vendredi 24 mai 2024

Église saint Martin de Rumilly

 

Fichot 

Après la guerre de Cent Ans, le village jusque-là situé sur le « grand chemin » (Route de Troyes à Dijon actuelle), ruiné, se déplace à 3 km de là, près de l’Hozain, en bordure de forêt. Jean Colet, nouvellement nommé à la cure, chanoine et official de Troyes, envisage de construire une nouvelle église pour le nouveau village. Il s’assure du soutien de l’évêque Odard Hennequin (et de son architecte) qui, de Senlis arrivent à Troyes ; il profite de la bulle d’indulgences obtenue à Rome en 1493 par son frère JacquesColet, curé de l’ancienne église, pour obtenir les fonds nécessaires à son projet. On dit qu’il y consacra une grande partie de sa fortune à laquelle s’ajouta le produit des quêtes qu’il fit partout en France. C’est son souvenir qui reste attaché à l’édifice grâce à des inscriptions, des sculptures et des vitraux. (voir Status synodaux de Jean Colet )

 En 22 ans, de 1527 à 1549, le nouvel édifice est édifié. Il a été doté d’un campanile élevé sur le transept qui sera abattu par un orage en 1739, relevé, puis de nouveau éliminé par un incendie en l’an VI (1798) qui a détruit l’ensemble de la toiture. Malgré les restaurations qui ont suivi, il garde encore aujourd’hui la trace de ce dernier désastre. Bâti sur un plan presque rectangulaire, il allonge ses 38 m sur 18 en largeur et 13 m de hauteur pour la voûte de la nef centrale. On y dénombre encore 12 autels, un autel principal et onze dans les travées latérales.

Façade Renaissance  
Les portes en chêne sont également du 16e s.

détails

La façade rappelle celle de la cathédrale de Senlis : tympan ouvert, rosace (reconstruite en 1744) deux statues équestres de saint Martin, deux Annonciations (celles de la nouvelle église et celles sauvegardées de celle qui l’a précédée), des anges musiciens, et ce qui reste des galeries des deux étages après l’incendie de l’an VI. Du côté est, de nombreuses gargouilles, magnifiquement travaillées occupent deux niveaux du bâtiment : griffues, ailées, gueules grandes ouvertes. 
Ste Barbe sur la tour extérieure


St Martin au-dessus de la porte de la tour-clocher


Saint Martin au dessus du porche d'entrée 


Au chevet de l’édifice, une pierre gravée rappelle la date de 1527, en août, quand en fut « posée » la première pierre. 

 ICY DESSOUBZ ASSEZ PROFOND EN TERRE / L'AN MIL CINQ CENTZ ET VINGTS SEPT ASSIZE / A LA FIN D'AOUST FUT LA PREMIERE PIERRE / DES FONDEMENTZ. DIEU [...] L'EGLISE. AMEN.

De nouveau, face à l’entrée, il faut remarquer la « porte du baptême » et la coquille des pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle. 

L’intérieur apparaît immense avec les statues des douze apôtres adossés aux piliers, dais au-dessus de leur tête, deux anges à leurs pieds présentant la croix de consécration.

l'un des 12 apôtres - 16e s.


nous trouvons égalements 12 consoles de consécration

Les vitraux qui demeurent, souvent incomplets, sont essentiellement concentrés sur la face sud de l’édifice, aux fenêtres basses comme aux fenêtres hautes. A l’exception des quelques panneaux plus anciens et de celui de la baie d’axe du chœur, réalisé en 1866 par Erdman et Kremer, ils ont été exécutés pour la plupart entre 1530 et 1550. Leurs auteurs en sont inconnus. Le nom de Linard Gontier est attaché aux restaurations qu’il fit vers 1600. La collection est trop partielle pour que l’on puisse observer un programme d’ensemble cohérent. La fenêtre du transept sud dite de saint Jean est un véritable « mistère » figé sur verre, sur trois niveaux, comme sur les « échafauds » du moyen âge, au portail des églises. En dehors de la Présentation de Jésus au Temple, les scènes sont relatives à la Vie glorieuse du Christ (Résurrection, Apparition à saint Pierre, fragments d’Ascension, Pentecôte) ainsi qu’à des saints dont le patron de l’église, saint Martin. 

Le vitrail des quatre vertus, offert par Jean Colet en 1548, présente un thème particulièrement original. Tandis que le registre inférieur est consacré à Anne et Siméon d’une part, à la résurrection des morts d’autre part, la Justice, la Paix, la Miséricorde et la Vérité, sous forme de personnages, côtoient le Christ bénissant et l’Annonciation au registre médian, pour occuper tout le registre supérieur. Tous les personnages sont entourés de grands phylactères décoratifs et votifs. Au soubassement, l’inscription de donation est encadrée par deux blasons des Colet. Le tympan, avec une Trinité et des anges, date du XIXe siècle.

les 4 Vertus - 1548

La Sainte Trinité   (19ème)

Justice , Paix, Miséricorde et Vérité (16ème)

Jésus bénissant et l'Annonce  (16ème)

                        Anne et Siméon   /   la Résurrection  des   morts    ( 16ème)

         
Jean Colet  et ses armoiries de chaque côté de ce texte : « Maître Jean Colet, prêtre, licencié en droit chanoine et official de Troyes, natif et curé de Remilly-sur-Vauldes donna cette verrière au mois d’avril 1548 devant Pâques. Priez Dieu pour lui ».             
 

