vendredi 23 août 2024

Châtellenie de La Grève

 



J’ai réalisé ce chapitre, en choisissant cette châtellenie, pour montrer toutes les implications qui pouvaient exister à cette époque.

 Le village de « La Grève » et le château fort qui ont occupé le territoire de ce nom, devenu celui de la châtellenie, ont disparu depuis longtemps, leur destruction remontant à la fin de la guerre de Cent ans.

 Le territoire qu’ils occupaient faisait partie des finages de « Crancey » et « Faverolles ». On trouve le souvenir de cette localité dans les chartes anciennes. C’est ainsi que dans celles de l’abbaye de Scellières il est fait mention d’un moulin qui existait à La Grève en 1324.

 Les habitations de la Grève se trouvaient entre le hameau de « Maugis » constituant un fief et le hameau de « Faverolles », dépendant du finage de « Saint-Hilaire ».

La châtellenie de la Grève ne porta pas toujours ce nom, son siège ayant été transféré à Crancey, village ressortissant de sa juridiction, elle devint la baronnie de Crancey, suite à la vente que Charles de Gonzague fit de ce domaine en 1602.

 Anciennement possession de la maison de Traînel et de Pont-sur-Seine, réunie au domaine royal par l’acquisition qu’en fit, en 1316, Louis de France, devenu par la suite roi sous le nom de Louis-le-Hutin, la baronnie de La Grève (ou de Crancey) fut comprise dans le marquisat de Pont-sur-Seine où elle demeura jusqu’en 1790.

 Elle avait dans sa mouvance le village de « Crancey » et le fief de « Maugis », « Gélannes » et les fiefs de « Grand’Maison », « Accins », des « Coutumes de Gélannes » et du « Petit-Mesnil », « Origny-le-Sec », « Saint-Hilaire », et le hameau de « Faverolles ».

 « Crancey » : ce village mouvant de la châtellenie de La Grève et par suite de la couronne de France semble avoir été déjà habité à l’époque gauloise. Il a été fortifié au XVIe siècle. La porte de l’enceinte a été abattue vers 1784.

 « Maugis » : fief de hameau du finage de Crancey, mouvant en plein fief de La Grève. Il a été divisé en 2 parties : le fief du Grand-Maugis et celui du Petit-Maugis. Le Petit Maugis était composé comme le Grand de maisons, étables… et il eut les mêmes propriétaires. Lors de la Révolution de 1789, la ferme de Maugis, comprenant les 2 fiefs, fut adjugée 600 livres à Joseph Blaise, marchand, demeurant à Troyes.

 « Gelannes » : cette terre et seigneurie était mouvante et plein fief de la châtellenie de La Grève. Le village est situé sur l’ancienne route de Nogent à Troyes. On y a découvert des médailles d’Auguste.

 En 1230, Anseau de Traînel, seigneur de Voisines, possédait la terre et seigneurie de Gelannes qui, plus tard, fut réunie à la châtellenie de La Grève. Après avoir passé en plusieurs mains, le domaine de Gelannes demeura jusqu’à la Révolution, la propriété des seigneurs de La Grève.

 « Grand’Maison », ce fief sis à Gelannes, mouvait des seigneurs de La Grève et en arrière-fief du roi à cause de sa grosse tour de Troyes. On l’appelait ainsi parce que les bâtiments qui en dépendaient occupaient l’emplacement où était autrefois la maison seigneuriale de Foujon*.

 « Accins » : fief, sis à Gelannes, eut parmi ses possesseurs, ceux de Gelannes.

 « Petit-Mesnil » : fief à Gelannes, dit le « Terrage du Petit-Mesnil » appartint aux mêmes possesseurs cités plus haut.

 « Origny-le-Sec » : jadis dépendant du bailliage de Sens, et mouvant en plein fief de la châtellenie de La Grève. Il y eut dans ce village un prieuré de l’Ordre de Saint-Augustin.

