Le
petit coq et la petite poule
Il y avait un jour un petit coq et une
petite poule qui s’en allaient aux noisettes. Ils sont partis tous deux et,
tout en marchant, ils causent.
Ils arrivent à un certain endroit où il
y a beaucoup de noisettes et ils en cueillent, le petit coq en met plein ses
poches et la petite poule aussi. Quand elle a fini d’emplir ses poches, elle
dit : « c’est que je n’en ai pas beaucoup, jamais je n’en aurai assez
pour maman ». Alors, elle prend sa pantoufle et elle l’emplit de
noisettes.
Ils reviennent tous deux à la maison.
Arrivés à moitié chemin, le petit coq
qui a mangé toutes ses noisettes dit : « Il faut que tu me donnes des
noisettes, moi, je n’en ai plus »
Alors la petite poule prend les
noisettes de ses poches et les donne au petit coq. Et quand le petit coq a tout
mangé, il demande les autres noisettes qui sont dans la pantoufle. La petite
poule se met à pleurer et dit : « Non, ce sont les noisettes que je
veux rapporter à maman ».
- Tu ne veux pas me les donner ?
Bon !
Il prend la petite pantoufle, il tire
dessus et elle se trouve déchirée.
La petite poule pleure.
- Qu’est-ce que je vais devenir ?
Qu’est-ce que je vais devenir ? Ma petite pantoufle ! Les noisettes
pour maman ! Et je n’ai plus de pantoufle. Il faut que j’aille trouver le
cordonnier.
- Cordonnier, cordonnier ! Veux-tu
me réparer ma petite pantoufle que le méchant coq m’a déchirée en revenant des
noisettes ?
- Ah ! Mais, tu sais ma petite
poule, je veux bien mais, pour raccommoder ta petite pantoufle il faut que tu
ailles trouver le cochon pour qu’il te donne de la soie.
Elle va trouver le cochon
- Cochon, cochon, veux-tu me donner de
la soie pour donner au cordonnier qui raccommodera ma petite pantoufle que le
méchant coq m’a déchirée en revenant des noisettes ?
Le cochon dit :
- Moi je veux bien, mais il faut que tu
ailles me chercher du son
Elle y va,
- Meunier, meunier veux-tu me donner du
son pour donner au cochon qui me donnera de la soie pour donner au cordonnier
qui raccommodera ma petite pantoufle, que le méchant coq m’a déchiré en
revenant des noisettes ?
Le meunier dit :
- Je veux bien, mais alors il faut que
tu ailles trouver le champ pour avoir du grain
Elle va trouver le champ
- Champ, champ veux-tu me donner du
grain, pour donner au meunier qui me donnera du son, pour donner au cochon qui
me donnera de la soie, pour donner au cordonnier qui raccommodera ma petite
pantoufle que le méchant coq m’a déchirée en revenant de noisettes.
- Oh ! je veux bien, mais tu sais,
pour que ça pousse, il faut que tu ailles chercher du fumier.
Elle va trouver la vache
- Vache, vache, veux-tu me donner du
fumier, pour donner au champ qui me donnera du grain, pour donner au meunier
qui me donnera du son, pour donner au cochon qui me donnera de la soie, pour
donner au cordonnier qui raccommodera ma petite pantoufle que le méchant coq
m’a déchirée en revenant de noisettes ?
- Je ne demande pas mieux, il faudrait
que tu me donne de l’herbe. Va trouver le pré
Elle y va
- Pré, pré ! veux-tu me donner de
l’herbe pour donner à la vache qui me donnera du fumier, pour donner au champ
qui me donnera du grain, pour donner au meunier qui me donnera du son, pour
donner au cochon qui donnera de la soie, pour donner au cordonnier qui
raccommodera ma petite pantoufle que le méchant coq m’a déchirée en revenant
des noisettes ?
- Je veux bien, mais va trouver la
rivière car il me faut de l’eau, je n’ai pas assez d’herbe à te donner.
- Rivière, rivière ! veux-tu me
donner de l’eau pour donner au pré qui me donnera de l’herbe pour donner à la
vache qui me donnera du fumier, pour donner au champ qui me donnera du grain,
pour donner au meunier qui me donnera du son, pour donner au cochon qui me
donnera de la soie, pour donner au cordonnier qui raccommodera ma petite
pantoufle que le méchant coq m’a déchirée en revenant des noisettes.
