vendredi 23 août 2024

Les Châtellenies

 


Les châtellenies sont les principaux éléments de la géographie féodale. Après elles viennent les fiefs et les arrière-fiefs, qui relèvent d’elles.

 En quoi consistaient-elles ?

 L’institution des châtellenies date de l’époque féodale et remonte au Xe siècle.

            On désignait sous ce nom des divisions territoriales correspondant aux grands fiefs détenus par des seigneurs appartenant à la classe supérieure de la chevalerie et portant les titres de comtes, barons et chevaliers bannerets (jeunes nobles ayant déjà acquis des fiefs), désignés parfois sous les noms de   « sires » et de « châtelains ».

            Au début du XIe siècle, presque tous les emplacements favorables à la construction des châteaux forts étaient occupés.

            La châtellenie, organisation du pouvoir civil et chef-lieu de circonscription militaire féodale, empruntait son nom à la forteresse, au château, capable de soutenir un siège en règle, et devenu le siège et le centre d’une domination judiciaire et politique qui s’étendait aux environs.

            Il y eut deux catégories de châtellenies : les châtellenies royales et les châtellenies seigneuriales. Les premières comprenaient chacune une portion du territoire appartenant au domaine de la Couronne, et dont les titulaires ou châtelains relevaient immédiatement du roi. Ces châtellenies exerçaient les droits de haute justice et les appels de leur sentences étaient porté devant les baillis et sénéchaux royaux.

            Le roi, ayant les droits de justice, se faisait représenter dans l’étendue de son territoire par un juge investi d’une commission qui l’autorisait à rendre la justice. La châtellenie était devenue alors une institution publique, un tribunal.

            Jusque-là, c’est au seigneur qu’appartenait le droit de lever des soldats, charge qui fut attribuée au « bailli ». Ce dernier avait sous sa direction les « prévôts », qui étaient chargé de la justice dans les chefs-lieux des circonscriptions féodales correspondant à peu près à nos cantons actuels.

            Les prévôts avaient sous leur main des juges de dernier ordre dans les villages du ressort. Chacun d’eux rendait la justice aux habitants de ces localités. On les appelait les « juges-maires ». Le tribunal des prévôts était ambulatoire et ils tenaient leurs plaids, tantôt dans un village de la châtellenie, tantôt dans un autre.

            Sous Henri-le-Libéral (vers 1152), le comté de Champagne renfermait 26 châtellenies, parmi lesquelles : Troyes, Isle (Aumont), Bar-sur-Aube, Rosnay, Payns, Pont-sur-Seine, Méry, Nogent-sur-Seine…, qui furent incorporées au domaine royal à la suite du mariage de Jeanne de Navarre, comtesse de Champagne, avec Philippe-le-Bel, roi de France.

 Dans la châtellenie de Troyes on comptait, au XVIe siècle, 11 mairies royales.

            Comme, par suite de la division de certaines parties du domaine royal données en apanage, ou à d’autres titres, il y eut lieu de créer de nouvelles châtellenies, le roi Henri III, par édit du 20 mars 1573, ordonna que « la terre érigée en châtellenie eût d’ancienneté les droits de justice haute, moyenne et basse sur les sujets de la seigneurie et autres droits en dépendant, et qu’elle fût tenue en seul hommage du Roi. Les impétrants devaient, en outre, être d’origine noble et ancienne ».    

            Châtellenies seigneuriales : les grands fiefs seigneuriaux ne relevaient d’aucune de ces châtellenies royales. Ils avaient pour la plupart, le titre de châtellenie, jouissaient des droits de justice sur les sujets dépendant de leurs circonscriptions, et les jugements se rendaient à la porte du château ou dans la basse-cour (zone enceinte par une fortification).

 Ils possédaient aussi les droits de marché, de prévôté, d’église et autres droits ayant jadis appartenu au pouvoir central. Relevant d’une seigneurie telle que duché, comté ou baronnie, ces fiefs avaient à leur tête soit de seigneurs particuliers, soit des lieutenants des comtes.

            Chaque châtellenie correspondait donc, en moyenne, à 10 communes, mais plusieurs étaient plus étendues et d’autres beaucoup moins.

            Les châtelains : la fonction de châtelain était, à l’origine, un simple office, ou plutôt, une commission révocable à volonté donnée par les comtes. Il était fonctionnaire et délégué à la garde d’un château.