 « Saint-Hilaire » : village mouvant en fief de main-morte (incapacité dont sont frappés les serfs, au Moyen Âge de transmettre leurs biens à leur décès) de La Grève, avec le hameau de Faverolles. Il y avait un prieuré simple de Bénédictins, dit prieuré de Saint-Claude, dépendant de l’abbé de Molême. Il avait été fondé, en 1110, par Granier de Traînel, seigneur de Pont-sur-Seine, et son frère Philippe, évêque de Troyes. Ce prieuré avait été détruit par les Calvinistes au XVIe siècle.

 « Faverolles » : hameau de la commune de Saint-Hilaire, était mouvant de la châtellenie de La Grève.


 « Les Châtelains de La grève » 



La châtellenie de La Grève était anciennement une baronnie appartenant à la puissante maison de Traînel, en même temps que la châtellenie de Pont-sur-Seine : Ponce 1er de Traînel, en 1079, et après lui, ses 2 fils, Anneau et Garnier 1er, qui se partagèrent les domaines paternels.

En 1115, Garnier II de Traînel, chevalier était seigneur de Marigny.

En 1170, Garnier III de Traînel, fils de Garnier II, possédait le domaine de Marigny.

En 1239, Garnier IV de Traînel était seigneur châtelain de Marigny et de La Grève. Marie de Traînel, fille de Garnier V, en 1277, rendit foi et hommage à Jean de Nanteuil, évêque de Troyes, pour la part des seigneuries de Marigny et de La Grève. Morte sans enfants, son héritage retourna à sa sœur Agnès de Traînel dame en partie de Marigny et de La Grève, mariée à Poincet de Thil-en-Auxois. Ce dernier rendit hommage à l’évêque de Troyes pour la seigneurie de Marigny.

En 1277, il est seul seigneur de Marigny et de La Grève.

En 1312, Guillaume de Thil-en-Auxois possède la châtellenie de La Grève, comme héritier de sa mère. Il la vend avec ses dépendances de Crancey, Faverolles, Gelannes et Origny, à Louis de France, comte de Champagne et de Brie, roi de Navarre, fils aîné de Philippe-le-Bel et de Jeanne, reine de Navarre et comtesse de Champagne.

Louis, devenu roi de France en 1314, sous le nom de Louis-le-Hutin, mourut sans héritier mâle, en 1316. Jeanne demeurait seule héritière de la couronne de France, mais selon la loi salique (loi qui excluait les femmes de la succession, tant qu’il restait des héritiers mâles), Louis-le-Hutin eut pour successeur aux trônes de France et de Navarre, et au Comté de Champagne, son frère Philippe-le-Long, couronné en 1317 et décédé en 1322, sans héritier mâle. Il avait obtenu de Jeanne un traité par lequel elle renonçait au royaume de France.

La châtellenie de La Grève faisait alors partie du domaine royal. Charles-le-Bel, frère et successeur de Philippe-le-Bel, obtint, en 1322, de Jeanne de France alors mariée à Philippe d’Evreux, un traité par lequel elle renonçait à ses droits sur le comté de Champagne.

Charles-le-Bel mourut en 1328, sans laisser d’enfants mâles. Marguerite de France donne en 1356 à sa petite fille Marguerite de Flandre, La Grève.

Elle se maria en 1369 à Philippe II de France, dit le Hardi. Décédés lui en 1404, elle en 1408, leur troisième fils Philippe de Bourgogne hérita de la châtellenie de La Grève, mais il fut tué à la bataille d’Azincourt.

Son fils, Charles de Bourgogne, comte de Nevers, devint seigneur de La Grève. Il décéda en 1464, l’héritier fut son frère Jean.

En 1519, La Grève fut attribuée à Marie d’Albret, femme de Charles de Clèves, comte de Nevers. Décédée en 1549, son fils François 1er de Clèves, duc de Nevers, possède La Grève.

En 1560, Jacques de Clèves obtient La Grève, qui passe à son décès en 1564, à sa fille Marie de Clèves.

En 1607, la Châtellenie est vendue à Claude de Berziau, et en 1608, à Achille de Harlay conseiller du roi, qui la revend en 1631 à Claude Bouthillier de Chavigny*. Décédé en 1652, la baronnie de La Grève échut à son petit-fils Gilles-Antoine de Bouthillier, qui sera grand vicaire du diocèse de Troyes et décèdera en 1695. Ensuite, on trouve comme seigneur de La Grève François Bouthillier*, évêque de Troyes.