Une Vierge de bois datée du XIVe siècle fait face à une sainte Anne de même facture.  Une statue de sainte Brigitte en pierre calcaire également du XVIe siècle.

Sainte Brigitte est représentée debout, accompagnée de bovins à droite et du diable à gauche. Elle tient un livre ouvert dans la main gauche, sa main droite est manquante. Les restes de ce qui devait être une bourse sont accrochés sur son flanc droit. Au bas de la statue, le diable est assis aux pieds de la sainte, agrippant de ses longs doigts griffus la chaîne qui le contraint. Son visage est celui d'une créature mi-homme/mi-bête, adoptant certains traits caractéristiques du bouc, sa musculature est très développée au niveau des bras et des cuisses. Les bœufs, protégés par la sainte, ne semblent pas dérangés dans leur occupation. Le drapé et les expressions sont empreints d'une certaine délicatesse : aux regards doux de la sainte et des bovins s'opposent la vivacité de celui du diable.

Derrière le Maître Autel du XVIIIe siècle,  le magnifique retable de la Passion, en trois tableaux : portement de croix, crucifixion et résurrection, pierre polychrome, en ronde-bosse, 70 personnages, figures d’un réalisme exceptionnel, le tout en une perspective rare dans les œuvres similaires en pierre polychromée se rattachant à l’atelier de la Sainte-Marthe, offert vraisemblablement en 1533 par Jean Colet qui y figure  C’est là, très certainement la pièce maîtresse de l’église de Jean Colet.






. Au bas du retable de la Passion, dans une inscription latine, Jean Colet rappelle son œuvre de dévotion : « Parce, Deus, famulo, rectore Johanni Coleto ; Plebs colat aethereum Rumiliana polum M.V.XXXIII » que l’on peut traduire par « Mon Dieu ayez pitié de votre serviteur ; que Jean Colet étant curé, le peuple de Rumilly habite le Paradis. 1533 ». Jean Colet s’était fait représenter priant, avec ses armoiries, accompagné de son saint protecteur, Jean-Baptiste, au pied de la scène de la Résurrection du Christ. Ce retable, daté de 1533, rassemble les scènes classiques des retables de la région, réparties en trois bas-reliefs, le central plus haut que les deux autres. Quatre petites statues encadrent les bas-reliefs : un ange à chaque extrémité du retable et de part et d’autre du panneau central : saint Pierre et saint Paul. L’histoire se déroule de gauche à droite. Dans le premier bas-relief, en arrière-plan se distingue la scène de la Flagellation dans une sorte de loggia émergeant des murailles de Jérusalem. La scène centrale et principale de ce relief représente le Portement de la Croix. Jésus est tombé à genoux sous le poids de la Croix. Devant lui sainte Véronique s’apprête à étancher la sueur de son visage tandis que Simon le Cyrénéen, un genou à terre, porte le pied de la Croix. En arrière-plan de cette scène, sur la droite, on aperçoit les deux croix des larrons dressées ; ceux-ci sont conduits les mains attachées dans le dos par un soldat sous les yeux de la Vierge, saint Jean, et les saintes femmes qui attendent l’arrivée de Jésus. Le panneau central du retable est consacré au Calvaire. Jésus crucifié entre les deux larrons expire. En bas à gauche, la Vierge s’évanouie dans les bras de saint Jean accompagné des saintes femmes. Marie-Madeleine, agenouillée, enlace le pied de la croix. Au second plan, deux hommes à cheval tentent de dresser une lance de tournois, avec laquelle ils vont percer les côtes du Christ afin d’achever son agonie. Dans le panneau de droite sont représentées successivement la Mise au tombeau, en arrière-plan, puis au premier plan la Résurrection du Christ. Jésus sort du tombeau au milieu des soldats, les uns endormis, les autres terrifiés. Au second plan, à gauche, les saintes femmes se rendent au tombeau, tandis qu’à droite, il apparaît dans une petite scène aux pèlerins d’Emmaüs : Cléopas et Simon, et plus à droite encore à Marie-Madeleine dans un jardin. Le style de ce retable le fait rapprocher d’une part, par son architecture et son ornementation flamboyante à celui que l’architecte Martin Chambiges avait réalisé pour la cathédrale de Troyes et d’autre part, par la sculpture des bas-reliefs au Maître de Chaource.

voir le chapitre  analyse scientifique du retable 


A la jonction des nervures des voûtes ont été peintes les armoiries de ceux : seigneurs, ecclésiastiques, particuliers, qui ont aidé Jean Colet dans son entreprise ; elles ont été restaurées en 1867 et le maire de l’époque, Paillot de Montabert, y a fait ajouter les siennes.