            Certains de ces châtelains ayant pris des châtellenies en fief, en devinrent propriétaires héréditaires, ils relevèrent alors des seigneuries titrées. Il ne faut pas les confondre avec l’officier inférieur du même nom, simple garde du château, ou concierge-châtelain, révocable, ne possédant aucun droit en dehors de sa fonction propre.

            Il convient aussi de rappeler que le titre de Châtelain fut conservé par des personnes ayant perdu tout ou partie des droits qu’elles avaient exercées sur leur territoire, soit à titre de seigneurs, soit comme lieutenants des comtes.

Châtellenie de Beaufort au Moyen-Âge



Beaufort remonte à l’époque carolingienne -  VIIIe siècle.


 Le premier seigneur, Renaud, sire de Broyes, vivait au temps d’Hugues Capet (Xe siècle).

 Le plus ancien document concernant Beaufort est du milieu du XIe siècle, il constate la donation faite à l’abbaye de Montier-en-Der par Hugues Bardoul 1er , sire de Broyes, d’un terrain près de son château pour la construction d’une église. Beaufort aura un finage constitué aux dépens de celui de Villeret.

             En 1089 les châtelains de Beaufort, Hugues Bardoul II et son épouse Emeline, font une donation au profit de l’abbaye de Montier-la-Celle. Une autre donation est faite d’un terrain où s’installera l’abbaye de Boulancourt.

        Au XIe siècle, la châtellenie de Beaufort s’étendait jusqu’à Longeville (Haute-Marne).

         Les archives des abbayes donnent un aperçu de l’importance territoriale de la châtellenie de Beaufort qui figure parmi les fiefs du comté de Champagne à la fin du XIIe siècle.

         A la suite du mariage de Félicité, fille de Simon II et petite fille de Simon 1er, Beaufort passe de la maison de Broyes à celle de Rethel.

 Félicité devenue veuve abandonne à son fils Gaucher, archidiacre de Liège une part du droit d’assise perçu en la châtellenie de Beaufort.

En 1243, elle donne au couvent de femmes de La Pitié-les-Ramerupt, nouvellement fondé, les droits du prieur de Beaufort et de Villeret, le moulin de Morcey à Lentilless et le cens (redevance annuelle, foncière et perpétuelle) de la Rebouture à Beaufort.

             Le 26 octobre 1251, Gaucher devenu comte de Rethel, attribue à son frère Manasses la terre de Beaufort. Jean de Thourotte meurt en 1256 et Félicité est dite dame de Beaufort en 1257.

            En 1260, elle fait une donation en faveur de La Chapelle aux Planches.

 En 1263, Thibaut, roi de Navarre et comte de Champagne et de Brie donne ce qu’il tient à Beaufort à son frère Henri.

 En 1270, Hugues de Rethel, sire de Beaufort, frère de Félicité, fait une donation en faveur de l’abbaye de la Chapelle aux Planches. En juin de la même année, il vend à Blanche d’Artois, épouse d’Henri, comte de Rosnay, son château de Beaufort et ce qu’il possède à Beaufort en la châtellenie.

Hugues de Rethel, est le fils de Jean, seigneur de Beaufort de 1245 à 1251, décédé sans postérité.

 Parmi les fiefs de la châtellenie de Beaufort, le plus important est tenu par Renaud de Beaufort, avec la moitié des fours de Chavanges.

 La châtellenie de Beaufort a été partagée entre les enfants de Manasses de  Rethel, Hugues qui vendit sa part à Blanche d’Artois et Félicité qui avait épousé Jean de Thourotte le jeune.

 Cette circonscription va appartenir pendant près de 100 ans à des seigneurs d’outre-manche, à la suite du second mariage de Blanche d’Artois, en 1275, avec Edmond, comte de Lancastre, frère du roi d’Angleterre. 

            Dès 1304 leur fils Jean de Lancastre est mentionné comme seigneur de Beaufort.

 Beaufort aurait été donné par le Dauphin à Louis d’Evreux, comte d’Etampes en février 1357. Mais l’année suivante, dans le château de Beaufort « qui est l’héritage du duc de Lancastre » se tient Pierre d’Audley, chevalier, avec une bonne garnison qui rançonne les environs.

Le château est assiégé en 1359. Le capitaine anglais n’en n’est pas chassé, il y meurt de maladie.

 La garde du château est assurée en 1361 par un chevalier au service du duc de Lancastre, et le 28 octobre 1364, Jean de Gand, fils du roi d’Angleterre, seigneur de Beaufort du chef de sa femme, petite-fille de Henri de Lancastre, déclare prendre sous sa garde l’abbaye aux Planches, ses religieux et ses biens.