En 1779 le domaine est acheté par le prince François-Xavier de Saxe, beau-frère du Dauphin, fils de Louis XV.

 Ces biens furent confisqués en 1790, et la République les mit en vente le 3 floréal an VI (22 avril 1798).

 

*Château de Foujon


L’ancien château fort de Foujon occupait une magnifique position, à gauche de la route impériale, et à 3 kilomètres de Pont [sur Seine], sur un point culminant qui domine la vallée de la Seine.

Sa construction remonte à la fin du XIIe siècle. Il appartient alors à Blanche de Navarre, veuve de Thibaut III, comtesse de Champagne et de Brie, comme dépendance du domaine de Pont-sur-Seine qu’elle a reçu de son époux, à titre de douaire.

Cette princesse, menacée dans les droits de son fils et dans ses possessions par Erard de Brienne, fait fortifier, à cette époque, une partie de ses châteaux, pour les mettre en état de résister aux attaques de son ambitieux compétiteur, dont celui-ci.

Jamais Foujon n’a été pris d’assaut, ni ravagé à main armée.

 Tombé aux mains de propriétaires moins riches et moins puissants, le donjon féodal est négligé et mal entretenu, car, en 1775, il est découvert et à moitié ruiné.

On s’étonne en 1863, que cette masse encore imposante ait pu résister pendant près d’un siècle aux efforts incessants des éléments conjurés. Les tours principales, bien qu’éventrées et hors d’aplomb, élèvent encore dans les airs leurs créneaux rongés par le temps. Les souterrains qui les supportent, quoique moitié comblés par les pierres écroulées, offrent des parties de voûtes parfaitement conservées.

Des portes et des fenêtres, ouvertes à des hauteurs inégales au-dessus du sol, exercent la curiosité et les conjectures de l’antiquaire, sur la distribution intérieure de ce sombre édifice. On remarque des ouvertures à plein cintre, remontant jusqu’à l’époque Romane, et datant de la construction primitive du château. Dans d’autres parties, des baies ogivales trahissent des remaniements postérieurs.

Ce domaine a été réduit depuis très longtemps à l’état de simple ferme, qui appartenait aux hospices de Troyes. Son Altesse Impériale et Royale la princesse Laetitia, mère de l’Empereur Napoléon 1er, en était propriétaire en août 1805.

En 1812, il fut cédé par Elle à M. Trudon, notaire à Pont-sur-Seine, qui le revendit en 1815 à M. Piot de Courcelles, alors maire de Troyes.

Ce dernier en fit donation aux hospices, à la charge d’en consacrer le revenu à l’entretien d’une salle de maternité à l’Hôtel-Dieu.

En 1928, la Société académique et le Syndicat d’initiative de l’Aube ont vainement essayé d’en obtenir le classement comme monument historique.

Aujourd’hui en 2024, plus rien ne reste de ce monument

*Denis-François Bouthillier de Chavigny

 Le neveu de Mgr François Bouthillier qui lui succéda, était le fils d’Armand-Léon Bouthillier, comte de Chavigny, seigneur de Pont-sur-Seine, maître des Requêtes, puis conseiller au Parlement et d’Elisabeth Bossuet.

