La Vierge alchimique de Reims
Tableau anonyme du XVIIIe ; assorti d’une
inscription en grec signifiant :
« Vierge, j’ai enfanté un enfant n’ayant pas de
parents »
Eyrénée Philalèthe
A Reims lieu sacré s’il en est, se trouve l’un des derniers joyaux authentiquement alchimique de France sous la forme d’une œuvre d’art en date des années 1640.
L’ésotériste Owald Wirth fut l’un des premiers à en déceler toute l’importance et y consacra une étude préliminaire qui reste encore aujourd’hui indépassable sauf par l’ouvrage en cours apportant un nouvel éclairage. Dans celui-ci on discernera trois états ou trois strates : la dimension historique du tableau lié à l’abbaye de St Remi et au sacre royal, la personnalité de son commanditaire, un paracelsien proche du Roi Henri IV et enfin évidemment l’Opus Magnum qui sous tend la compréhension de ce chef d’œuvre de l’Art Royal.
La Vierge alchimique de Reims Une fois couronnée la
matière, – la Terre-Mère, toujours vierge à cause de son humilité et de son
rôle totalement indispensable, – nous voici devant la Vierge alchimique debout
sur le croissant lunaire.
La traversée hermétique : Oswald Wirth, le premier a fait une étude remarquable de ce tableau de l’Eglise Saint-Maurice. Il a dès le départ écarté l’hypothèse d’un tableau de piété pour le ranger avec force dans la catégorie d’une peinture ésotérique. De la même façon il a réfuté l’hypothèse d’un tableau maçonnique comme il le désignait improprement à l’époque. Mais de quel ésotérisme s’agit-il sinon d’un Christianisme ésotérique à teneur gnostique. Mais là où l’herméneutique Wirthienne garde toute sa force c’est dans son appui sur les arcanes du tarot pour interpréter cette singulière « demeure philosophale » qui fut pendant longtemps préservé des regards profanes. Un chef d’œuvre de rhétorique jésuitique et plus encore un message prophétique qui garde encore toute sa force. Au fil de son analyse il plaide pour une « illumination spirituelle » dont le temple idéal est présenté par la Vierge. D’autres interprétations depuis ont vu le jour qui font la part belle à une exégèse alchimique de l’œuvre mais finalement, si c’était Wirth qui avait raison ? et ce ne serait pas la première fois que sa clairvoyance aura été mise au service de la Tradition.
Le mystère du « tableau ésotérique » enfin levé ! Autrefois appelé le Tableau ésotérique ou encore jésuitique parce que déplacé au collège des Jésuites mais en fait l’emplacement premier était une abbaye bénédictine ! Livré avec deux tirés à part (Le tableau et le Graal de REIMS)
Dans l’un de ses articles, l’ésotérologue Antoine
Faivre a fort bien exprimé le caractère de cette œuvre « riche de contenus
sémantiques et symboliques, mais dispersés, voire éclatés ». De fait le tableau
de Reims regroupe de fait en sa surface,
souvent superposés sur le même motif, tous les moyens suggestifs ou inductifs
et artifices cryptographiques générés par l’iconologie et l’écriture
alchimiques : l’allégorie métaphysique, l’analogie physico-mythique, des
allusions textuelles, arithmologiques et même historiques, les calembours et
assonances de la «cabale phonétique », le rébus (dont on sait la vogue immense
à la Renaissance), et jusqu’à des indications précises de poids et de temps
relatives au travail du laboratoire.
De facture artistique très modeste, l’œuvre se
laisse tout de même situer, stylistiquement, dans une mouvance tardive, plus
«rustique» des différents courants du Maniérisme en quelque sorte naïvement
«hiératisé», à quoi s’intègrent des archaïsmes quasiment médiévaux (le navire
et ses passagers). On pourrait voir en son auteur, loin bien sûr derrière les
grands noms du genre, un de ces Flamands «romanisés» entre les dernières années
du XVIe siècle et les premières années du suivant, ou bien un peintre plus
local marqué de cette double influence. Certains détails iconographiques
suggèrent fortement, par leur précision spécifique et leur rareté, une possible
origine italienne, par l’entremise d’observateurs avertis d’une partie au moins des motifs de
l’étonnante image.
La confection du tableau ne semble pas devoir être
de beaucoup postérieure à la fin de la deuxième décennie du XVIIe siècle. La
date de 1624, avancée en janvier 1907 par Henri Jadart, alors conservateur des
musées de peinture et d’archéologie de Reims, est ainsi tout à fait
plausible.Pourtant aujourd’hui à la lumière de nouvelles données il est
possible de lever le voile sur ce tableau à la croisée de l’Histoire de France
et de celui de Reims le voile. Ne parle-t-on
pas d’Art Royal ?
Royal est donc son message….
Le
secret d’Asclépios et le Vase sacré.
Pendant longtemps ce tableau, autrefois exposé dans
l’église St Maurice de Reims non loin de l’abbaye St Rémi, résista aux
interprétations par le foisonnement de son symbolisme polymorphe et reçu
diverses dénominations dont celui de « Vierge Alchimique de Reims ». Le premier
à en avoir effectué une analyse un peu poussé ne fut autre que l’hermétiste
Oswald Wirth mais celle-ci relève d’avantage de l’inventaire que de
l’iconologie. Il convenait donc d’en faire une lecture au-delà des préjugés et
convenances, ce que nous avons tenté en dévoilant les instigateurs de ce pur
chef d’œuvre du début du XVIIème siècle et l’intention qui présidait à son exécution et en donne toutes les clés.
Il apparait alors – à la lumière des commanditaires qui étaient des proches du
Roi Henri IV – que son objet est authentiquement alchimique selon une voie bien
définie, celle du Vitriol végétal et s’éclaire de surplus à la lumière des
sacres royaux qui se déroulaient ici à Reims dans la Tradition du Saint Graal.
