On disait aussi bien à Bayel que dans les communes
limitrophes qu’un loup-garon parcourait les bois. On l’apercevait à la cote des
Auges, aux quatre croix de Bayel. Quelques charbonniers et métayers l’avaient
chassé, mais nul ne l’avait déhuré, c’est-à-dire abattu. De temps en temps, il
s’approchait d’une maison, s’emparait d’un mouton ou d’une volaille, se jetait
sur un passant isolé, puis disparaissait au premier chat du coq.
Un lutin (1) faisait aussi des apparitions à Bayel,
il était constamment habillé de rouge. Il fréquentait plusieurs écuries où il
agaçait les chevaux. Un soir, un valet
ennuyé de le voir, renversa un plat d’avoine sur son passage. Vexé de n’avoir
pu ramasser les grains avant le lever du jour, ce lutin appelé Fouilletout,
disparut de Bayel et émigra à Fontaine.
Mais, parmi toutes ces vieilles croyances, la plus
répandue était la croyance aux sorciers. On en distinguait deux sortes :
- Les petits
sorciers : ils guérissaient les malades, soignaient les entorses et les
fractures, arrachaient les dents cassées. Ils savaient utiliser les vertus de
certaines plantes mais employaient aussi des procédés qui aujourd’hui nous font
sourire. Dans certains cas, ils recommandaient de mettre les pieds d’un malade
dans le ventre d’un poulet que l’on avait écorché tout vivant ; la
guérison du malade survenait lorsque la chair du poulet était décomposée.
- Les grands
sorciers : c’était des créatures en la possession du Diable. Ils
faisaient du mal à autrui en s’attaquant soit à sa personne, soit à ses biens.
Ils jetaient des sorts et faisaient souvent périr bêtes et gens. Certaines
nuits de Carême tous les sorciers d’une région se rassemblaient sous la
présidence du Diable. C’était le grand Sabbat. Au XIXe siècle, les vieillards
de Bayel racontaient encore que ce sabbat avait lieu à la Cornée et au Val
Larron. Ils affirmaient avoir vu l’emplacement des danses maudites :
l’herbe n’y poussait plus et sur le sol on voyait les empreintes des pieds
fourchus.
Autrefois, non seulement le peuple ignorant croyait
en ces récits mais les gens les plus instruits étaient persuadés de l’existence
des lutins, des loups-garous ou des sorciers. Tout ce qui semblait bizarre et
qu’à l’époque on était incapable d’expliquer (maladies, accidents, épidémies)
était attribué au pouvoir des sorciers.
Mais la sorcellerie était un crime. De pauvres
diables dont le seul crime était d’être peu aimés de leurs semblables prirent
le chemin du bûcher sous l’inculpation du crime de sorcellerie. Ce fut le cas
de Nicolas Jeton*.
(1) Un même
Lutin existe aussi en Côte-d’Or, surtout dans le Châtillonnais, principalement
à Larrey, le « fouleto » (le felten du Bassigny) fait bien des
niches, mais soigne les vaches, étrille les chevaux, agite sa lanterne le long
des routoirs où rouit le chanvre, vous jette parfois de l’eau et éclate de
rire. Larrey et sa région possèdent des étangs propres aux feux follets.
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