Appelé tout d’abord « l’abbé de Chavigny », Docteur de Sorbonne, vicaire général de son oncle, et archidiacre de Sézanne, abbé de Basse-Fontaine, de Saint-Loup de Troyes, d’Oigny et de Vauluisant, prieur de Marnay, il fut proposé à Rome dans un consistoire par le cardinal Bouillon, et obtint ses bulles le 10 mars 1697. Pour implorer le secours de Dieu à son entrée dans l’épiscopat, il chargea M. Vinot, doyen de la cathédrale et son grand-vicaire, de publier un mandement par lequel il donnerait avis que le jour de son sacre était fixé au 20 avril 1697, et d’inviter tous les diocésains à prier Dieu qu’il lui donnât toutes les grâces nécessaires pour bien gouverner son diocèse. Au commencement de l’année suivante, il prit possession par son procureur à cet effet, M. de Chavaudon, chanoine, archidiacre d’Arcis et abbé de Notre-Dame de Mores (abbaye de Celles-sur-Ource), assisté des doyens de Saint-Etienne et Saint-Urbain. Après avoir reçu la députation du chapitre à Pont-sur-Seine, le nouvel évêque vint à Troyes, où il ne fit pas d’entrée solennelle comme anciennement, mais il se contenta de prêter son serment entre les mains de Mlle d’Estampes, grande prieure, l’abbesse désignée n’ayant pas encore ses bulles. Lorsque le nouveau prélat vint se faire installer à la cathédrale, il y eut beaucoup de difficultés entre le chapitre et Mgr Imbert, archidiacre de Sens, à qui appartenait, en cette qualité, le droit d’installer les évêques de la province. Cet archidiacre voyant « qu’on lui faisait violence » se retira, et le doyen fit lui-même la cérémonie. Le lendemain on s’attendait à un procès, mais on remit le différend aux jugements de deux avocats qui décidèrent que le droit de l’archidiacre de Sens était incontestable. L’affaire n’eut pas plus de suite, et la délibération des avocats termina toutes les difficultés.

Le 4 décembre, Mgr de Chavigny envoya à tous les ecclésiastiques de son diocèse une « lettre pastorale pour confirmer les statuts de son oncle et ordonner en particulier l’exécution de quelques-uns des plus importants. Au mois de mars suivant, il bénit à la Visitation le nouvel abbé de la Piété en présence de son oncle et des abbés prieurs de l’ordre de Citeaux.

Le livre des « maximes des saints » de Mgr de Fénelon, archevêque de Cambrai, venant d’être condamné, Mgr l’évêque de Troyes reconnut dans la constitution du Pape la voix du chef de l’église, en vertu des lettres patentes du roi, il donna un mandement d’adhésion qui fut publié dans toutes les églises du diocèse, afin d’empêcher la lecture de ce livre.

 On parlait alors de réunir à l’évêché le prieuré de Notre-Dame-en-l’Isle, possédé par les chanoines réguliers du Val des Ecoliers. Ce changement parut aux Jésuites une occasion favorable pour reprendre le projet de leur établissement dans Troyes, en faisant aux habitants des propositions avantageuses. Ils se présentèrent au conseil pour en obtenir des lettres, mais on leur demanda la requête des habitants à cet effet, et n’ayant pas pu la montrer, ils furent déboutés de leur demande, et le prieuré fut réuni à la manse épiscopale pour en augmenter les revenus.

Mgr de Chevigny fut député à l’assemblée générale du clergé pour aller haranguer la reine d’Angleterre à qui Louis XIV avait donné un asile à Saint-Germain-en-Laye.

Pendant son absence et celle de son oncle, le plus fâcheux événement jeta les Troyens dans la consternation. La nuit du 7 au 8 octobre, le tonnerre tomba sur la cathédrale, dont il brûla le clocher et où il fit les plus grands ravages. On envoya à Pont-sur-Seine où étaient les deux prélats, un messager pour leur annoncer cette fatale nouvelle. A la vue du désastre, M. de Chevigny ordonna des prières publiques pour remercier Dieu de ce qu’il avait préservé l’église. Il alla lui-même avec des députés du chapitre se présenter au roi pour obtenir des secours que le prince accorda à sa recommandation.

Les contestations sur le Jansénisme s’étaient renouvelées, et le pape Clément XI, venait de donner la bulle « Vineam Domini Sabaoth », qui fut envoyée en France. Le roi la remit à l’assemblée du clergé qui y reconnut la doctrine que le clergé de France avait toujours suivie. Sa Majesté exhorta les évêques à la faire exécuter dans tous les diocèses, et Mgr de Chavigny la fit publier à Troyes par un mandement daté du 2 novembre. Il donna cette même année, un catéchisme pour remplacer celui de Mgr Malier dont les exemplaires étaient rares et le langage suranné. Ce fut celui le plus à la portée des enfants.