On y trouvera une explication très détaillée selon un parcours en trois étapes,
accompagnée de nombreuses photographies en couleurs. Nul doute qu’en achevant
avec nous ce voyage en pays d’Hermès qui vous mènera aux origines de la
Médecine – avant qu’elle ne devienne que l’auxiliaire d’une science sans âme, et
vous pourrez comprendre alors ces vers d’Apollodore qui vous introduiront au
mystère du Caducée :
A ceux dont les serpents ont léché les oreilles …
Vêtue de bleu, la Vierge a le pied posé sur un nuage (d’inconnaissance). Les huit étoiles se
rapportent à la résurrection future de tous les hommes. Les diverses allusions
à la mythologie et à l’alchimie montrent combien il est nécessaire de voir sans
préjugés ce qui nous entoure. Les rayons d’or solaire sont rigides (droits) et
souples (ondulés). Dans sa droite, la Vierge tient le monde entier avec ses
signes zodiacaux, d’où émerge un paon, image d’immortalité : l’oiseau d’Héra,
gloire du ciel étoilé, qui porte sur sa queue les cent yeux qui voient
tout. Dans sa main gauche, le temple
aux quatre fenêtres symbolise les quatre orientations du monde et les quatre
éléments cosmiques et corporels. Les neuf lucarnes se réfèrent à la « neuvième
heure », où le Seigneur confia son esprit au Père. Elles peuvent faire également allusion à la Sib
« Il apparait donc que ce Mercure n’est pas celui du
vulgaire, mais celui des Sages, car tout Mercure vulgaire est mâle,
c’est-à-dire corporel, spécifié, mort tandis que le nôtre est spirituel,
féminin, vivant et vivifiant »
Eyrénée Philalèthe
A Reims lieu sacré s’il en est, se trouve l’un des
derniers joyaux authentiquement alchimique de France sous la forme d’une œuvre
d’art en date des années 1640. L’ésotériste Owald Wirth fut l’un des premiers
en à déceler toute l’importance et y consacra une étude préliminaire qui reste encore
aujourd’hui indépassable sauf par l’ouvrage en cours apportant un nouvel
éclairage. Dans celui on discernera trois états ou trois strates : la dimension
historique du tableau lié à l’abbaye de St Remi et au sacre royal, la
personnalité de son commanditaire, un paracelsien proche du Roi Henri IV et
enfin évidemment l’Opus Magnum qui sous tend la compréhension de ce chef
d’œuvre de l’Art Royal.
« Le 26 janvier 1907, le Courrier de Champagne
(Journal de Reims) publiait la lettre du curé du village champenois de Fligny,
dans laquelle on lisait : « Je crois devoir signaler à votre collaborateur [le
frère maçon Curieux] un tableau d’un grand intérêt pour prouver l’hypocrisie de
la franc-maçonnerie et de la persistance de son but antireligieux sous des
dehors les plus religieux. » La lettre du curé allait mettre le feu aux
poudres. Elle était insérée en bonne place juste au-dessous d’un feuilleton
anti-maçonnique intitulé Les Mystères de la rue Buirette – car dans cette rue de Reims des loges
maçonniques se réunissaient, comme aujourd’hui encore. « Curieux » était le
pseudonyme du feuilletoniste.
Le tableau se trouvait alors dans l’église
Saint-Maurice, à Reims. Il est maintenant conservé non loin de cet édifice, au
musée du Collège des jésuites. A partir du 26 janvier 1907 et jusqu’en avril,
il fit l’objet de toute une correspondance polémique publiée dans le même
journal. Les uns y voyaient un dessin maçonnique d’autres une œuvre martiniste,
d’autres encore une création jésuite orthodoxe malgré son curieux symbolisme.
Cette polémique apparaît caractéristique d’une époque d’anti-cléricalisme et
d’anti-maçonnisme virulents, si propice aussi à l’éclosion (le fantasmes du «
complot »)
Il s’agit d’une peinture anonyme sur toile exécutée
dans la première moitié du XVIIe siècle. On peut la dater ainsi grâce d’une
part au cadre : le même entoure un autre tableau de Reims, dont la datation ne
fait pas de doute – ce que Henri Jadart, le conservateur du musée de Reims,
rappelait au cœur même de la polémique de 1907, et cela à l’encontre des
interprétations fantaisistes de ceux qui y voyaient une symbolique maçonnique.
Et grâce, d’autre part. à sa provenance : commanditée selon toute vraisemblance
par les jésuites de Reims, elle s’inscrit dans une décoration d’ensemble constituée
par ceux-ci dans les années 1620.
La Vierge occupe largement le centre, comme
personnage principal. Au-dessous d’elle s’étalent les mots : Parthe-nos ousa
tekon : teknon mè ekousa tokéas, ce qu’on peut traduire comme « Vierge étant
j’ai enfanté : un enfant n’ayant pas de géniteurs ».
Debout sur un croissant (cf. Apocalypse, XII, I),
elle porte une couronne de huit étoiles, nombre qui correspond à celui des
personnages (lu bateau : c’est aussi, souvent, un nombre féminin et maternel,
voire le nombre du Christ – en relation avec la résurrection du Sauveur, ou
avec le double quaternaire (l’initiation parfaite). A ses pieds un globe
terrestre, un génie tenant un carquois et une flèche. Deux anges la
soutiennent, dont on voit seulement la tête et les ailes, Sous le croissant, un
dragon vomissant des flammes, la tête dirigée vers le vaisseau. Sous les anges
du bas sont inscrits les chiffres : 1266 et 1137. «
Thot
Les historiens en sont d’accord. L’art de soulager
la souffrance physique est aussi vieux que l’humanité.
