vendredi 24 mai 2024

Analyse scientifique d'un retable

 


Analyse du Retable de l’église Saint Martin de Rumilly-les-Vaudes

La date d’exécution du retable 1533 nous est indiquée par une inscription se trouvant sur le socle de ce dernier ; une date peinte 1536, se trouvant sur le bouclier d’un personnage dans la scène centrale a été identifiée comme étant celle du peinte.

Le 17 et 18 janvier 1739 (1) un ouragan endommage gravement l’église. Durant plusieurs années la commune va tenter de remettre en état son église.

En 1745 (2) François Joseph Shedler, peintre décorateur est chargé entre autre de « faire revivre les couleurs du retable ». Il est possible que ce soit à cette époque que le retable ait été changé de place, tel que nous le voyons aujourd’hui puisqu’on trouve une note dans le Registre délibération du conseil de fabrique page 105, faisant mention qu’en 1750 Herluison de Troyes dote l’église d’un autel « en tombeau plein de façon marbre de Vance ». Il est à nouveau question en 1875 de l’autel (3), on déplore que l’ancien autel ait disparu et qu’on l’ait remplacé « par un tombeau en bois style Louis XV sur un emmanchement en pierre de dimensions excessives ». On constate « l’effet désastreux » de ce nouvel autel, sa « complète discordance avec le retable ». Il semble s’agir du même autel qu’en 1750.

En 1875, le conseil municipal décide d’affecter le produit d’une coupe à la restauration du « tryptique de pierre » ainsi qu’à l’établissement d’un autel de même style. Il n’y a pas trace d’un nouvel autel, mais il n’est pas spécifié si les travaux sur le retable ont été effectués ou pas. voir le chapitre Église saint Martin 

 (1)   Archives de Rumilly, Donation Paupe 1756 in Rumilly-les-Vaudes de Jean Daunay. Terre de Champagne, village d’Aube 1966

 (2)Registre de délibération du Conseil de Fabrique p. 67

(3) idem p.235

 





Stratigraphie

I

Un certain nombre de prélèvements comporte une couche jaune brillante avec des cristaux blancs et jaune et oranges n°1,2,7,14,15,21,24,29,30,31A,32,33,34,28. Sur ces 14 prélèvements, 7 appartiennent à l’architecture décorative, n°2,7,14,21,30,31A,34. Il est à noter que les prélèvements n° 2,14,31A, possèdent dans cette même couche jaune des cristaux transparents (quartz, poudre de pierre ?).

On peut remarquer que :

1 pour les prélèvement 1,7,14,15,28,30,31A,33,34, cette couche jaune se trouve directement sous une feuille métallique. Le n°29 possède une « bronzine »

2 il est possible de dégager deux groupes au niveau de la stratigraphie :

    A)    1- Couche blanchâtre brillante

        2- Fine couche jaunâtre brillante

        3- Couche jaune avec cristaux oranges et blancs

        4- Feuille métallique

         Ceci pour les prélèvement n° 31A,32,33,34. Les n° 15 et 1 ne comportent pas la couche n°2

 

B     B)    1 – Couche jaune avec cristaux oranges et blancs

        2-Feuille métallique avec ouche picturale

        Ceci pour les prélèvements n°7,14,24,28,29,30.

On peut penser que les prélèvements du groupe B soient incomplets et qu’ils possèdent une stratigraphie similaire au groupe A ou aux prélèvements 15 et 1. Le prélèvement 21 présente la couche jaune avec des cristaux oranges et blancs mais sa stratigraphie est un peu différente.

Une platine chauffante effectuée sur les prélèvements 15,1 et 28 a révélé que cette couche jaune fondait à 165°C  pour le prélèvement 15 ;  130°C pour le prélèvement 1 et 130°C pour le prélèvement 28, mettant en évidence la présence de résine dans les trois cas.

II

Les prélèvements 11,16,4, comportent une couche jaune brillante avec des cristaux oranges. Cette couche se trouve directement sous une feuille métallique ou sous la couche picturale soit :

1-                    1 - Couche blanchâtre brillante, sauf prélèvement 16

2-                     2 -  Couche jaune brillante avec cristaux oranges

3-                      3 - Feuille métallique ou couche picturale

Une platine chauffante sur le prélèvement 16 a permis d’identifier cette couche jaune comme étant de la résine (fond à 100°C).

III

Les prélèvements 6,19,29,30,31A,33,34 possèdent une couche blanche avec des cristaux blancs. Cette dernière se trouve dans la majeure partie des cas au-dessus de la stratigraphie I A/B et dans tous les cas en dessous d’une feuille métallique soit :

Stratigraphie IA/B + 1 – couche jaunes avec cristaux blancs

                                                           2– feuille métallique

                                                           3 – fine couche transparente

                                                           4– « paillettes » dorées et brunes

Les prélèvements 6,33 et 34 ne possèdent pas de paillettes dorée et brunes

Une platine chauffante sur la couche jaune avec cristaux blancs des prélèvements 6 et 19 a révélé la présence d’huile pour le premier prélèvement et de résine pour le second.

