors le
Temple... Lorsqu'il y est réintroduit, tout est changé : Les Luminaires du Temple
sont éteints, un Frère (Apprenti le plus souvent ) gît à l'Orient, les pieds
sur le premier des trois degrés qui conduisent à la Chaire du Maître, un
plastron rouge placé sur sa chemise simule le sang. Une torchère de chaque côté
du " cadavre " donne la lumière à la Loge. Tous les FF... de
l'Atelier ont chacun leur épée en main gauche et la tiennent brandie dans la
direction du néophyte. On ôte le bandeau des yeux de ce dernier et le Vénérable
lui dit que tel est le sort réservé au Maçon parjure. La scène peut être
impressionnante étant donné le choc psychique qu'est pour le candidat sa
première Initiation. J'avoue qu'elle le fut pour moi. Une initiation est une
sorte de psychodrame comme une catharsis qui ne manque pas d'avoir ses
répercussions profondes. Mais il faut bien avouer que si cette scène n'avait
d'autre but que d'éveiller un sentiment de crainte chez le candidat et de faire
passer en lui un salutaire frisson de frayeur, cela se réduirait à un
enfantillage d'un goût, du reste assez douteux.
Restons donc à
l'interprétation Alchimique du Rituel et constatons que l'obscurité règne dans
le Temple et qu'à l'Orient, là où se lève la Lumière, gît un Apprenti la
chemise ensanglantée. Nous sommes à la fin de Solve : l'obscurité c'est celle
qui a été appelée " Corbeau ". Les épées pointées indiquent l'action
incisive et pénétrante de l'Agent Salin. L'Apprenti gisant à l'Orient, c'est la
Granulation. Le sang sur la chemise, c'est le " Sang du Dragon ", le
" Sceau d'Hermès ". Solve est terminé, du moins dans sa phase de
mort, il ne reste plus qu'à couper la " Tête au corbeau ".
Le candidat est alors
reconduit dans les Parvis. Le Temple reprend son aspect accoutumé. Puis le
récipiendaire y est amené, il boit alors le breuvage amer, puis il prête
serment. Dans le Rituel de Menphis-Misraïm que j'ai sous les yeux, au début de
l'initiation, le futur Apprenti boit le contenu d'une première coupe appelé
liqueur de l'oubli. Cette liqueur a pour but " la dissolution de la
personnalité profane ", or le breuvage amer est au contraire le breuvage
de mémoire. C'est l' " Eau de Mnémosymée ".
" ... Quand vous
l'aurez absorbée, votre possession sera totale. L'Ame occulte de la
Franc-Maçonnerie toute entière sera passée en vous... " Je cite
textuellement le Rituel.
Du point de vue Alchimique, la première coupe c'est le Sel Philosophique qui débute Solve et la coupe amère c'est le " Lait Virginal " qui débute Coagula ou le " Sang du Dragon " qui le termine. C'est, en tout cas ce qui permet le résurrection, l'accession à la Lumière. Tous les Symboles Maçonniques sont éclairés et le bandeau est arraché des yeux du néophyte. Ce bain de Lumière, c'est la Pierre au Blanc. Vêtu de sa blanche robe de lin, le ressuscité sort du sépulcre. L'homme ordinaire est mort, le glorieux renaît. La Franc-Maçonnerie compte un Frère de plus. L'Alchimiste sait qu'il arrive au terme de ses peines, encore un effort, et il sera en possession de la très précieuse Pierre Philosophale.
Ainsi se termine la
première Initiation Maçonnique. Ainsi est vécue ce psychodrame qui met en jeu
cet archétype fondamental de la mort et de la résurrection. mais ainsi que l'a
précisé René Guénon (Aperçus sur l’Initiation), le contenu Initiatique, de nos
jours est virtuel. Il appartient donc à l'Initié de réaliser ce contenu virtuel
et c'est à cette tâche que se livre l'Apprenti-Maçon. Il n'a, alchimiquement
terminé son apprentissage que lorsque Solve est terminé en lui, c'est-à-dire
lorsqu'il a dissous sa personnalité profane et que sur le cadavre de cette
personnalité flotte la QUINTESSENCE ou cinquième essence surajoutée au
quaternaire de sa forme et qui est le produit le plus pur de ce que contenait
sa triple constitution.