Mgr de Chavigny convoqua un synode pour le 18 mai. Il établit des assemblées de doyenné appelées « calendes », pour lesquelles il donna un règlement, et qui se tinrent pour la première fois le 3 mai 1707, au séminaire. Il supprima quelques fêtes chômées à l’imitation de son oncle qui en avait déjà retranché quelques-unes en 1688. Le 3 mai 1707, à la fin de la « calendes », Mgr de Chavigny fit sortir tous les ecclésiastiques, à l’exception des curés. Il fit à quelques-uns des reproches sanglants sur leur conduite, il en condamna même au séminaire les uns pour 8 jours, les autres pour 1 mois, d’autres pour 3 ou 6 mois, ce qui le fit blâmer dans Troyes, où il fut accusé d’indiscrétion.

 L’abbé de Saint-Loup, simple tonsuré, âgé de plus de 80 ans, voulut se démettre de son abbaye. Mgr de Chavigny pensa à se la procurer et même à la faire unir à l’évêché. Le roi l’y nomma le jour de l’assomption.

Notre évêque fut consulté sur un événement extraordinaire. Une muraille du couvent de Foissy étant tombée, les religieuses profitèrent de cette occasion pour se « procurer de la société ». On vint les voir en foule, on entra librement partout, on chanta des chansons peu décentes, on proféra toutes sortes de «  paroles sales », de sorte qu’une religieuse voulant y mettre de l’ordre, reçut un soufflet pour récompense de son zèle. On demanda à Mgr de Chavigny si les coupables étaient excommuniés. Il répondit que cela n’était marqué dans aucun statut, mais que néanmoins, il fallait leur imposer une forte pénitence.

En 1711, il prit possession du prieuré de Notre-Dame-en-l’Isle, uni à l’évêché.

Le pape Clément XI venait de donner en 1713 la bulle « Unigenitus » contre le livre du P. Quesnel et les Jansénistes. Le clergé de France s’assembla pour en décider l’acceptation. Mgr de Chavigny fut un des acceptants, et sa signature se trouve parmi celles des 40 évêques, en 1714. Son oncle parut le blâmer d’avoir signé, mais il donna pour toute réponse qu’il y avait 39 évêques à l’assemblée, et que lui faisait le quarantième.

M. l’ancien évêque, son oncle, devenu conseiller de la régence à la mort de Louis XIV, chercha l’occasion de faire passer son neveu à un siège plus considérable. Elle se présenta peu de temps après. Mgr Fortin de la Hoguette mourut le 28 novembre et laissa vacant le siège archiépiscopal de Sens. A la supplication de Mgr Bouthillier, le régent y nomma Mgr de Chevigny, et pour l’évêché de Troyes, M. de la Croix de Castries, grand archidiacre de Narbonne, premier aumônier de la duchesse de Berry et d’une des plus illustres familles du royaume, qui n’accepta pas. « On jeta alors les yeux » sur M. Bossuet, cousin germain de Mgr de Chavigny, neveu du grand Bossuet et archidiacre de Meaux. MM. de Bouthillier et de Chavigny se rendirent ses protecteurs, et le firent nommer à l’évêché de Troyes. Un nouveau bréviaire fut imprimé en août 1717.

Mgr de Chavigny reçut ses bulles pour l’archevêché de Sens. Il écrivit de Pont-sur-Seine, au chapitre de Troyes, qu’il remettait entre les mains des chanoines le « dépôt que la providence lui avait confié, et qu’ainsi, ils devenaient chargés du gouvernement du diocèse ». Il témoigna dans sa lettre « qu’il se séparait, avec beaucoup de peine, d’une église qu’il révérait infiniment… ».

Mgr de Chavigny mourut à Sens le 9 novembre 1730, âgé de 65 ans.


*François Bouthillier

Mgr Malier eut pour successeur M. François Bouthillier, petit fils de Claude, surintendant des Finances et fils de Léon, comte de Chavigny et de Buzançois, ministre et secrétaire d’état des affaires étrangères, et d’Anne Phélippeaux, fille de Jean, seigneur de Villefavin.

Dès l’âge de 5 ans, le jeune Bouthillier fut pourvu de l’abbaye de Scellière qu’il a gardée pendant plus de 80 ans, et qui lui assura un revenu confortable. Dans la suite, il fut abbé d’Oigny, prieur de Pont-sur-Seine, de Marnay et de Beaumont en Auge, aumônier du roi, nommé à l’évêché de Rennes (qu’il refuse) et enfin à celui de Troyes.