Avec ce que nous venons de voir au § I,II et III et tout particulièrement grâce aux prélèvements 29, 30 et 31A, nous pouvons tenter de comprendre les différentes interventions qu’à subies le retable :

Couches anciennes :

1 – couche blanchâtre brillante

2- fine couche jaunâtre brillante (facultative)

3- Couche jaune avec cristaux oranges et blancs.* couche de préparation

4– feuille métallique et/ou couche picturale

1ère intervention :

5-Couche jaune (jaunâtre) avec cristaux blancs et transparents. Couche de préparation

6-Feuille métallique

7-fine couche transparente (vernis ?)

2ème intervention :

8-« paillettes » dorées et brunes. (bronzine ?)

 

*L’absence de cristaux blancs n’exclue pas le prélèvement de cette stratigraphie.

Les prélèvements 8,10,12,et 15 (personnages et fonds) 2,19,30,31A et 34 (décorations architecturale, encadrement) possèdent une fine couche brillante (notée n°7 dans la stratigraphie) en avant-dernière couche. Une platine chauffante sur le prélèvement 15 a montré qu’il s’agissait de résine (fond à 180°C).

 

Analyses

Les analyses aux rayons X des feuilles métalliques présentes dans les prélèvement, ont révélé que les prélèvement 1,4,8,14,15,19,21,29,30 possèdent une feuille métallique composée en partie d’or. L’analyse à la microsonde électronique à balayage (M.E.B.) des feuilles présents dans les prélèvements 4,8 et 7 a montré que :

-Pour le prélèvement 8 la feuille métallique est constituée d’Au+Cu+Zn (or+laiton ?)

-Pour le prélèvement 7 la feuille métallique est constituée de Cu+Zn (laiton ?)

Pour de nombreux prélèvements il nous est impossible de dire avec certitude où se place la feuille contenant l’Au (prélèvements 14,19,29,30), bien qu’en comparaison des prélèvements 8,1 et 4 – où nous savons avec certitude où se place la feuille contenant l’Au – et vu la stratigraphie, nous puissions dire qu’elle fasse partie des couches anciennes ; ceci étant, rien n’indique que les interventions successives n’aient pas été faites avec de la feuille d’or.

Un grand nombre de prélèvements possèdent en surface, prélèvements 14,19,29,30,31A et/ou à l’intérieur de la stratigraphie, prélèvements 3,8,29 une couche constituée de « paillettes » dorées virant parfois au brun. L’analyse au M.E.B sur le prélèvement 8 (couche 4) a révélé la présence de Cu+Zn+Pb+Ca ; la présence de cette même couche plus fine, plus dorée, à la surface, la présence des mêmes éléments, et des tests in-situ nous ont poussés à penser que nous étions en présence de bronzine. La coloration brune semble provenir de l’oxydation du cuivre.

L’étude des 34 prélèvements nous a permis de discerner au maximum 3 niveaux de stratigraphie : couches anciennes ; 1ère intervention ; 2ème intervention

Ceci semble correspondre avec les textes qui nous sont parvenues. Il est à noter que les prélèvements ayant été effectués en décembre 1987, alors que la campagne de restauration avait débuté en juillet 1987, des informations ont pu être perdues.

Ces 3 niveaux ne sont pas présents partout, il semble donc que les 2 restaurations aient été faites de façon sélective. Il apparait par observation des coupes et in-situ que même présentes, les couches anciennes soient très lacunaires (particulièrement les feuilles métalliques), et qu’un dégagement de ces couches anciennes serait délicat, d’autant plus qu’il est parfois difficile de savoir si nous nous trouvons en présence d’une couche ancienne ou d’une restauration.

Cependant on pourrait envisager un dégagement complet de certains éléments du retable, si l’aspect esthétique de l’ensemble le justifie, en spécifiant très clairement le pourquoi de cette intervention (harmonisation de l’ensemble, remise à jour de parties finement travaillées, etc.), sur quels éléments elle a été effectuée et jusqu’où. Cette manière d’envisager la chose pose de nouveau le problème épineux de la déontologie en restauration, tout particulièrement lorsqu’il est question de la couche picturale. Mais il semble qu’une bonne connaissance critique du problème résultant de la mise en commun d’un savoir émanant des restaurateurs, des scientifiques et des historiens d’art, ainsi qu’une information sérieuse auprès du public permettraient de justifier une telle intervention.

 

Bernard Callede

Ingénieur au L.R.M.H.

 

Emplacements des prélèvements - chemin de croix


Prélèvements sur le retable (partie centrale)

 

Emplacement des prélèvements sur le retable -  Résurrection


stratigraphie d'un prélèvement "chemin de Croix" sur la robe bleue du Christ

Je signale que je ne poste pas tous les rapports d'échantillons, pas plus que toutes les photographies qui n'apporteront rien au lecteur

 

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