Analyse du Retable de l’église Saint Martin de Rumilly-les-Vaudes
La date d’exécution
du retable 1533 nous est indiquée par une inscription se trouvant sur le socle
de ce dernier ; une date peinte 1536, se trouvant sur le bouclier d’un personnage
dans la scène centrale a été identifiée comme étant celle du peinte.
Le 17 et 18
janvier 1739 (1) un ouragan endommage gravement l’église. Durant plusieurs années
la commune va tenter de remettre en état son église.
En 1745 (2)
François Joseph Shedler, peintre décorateur est chargé entre autre de
« faire revivre les couleurs du retable ». Il est possible que ce
soit à cette époque que le retable ait été changé de place, tel que nous le
voyons aujourd’hui puisqu’on trouve une note dans le Registre délibération du conseil
de fabrique page 105, faisant mention qu’en 1750 Herluison de Troyes dote
l’église d’un autel « en tombeau plein de façon marbre de Vance ». Il
est à nouveau question en 1875 de l’autel (3), on déplore que l’ancien autel
ait disparu et qu’on l’ait remplacé « par un tombeau en bois style Louis
XV sur un emmanchement en pierre de dimensions excessives ». On constate
« l’effet désastreux » de ce nouvel autel, sa « complète
discordance avec le retable ». Il semble s’agir du même autel qu’en 1750.
En 1875, le
conseil municipal décide d’affecter le produit d’une coupe à la restauration du
« tryptique de pierre » ainsi qu’à l’établissement d’un autel de même
style. Il n’y a pas trace d’un nouvel autel, mais il n’est pas spécifié si les
travaux sur le retable ont été effectués ou pas. voir le chapitre Église saint Martin
(1) Archives de Rumilly, Donation Paupe 1756 in Rumilly-les-Vaudes de Jean Daunay. Terre de Champagne, village d’Aube 1966
(2)Registre de délibération du Conseil de Fabrique p. 67
(3) idem p.235
Stratigraphie
I
Un certain
nombre de prélèvements comporte une couche jaune brillante avec des cristaux
blancs et jaune et oranges n°1,2,7,14,15,21,24,29,30,31A,32,33,34,28. Sur ces
14 prélèvements, 7 appartiennent à l’architecture décorative,
n°2,7,14,21,30,31A,34. Il est à noter que les prélèvements n° 2,14,31A,
possèdent dans cette même couche jaune des cristaux transparents (quartz,
poudre de pierre ?).
On peut
remarquer que :
1 pour les
prélèvement 1,7,14,15,28,30,31A,33,34, cette couche jaune se trouve directement
sous une feuille métallique. Le n°29 possède une « bronzine »
2 il est
possible de dégager deux groupes au niveau de la stratigraphie :
A A) 1- Couche blanchâtre brillante
2- Fine couche jaunâtre brillante
3- Couche jaune avec cristaux oranges et blancs
4- Feuille métallique
B B) 1 – Couche jaune avec cristaux
oranges et blancs
2-Feuille métallique avec ouche picturale
Ceci pour les prélèvements n°7,14,24,28,29,30.
On peut
penser que les prélèvements du groupe B soient incomplets et qu’ils possèdent
une stratigraphie similaire au groupe A ou aux prélèvements 15 et 1. Le
prélèvement 21 présente la couche jaune avec des cristaux oranges et blancs
mais sa stratigraphie est un peu différente.
Une platine
chauffante effectuée sur les prélèvements 15,1 et 28 a révélé que cette couche
jaune fondait à 165°C pour le
prélèvement 15 ; 130°C pour le
prélèvement 1 et 130°C pour le prélèvement 28, mettant en évidence la présence
de résine dans les trois cas.
II
Les
prélèvements 11,16,4, comportent une couche jaune brillante avec des cristaux
oranges. Cette couche se trouve directement sous une feuille métallique ou sous
la couche picturale soit :
1- 1 - Couche blanchâtre brillante, sauf
prélèvement 16
2- 2 - Couche jaune brillante avec cristaux
oranges
3- 3 - Feuille métallique ou couche
picturale
Une platine
chauffante sur le prélèvement 16 a permis d’identifier cette couche jaune comme
étant de la résine (fond à 100°C).
III
Les
prélèvements 6,19,29,30,31A,33,34 possèdent une couche blanche avec des
cristaux blancs. Cette dernière se trouve dans la majeure partie des cas
au-dessus de la stratigraphie I A/B et dans tous les cas en dessous d’une
feuille métallique soit :
Stratigraphie IA/B + 1 – couche
jaunes avec cristaux blancs
2– feuille métallique
3 – fine couche transparente
4–
« paillettes » dorées et brunes
Les
prélèvements 6,33 et 34 ne possèdent pas de paillettes dorée et brunes
Une platine
chauffante sur la couche jaune avec cristaux blancs des prélèvements 6 et 19 a
révélé la présence d’huile pour le premier prélèvement et de résine pour le
second.