Un dernier mot : si
l'Apprenti a trois ans, c'est que le nombre 3 est son Nombre et ce Nombre trois
est le sien parce que la Séparation lui a révélé la triple essence de son être
et de toutes choses, car l'Unité n'est concevable qu'en sa triplicité.
.·. Trois était le
Nombre de l'Apprenti. Cinq sera le nombre du Compagnon. Alchimiquement la
" Tête au Corbeau a été coupée " et la QUINTESSENCE soigneusement
rangée.
L'Apprenti-Maçon va
donc recevoir son " augmentation de salaire ". Il va être reçu
Compagnon. Il n'a plus les yeux bandés et il est directement introduit dans le
Temple. Son Initiation va consister essentiellement en cinq voyages qu'il fera
sous la conduite de F... Grand-Expert. Il portera chaque fois des outils
différents. Je laisserai de côté ces manipulations d'outils de constructeurs
dont la valeur symbolique est sans rapport, je crois, avec l'Alchimie. Chacun
de ces voyages le conduira vers une " cartouche " dont il lira à voix
haute les noms qui y sont inscrits.
1er voyage : Il est
fait avec, en mains, le maillet et le ciseau, il conduit l'Apprenti vers une
cartouche à l'ouest où il peut lire le nom des cinq sens.
2er voyage : L'Apprenti
porte alors le niveau et la perpendiculaire, il rencontre au midi une cartouche
portant les noms des ordres d'architecture.
3er voyage : Equerre et
Compas en mains, l'Apprenti fait une troisième fois le tour de la loge. A
l'Orient il peut lire les noms des Arts libéraux.
4er voyage : Muni du
Compas et de la Règle, l'Apprenti trouve au nord les noms de cinq Philosophes
antiques.
5er voyage : Cette fois
c'est les mains libres que, toujours conduit par le F... Expert, l'Apprenti
fait le tour de la Loge. Ce voyage c'est la " Glorification du Travail
". Seul le travail permet au Compagnon de développer en lui l'Initié
nouveau-né.
Maçonniquement parlant, c'est la symbolique des outils qui est intéressante, mais il ne me semble pas qu'elle apporte rien de particulier à l'Alchimie.
Enfin après cette
" Glorification du Travail ", le grand Symbole des Compagnons est
révélé : c'est l'Etoile flamboyante et la lettre G .
Rien dans ce Rituel ne
me paraît avoir de rapport direct avec l'Alchimie. Et pourtant cette Initiation
qui a pour objet de consolider l'œuvre à peine ébauchée au grade d'Apprenti ma
paraît assez semblable au Coagula de l'Alchimie. La " Glorification du
Travail " va dans le même sens. La partie négative de la destruction du
profane qui a été le propre de l'apprentissage est terminée. Il s'agit
maintenant de construire l'Initié et ce qui me paraît intéressant du point de
vue de l'Alchimie, c'est précisément cette insistance du Nombre cinq. Et le
moment capital c'est assurément l'Etoile flamboyante et la lettre G.
Il est dit au Compagnon
que cette lettre G veut dire Génie, Gravitation, Géométrie, Génération et
Gnose. Pour ce qui est de l'Alchimie, les deux derniers termes me semblent
particulièrement indiqués. En effet qui dit Alchimie dit GENERATION. Dieu seul
a créé. L'homme ne peut que générer. Tel le semeur, qui par son geste, par son
acte, va appeler une graine inerte à produire l'être végétal que, sans le
savoir elle portait en elle. Mais pour cela la graine devra pourrir et
mourir... On le voit, par ce mot de Génération, la lettre G est déjà toute
l'Alchimie. Cela est encore complété par l'acceptation de Gnose. Car par Gnose,
il faut certes entendre la connaissance des choses cachées, mais par
Connaissance il faut comprendre, non la chose apprise par la bouche ou les
écrits des autres, mais l'expérience vécue à l'intérieur de soi-même et
ressentie comme une évidence. N'est-ce pas là toute la révélation de l'Alchimie
? Que dis-je ? sa raison d'être ...