Les vestiges laissés par la période préhistorique,
si longue et si mal connue, permettent d’envisager des soins donnés aux malades
et aux blessés. Pour ces derniers les traces relevées sur des squelettes sont
éloquentes.
Des rites, des incantations et autres procédés
magiques constituaient sans doute la partie principale du traitement. C’est
tout à fait normal. Il est curieux et intéressant de noter que la souffrance
est appelée aussi le mal. On dit indifféremment souffrir ou avoir mal. Opérer
une guérison c’est chasser le mal dans tous les sens du terme, c’est par
essence un acte magique. Notre époque a conservé cette notion ancestrale
remontant au fond des âges, malgré tous les efforts déployés pour dissocier les
deux concepts.
Pour la période historique c’est Thoüt ou Thot le
grand ancêtre. Il a laissé un nombre important de livres sur toutes les
sciences, près de huit cents dit-on, et parmi ceux-ci de fort précieux
concernant la médecine. Certes la plupart ont totalement disparu, du moins le
croit-on. Mais plusieurs auteurs anciens y font référence, en citent des
passages, et tous se plaisent à louer son savoir exceptionnel, surhumain. Il
fut déclaré l’inventeur des sciences, il en était tout au moins le dépositaire
et il entra de plain-pied dans la mythologie de son pays, l’Égypte.
Certains ont avancé, non sans raison me semble-t-il,
que cet ensemble si important de livres attribués à Thot peut fort bien
s’entendre comme autant de chapitres et non d’ouvrages. C’est une habitude
constante, même de nos jours et surtout au siècle dernier, de diviser une
étude en « livres » et dès lors le nombre de huit cents avancé ne heurte plus
nos esprits modernes épris de rationalisme.
En tout cas Thot est le premier auteur connu ayant
traité de la médecine, et quel auteur, hautement pluridisciplinaire. Il enseignait
en termes voilés bien entendu et surtout en langage imagé si courant depuis la
haute antiquité, la médecine de la nature, celle des hommes aidée par celle des
plantes.
Asclépios égyptien
Puis, au cours des siècles, apparut un autre très
grand savant, plus spécialement tourné vers la médecine au point d’en être
considéré comme le grand spécialiste. C’est Asclépios, également égyptien.
Celui-ci aussi acquit une renommée considérable et ses réussites furent si
nombreuses, si spectaculaires que leur retentissement s’étala tout
naturellement sur une longue période. Les historiens en vinrent même à penser
qu’il y eut un second Asclépios, toujours égyptien, savant et adroit comme le
premier.
A cette époque, l’Egypte détenait dans ses temples
la totalité du savoir scientifique et la somme de la Connaissance. Celle-ci se
transmettait par la voie de l’initiation, la seule permettant une continuité
presque illimitée tout en conservant une pureté presque intacte.
Cette suprématie devait se perpétuer durant
plusieurs millénaires, le rayonnement intellectuel de ce pays s’étendant sur
plus de quatre mille ans.
Il n’est plus discuté que les plus beaux esprits de
la Grèce, les intelligences les plus vives et les plus subtiles se rendaient en
Egypte pour y recevoir les plus hauts enseignements. Rentrés dans leur patrie
ces prodigieux « philosophes » (amis de la Sagesse) cherchèrent comment ils
pourraient transmettre leur savoir à leurs compatriotes sans trahir leurs
serments de discrétion, car ils avaient été initiés. Ils eurent le génie de
repenser totalement leur érudition ésotérique afin de la restituer sous une
forme originale, propre à la Grèce. La délicieuse et combien humaine
mythologie grecque est sans doute née ainsi. C’est cela que l’on peut justement
appeler le miracle grec.
Et Thot devint Hermès tandis
qu’un autre Asclépios naissait sur le territoire d’Epidaure.
Si l’on veut comprendre le véritable sens du symbolisme grec il ne faut jamais oublier sa source qui est l’Egypte. Nous en aurons de nombreuses preuves tout au long de cette étude. Il est impossible d’appréhender complètement Asclépios, son culte et ses secrets si on les dissocie de l’enseignement égyptien.
Bien plus tard Hermès devint à son tour Mercure. C’était la décadence romaine et les attributions nouvelles de ce dieu en sont une preuve éclatante. Pour sa part Asclépios se mua en Esculape auquel furent conservées ses prérogatives médicales tant elles étaient ancrées dans la mémoire et l’esprit des hommes. La suite dans le livre : La vierge alchimique de Reims et le secret d’Asclépios
de la Sainte Ampoule au vase sacré
On aura distingué sans peine au centre du tableau un vase (à gauche de l’observateur) et un Tholos (à droite de l’observateur). Ces deux points sont en rapport avec Asclépios et le grand œuvre médicinal (VITRIOLUM) comme nous allons le démonter.
La Sainte Ampoule était une fiole contenant une
huile sacrée qui, selon la légende, aurait servi lors du baptême de Clovis. Son
nom viendrait du latin ampulla (petit flacon, fiole) ou du
saxon ampel (coupe, fiole).
Une portion de ce baume était mélangée à du saint
chrême pour servir à l’onction des rois de France lors de la cérémonie du
sacre. Elle était conservée à l’abbaye Saint-Remi de Reims.
Abbaye de Saint Rémi
Bien que la Sainte Ampoule et une grande partie de
son contenu aient été détruits à la Révolution, l’archevêque de Reims conserve
aujourd’hui un infime reste de cette relique qui aurait été sauvée des
révolutionnaires et conservée dans une ampoule de substitution, utilisée
notamment pour le sacre de Charles X en 1825 et précieusement conservée jusqu’à
nos jours par la ville de Reims.