La rivière dit :
« Je veux bien, prends ce qu’il te
faut ! »
Alors, la petite poule a pris de l’eau,
qu’elle a donné au pré qui lui a donné de l’herbe, qu’elle a donnée à la vache
qui lui a donné du fumier, qu’elle a donné au champ qui lui a donné du grain,
qu’elle a donné au meunier qui lui a donné du son, qu’elle a donné au cochon
qui lui a donné de la soie, qu’elle a donnée au cordonnier pour raccommoder sa
petite pantoufle que le méchant coq a déchirée en revenant des noisettes.
Histoire racontée par mamie Suzon 92 ans
qui la tient de sa mère, qui elle-même la tenait de sa mère….
Le trésor communal
En
1870, ce n’était pas comme de nos jours, les percepteurs n’habitaient pas le
chef-lieu, et les communes devaient gérer directement les fonds qu’elles
recevaient des contribuables.
Certaines,
celle de B.. en particulier, détenaient des sommes assez importantes dont la
garde, en temps ordinaire, ne posait aucun problème particulier.
Mais,
les temps n’étaient pas sûrs et l’on signalait l’arrivée imminente des troupes
prussiennes. On disait en particulier que celles-ci commençaient par prélever
sur le trésor communal une partie importante, sans préjudice des impositions de
toutes sortes : viande, pain, fourrage, couvertures, bottes, etc.
Il
fallait donc à tout prix trouver une solution pour que la caisse de la commune
échappe aux convoitises ennemies.
La
laisser dans l’armoire fermée à clé où elle se trouvait, n’était guère prudent.
Que les ennemis se livrent à une perquisition pour trouver des armes ou du blé
par exemple, et l’on était sûr que le pot serait découvert.
L’enterrer ?
La terre fraichement remuée dénoncerait à coup sûr l’opération.
La
confier à un contribuable qui quitterait le village pour des lieux plus
hospitaliers ? Outre qu’on pourrait avoir à tout moment besoin de cet
argent, qui sait si l’homme ne serait pas intercepté par une patrouille
ennemie ?
On
eut une idée.
Cacher
l’argent en un endroit où pas un Prussien n’ait astuce de l’aller chercher….,
au fait du grand orme, sur la place de l’église.
L’idée
fut jugée excellente et adoptée.
On
enveloppa donc soigneusement la fortune communale dans un sac de gosse toile et
le charpentier fut mandé pour la hisser tout au haut de l’arbre et la fixer
solidement afin qu’elle ne risque pas de choir ni d’être aperçue d’en bas. Ce
qui fut fait en présence de tous les habitants rassemblés, tous intéressés par
cette opération hautement patriotique.
L’occupation
prussienne eut lieu, hélas. Les troupes ennemies passèrent dans la commune, y
séjournèrent à diverses reprises. On se défendit contre leurs exigences :
une commune pauvre avait beau jeu de prétendre qu’elle ne pouvait répondre aux
réquisitions.
Puis
la période mauvaise passa.
Quand
on fut bien sûr que l’ennemi ne reparaitrait plus, on décida que le sac serait
descendu du grand orme où il était resté pendant plus d’un an.
Eh
bien ! Vous me croirez si vous le voulez, mais les habitants de B… et le
conseil en particulier n’ont pas encore compris comment, à la place des pièces
d’or qu’ils avaient enfermées dans le sac, ils n’ont pu retrouver que… des
crottes d’âne.
Pas
un miracle assurément, mais au contraire une manifestation du diable. Il n’y a
pas d’autre explication.
Histoire
racontée par M. Rigollot de Beurey
Vestes trouvées
Un
vigneron de Baroville alla un beau jour livrer sa barrique de vin à
Bar-sur-Aube. L’ayant arrosée copieusement, le soir il repartit un peu gris.
Echauffé
par les vapeurs du vin, il ôta alors sa veste et la mit à l’arrière de la
charrette. Sur le chemin du retour tout se passa bien : le cheval prenait
le pas, la voiture suivait et le vigneron, derrière l’attelage, tirait quelques
bordées, tantôt à droite, tantôt à gauche.