Alchimiquement nous
savons ce qu'est la Quintessence et le rôle qu'elle joue dans la dernière
partie de Coagula. Maçonniquement c'est l'Etoile flamboyante, l'étoile à cinq
branches qui symbolise la Quintessence. Durant son apprentissage, le Maçon,
s'il a suffisamment médité et lutté a été constamment mis en présence des
oppositions quaternaires et il a compris que ce n'est pas par hasard si sa Loge
est un " carré long " qui s'étend dans les quatre directions des
points cardinaux. Souvent il a dû se trouver au centre de cette croix des
Eléments. (Crucis veut dire : creuset et croix). Or ce qui a jailli du fond de
son être tel le sang de la crucifixion c'est la cinquième essence. C'est parce
que s'est ajouté à lui cette Essence Spirituelle qu'il est devenu un Initié. Et
il n'est Initié que dans la proportion où il s'est assimilé cette Quintessence
; car alors au quaternaire de la forme il a ajouté la Lumière de l'Esprit, ce
qui fait de lui un Pentagrame. L'homme spirituel, l'homme régénéré s'inscrit
dans un Pentagrame.
Au quaternaire des
Eléments du " Chaos des Sages " s'est ajouté une cinquième essence.
L'Alchimiste a en mains le " Mercure Philosophique ", il en nourrira
plus tard sa Pierre.
C'est en lui que le
Compagnon-Maçon va édifier sa première construction. Il va se construire
lui-même pour pouvoir participer efficacement à l'œuvre de la Franc-Maçonnerie
universelle : La construction du Temple. Car on ne reçoit que pour donner.
N'oublions pas que l'apprentissage a dû dissoudre le " MOI ". C'est
donc " NOUS " que dira le Compagnon en apportant sa modeste contribution
à l'œuvre collective.
.·. La Pierre rubifiée
de la fin de Coagula contient des impuretés. Pour devenir la Pierre
Philosophale il va falloir mourir et repasser par toutes les tribulations de
Solve et de Coagula. C'est au prix de la mort que s'acquiert la vie éternelle.
La Loge a revêtu son
funèbre appareil, elle est tendue de Noir. Les Maîtres se désolent de ne
pouvoir poursuivre l'œuvre féconde de la Franc-Maçonnerie, car leur Maître,
Hiram est mort. Trois Compagnons ont tenté successivement de s'emparer par la
force du secret de la Maîtrise : Le premier était à la porte de l'Orient ; il a
exigé ce secret, devant le refus d'Hiram de le lui livrer, il a asséné à ce
dernier un coup de règle à la gorge. Le coup a dérapé et lui a frappé l'épaule
lui paralysant le bras droit. Le deuxième attendait à la porte du Midi : même
exigence, même refus d'Hiram, même violence. Mais cette fois c'est un coup
d'équerre que reçoit le Maître, droit au cœur. Enfin un autre Compagnon
l'attend à la porte d'Occident. Hiram refuse encore de livrer sous la menace le
secret de la Maîtrise, il reçoit un furieux coup de maillet sur le front, il
s'affaisse mort. Le forfait accompli, les Compagnons enterrent Hiram sous un
amas de décombres au Nord du Temple... Tel est le drame symbolique.
Le Compagnon candidat à
la Maîtrise va alors subir une épreuve : s'il se sent le cœur pur et la
conscience tranquille, il devra enjamber le cadavre d'Hiram. Il le fait. Dès
lors il va être identifié à Hiram et vivre personnellement ce drame.
Une mort volontaire
avait permis au profane de renaître Initié, lors de sa réception au premier
degré, et je pense l'avoir suffisamment démontré. Il s'agissait bien des
Opérations de Solve et de la résurrection de la Pierre au blanc. Mais il faut
une seconde mort à l'Initié pour atteindre à l'immortalité des Maîtres. Là, le
Symbolisme est flagrant, il s'agit de la Multiplication.
Ainsi donc le Compagnon
est assimilé à Hiram. Comme lui il sera frappé à l'épaule par la règle (dans
son corps). Au cœur par l'Equerre (dans
son Ame). Au front par le Maillet (dans son esprit). Alchimiquement : le
Soufre, le Mercure et le Sel. Puis il sera étendu sous le drap mortuaire, son
tablier sera rabattu sur son visage et un rameau d'acacia sera posé sur le
drap. C'est le rameau d'acacia qui dans l'interprétation mythique du drame
permettra de retrouver le " cadavre ".