Notre 86ème  évêque fut sacré à Paris le 9 avril 1679, et, le 18 mai suivant, mis en possession de son diocèse par l’archidiacre de Sens. A l’exemple de son prédécesseur il ne fit pas d’entrée solennelle, « mais il se transporta » seulement à l’abbaye de Notre-Dame-aux-Nonnains où il prêta, entre les mains de l’abbesse, le serment ordinaire de garder les privilèges de ce monastère.

 A son avènement, M. Bouthillier crut ne devoir pas négliger les synodes pour maintenir la discipline dans son diocèse. Dès le mois de mai de l’année suivante, il donna un mandement par lequel il indique un synode pour le mardi 4 juin suivant, et donne des règlements généraux pour tous ceux qui se tiendront dans sa suite. Il publia encore une lettre pastorale où il dit que, malgré l’application de ses prédécesseurs à maintenir les saintes règles du diocèse, on ne voit pas encore tout le bien, qu’on pouvait en espérer, et il renouvelle en même temps les anciens statuts, en tout ce qui ne sera pas contraire aux règlements postérieurs.

Ce prélat, qui ne laissait  échapper aucune occasion de signaler son zèle, crut qu’une mission était aussi nécessaire pour confirmer la piété des fidèles, que les synodes pour le maintien de la discipline parmi les ecclésiastiques. Il en chargea les Capucins qui se distinguaient alors par la conversion de plusieurs protestants qu’ils ramenèrent dans le sein de l’église. Elle se fit dans les paroisses de Saint-Jean, de Sainte-Madeleine et de Saint-Nizier, où il y avait tous les jours entretiens et conférences utiles pour l’instruction du peuple.

Mgr l’Evêque prêcha dans la cathédrale à cette occasion et bénit la croix qui fut plantée solennellement au Fort-Chevreuse. Cette mission produisit tout l’effet qu’on avait lieu d’attendre, et le prélat vit, avec satisfaction, ses ouailles se porter d’elles-mêmes et avec ardeur à tous les exercices de piété.

Quoique les entreprises des Jésuites sur Troyes eussent toujours été vaines et malheureuses, ils espéraient encore contre toute espérance. Dans cette vue, ils firent prêcher dans l’église de Saint-Etienne le panégyrique de ce saint par un de leurs prédicateurs, qui, en entrant en chaire, parla de la mort de la reine Anne d’Autriche. Comme M. l’évêque ne leur semblait pas favorable, ils s’adressèrent à M. l’intendant de la province. Mais toutes leurs intrigues et toutes leurs démarches furent encore inutiles, les citoyens persévérèrent dans la volonté de ne pas les recevoir.

Parmi tous ces démêlés où Mgr l’évêque ne prenait aucune part, ce prélat conservait son zèle pour le bien de son diocèse. Il confirma les statuts de 1680 contre les « écreignes ou veilleries » qui étaient souvent un sujet de scandale. Pour y remédier, il rendit, le 20 octobre 1686, une ordonnance, qui, tous les ans doit être publiée aux approches et à la fin de l’hiver, et défend, sous peine d’excommunication, aux garçons d’entrer dans ces « veilleries et d’employer la violence à cet effet ». Il y est recommandé aux curés d’envoyer, au commencement du carême, à l’évêché, un mémoire des noms des coupables, avec les circonstances de leur péché et de leur donner pour pénitence d’entendre la messe un dimanche à genoux, un cierge à la main, dans une place distinguée, sous le crucifix ou proche des fonts baptismaux, autant de fois qu’ils encourront l’excommunication.

L’année suivante, il donne une autre ordonnance par laquelle il défend, sous peine d’excommunication encourue par le seul fait, toute entrée dans les monastères sans permission de lui ou de ses vicaires-généraux.

Il publia plusieurs statuts parmi lesquels, celui de l’assiduité aux conférences ecclésiastiques pour lesquelles il avait fait des règlements 8 ans auparavant.