Au trumeau du portail, au-dessus d’un véritable « tronc » (il n’en existe que deux dans l’Aube et ils sont en l’église de Rumilly) une plaque rappelle la cérémonie de 1549 au cours de laquelle l’église Saint-Martin a été consacrée par le révérend père en Dieu et très illustre prince maitre Louis de Lorraine, évêque de Troyes. (voir le chapitre : les évêques de Troyes )


un des deux magnifiques vrais "tronc" du 16e s.

Plaque commémorative de la consécration de l'église 1549

Cartouche : la charité de saint Martin au-dessus, et un donateur agenouillé à l'intérieur même du cadre de l'inscription.

Transcription : L'AN DE GRACE 1549 / LE DIMANCHE 22 ET LE / LUNDI 23 IOURS DU MOIS / DE SEPTEMBRE FURENT / PAR REVEREND PERE EN / DIEU Me ANDRE RICHER EVSQUE DE CALCEDOINE / VICEGEREND DE DE NOBLEET / REVEREND AUSSY PERE / EN DIEU ET TRES ILLUSTRE / PRINCE Me LOYS DE / LORRAINE EVESQUE DE / TROYES DEDIES ET / CONSACRES CESTE / DEVOTE EGLISE / ET TOUTS SES / TRESE AULTELS.

L'on trouve également quelques tableau dont : Une Annonciation de 1736 par Guillaume II Cossard .

COSSARD PINXIT 1736.

La cure était à la collation seule de l'évêque de Troyes, la dîme était entre le curé et l'abbé de Molesme.

L'édifice est actuellement en restauration et une "cagnotte" est en ligne car la petite commune n'a pas assez de moyen pour réaliser tous les travaux :

FONDATION DU PATRIMOINE

 

 Sauvegarder une église du 16è siècle classée au patrimoine en 1840

Votre soutien est indispensable à la restauration de l'église de Rumilly-lès-Vaudes. Dictés par l'état sanitaire préoccupant de l'église, les travaux de restauration sont importants et concernent en priorité l'ensemble des toitures puis des maçonneries extérieures avant de se consacrer aux intérieurs de l'édifice.

L'analyse historique et architecturale montre l'intérêt archéologique majeur de notre église, basé sur un exceptionnel ensemble sculpté et des vitraux de très haute qualité.

Une restauration à l'identique nécessite la réfection quasi complète des couvertures, la révision des charpentes, la restauration des maçonneries extérieures et intérieures, la restauration soignée des sculptures et des vitraux.

Le lieu et son histoire : Rumilly-lès-Vaudes, petit village Champenois

Située à 12km au nord de Chaource, L'église de Rumilly-lès-Vaudes se distingue dans le riche patrimoine de la Renaissance en Champagne méridionale par la cohérence de son programme artistique, touchant les arts, l'architecture, la sculpture et la peinture, un programme édifié au service de la foi.

Sa façade rappelle celle de la cathédrale de Senlis. A l'entrée on observe la "porte du Baptême" et la coquille des pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle. L'église est dotée d'un campanile élevé sur le transept qui allonge ses 38 m sur 18 m en largeur et 13 m en hauteur pour la Nef centrale. Le vitrail du transept "le Procès en Paradis" de 1548 présente un thème original et unique. Le magnifique retable de la passion daté de 1533 pour la sculpture (composé de 70 personnages) et de 1536 pour la polychromie. Le collège apostolique, ses douze Apôtres adossés aux piliers de l'église est aussi à remarquer, c'est le plus beau de France à cette époque

La mobilisation : un territoire rural soudé autour du projet

Tous les visiteurs sont frappés par la beauté qui se dégage de ce lieu. L'association pour la sauvegarde du patrimoine Rumillon (créée de bénévoles, conseillers municipaux) associée à la population du village oeuvre depuis 2017 pour collecter des fonds afin d'aider à la restauration et poursuivre la sauvegarde de ce magnifique édifice dont nous avons hérité et le transmettre aux générations futures, préserver et valoriser les richesses patrimoniales de notre commune. Que chacun puisse s'approprier à sa façon cet édifice. (Cérémonies, Mariage, Baptême..) La valorisation du patrimoine est l’autre réussite puisqu'il est organisé des visites, concerts d'orgue, de corps de chasse...

La restauration de l'église Saint-Martin sera réalisée par huit entreprises locales ainsi que les compagnons du Devoir et du Tour de France. 

Pour avoir accès à la tirelire cliquez sur le lien ci-dessous :

 Fondation Patrimoine


 A l’heure à laquelle je vous écris, l’édifice est toujours en restauration, prochaine visite en 2025




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