Basilique Saint Urbain
Merveille de l’architecture ogivale, la basilique
Saint-Urbain est un pur joyau de l’art gothique, qui rivalise avec la Sainte
Chapelle de Paris, à laquelle la comparent de nombreuses personnalités. Tous
les amateurs d’art n’hésitent pas à la qualifier de " joyau d’architecture
", de " véritable châsse de pierre ciselée comme un reliquaire géant
", c’est " le Parthénon de la Champagne ".
Jacques Pantaléon est né en 1185 à Troyes (un des rares papes français). Fils d’un savetier troyen, il connaît une brillante carrière ecclésiastique. Archidiacre de Laon et de Liège, évêque de Verdun, il devient pape en 1261 sous le nom d’Urbain IV en hommage au pape martyr Urbain 1er (222-230). Créateur de la fête du Saint-Sacrement (Fête-Dieu), il réorganise le gouvernement de l’Église malgré son grand âge. Attaché à sa ville d’origine et soucieux de la valoriser, il fonde une collégiale composée d’un chapitre de douze chanoines à l’emplacement de sa maison natale. Il veut laisser à Troyes, une marque d’affection et de magnificence : bâtir en 1262 une somptueuse basilique, à l’emplacement de l’échoppe paternelle et aux frais du trésor romain. Il meurt 2 ans après, et les sommes qu’il envoyait à Troyes sont arrêtées. Heureusement, le Cardinal Ancher, son neveu, prend à cœur de ne pas laisser inachevée cette œuvre.
Une consécration est prévue le 25 mai 1266 car le chœur
est achevé et les parties basses de l’édifice élevées. Cependant, l’abbesse de
Notre-Dame-aux-Nonnains, Ode de Pougy, ne l’entend pas de cette manière et fait
en sorte que le chantier soit saccagé par crainte de cet édifice situé sur son
territoire et dépendant directement de la papauté. « Ainsi, elle fait envahir
le chantier par une troupe qui arrache les portes, brise le maîtreautel, des
colonnes, des chapiteaux et enlève le matériel des charpentiers. À peine de
nouvelles portes sont-elles posées que la même troupe s’en revient les
fracturer et les emporter ! Mais ce n’est pas tout. Quelques mois plus tard, un
mystérieux incendie détruit une partie des murs, des voûtes et de la toiture de
l’église. Enfin, le légat pontifical, venant bénir le nouveau cimetière en 1268,
est accablé de coups, d’injures et se voit poursuivit dans les rues de Troyes.
»
En conséquence, Ode de Pougy et ses complices sont
excommuniés le 15 juillet 1268. Néanmoins la construction reprend vers 1267-1270.
La partie haute du transept et ses deux porches sont alors édifiés. Seuls les
bas-côtés de la dernière travée de la nef sont voûtés en 1286, date de la mort
du cardinal Ancher.
La collégiale est consacrée en 1389, devant une
foule considérable, et les reliques sont placées sur les 9 autels. Elle échappe
miraculeusement à l’incendie qui ravage une partie de la ville en 1524,
détruisant 3.000 maisons.
En 1565, 2 vols importants sont commis : 1 croix
d’or, 2 d’argent et tous les reliquaires. Les coupables sont roués en place
publique en 1574.
En 1761, la foudre tombe pour la 5ème fois sur le
clocher. Les chanoines en réduisent la hauteur, en l’arrêtant au-dessus des
cloches.
L’église devient paroissiale après la Révolution. A
partir de 1850, la mairie démolit les maisons accolées à son abside. Paul
Selmersheim, architecte diocésain, achève la nef de 1893 à 1905 après restauration
du chœur et du transept de 1876 à 1886. Les maisons alentours sont,
jusqu’alors, adossées aux murs de l’édifice. La flèche en bois, auparavant
située sur la croisée et démontée en 1761, n’est pas restituée. L’église,
classée au titre des monuments historiques en 1840, accueille en son chœur la
dépouille d’Urbain IV en 1901 et devient
basilique mineure en 1964 à la demande de l’évêque de Troyes, Monseigneur
Julien Le Couëdic.