Cependant, les Jésuites ne s’endormaient pas sur leur projet d’établissement dans Troyes. Les sollicitations, les démarches, les assurances de l’amour du bien public, rien ne leur coûtait pour parvenir à leurs fins. L’année 1688 les vit se remuer de nouveau et employer tous les moyens qui leur semblèrent les plus propres à obtenir l’effet de leur demande. Mais autant ils montraient d’ardeur pour cette affaire, autant les Troyens témoignaient d’éloignement pour les recevoir dans le sein de leur ville.

A cette même époque, les Jacobins et les Cordeliers scandalisaient les Troyens, lorsqu’ils sortaient de leur couvent pour aller dire la messe dans les paroisses. M. l’évêque y mit bon ordre et leur défendit de se charger d’aucune messe hors de chez eux, leur laissant néanmoins l’espace de 3 mois pour achever ce qu’ils avaient commencé.

Mgr l’évêque avait fait mettre, à Notre-Dame-en-l’Isle, un prêtre qui avait l’esprit aliéné et qu’il avait bien recommandé au prieur. Un jour ce prêtre alla lui demander une cure, mais se voyant refusé, même avec des menaces, il tomba dans un accès de folie, s’en retourna à Notre-Dame-en-l’Isle, où l’on commençait les complies. Là, il monte sur le grand autel, et à coups de pieds renverse le tabernacle et les reliques des saints. Il est arrêté, et, par l’ordre de l’official, conduit à la Santé, où on lui met les fers aux pieds. Quatre jours après, les religieux, accompagnés de ceux de Saint-Martin-ès-Aires firent une procession pour réparer ce sacrilège.

 En 1694, les Oratoriens firent soutenir une thèse qui fut mal interprétée par leurs ennemis. Ceux-ci firent « courir une feuille volante anonyme intitulée Le Luthéranisme renaissant ». Il y avait sur une colonne les sentiments de Luther sur l’autorité du pape, et sur l’autre les propositions de la thèse, afin de montrer, par cet artifice, la conformité de la doctrine des Oratoriens avec celle de cet hérésiarque. Mgr l’évêque en fut informé, mais l’affaire n’eut pas de suite, et le prélat vit bien que cette accusation avait été faite par un esprit de vengeance et de jalousie.

On travaillait alors à imposer une capitation (impôt) sur les ecclésiastiques. Le diocèse de Troyes fut imposé à 45.000 livres, mais on prétend que la proportion ne fut pas exactement observée, ce qui amena quelques plaintes qui ne furent pas beaucoup écoutées.

 En 1697, Mgr Bouthillier, qui résidait plus souvent à Paris qu’à Troyes, annonça à son chapitre que, s’étant plusieurs fois trouvé mal en officiant, il s’était déterminé à se démettre de son évêché, et que le roi qui avait agréé sa démission, y avait nommé son neveu. En fait, c’était dans l’espoir d’entrer au ministère. Il revint à Troyes, et résolut de vivre dans une retraite absolue, d’abord au Grand-Séminaire, puis il choisit la maison des Chartreux de Croncels, où il se fit bâtir un appartement.

Il alla encore de temps en temps à la cour, surtout en 1713, où le roi le reçut « avec distinction ». L’année suivante, il travailla avec les cardinaux d’Etrées et de Polignac, à l’accommodement du cardinal de Noailles avec la cour de Rome, au sujet des disputes sur la bulle « Unigenitus » du pape Clépent XI, pour dénoncer le jansénisme.

Après la mort du roi Louis XIV il est appelé au Conseil de Régence par Philippe d'Orléans en septembre 1715.

Il se fixa de nouveau à Paris où il mourut le 15 novembre 1731, âgé de 90 ans.

Son successeur fut son neveu D.F. Bouthillier de Chavigny. 

 

PREVOST—Histoire du diocèse de Troyes.

ROSEROT (Alphonse) —Dictionnaire historique de Troyes.

ROSEROT DE MELIN (Mgr Joseph) —Le diocèse de Troyes, des origines à nos jours.

BONNARD (Mgr J. Dieudonné)- archives personnelles

BEAUCHAMP (Louis A. Marquis de) mon aïeul – archives familiales


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