Il est possible que l’ampoule de verre remplie de
baume ait pu servir aux sacres effectués dans l’église Saint-Rémi de Reims,
donc dès Charles III le Simple en 893, cependant il faut attendre le sacre du
pieux roi Louis VII en 1131 (le tableau mentionne une date de 1137) pour que
l’on ait la certitude de son utilisation. L’ampoule n’est pas mentionnée mais
le baume qu’elle contient l’est ; c’est dans l’ordo du sacre composé en
1230 sous saint Louis (figurant sur le tableau dans la nef) qu’est mentionnée
la sacro-sainte ampoule apportée comme une relique par l’abbé de Saint-Rémi.
Louis VII, qui a contribué à l’enrichissement de la symbolique royale, avec la
fleur de lys à forte connotation mystique et l’enrichissement du sacre (avec le
rite de chevalerie et l’intervention des pairs), a pu donner toute sa place au
chrême du baptême de Clovis et à la sainte Ampoule.
L’abbé de Saint-Rémi, puis le grand prieur quand le
monastère fut sous le régime de la commende, apportait solennellement la Sainte
Ampoule dans la cathédrale, à pied d’abord, puis sur une haquenée blanche, sous
un dais porté par quatre moines. Aux quatre coins se tenaient, quatre grands
seigneurs dépêchés par le roi, appelés les otages c’est-à-dire les garants car
ils juraient de protéger le reliquaire au péril de leur vie. Ils étaient
précédés par la communauté monastique, entourés par les vassaux de l’abbaye,
appelés les chevaliers de la Sainte Ampoule.
C’est l’évêque de Laon, duc et pair du royaume, qui
a le privilège de porter la sainte ampoule au cours de la cérémonie. Le roi
seul bénéficiait du baume prélevé par le prélat consécrateur avec une aiguille
d’or : ce fragment de la taille d’un grain de blé était alors mélangé au
saint chrême sur une patène et lui donnait une couleur rougeâtre. Avec le
pouce, le prélat prélevait le mélange et traçait neuf onctions en forme de croix
sur le souverain, tout en prononçant les paroles rituelles : sur le haut
de la tête, la poitrine, entre les deux épaules, l’épaule droite, l’épaule
gauche, la jointure du bras droit puis du bras gauche ; puis, après s’être
revêtu, sur les paumes des mains. Après les onctions, on raclait la patène et
on mettait ce qui restait du mélange dans l’ampoule, ce qui confortait la
croyance populaire en un inépuisable baume. La reine n’était sacrée qu’avec du
saint chrême.
L’ancien reliquaire, contenant la sainte Ampoule, ne
sortait de l’abbaye Saint-Rémi de Reims que les jours du sacre. Louis XI voulut
l’avoir près de lui à son lit de mort et fut obéi. C’est la seule fois que
l’Ampoule quitta l’abbaye pour un but autre que celui que l’usage lui donnait.
Le premier roi à avoir été sacré à Reims fut Louis le Pieux en 816, le dernier Charles X. À partir du sacre d’Henri Ier en 1027 jusqu’au sacre de Charles X en 1825, on compte trente rois de France qui ont reçu la sainte onction à Reims, avec trois notables exceptions : Louis VI le Gros à Orléans, Henri IV à Chartres et Louis XVIII qui n’a pas été sacré.
I - LA SECTION DE GAUCHE DU TABLEAU
La section de gauche, celle dont la marge présente
la Bête et l'Angelot, dans ce tableau tripartite, expose le symbole traditionnel
du Navire sur les flots. Les Jésuites sont spécialistes en tableaux
allégoriques. Ne le sont-ils pas de même manière dans leurs pièces de théâtre
et leurs ballets? Que de Diane, d'Hercule, de Jupiter, de Flore, d'Apollon, de
«divinités de l'Âge d'Or, de sylvains et de faunes», sans parler de «Erreur,
Art, Fourberie, Calomnie, Vérité», comme protagonistes! Que de
détails, d'explications précises qui prouvent le soin extrême qu'ils portent
aux symboles mis ici en scène sur un Tableau!
Nous n'en noterons que quelques-uns en rapport avec
cette Peinture:
«L'Amour doit paraître vêtu de couleur de rose, semé de cœurs enflammés, les
yeux voilés, l'arc en main, la trousse sur le dos...(...) J'habillerai la
Religion de couleur rouge semée de croix d'or (...), en main la palme»...
«Le but moral et pédagogique du théâtre des
Jésuites» est
également bien évident dans ce Tableau; mais soyons encore plus précis en
rapportant ici quelques paroles de d'Alembert les citant:
«Les états civilisés sont ordinairement représentés
sous la figure d'un vaisseau (...); la société des jésuites qui a ses raisons
pour se comparer à un gouvernement au milieu des gouvernements, s'est approprié
cet emblème. Le Vrai Libéral, dans un article sur les Jésuites, s'exprime
ainsi: Il y avait dans une de leur maison, c'est à Clermont, je crois, un
tableau allégorique dont j'ai la gravure. Il est intitulé Navis Jesuitica (La
Nef Jésuitique). De la cale à la hune les fonctions y sont remplies par des
Jésuites: les uns tendent les voiles, les autres rament, comme s'ils n'avaient
fait autre chose, et leur général, assis au gouvernail, dirige vers le port du salut
cette galère sur laquelle se laissent conduirent des rois, des moines, des
bourgeois et quelques papes même, mais où l'on ne voit pas de femmes. Entassés
dans des chaloupes, des gens de toutes professions poursuivent ce vaisseau et
sollicitent la grâce d'y monter. Mais tandis que les matelots jettent à
quelques-uns des cordes, ils en écartent d'autres à grands coups de cordes et
avirons, à peu près comme fît Panurge avec les bergers de Dindenaut.»