Oui évidemment tout se passa bien… pourtant la veste tomba, le voiturier arriva dessus avec [ses chaussures à bascule] :
« Tiens ! dit-il, voilà un imbécile qui a perdu sa veste ; comment ne s’en est-il pas aperçu ? »
Le Barovillain prend la veste et la met sur sa voiture sans se rendre compte que la sienne manquait. Mal placée, la veste tombe de nouveau, l’ivrogne alors s’exclame :
« Ah ça ! Faut-il qu’ils soient bêtes dans ce pays pour perdre ainsi leur habits ; n’empêche que ça me fera deux veste, une pour moi et une pour le « petiot » quand il sera grand ».
Il
la ramasse et la jette sur sa voiture.
Une troisième fois la veste tombe. Le vigneron alors se fâche :
« Croient-ils que je vais passer la soirée à trouver toutes leurs vestes, celle-ci je la ramasse mais c’est fini ; si j’en trouve une autre, je la laisserai ».
La veste tomba encore, mais cette fois le vigneron dédaigneux passa son chemin.
Rentré
chez lui, entre deux éructations sonores, il fit à sa femme une confidence :
« Vois-tu, on a bien tort de dire qu’à Baroville on est plus bête qu’ailleurs. J’ai ramassé trois vestes, avec la mienne ça en fera quatre : va donc les prendre, elles sont sur la charrette ».
La femme alla, comme de juste elle ne trouva rien. Son mari n’étant pas en état de subir un interrogatoire, elle réfléchit longuement… très longuement, pour savoir ce qui s’était passé. Puis, alors sa colère éclata :
« Vieille bête, tu n’as donc pas compris que ta veste a chu quatre fois, trois fois tu l’as ramassée, la quatrième fois tu l’as laissé sur la route : tu es bien digne d’être de Baroville ».
Histoire racontée par un ferrassier de la crystalerie de Bayel
L’élection du syndic
On rapporte que les édiles de
Baroville n’avaient pu se mettre d’accord sur la nomination de leur syndic.
Dans un but d’apaisement l’un d’eux proposa aux autres de venir se grouper
autour de son prunier et là, le premier qui recevrait une prune dans la bouche,
serait l’élu de tous. La proposition fut acceptée à l’unanimité. Tous se
rendent donc au verger, ils entourent le prunier et lèvent le nez en ouvrant la
bouche aussi grande que possible. L’attente ne fut pas de longue durée. Une
dinde nichait dans le prunier, elle vint à s’oublier, l’un des édiles reçut le
produit, il l’avala et disant :
« Je
la tiens ! – Montre le noyau, clamèrent les autres un peu méfiant – il est
passé, la prune était si mûre que j’ai tout avalé ».
Et
cet heureux mortel fut élu syndic.
Le paysan d’Arrentières
Un
paysan d’Arrentières se rendit à Troyes, c’était un samedi ; avant de
quitter la ville il acheta un maquereau salé qu’il rapporta chez lui.
Toutefois, sa femme avait une aversion naturelle pour cette saline, elle refusa
obstinément de la fricasser. Le mari fricassa son maquereau et le mangea. Restait
le chaudron à écurer. La femme endurcie protesta que pour sa vie elle ne
l’écurerait pas. Le mari fit de vains efforts pour essayer de la ramener au
devoir ; peine perdue, elle ne voulait rien savoir. L’affaire fut mise en
compromis : ils convinrent que celui qui parlerait le premier, écurerait
le chaudron.
Cette convention faite, ils vont se coucher en silence et s’endorment de même car on suppose bien qu’ils n’ont pas rêvé tout haut. Le lendemain était dimanche : selon toute vraisemblance celui qui allait se lever et qui paraitrait à la porte, devrait parler le premier à quelque passant ; pour éviter cet écueil ils restèrent au lit l’un et l’autre ; toutefois à l’heure de la grand-messe, en se rendant à l’église, les passants virent avec inquiétude que la porte du voisin ne s’ouvrait pas. Ils frappent, personne ne répond. Bientôt, tout le village assemblé reconnait que la chose est insolite, sur un avis unanime de la communauté la porte est enfoncée, on écarte les rideaux du lit, le mari et sa femme sont là, étendus, inertes. On les interroge, on leur prend le pouls, on leur tâte le cœur, ils sont insensible à tout… et muets. On fait avertir le curé, M. Barbara ; celui-ci arrive avec les saintes huiles pour l’Extrême Onction. Il s’approche, il tâte également le pouls et le cœur de ses deux paroissiens, puis, il leur adresse une petite exhortation qu’il termine par ces mots :
« Allons
mes chers enfants, avant de mourir, s’il vous reste encore un peu de
connaissance, servez-vous en pour donner quelque chose à notre pauvre
église ».