Nous sommes au stade de
la Multiplication. Tout comme le Grand'Œuvre recommence, le drap mortuaire
c'est évidemment le " Corbeau ". La Pierre au Rouge (le Compagnon) a
été traité comme la Materia Prima (le profane) et atteinte dans sa triple
constitution. Elle gît morte. Mais pourquoi donc ce rameau d'acacia sur le drap
mortuaire ? Il est vrai que c'eût pu être une branche de chêne ou de fougère,
car c'est bien là la " Fontaine occulte " d'où coule l' "Eau de
Vie " (je remarque qu'en espagnol eau-de-vie se dit " aguardiente
" littéralement : eau ardente). Voilà bien le " Feu-Eau qui ne mouille
pas les mains " le grand arcane de l'Alchimie...
Examinons les détails
rituéliques qui ne sont pas directement en rapport avec l'Alchimie ou qui
obligeraient à des descriptions aussi longues qu'inutiles. Les Maîtres vont
alors essayer de rappeler à la vie leur maître Hiram dont le
Compagnon-candidat-à-la-Maîtrise est la représentation. Pour cela le Deuxième
Surveillant prononcera d'abord le nom d'une des colonnes du Temple placée à
droite de l'entrée : JAKIN. Devant l'insuccès de ce mot à ressusciter le mort
il se retirera en disant : " La chair quitte les os "... Le
Premier-Surveillant prononce alors le nom de la deuxième colonne, celle de
gauche : BOHAZ. C'est le même insuccès, il se retirera lui aussi en disant :
" Tout se désunit ". Enfin au mot de MAK-BENAH (Fils de putréfaction)
Hiram, aidé par un Maître se lèvera de son tombeau.
JAKIN, c'est l'énergie
créatrice masculine, c'est la force expansive qui part du centre de tout être :
c'est le SOUFRE.
BOHAZ, c'est la
réceptivité féminine, c'est l'énergie qui venant de l'extérieur pénètre toute
chose : c'est le MERCURE.
MAK-BENAH, (fils de
putréfaction) par son origine on reconnaît bien là le SEL et je crois qu'il n'y
a rien d'autre à ajouter.
Le Compagnon a vécu la
mort symboliquement tel le néophyte des antiques Mystères. En lui Hiram
ressuscite et ainsi lui-même est-il ressuscité. Telle est l'ultime degré de la
Maçonnerie symbolique : La Maîtrise. Comme la Pierre de fin Coagula, le
Compagnon était souillé par des impuretés, comme elle il doit repasser par
l'épreuve de la mort et de la pourriture.
" Car nul ne peut
blanchir s'il n'a auparavant noirci... " Nul ne peut s'élever s'il ne
s'est humilié... et nul ne peut atteindre la Vie éternelle s'il n'a connu la
mort.
Le Grand Œuvre
Alchimique est un éternel recommencement : La Pierre multipliée une fois peut
être à nouveau soumise à une nouvelle mort, à une nouvelle résurrection, pour
atteindre à plus de pouvoir rédempteur. Et puis encore ... jusqu'aux limites du
possible qui sont les limites mêmes du présent cycle d'évolution minérale. Il
reste toujours à la Pierre quelques parcelles d'impuretés, quelque infime
souillure... Ce sont les restes de son ancienne nature de " minerai
profane ".
Ainsi le Maître-Maçon
sait qu'il n'est jamais au terme de la Maîtrise, car il lui reste toujours à
détruire quelques parcelles de son " Moi " : de ce trompeur écran de
la personnalité qui déforme le Nombre au point de n'en faire qu'un chiffre. Et,
du reste s'il avait d'aventure conscience d'être parvenu à l'ultime point de
quelque chose, une ligne infime, insaisissable, comme celle qui marque le
Solstice, séparerait ce point final du commencement d'autre chose et tout
serait à recommencer plus loin, plus haut selon ce processus invariable : SOLVE
et COAGULA qui est la loi de l'Alchimie : La Chimie de AL.
\ " Etes-vous
Maître-Maçon ? est-il demandé dans le catéchisme du grade de Maître.
Réponse : Eprouvez-moi,
l'Acacia M'EST CONNU
Demande : Pourquoi
répondez-vous ainsi ?
Réponse : Parce que
l'Acacia est le symbole d'une vie indestructible dont les Mystères m'ont été
dévoilés...
écrit par Roger Caro dans son ouvrage : '' Rituel F.A.R.+ C. et Deux Textes Alchi
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