Le 20 février 1906, 200 fidèles et des personnalités
troyennes opposés à la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat occupent
Saint-Urbain et résistent pendant des heures aux forces de police et militaires
qui, sur ordre du maire Louis Mony (franc-maçon, tour à tour clérical,
bonapartiste, conservateur, républicain modéré, radical et alors
radical-socialiste), et conduites par le préfet Marais, sont venues faire
l’inventaire des biens immobiliers et mobiliers de la paroisse. Ils sont
finalement délogés, les portes de la collégiale défoncées à coups de hache par
les pompiers. La police emprisonne des catholiques.
La basilique Saint-Urbain est un joyau de l’art gothique rayonnant se distinguant par son homogénéité et sa symétrie. Le visiteur peut appréhender l’ingéniosité des bâtisseurs de l’époque médiévale en admirant les nombreux gâbles et arcs-boutants d’une extrême finesse, véritable squelette de pierre permettant de répartir les forces des voûtes et ainsi de stabiliser l’édifice.
Une autre surprise réside dans les porches du transept
maintenus par des « échafaudages » de pierre.
Quant au porche de la façade (à l’ouest), il comprend
trois portails datés du 13e siècle dont le principal orné d’un tympan, en haut-relief
représentant le Jugement dernier à la manière d’un vitrail. Ce même thème est
traité différemment, en peinture, au revers de la façade à l’intérieur de
l’édifice.
Les gargouilles de la basilique Saint-Urbain constituent
une autre curiosité qui intrigue souvent le visiteur. En effet, elles révèlent
des épisodes de la vie au Moyen Âge ou des scènes historiques et sont, à
l’image des vitraux, des témoins du passé.
La statuaire est aussi d’une grande richesse
artistique. La Vierge au raisin, chef-d'œuvre de l’École Troyenne, a été choisie
par la Mairie de Troyes comme médaille officielle.
Ce bas-relief en pierre polychrome, daté de 1936, est l’œuvre d’Henry Charlier, artiste troyen. Depuis 1935, il recouvre l’espace dans lequel repose la dépouille d’Urbain IV. On peut y apercevoir le Christ au centre portant un ostensoir (symbole du SaintSacrement). Urbain IV se trouve à droite tandis que sainte Julienne est à gauche, à genoux, en prière.
Cette
collégiale est dédiée au 17ème pape martyr, Urbain 1er, pontife de 222 à 230,
enterré au cimetière de Calliste, sur la Via Appia à Rome, fêté le 19 Mai (ou
le 25 Mai dans certains diocèses de France).
La basilique Saint-Urbain est souvent comparée à la Sainte-Chapelle de Paris (érigée au 13e siècle) en raison de son plan et des vitraux du chœur occupant toute la surface disponible en hauteur et en largeur, donnant ainsi un élan vertical à l’édifice. On note l’absence de déambulatoire puisque les chapelles ne communiquent pas entre-elles. On remarque une coursière devant les fenêtres basses de l’abside qui paraît former devant elles un écran ajouré particulièrement élégant. Il s’agit là d’une autre particularité de la basilique Saint-Urbain.
LES VITRAUX
Certainement posés vers 1270, les vitraux du chœur s’intègrent
merveilleusement à l’architecture et se distinguent par la clarté de leur
composition en grisaille car leur fonction est de faire entrer abondamment la
lumière pour éclairer l’église et mettre en valeur ses formes et ses volumes.
Ces vitraux comportent des panneaux colorés représentant des personnages de profil
dans les baies hautes, entourés d’une bordure héraldique sur laquelle on peut reconnaître
les armes de France, de Navarre, de Troyes, du pape Urbain IV et du chapitre
collégial. Nous ignorons leurs auteurs car les vitraux sont souvent anonymes
entre le 12e et le 17e siècle.