Une pièce de théâtre signale également dans sa mise
en scène «des matelots de divers peuples (...) qui se menacent de leurs rames;
(...) la Paix les met d'accord»...
C'est ainsi le symbole de toute société dans son
aventure historique, de même que, microcosmiquement, le Voyage de l'être
humain: Voyage signifiant Cheminement initiatique, avec tous ses obstacles et
ses enseignements, auquel tant d'ouvrages nous ont habitué, des Voyages de
Gulliver à celui de Cyrano de Bergerac et autres Voyage du Pèlerin, du Fou
Divin ou de Saint Brandan...
C'est pourquoi les navigateurs exposent
quelques-unes des fonctions sociales que l'on retrouvera plus tard dans le
vitrail de l'Arche «cosmique» de l'église Saint Etienne-du-Mont, après les
avoir rencontrées dans les Danses Macabres du Moyen Age.
Roi, Sage-Philosophe, Guerrier conscient de sa
mission sacrée (honorant Athéna), Pèlerin, Mendiant-flagellant car «la
mortification corporelle (...) a une puissance admirable pour rendre le ciel
propice à nos vœux et pour amollir la dureté de notre cœur», disent les
Jésuites, ...: tout le monde est dans la même «galère», puisque descendu dans
le binaire (n'est-ce pas le nom symbolique de ce Vaisseau:?).
Répétons-le: nous sommes dans une partie seulement
de la Réalité, dans un des deux panneaux du «décor» binaire de l'existence;
remarquons, à partir de ce constat, que qui voudrait faire participer à (ou
enseigner) la Vision unitaire, la possédant lui-même (œil unique du «cyclope»),
qui voudrait leur jouer cette musique sur la flûte humaine à quatre trous,
serait obligé de quitter l'embarcation, une allusion peut-être à l'Evangile
notée par un Jésuite, op. cité : «Il vaut mieux pour vous que vous entriez
dans la vie (...) n'ayant qu'un œil que d'être précipité dans le feu éternel
(Math. 18. 9)»!
«Ne voyant plus sa Diane par des trous, par des
fenêtres, mais toute muraille renversée, il est tout œil face à l'horizon»:
Giordano Bruno, qui écrivit cela, en a bien fait le constat... et les frais! Et
Hermann Hesse a pris ce personnage comme héros de son livre Knulp (le flûtiste
errant).
Ce monde-là n'est cependant pas abandonné à lui-même, pas dénigré par l'artiste, par le Jésuite et sa Doctrine! Dans la grande hune, le Vigile (Mercure) ne veut-il pas lui montrer que la gloire et la fin de la souffrance (le personnage n'a-t-il pas le cœur qui saigne?) sont ailleurs, dans le détachement, dans l'autre hune, loin de la monomanie? Les cieux, la corne d'abondance issue du centre du Tout toujours encadré par le Trinaire structurel, la tâche de Lumière dans le ciel gris, s'atteignent par la Voie de la Vision (autre), double, dans la conscience et la connaissance aussi de la hune vide (non explorée) de l'unique mât bifide, où coïncident les Opposés, certes, mais que les humains de la Nef dédoublent en deux voies, celle du réconfort, de l'aide de l'Esprit et de la Religion (Mercure) ou celle de l'Athéisme de la Vie profane (vide)...
«You'll get pie in the sky when you die...» dira
plus tard l'éternel et toujours identique Messager des Dieux, la plupart du
temps incompris !
«Il faut mourir avant de mourir», «plus tu cherches
Dieu, moins tu lui donnes la possibilité d'entrer» ... et autres conseils
pour l'abandon du Cocon des certitudes et des habitudes.
Travail de Putréfaction alchimique et Purification
du Mercure des Sages dans cet athanor traditionnellement crénelé! Perte des
certitudes monomaniaques... Nécessité du voyage en pays «étranger», une
importante caractéristique des Jésuites sur les plans physiques aussi bien
qu'intellectuels, pour l'Evangélisation des «païens».
Nous sommes d'ailleurs dans un monde bien chrétien,
Jésus tenant le gouvernail!... Mais l'enfant Jésus, pas le Jésus-Christ qui
dirige le Navire sur le vitrail de l'église Saint Etienne-du-Mont; l'Enfant
Jésus que l'on retrouve à côté de la Vierge dans un autre tableau jésuite, au
même Musée, et que les détracteurs de la Compagnie, ne comprenant pas cette
image, leur reprochent de déconsidérer.
Ce symbole indique sans nul doute que l'exemple
christique est dans « la vie cachée de Jésus-Christ (sans) désir présomptueux
de briller dans le monde, (...) de se faire connaître »... « Abaissement, (...)
anéantissement, (...) Dieu caché...».
Ce thème est nommé du « doctor parvularum » dans « l'iconographie
du Clergé Français au XVIIème siècle » où il rejoint celui de l'Enfant
Jésus au Globe: le Timonier de ce tableau rassemble les deux images.
Revenons sur ces deux symboles que nous venons de
noter: Jésus et Mercure; en effet ce sont deux protagonistes fort habituels à
l'imagerie des Jésuites (iconographique ou théâtrale). B. van den Eerenbeemt
nous l'explique: «Depuis le début de l'établissement régulier du christianisme
dans les Pays-Bas aux alentours de 1050, la piété populaire a du montrer une
certaine préférence pour l'Enfant Divin et en général pour son enfance. (...)
Cette pieuse dévotion fut acceptée et presque immédiatement renouvelée et
revitalisée par la Contre-Réforme. Elle fut répandue sur l'Europe occidentale
surtout par les Jésuites».