A
ces mots, la femme étend le bras, elle tire le bel habit du dimanche de son
mari qui était au pied du lit et l’offre à M. le Curé, lequel s’en empare. A
son tour le mari tend le bras, il tire le beau jupon de sa femme qui était
pareillement sur le lit et en le présetant :
« Prenez,
M. le Curé, prenez, dit-il avec insistance, prenez aussi le jupon et j’écurerai
le chaudron ».
L’église souillée
L’église
a toujours été le centre des préoccupations de nos villageois. Elle était
l’objet de soins constants de la part des autorités et les paroissiens
l’entouraient de leur sollicitude. Que de procès n’a-t-on pas connus entre le
seigneur et les paysans, pour savoir à qui il appartiendrait de payer telles ou
telles réparations. Tout le monde était pourtant unanime à reconnaitre
l’absolue nécessité des travaux.
On
voulait faire le maximum pour l’église afin qu’elle fut digne du village.
De
mémoire d’homme, les habitants de B… avaient tenu à ce que la leur fut la plus
belle de la contrée. Elle était si plaisante, toute blanche sur la place
entourée de tilleuls, qu’on ne pouvait que répéter qu’elle surpassait en
propreté toutes les autres, à trois lieues à la ronde.
Or,
il advint qu’un jour, quelqu’un avait osé… cela ne s’était jamais vu… un goujat
n’avait pas craint… de « s’oublier » au pied du portail.
Ce
fut la consternation générale. On ne parlait de l’affaire qu’à mots couverts,
mais le village n’était préoccupé que par elle.
Que
faire ?
Le
phénomène dépassait en importance, tout ce qu’on avait bien pu imaginer
d’horrible. Chacun s’interrogeait. Il fallait trouver une solution.
On
réunit donc le conseil municipal.
Les
édiles s’enfermèrent à la mairie pour y délibérer. Pendant deux longues heures,
ils durent retourner la question, examiner ensemble les moyens de résoudre le
problème, hésiter, discuter, peser. Nul ne connut le détail de leurs
délibérations.
Quand
ils sortirent enfin de la salle de réunions, l’un deux se contenta de faire
apporter des cordes, toutes les cordes qu’on pouvait trouver, et commanda qu’on
amène deux bœufs solides.
Ceinturer
l’église avec les cordes, en fixer les extrémités au joug des bêtes ne demanda
que quelques instants. On allait, de cette façon, pouvoir éloigner de la
« chose » malpropre, in-odorante et impensable, le monument à qui on
voulait rendre son honneur.
Au
commandement, les bœufs placides se mettent en marche ; les cordes
s’allongent ; les animaux tirant toujours, passent la rangée de tilleuls,
donnant ainsi l’impression de gagner du terrain et d’amener à eux l’église.
Et
le responsable de l’opération de crier :
-
c’est assez, les gars, vingt pas de faits, on l’a assez déplacée comme
ça ; il n’y a qu’à la laisser où elle est maintenant.
Histoire racontée par M. Rigollot, 80ans, à Beurey
à Couvignon, M. Phélizot m’a raconté la même histoire mais, un peu différemment :
Pour réparer l’incident, les membres du conseil municipal décidèrent d’unir leurs efforts pour pousser, ensemble, le mur de l’église, le plus loin possible de la bouse qu’une vache avait osé déposer sur la place.
Pour
ce faire, chacun tombe la veste et, en bras de chemise, consciencieusement,
s’arc-boute, une épaule contre le mur, le jarret tendu, et le pied solidement
agrippé au sol.
Un
responsable rythme l’effort
Ah !
han. Les pieds glissent, on reprend appui.
Ah !
han. Ah ! han…
Passe
un chemineau, un de ces rôdeurs comme on en voyait tant, pour qui tout était
bon, et qui avise le tas de vestes laissé à terre par nos compères.
-Voilà-t-il
pas de quoi me rhabiller pendant plusieurs hivers ?
Et
il emporte le tout, pendant que nos ouvriers, suant, crachant, soufflant,
continuèrent de pousser l’église qu’ils veulent éloigner de la souillure.
Tout
à coup, l’un d’eux se retourne et s’écrie :
- Arrêtez, nous sommes assez loin, si loin déjà qu’on ne voit plus nos vestes.
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