PAVILLON (OU OMBRELLINO PONTIFICAL)
Insigne caractérisant une basilique. Sorte de parapluie à demi-ouvert, dont l’armature en bois est recouverte de bandes de soie alternativement rouges et jaunes, couleurs du gouvernement pontifical. Le pavillon est à moitié ouvert lorsqu’il s’agit d’une basilique mineure et totalement déployé pour les basiliques majeures.
VITRAIL DE LA VISITATION
Ce vitrail fait partie d’un ensemble de panneaux historiés
relatant des épisodes du Nouveau Testament. Il s’agit ici de la Visitation,
d’après l’Évangile selon saint Luc. Marie, enceinte du Christ, rend visite à sa
cousine Élisabeth, enceinte de Jean-Baptiste. La représentation de la scène,
sous forme de médaillon, est caractéristique du 13e siècle.
VERRIÈRE DES PATRIARCHES
Cette verrière est animée par de grands personnages, prophètes et figures bibliques sur fond bleu ou rouge. Tout comme les figures des vitraux du 13e siècle, celles-ci sont particulièrement expressives. Les bordures héraldiques très colorées sont larges, ce qui est extrêmement rare au 13e siècle car on a plutôt tendance à réduire les dimensions de l’encadrement. On peut y apercevoir Abraham, Zacharie, Isaïe..
Situés dans les bas-côtés nord de la nef, seize panneaux,
restaurés par Didron (peintre-verrier) en 1897, représentent des épisodes de la
vie d’Urbain IV et de son neveu, le cardinal Ancher. Parmi ceux-ci, citons
Jacques Pantaléon à la maîtrise de la cathédrale, Jacques de Troyes prêchant,
l’échoppe paternelle, le baptême de Jacques Pantaléon, sa première communion,
le cardinal Ancher et Urbain IV…
De
gauche à droite : Saint Valérien, saint Louis, saint Urbain Ier, Urbain IV,
saint Thomas d'Aquin, sainte Cécile
STATUAIRE
VIERGE AUX RAISINS, (classée MH en 1894)
Cette œuvre, autrefois polychrome, représente Marie portant Jésus, debout sur un croissant de lune symbolisant l’Immaculée Conception. Posé sur la main de Marie, un oiseau, apparenté à la colombe du Saint-Esprit, picore du raisin en référence à l’épisode de la Passion. Il est aussi fait allusion à l’Incarnation lorsque Marie tient le pied gauche de son fils. On remarque de nombreux éléments caractéristiques de la statuaire champenoise des années 1520 : traits du visage, longue chevelure dénouée, simplicité du vêtement, robe couverte d’un manteau ramené « en tablier » et chaussures à bout carré dit « en gueule de vache ». La bordure du manteau est digne d’un travail d’orfèvre.
Ces deux sculptures, à la manière de Dominique Florentin,
pourraient dater de la seconde moitié du « Beau XVIe siècle troyen » en raison
de leur style et des plis amples et moelleux du drapé. Elles proviendraient de
l’ancien couvent des cordeliers et auraient fait partie d’un Calvaire car
destinées à être situées au pied du Christ sur la croix. On note la différence
de mouvement entre les deux personnages : saint Jean semble très vivant tandis
que la Vierge est accablée de douleur.
SAINT BERNARD DE CLAIRVAUX
Saint Bernard de Clairvaux est souvent représenté
dans les églises de la région troyenne car il s’agit d’une figure locale
emblématique au 12e siècle. Théologien et auteur de nombreux ouvrages, il impose
rapidement son autorité sur toute la chrétienté et fonde le monastère de
Clairvaux. Il prêche la deuxième croisade sur la montagne de Vézelay en 1146.
Vêtu de la robe blanche des cisterciens, saint Bernard porte, dans sa main
droite, une petite église symbolisant le monastère de Clairvaux.
