Hôtel
Jean de Mauroy
Anciennement
Hôtel de l’Aigle, puis Hôpital de la Trinité
Aujourd’hui Maison de l’Outil et de la Pensée Ouvrière, l’histoire de cet hôtel remonte en 1409.
Le premier propriétaire connu est Pierre Dauvet,
seigneur des Marest. Nous en avons connaissance par un acte de vente de la
maison voisine ayant appartenue à Guiot le Peley, changeur (banquier). Ce
dernier sera Maître particulier de la Monnaie de Troyes en 1422 durant
l’occupation anglo-bourguignone.
Un deuxième acte du 23 juillet 1485, indique que la
propriété est aux héritiers de Jean Pavye, seigneur de Villechértif. Détruit
par le grand incendie de 1524, l’Hôtel de l’Aigle est reconstruit sur deux
périodes.
Antoine Hennequin, Receveur du roi, déjà
propriétaire d’une partie de l’Hôtel de Vauluisant, réalise une première
tranche de travaux du nouvel hôtel – où pend l’enseigne de l’Aigle – qu’il
« loue » en 1551 à Claude Berthier, marchand épicier.
Jean de Mauroy, Contrôleur des aides et tailles du royaume, Capitaine des Arquebusiers et son épouse Loyse de Pleurre, acquièrent cette maison de Claude Berthier en 1556. Ils vont poursuivre les travaux avec la construction de la grande galerie italienne ; cette architecture renaissance dont l’aspect n’a pas été modifié est sans équivalence à Troyes. Elle peut sans doute avoir été marquée par l’influence de Dominique le Florentin et celle de l’école de Fontainebleau. Le rez-de-chaussée est en maçonnerie, avec alternance de briques et de carreaux de craies, appelés damier champenois. Il y a un péristyle composé de six colonnes composites d’inspiration corinthienne, ornées de lierre. L’étage est revêtu en bardeaux de châtaignier. Le mur de façade est composé de pierres crayeuses et de briques en damier champenois. Dans la cour, l’étage supérieur est composé de châssis recouverts de tuiles de chêne, et il y a une tour hexagonale. C’est une demeure princière. La maison très spacieuse comprend des appartements luxueusement meublés, une chapelle surmontée d’un clocher, et aussi des locaux pour le commerce. Les appartements sont décorés de tapisseries, de tableaux peints à l’huile, de gravures, de statues. Enfin, une petite bibliothèque montre assez nettement l’orientation prise par les époux aux luttes religieuses de l’époque. Jean Mauroy avait été un temps proche de la religion réformée. Ce sont des humanistes protecteurs des artistes. Loyse de Pleurre dans son testament « laisse à Louis que j’ai fait apprendre à peindre la somme de six écus deux tiers ».
Sans enfant, Jean de Mauroy et son épouse
s’intéressent également à l’enfance abandonnée. Ils pratiquent la charité et
lèguent l’Hôtel de l’Aigle pour en faire « un collège de jeunes enfants pauvres tant fils que filles sur le modèle
du collège des enfants de la Trinité de Paris, afin qu’ils soient instruits ès
lettres. Ils apprendront un métier ». Les enfants entrèrent le jour de
la Pentecôte 1582 pour recevoir une éducation professionnelle. Cet
apprentissage dura jusqu’à la Révolution. Au début, ils étaient occupés nous
dit Jeans Darbot, principalement à la filature du rouet.
Plus tard, après 1746, date à laquelle une manufacture de métiers à tricot est installée dans la grande galerie, les enfants reçoivent un apprentissage adapté à la mécanisation de la fabrication du tricot et des bas.
Entre-temps, en 1630, des lettres patentes de Louis
XIII avaient prescrit la réunion des hôpitaux, dont celui de la Trinité. Une
seule administration va, à partir de cette période assumer la gestion de
l’œuvre de Jean Mauroy. Puis, en 1670 l’hôpital de la Trinité reçoit une
affectation supplémentaire. Par ordonnance des « Maire et Echevins »,
juges de police des manufactures de la ville de Troyes, il est prescrit que
tous les maitres façonniers et ouvriers doivent porter les étoffes qu’ils
auront fabriquées en la halle des drapiers-drapants, rue de la Limace
(Larivey). Il s’agit de L’Hôpital de la Trinité.
A la Révolution, l’orphelinat et la manufacture de
métiers à bas – la première à avoir été installée à Troyes – ferment leurs
portes en 1794. Mais cet établissement de bienfaisance n’est pas vendu comme
bien National. Il continu d’appartenir aux hospices.