 Quelques années plus tard, Jean Win, écuyer gallois, chargé de la garde du château « avait si enamouré le royaume de France qu’il se tourna Français » et prit le parti de Charles V dit Le Sage (1364 à 1380) en 1369. A la suite de quoi, Beaufort cesse définitivement d’être possession anglaise.

            Charles V donne la châtellenie de Beaufort en viager à Jean II, comte de Tancarville, son chambellan, seigneur de Beaufort dès 1374.

            Charles VI (1380-1422) en dispose, en 1382, en faveur de son oncle Philippe le Hardi, duc de Bourgogne (1342-1404) « tant comme il nous plaira », dit le roi. En fait, Beaufort fait retour à la couronne à la mort du duc et est incorporé, le 9 juin 1404, au duché de Nemours.

            Le château : en 1380, une armée anglaise traverse la Champagne.

Le bailli de Chaumont vient à Beaufort, avec une suite de 30 chevaux et ordonne aux habitants de Beaufort et des environs de refaire les palis (suite de petits pieux pointus par un bout, dont plusieurs, enfoncés en terre et rangés à côté les uns des autres, forment une clôture) autour du château avec un retrait et une barrière, de construire 3 guérites sur la tour en dehors du château…

Plusieurs écuyers, dont le seigneur de Saint-Léger et le seigneur de Labraux, sont hébergés au château et en assurent la garde une nuit « quand les Anglais étaient à Plancy-sur-Aube ».

Plusieurs personnes se réfugient au château à la mi-août, les Anglais étant devant Troyes.

Etat d’alerte. Le pont-levis et le pont dormant sont remis en état. Une prison est aménagée.

            Le domaine : la ferme du château est détruite. Le seigneur de Beaufort ne possède qu’une ferme à Ormont, avec dépendances sur Chassericourt et Joncreuil.

 Le personnel administratif : le principal officier de la châtellenie est le gouverneur qui est capitaine et garde du château et président des assises. Il y a Pierre de Villemaheu, gouverneur pour le comte de Tancarville, puis Henri de Mussy, écuyer  du duc de Bourgogne, Jean de Courcelles,  panetier du duc, en 1398, Pierre de Fontenay chevalier (1399-1404). La prévôté est donnée à bail tous les 3 ans.

            Etendue de la juridiction : la charte réglant le droit d’assise mettait à la charge des habitants de la châtellenie de Beaufort, une aide extraordinaire de 100 livres, quand le seigneur allait outre-mer, faisait son fils chevalier, mariait une de ses filles, était pris et rançonné en guerre.

 Dès la fin du XIVe siècle, la prévôté de Chavanges dont le ressort correspond aux villages détachés, vers 1270, de la châtellenie de Beaufort au profit de la seigneurie du Châtelier est devenue subalterne de Beaufort.

 Le petit-fils de César, le Grand Vendôme, vendit pour 460 000 livres, avec l'approbation du roi, le duché de Beaufort en mai 1688 à Charles-François Frédéric Ier de Montmorency-Luxembourg (mort en 1726, duc de Piney, fils du célèbre maréchal de Luxembourg).

Un an après, en octobre 1689, la famille de Montmorency-Luxembourg obtint de Louis XIV de renommer le « duché de Beaufort » « duché de Montmorency », car l'ancien « duché de Montmorency » au nord de Paris venait lui-même d'être rebaptisé « duché d'Enghien ».

Charles-François Frédéric II, Anne-François, Charlotte-Françoise et Anne-Léon II de Montmorency-Fosseux (branche aînée des Montmorency) obtiennent en décembre 1767 et mai 1768, la substitution à son profit du duché de Montmorency (Beaufort)

L’étendue de la châtellenie  est désormais stabilisée.

À partir de cette époque, Beaufort est appelé « Montmorency » : Ce n'est qu'en 1919 que le village prit son nom actuel de « Montmorency Beaufort ».

 

PREVOST—Histoire du diocèse de Troyes.

ROSEROT (Alphonse) —Dictionnaire historique de Troyes.

D'ARBOIS de JUBAINVILLE —Répertoire archéologique.

ROSEROT DE MELIN (Mgr Joseph) —Le diocèse de Troyes, des origines à nos jours.

BONNARD (Mgr J. Dieudonné)- archives personnelles

BEAUCHAMP (Louis A. Marquis de) mon aïeul – archives familiales 




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