Après ce «héros en miniature» (W.Weisbark),
observons Mercure, le héros au caducée:
On le retrouve sans cesse dans les pièces de théâtre
des Jésuites où il joue en alternance avec Jupiter, Apollon, l'Art ou Minerve,
le rôle du Vainqueur ; ou bien, «envoyé par la Victoire, (il) fait espérer
le prompt retour de la paix».
Dans le tableau de Reims, sa présence dans la hune
du bateau n'a-t-elle pas identiquement pour but d'apporter, comme dit une de
leurs pièces de théâtre, «la joie universelle dans tous les peuples de
l'Europe»; «Mercure assemble ceux qui sont désunis et les exhorte à la paix» :
c'est bien ce que doit ressentir le personnage au cœur blessé!
Ailleurs, dans une chapelle de Gesù à Rome, ce sont
des Angelots tout à fait semblables à ceux que nous évoquerons plus loin, qui
remplacent Mercure pour montrer le chemin vers l'identique «Trinité» (ici, la
corne d'abondance; là, l'Alpha et l'Oméga dans un triangle lumineux) à
«adorer».
II - DANS LES MAINS DE LA VIERGE
La Voie du Monde, c'est la construction complexe symbolique dans la main droite de Notre-Dame-d'Alchimie-«Spéculative» qui nous l'expose systématiquement: mille yeux des plumes irisées de paon, roses épanouies, trinaire ou quaternaire du vase... d'expansion, signes zodiacaux. C'est bien le règne du déploiement, de l'extériorisation, excité par les Energies telluriques, le Feu du Dragon, les pulsions «animalesques» inconscientes: animation vitale de l'existence supervisée par l'Angelot de la conscience tempérante, des Forces Cosmiques.
L'iconographie classique des Jésuites serait-elle
parodiée par ce Tableau ou simplement décalée pour passer de l'opératif
exotérique au spéculatif ésotérique, du symbole religieux à l'archétype
anagogique, initiatique? En effet, très souvent cette figure féminine, sur les
tableaux de la Société des Jésuites, tient un Ciboire à la Croix et une Tiare
papale.
Allégorie opposée, la «Dame du Monde», au XVIIème
siècle, présente «la coupe d'or de la séduction», la «coupe pleine de
mensonges» et une chaîne
Ajoutons, pour étayer nos affirmations précédentes,
que les Plumes de Paon (Orgueil, «Superba» chez Ripa), plusieurs fois utilisées
dans cette iconographie spécifique, y symbolisent pour les Jésuites la
«Présomption» , dans le théâtre des Jésuites, des paons enchaînés tirent le
chariot de la Victoire, que «l'Envie doit porter un habit jaune semé d'yeux
ouvert» et que «les douze signes du zodiaque se disputent l'honneur de
présider à la naissance de l'enfant royal qui fait l'attente des peuples»
Le lecteur comprendra sans hésitation que cette
construction symbolique dans la main droite de la Vierge lance le Message classique
de cette Société des Jésuites mais en le hissant du religieux à l'initiatique.
Voyons maintenant ce qu'est devenue la Tiare: à
l'opposé du Vase, avec l'Angelot seul en marge comme inspiration, un Temple
bien fermé est exposé dans la main de la Mère Universelle; bien symétrique,
bien «ordonné», ses contacts avec l'extérieur étant purement pour les
nécessités vitales (treuil pour les vivres), ce Temple est dominé par un coq:
orgueil, protection, tout autant que détachement des choses humaines, l'ambiguïté
de tout symbole permettant des lectures apparemment opposées mais
réconciliables dans le «contexte».
III - LA SECTION DE DROITE DU TABLEAU
Le panneau de droite du tableau représente ce monde de la méditation, de l'état religieux naturel, ce que l'on peut nommer les «anciennes voies», non institutionnalisées actuellement sur Terre, voire même les exercices subrogatoires du Soufisme; c'est le monde de l'introversion, qu'il soit païen, dans la conscience du Temps, de Saturne (voir sa faux à une des fenêtres), ou avec ses Chants sibyllins (iconographie classique des Jésuites: la Sibylle Helespontica voilée ; qu'il soit «du livre» ou des paroles prophétiques, du Mysticisme (flambeau de la Vérité), ou de l'intelligence des choses, de la Gnose, (caducée de la Loi, anneau symbolique ou tablette sacrée, nombres – 9 sur un livre – du Pythagorisme) et quelqu'en soient les manifestations (couteau de sacrificateur ou aide au hasard ( ?))... et un plein panier (!) d'autres possibilités! Sans oublier l'Ecoute intérieure – astrale, aquatique comme les Tritons qui la soufflent. Ces Tritons, nous en retrouvons une approximation dans une gravure jésuite du XVIIème siècle: armé d'un arc, un personnage couronné, assis sur un dauphin, attaque la Nef de l'Eglise; parfois ce sont des sirènes que l'on voit autour de leur «Société» ; mais nous en découvrons également l'image et le nom ailleurs: dans les pièces de théâtre des Jésuites. Mais il s'agirait peut-être, ce qui semble logique dans le contexte, des Rois-poissons d'Assyrie, Oannes
Cette Voie d'intériorisation est fortement figée, évidemment, et apparemment soumise, comme l'attitude respectueuse des personnages l'indique, à la «Vierge»... Elle est facilitée par l'Amour (le peintre l'illustre très précisément), par l'énergie du Cœur flamboyant qui faisait intelligemment, auparavant, hésiter l'homme, par inspiration divine comme l'indique la flammèche sur la tête du personnage, entre la Terre et l'Autre (l'Ange aveugle) du monde lunaire. Notons que ce Cœur s'enflamme, contrairement à celui de l'Enfant Jésus qui rayonne.
V - LA VIERGE
Mais tout ceci est infra-terrestre, du point de vue
de l'Absolu, c'est-à-dire de la Dame! Au plus bas du tableau!... Le Directoire
des Jésuites adjurent: «Nous devons mesurer tout dans le seul intérêt de
l'honneur de Dieu, (...) sans jamais se laisser aller à ce qui est
terrestre».25.9,
Nous sommes dans le domaine «extérieur»,
exotérique... Les Jésuites diront de même: «L'acte d'adoration (...) aussi bien
que celui d'oraison (...) est une véritable action extérieure de religion»,
alors que «la fin et le bon mouvement par lesquels on les doit faire, pour être
bien faits ('les actions spirituelles et intérieures de la religion') sont des
actes de volonté et de vertu intérieures sur lesquels ils prétendent que
l'église n'a point de pouvoir ni de commandement».
L'Etat véritable où elle se situe est au-dessus de
ces manifestations relatives, au-delà de ce «décor» de «fond»...
Sa présence, son air, sa posture l'indiquent: «la
chasse ne l'intéresse plus puisqu'(elle) perçoit directement»... Elle est
«Vierge» de toutes notions... (Notons qu'aucune séquence de chiffres
n'affecte le monde de l'introversion, détaché déjà des «calculs»; c'est bien la
Voie naturelle, non égocentrique, non volontaire, la réceptivité à ce qui est;
mais ce n'est pas l'Etat d'Etre percevant, englobant et ayant bien en mains ou
sous les pieds la totalité des mondes humains: ce n'est pas la Vie de la Mère
Universelle, ce sont encore des Voies humaines, la «Vie mixte»).
Elle (l'Etat véritable ou la Vierge Alchimique des
Jésuites) est dans la Réconciliation des deux tendances, dans la plénitude bien
maîtrisée de ses deux facettes humaines (recherches extérieures ou intérieures,
c'est-à-dire attente du bon plaisir des Dieux, avec l'aide des philosophies,
des religions et de toutes autres activités toujours de même ordre... ou
inspiration, révélation, «divines», naturelles, innées mais sclérosées dans
leur monde).
On le voit sur ce Tableau, contrairement à d'autres
de symboliques parallèles composés par des Jésuites: plus d'attaques contre sa
Nef, plus d'agressivité de la part des Voies anciennes des Religions; elle est
la Réconciliatrice.
C'est la «Religion» véritable par laquelle les
Jésuites voulaient «gouverner l'univers» («non par la force, mais par la
religion; telle paraît avoir été la devise de cette société dès son origine»
c'est l'Inspiratrice, la Mère de leur «Société».
Dans la Nef de l'Eglise Militante:
«Le Pape comme timonier, Marie dans la hune», un Jésuite escalade une échelle
de corde pour aider à hisser la grande voile, symbolisant l'ardeur des
catholiques. (...) Des membres d'ordres mendiants sont assis sur les bancs.
(...) Deux petits canons symbolisent la Prière et l'Entraide; le Mât est la
Croix du Christ. Le navire est frappé de tous côtés: les quatre vents sont le
Diable, le Monde, la Chair et les faux enseignements».
Dessin de Jacob Gualterus, Cologne 1616:
«Le Christ entre Pierre et Paul» (...) au gaillard d'avant, les Pères latins de
l'Eglise, trois philosophes païens ou juifs et, sur un trône, l'Eglise, une
image féminine avec ses attributs habituels».
La Nef de l'Eglise (anonyme. Musée diocésain de
Haarlem, début du XVIIème siècle):
«Menaçant (cette Nef de l'Eglise), toutes sortes de nageurs, la plupart tenant
un livre (...); deux personnages couronnés, l'un assis sur un dauphin et
l'autre sur un monstre à sept têtes. Au mât de misaine, la Croix, le corps du
Christ lui étant attaché. (...) L'autre mât porte au sommet la lumière
rayonnante de la Vérité, alors qu'en bas, dans une riche construction, le Pape,
des cardinaux et des évêques regardent les moines et les prêtres...».
La vierge vêtue de bleu, a le pied posé sur un nuage (d’inconnaissance). Les huit étoiles se rapportent à la résurrection future de tous les hommes ( = l’infini). Les diverses allusions à la mythologie et à l’alchimie montrent combien il est nécessaire de voir sans préjugés ce qui nous entoure. Les rayons d’or solaire sont rigides (droits) et souples (ondulés). Dans sa droite, la Vierge tient le monde entier avec ses signes zodiacaux, d’où émerge un paon, image d’immortalité : l’oiseau d’Héra, gloire du ciel étoilé, qui porte sur sa queue les cent yeux qui voient tout. Dans sa main gauche, le temple aux quatre fenêtres symbolise les quatre orientations du monde et les quatre éléments cosmiques et corporels. Les neuf lucarnes se réfèrent à la « neuvième heure », où le Seigneur confia son esprit au Père. Elles peuvent faire également allusion à la Sibylle de Cumes qui détient neuf recueils d’oracles. En alchimie, le chiffre neuf désigne aussi le nombre de purifications nécessaires, nos « grandes épreuves » pour obtenir la Pierre philosophale (la solidité de l’Amour par la Sagesse). Le 9 préfigure l’Age d’Or, un âge neuf.
L’annonce des temps nouveaux revient aux deux
tritons sonnant de la trompette sur le toit de l’autre temple. Les trompettes
sont symboles des Eaux d’en-haut. Le couple d’adeptes figure l’initiation :
chasuble rouge pour lui, voile blanc pour elle. L’homme tient un livre fermé
rappelant la nécessité du secret et le caducée d’Hermès aux serpents
complémentairement enlacés. La femme tient le flambeau qui éclaire les
ténèbres.
La vierge alchimique de Reims
L’émergence du concept de l’Immaculée conception ne
se fit pas sans mal et c’est l’historien d’art Emile Mâle qui se chargea d’en
déchiffrer les différents méandres sémantiques. On s’empresse de souligner que
cette idée – l’Immaculée conception – ne doit pas être confondue avec cette
autre idée de la naissance virginale de Jésus, né de Marie. Louis Mâle
pose ainsi le problème :
« Vers la fin du XVème siècle, une idée
mystérieuse, qui, depuis plus de cinq cents ans, germait secrètement dans les
âmes, leva soudainement. Il apparut avec évidence aux théologiens que la Vierge
n’avait pu participer à la faute originelle, et qu’un décret particulier de
Dieu l’avait exceptée de la loi. Exemplaire parfait d'(une humanité nouvelle,
Marie, semblable à Eve au sortir des mains de Dieu était, entrée dans le monde,
sans porter le poids du Péché. » (L’Art religieux à la fin du
Moyen Age en France)
Ce tableau qui a suscité bien des
interrogations se trouve au musée de l’Ancien Collège des Jésuites de Reims et
figure au nombre restreint des demeures philosophales dont nous faisons
l’inventaire. Il fut signalé par Oswald Wirth qui en fit un commentaire en
1909.
Reditus Virginis ou introductuion au
mystère de l’autogenèse : La Vierge occupe largement le
centre, comme personnage principal. Au-dessous d’elle s’étalent les mots
: Parthe-nos ousa tekon : teknon mè ekousa tokéas, ce qu’on peut traduire
comme « Vierge étant j’ai enfanté : un enfant n’ayant pas de géniteurs ». Mais
cette traduction est fausse ! car le point virgule en grec est équivalent
à un point d’interrogation (pour qui a fait un peu de grec) et donc nous avons
:
AI- JE ENFANTE ETANT VIERGE ? ENFANT N’AYANT PAS DE
PARENTS
Debout sur un croissant (cf. Apocalypse, XII, 1),
elle porte une couronne de huit étoiles, nombre qui correspond à celui des
personnages du bateau ; c’est aussi, souvent, un nombre féminin et maternel,
voire le nombre du Christ — en relation avec la résurrection du Sauveur, ou
avec le double quaternaire (l’initiation parfaite). A ses pieds, un globe
terrestre, un génie tenant un carquois et une flèche. Deux anges la
soutiennent, dont on voit seulement la tête et les ailes, Sous le croissant, un
dragon vomissant des flammes, la tête dirigée vers le vaisseau. Sous les anges
du bas sont inscrits les chiffres : 1266 et 1137.
Elle a les bras étendus et tient dans la main droite
un vase à têtes d’oiseau, dans la gauche une maison ou un temple. Notons que le
globe, sous le croissant de lune, est ailé (l’on songe ici à l’adage alchimique
: « donner des ailes à la terre », c’est-à-dire « spiritualiser la terre, le
corps »). Ce globe est vert, comme la boule d’émeraude au centre de la sphère
armillaire. Le coeur tenu par l’ange qui se tient près de cette sphère
ressemble à celui sur lequel repose l’enfant Jésus sur la nef.
Les deux ensembles de quatre nombres sont une
référence à Apocalypse, XII, 5 : « La femme [aux douze étoiles] s’enfuit dans
le désert, où Dieu lui a ménagé un refuge pour qu’on l’y nourrisse pendant 1260
jours. » Mais alors, pourquoi 1266 et pas 1260 ? Notons la disposition des
chiffres (les blancs), pour bien additionner les deux lignes : le résultat est
233 676 (ce qui donne 9 par réduction théosophique). Quant à 1137, qu’on
retrouve avec l’autre chiffre, près du roi fleur-delysé, il correspond à la
date de l’avènement de Louis VII —ainsi qu’à celle d’une lettre de saint
Bernard sur l’Immaculée Conception. Si 1266 aussi est une date, elle correspond
au règne de Saint Louis mais ne semble point marquante ; c’est en effet en 1267
qu’il partit pour la seconde croisade de son règne, où il trouva la mort. 1266
se situe entre la septième (1240) et la huitième (1270) croisades. Remarquons
aussi qu’à l’exception du 1, les nombres du premier chiffre sont pairs, et que
ceux du second sont impairs ; est-ce une allusion à un principe masculin et à
un principe féminin ? Enfin, si nous retirons les trois 1, c’est-à-dire si nous
extrayons le triangle (divin, parce que trinitaire) de l’ensemble des nombres,
il reste 266 et 37, dont l’addition est un nombre symétrique : 303.
En réalité ce tableau, outre sa thématique à résonance alchimique, ouvre sur un autre mystère encore plus profond celui de la genèse ou de la conception. Un nom ? Parthénogenèse. telle est la proposition de la citation grecque dont l’autre versant est l’autogenèse, qui est le miracle de l’ETRE.
« Ab initio et ante secula creat
sum (Ecclesiastic, XXIV, 14)
Telle est la formule de la Sagesse qui
s’exprime également sur l’une des tapisseries de la Cathédrale de Reims
(Rencontre de Joachim et d’Anne à la Porte Dorée). Si Sapienta désigne d’abord la
saveur des choses (sapidité) il renvoie également au faire savoir de l’artisan
(le potier par exemple) . C’est ainsi que la sagesse personnifie l’être sans
parent du tableau rémois et devient aussi un aspect de la Nature dont on
dit aussi qu’elle n’a pas d’âge. La nature est également sans père ni mère car
foyer radiant de tout ce qui est est. Ce tableau est si riche en symboles (bien
plus riche que tout ce que la vulgate maçonnique peut contenir !) que nous
rencoyons à la lecture d enotre cahier en cours les divress explications qu’il
suscite. JHdK
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