Les locaux sont mis à la location et occupés en 1801
successivement par des artistes dramatiques, un tisserand fabricant de ruban
(passementier), un serrurier constructeur de métiers à bas et un filateur
Charles Huot. Ce dernier est déjà en 1800 rue de la Trinité, à la tête d’une
filature de coton avec manège. Plus tard en 1811, les bâtiments sont donnés à
bail à un dénommé Claude-Edmé Imbault.
Puis, en 1837 la ville de Troyes loue aux hospices
civils pour les besoins de l’armée et l’installation d’une compagnie hors-rang
(ouvriers d’administration). Un dessin de Fichot illustre cette occupation.
Amédée Aufauvre écrit en 1852 « Singulières
vicissitudes des choses, la Trinité, lieu d’asile de l’enfance, consacrée par
un évêque, devint bal public, redoute, estaminet, lieu mal famé, puis atelier
de draperie ; c’est aujourd’hui une caserne ».
Toutefois, la question d’entretien des bâtiments
reste préoccupante. Le préfet propose en 1840 à la municipalité de les acquérir.
La ville devant l’énormité des réparations ne donne pas suite. L’administration
hospitalière réussit toutefois à le vendre en 1852 au manufacturier Edmé- Charles
Huot.
Une nouvelle fois, Amédée Aufauvre, inquiet, écrit
dans son journal « L’Industrie de Troyes » de la même année « Dans
l’intérêt de l’archéologie, nous exprimons le désir partagé par tout le monde,
c’est que les propriétaires actuels rétablissent un jour cette magnifique
maison dans ses conditions primitives. L’architecture moderne est bien mesquine
à côté de cet échantillon de l’opulence et de la grandeur de cette demeure d’un
si remarquable caractère ».
Cet appel est entendu par Charles Huot, son fils
ainé. L’ancien Hôtel de l’Aigle complètement délabré est restauré. Le
rez-de-chaussée où se trouve la chapelle sera transformé en appartement par
Eugène Millet, architecte diocésain de la cathédrale. Une autre partie des
bâtiments servira par la suite pour le stockage des produits de ses filatures
(Moulin de Jaillard, Moulin de la Pielle, l’Arquebuse, Chaillouet).
A l’issue des travaux, l’Hôtel Jean Mauroy est
classé Monument Historique en 1862. Puis Charles Huot, toujours célibataire,
décide quelques années après de le vendre pour l’aménagement d’une école en
1877 puis l’installation de la Poste centrale fin XIXe ; heureusement sans
succès. Il en fait apport à la « Société Troyenne de Filature » en
1901.
L’incendie du 17 octobre 1902 de la tourelle
d’escalier extérieur de cette maison laissé sans affectation à cette époque va
précéder un changement d’occupant.
Suite à la loi de 1901 qui entraine la fermeture du
Collège Saint Bernard, monsieur Jorry-Prieur sauve cet hôtel, s’en rend
acquéreur pour les besoins de l’école catholique Urbain IV, qui trouve en
réalité asile rue du Palais de Justice.
Pendant la Grande Guerre, l’Hôtel de Mauroy abrite
le « Collège ecclésiastique de Saint-Dizier » et le « Petit
Séminaire de Troyes ».
Enfin, l’Hôtel de Mauroy recevra une autre
destination à la suite de son rachat en 1924 par l’abbé Augustin Valton, pour
imprimer la presse diocésaine : « L’Express de l’Aube » puis le
« Courrier » jusqu’à sa disparition en 1962.
Devenu vacant, l’Hôtel de Mauroy acquis le 21 mars
1966 par la ville de Troyes, va recevoir les collections de livres et d’outils
du XVIIIe siècle constituées par le Père Paul Feller, pour les besoins de
l’apprentissage des Compagnons du Devoir et du Tour de France. Ce n’est qu’un
juste retour des choses, puisque nous retrouvons cette trace de compagnonnage
dans notre ville, dès 1419, avec " l’ordonnance aux cordonniers de Troyes
", de Charles VI.
On peut aussi y admirer les chefs-d’œuvre des compagnons
du devoir. Ce sont des « travaux de
réception », ultimes travaux qui ont clôturé le tour de France des Aspirants
avant qu’ils soient reconnus comme un pair par la grande famille des
compagnons.
Le chef-d’œuvre de Rémi Trichet peut-être admiré
depuis la rue Larivey.
La bibliothèque rassemble 35.000 ouvrages concernant les métiers manuels.
Le Président François Mitterrand l’inaugure en 1991.
Elle est la 2ème bibliothèque technique de France.
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