SAINT ROCH
Ce groupe de statues en pierre polychrome fait référence au miracle de saint Roch, pèlerin du 14esiècle, guéri de la peste, fléau de cette époque qui perdure au 16e siècle. Saint Roch est invoqué pour la protection des pestiférés, c’est la raison pour laquelle on le retrouve fréquemment dans l’iconographie locale. Ses attributs permettent de l’identifier : il porte la tenue caractéristique du pèlerin (chapeau, pèlerine, panetière et bourdon) ; il montre un bubon pesteux situé sur sa cuisse ; il est en compagnie de l’ange salvateur et du chien qui tient dans sa gueule le pain qu’il lui apporte quotidiennement durant sa maladie.
LAVABO
Situé dans l’abside, ce lavabo date du 13e siècle et
figure parmi les éléments les plus remarquables de ce type. Le travail de la
pierre en haut-relief y est très habile car les détails sont représentés avec
une grande précision. Il évoque l’histoire de la basilique et représente
différents épisodes et personnages : le Couronnement de la Vierge au centre, le
pape Urbain IV portant le chœur de l’église à gauche, le cardinal Ancher
soutenant le transept non couvert à droite.
Cet élément de mobilier, datant du 15e siècle, se trouve
dans la basilique depuis le début du 19e siècle. En effet, cette cuve était
autrefois dans l’église paroissiale Saint-Jacques-aux-Nonnains vendue sous la
Révolution puis détruite. Son mobilier fut lui aussi vendu. Ce fut le cas de
cette cuve baptismale octogonale retrouvée dans une cour troyenne, faisant
office de margelle de puits ayant subi des dégradations, ce qui explique son état
actuel. Il est difficile d’identifier l’ensemble des personnages mais on
reconnaît saint Thomas, patron des architectes, des arpenteurs, des
charpentiers et des tailleurs de pierre, tenant
DALLE FUNÉRAIREDE JACQUES JULIOT L’AÎNÉ
Cette dalle funéraire est, cas rare, celle d’un sculpteur, Jacques Juliot l’Aîné, le mieux connu d’une dynastie d’imagiers champenois du XVIe siècle, décédé en août 1562 (et non 1567 comme l’indique l’épitaphe) et enterré dans l’église. Juliot habitait rue Moyenne, près de Saint-Urbain. Il fut une personnalité importante dans la société troyenne. Marchand de pierre et de vin, il jouissait d’une situation financière aisée. En 1558, il était « marguillier à verge » de Saint-Urbain. Il obtint le privilège d’être enterré dans l’église avec sa femme en échange de la sculpture d’un grand retable en albâtre qui n’était pas achevé à sa mort. Les entrelacs gravés et dorés sur le marbre noir, qui servent de cadre à l’épitaphe, sont inspirés de motifs bellifontains. Seraient-ils dus à Jacques le Jeune, peut-être le fils de l’Aîné, qui avait travaillé à la galerie François Ier au château de Fontainebleau, et Jean l’Auvergnat, son beau-fils, lesquels s’engagèrent à terminer le retable promis ?
Transcription : Cy gist noble home jacques juliot / maistre sculpteur et margr (marguillier ?) de / céans lequel a donné la table du grad (grand) holtel (autel) il décéda le XII jo (12e jour) de / novèbre (novembre) 1567 priez dieu por (pour) les trespassez.
RELIEF FUNÉRAIRE, GISANT
Ce relief se distingue par son originalité. Daté de 1570, il représenterait un membre de la famille Cauchon-Maupas. La représentation du défunt évoque la typologie des tombeaux de la Renaissance italienne. On remarque la sinuosité du drapé animé à la manière de Dominique Florentin faisant référence au suaire. Une femme est voluptueusement étendue sur une dalle funéraire. Son bras gauche soutient sa tête. Son corps, ses membres et sa tête sont recouverts, selon toute vraisemblance d’un linceul. Dans le phylactère est inscrit en latin un passage de l’Ancien Testament (job, 14,6) suivi d’une date : « Laissez-moi reposer un peu jusqu’à ce que vienne le jour désiré. 1570 ».
Huile sur toile « La Sainte Famille » - début du XVIIIe
Cette toile est peut-être l'œuvre de Jacques Carrey, élève de Lebrun
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