Avec ce que
nous venons de voir au § I,II et III et tout particulièrement grâce aux
prélèvements 29, 30 et 31A, nous pouvons tenter de comprendre les différentes
interventions qu’à subies le retable :
Couches anciennes :
1 – couche
blanchâtre brillante
2- fine
couche jaunâtre brillante (facultative)
3- Couche
jaune avec cristaux oranges et blancs.* couche de préparation
4– feuille
métallique et/ou couche picturale
1ère intervention :
5-Couche
jaune (jaunâtre) avec cristaux blancs et transparents. Couche de préparation
6-Feuille
métallique
7-fine
couche transparente (vernis ?)
2ème intervention :
8-« paillettes »
dorées et brunes. (bronzine ?)
*L’absence
de cristaux blancs n’exclue pas le prélèvement de cette stratigraphie.
Les
prélèvements 8,10,12,et 15 (personnages et fonds) 2,19,30,31A et 34
(décorations architecturale, encadrement) possèdent une fine couche brillante
(notée n°7 dans la stratigraphie) en avant-dernière couche. Une platine
chauffante sur le prélèvement 15 a montré qu’il s’agissait de résine (fond à
180°C).
Analyses
Les analyses
aux rayons X des feuilles métalliques présentes dans les prélèvement, ont
révélé que les prélèvement 1,4,8,14,15,19,21,29,30 possèdent une feuille
métallique composée en partie d’or. L’analyse à la microsonde électronique à
balayage (M.E.B.) des feuilles présents dans les prélèvements 4,8 et 7 a montré
que :
-Pour le
prélèvement 8 la feuille métallique est constituée d’Au+Cu+Zn
(or+laiton ?)
-Pour le
prélèvement 7 la feuille métallique est constituée de Cu+Zn (laiton ?)
Pour de
nombreux prélèvements il nous est impossible de dire avec certitude où se place
la feuille contenant l’Au (prélèvements 14,19,29,30), bien qu’en comparaison
des prélèvements 8,1 et 4 – où nous savons avec certitude où se place la
feuille contenant l’Au – et vu la stratigraphie, nous puissions dire qu’elle
fasse partie des couches anciennes ; ceci étant, rien n’indique que les
interventions successives n’aient pas été faites avec de la feuille d’or.
Un grand
nombre de prélèvements possèdent en surface, prélèvements 14,19,29,30,31A et/ou
à l’intérieur de la stratigraphie, prélèvements 3,8,29 une couche constituée de
« paillettes » dorées virant parfois au brun. L’analyse au M.E.B sur
le prélèvement 8 (couche 4) a révélé la présence de Cu+Zn+Pb+Ca ; la
présence de cette même couche plus fine, plus dorée, à la surface, la présence
des mêmes éléments, et des tests in-situ nous ont poussés à penser que nous
étions en présence de bronzine. La coloration brune semble provenir de
l’oxydation du cuivre.
L’étude des
34 prélèvements nous a permis de discerner au maximum 3 niveaux de
stratigraphie : couches anciennes ; 1ère
intervention ; 2ème intervention
Ceci semble
correspondre avec les textes qui nous sont parvenues. Il est à noter que les
prélèvements ayant été effectués en décembre 1987, alors que la campagne de
restauration avait débuté en juillet 1987, des informations ont pu être
perdues.
Ces 3
niveaux ne sont pas présents partout, il semble donc que les 2 restaurations
aient été faites de façon sélective. Il apparait par observation des coupes et
in-situ que même présentes, les couches anciennes soient très lacunaires
(particulièrement les feuilles métalliques), et qu’un dégagement de ces couches
anciennes serait délicat, d’autant plus qu’il est parfois difficile de savoir
si nous nous trouvons en présence d’une couche ancienne ou d’une restauration.
Cependant on
pourrait envisager un dégagement complet de certains éléments du retable, si
l’aspect esthétique de l’ensemble le justifie, en spécifiant très clairement le
pourquoi de cette intervention (harmonisation de l’ensemble, remise à jour de
parties finement travaillées, etc.), sur quels éléments elle a été effectuée et
jusqu’où. Cette manière d’envisager la chose pose de nouveau le problème
épineux de la déontologie en restauration, tout particulièrement lorsqu’il est question
de la couche picturale. Mais il semble qu’une bonne connaissance critique du problème
résultant de la mise en commun d’un savoir émanant des restaurateurs, des
scientifiques et des historiens d’art, ainsi qu’une information sérieuse auprès
du public permettraient de justifier une telle intervention.
Bernard Callede
Ingénieur au L.R.M.H.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire