La seigneurie de Rumilly-les-Vaudes appartenait pour
moitié au roi, successeur des comtes de Champagne, et pour moitié aux moines de
l’abbaye de Molesme. On sait qu’à l’époque de la Guerre de Cent Ans le village
de Rumilly a dû connaitre de sanglantes batailles et qu’une bâtisse existait
déjà à l’emplacement du Manoir. Il n’en est probablement resté que les quatre
murs flanqués de ses quatre tourelles d’angle percées de canonnières. Parmi ces
délégués du pouvoir, fut le sénéchal de Champagne Louis II d'Orléans (1384), le
futur Louis XII ; ses armes mutilées ornent la porte nord du manoir et le
cheminée est du rez-de-chaussée.
Pierre Pyon, puissant boucher troyen, fait
l’acquisition des terres en 1523. Il engage les travaux de restauration du
Manoir tel qu’on le connait aujourd’hui. Les quatre lettres de son nom : PION,
sont peintes sur le linteau de l’une des fenêtres de la plus petite tourelle du
bâtiment.
Chevalier du Saint Sépulcre, il a fait le voyage de
Jérusalem, il a offert à la cathédrale de Troyes deux énormes verrières, y a
acheté une chapelle dans laquelle, paraît-il, il est enterré assis. Ses
armoiries portent d’azur à la croix patriarcale d’or avec une étoile du même au
canton dextre du chef.
La légende dit que, du manoir, partent quatre souterrains. L’un rejoindrait la Grange aux Dîmes, un autre la ferme aux Rats, le troisième relierait le manoir au château de Chappes et le quatrième à l’église Saint-Martin.
En réalité, seuls trois caveaux existent en sous-sol, sous trois
tourelles, en hommage aux trois fondateurs qu’honorent les Compagnons. Trois
caveaux qui évoquent parallèlement le mouvement diurne du soleil : un caveau à
l’est quand le soleil se lève, le second au sud quand le soleil est au zénith
et le troisième à l’ouest quand il se couche.
Les Compagnons, justement, nous ont laissé là, de nombreux signes de leur participation à la construction et à la rénovation bâtiment. :
- un cul-de-lampe, le renard et la poule : le faux compagnon prend le travail qui me revient.
- le loup et le chien : le tailleur de pierre et le charpentier
- la colonne aux spires inversées, aux deux tiers de sa hauteur et une
erreur manifeste dans le dessin d’une plaque de cheminée.
Après la mort de Pierre Pyon, les moines de l’abbaye de Molesme, qui possédaient déjà à Rumilly un important domaine forestier, rachètent le Manoir vers 1550, et envisagent d'en faire leur demeure abbatiale. Ils font décorer les cheminées.
Au premier étage sont les armes d’Antoine II de Vienne, l’abbé de l’époque :
De gueules à l’aigle éployée d’or membrée d'azur
Au rez-de-chaussée les médaillons plaqués sur la cheminée est, têtes empanachées ou non, portent des inscriptions caractéristiques de l’époque : Julius César, Jupiter, Isis : Credo mythologique du XVIème siècle, comme ont écrit les Goncourt.
Il demeura propriété de l’abbaye jusqu’à la
Révolution française puis fut adjugé en février 1791 à Nicolas François Labille
de la Rocatelle, procureur de Paris. La commune l’acquiert en 1902 pour y
installer la mairie et l’école des garçons. En 1947, les deux classes qui y
avaient trouvé asile le quittent pour intégrer un groupe scolaire tout neuf. Le
manoir des Tourelles reste aujourd’hui mairie officielle de Rumilly et le
rez-de-chaussée a été aménagé en salle de réception
Grâce au journal tenu par un pèlerin partant en
Terre Sainte, ce pittoresque manoir est parfaitement daté. Le 25 mars 1532, note ledit pèlerin, à la dextre (de Chappes), environ un quart de lieue du grant chemin, y
a ung chasteau tout neuf nommé Remilly, fort beau, que ung marchant de Troie
nommé Piou a fait faire.
Le manoir de Rumilly-les-Vaudes consiste en un corps
de logis rectangulaire, flanqué aux angles de quatre fortes tourelles rondes -
dont l’une abritait une chapelle - dotées au rez-de-chaussée de petites
canonnières à ébrasement ovale, comme il était d’usage en cette période
d’insécurité. Au nord vient s’accoler la traditionnelle tour abritant
l’escalier en vis, plus élevée, de plan polygonal et dotée d’une salle haute
desservie par une vis secondaire placée en encorbellement.
Une galerie court au premier étage de sa façade sud, ornée de culs-de-lampe moyenâgeux, soutenue par six colonnes torses aux chapiteaux armoriés.
La porte d’entrée est surmontée des armes royales entourées du cordon de l’ordre de Saint-Michel.
Du côté nord, la porte de la tourelle centrale hexagonale, ouvre sur un escalier à vis aux marches d’une largeur exceptionnelle, orné à chaque angle d’un animal ou personnage de légende.
Au rez-de-chaussée, sur une poutre du beau plafond Renaissance (tant plein que vide), Pierre Pion a fait sculpter ses armes avec celles de sa femme et des membres de sa famille.
Au premier étage, la cheminée ouest, offre les armoiries d’Antoine II de Vienne abbé de Molesme.
Une des quatre tourelles abrite un oratoire à la voûte élégante, simple et discret.
A l’entrée du grenier - dont la charpente est en forme de carène de vaisseau renversé, - la colonne au chapiteau sculpté qui termine la vis de l’escalier voisine avec une galerie de pierre ajourée.
Le manoir ne serait que l’expression d’un modèle courant au XVIe siècle, s’il n’avait conservé, sur chacune de ses façades, une double galerie de charpente abritée par la retombée du grand comble. Au pittoresque de ces fragiles ouvrages de bois, il ajoute l’originalité d’un décor sculpté mêlant les styles gothique et Renaissance. Les fenêtres supérieures sont clairement de l’époque Renaissance, comme le sont aussi les chapiteaux de la galerie sud, sculptés d’élégantes figures et reposant sur de surprenantes colonnes torsadées.
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