L’éclairage domestique produit par une flamme due à la combustion d’un liquide huileux, était connu de la Grèce antique. Les Romains utilisaient également ce procédé. Au Moyen Age et jusqu’au XIXe siècle, nos aïeux continuèrent de l’éclairer ainsi.
Seule
progrès apparent : la petite « tour » qui surmonte la coupelle
et qui permet de suspendre la leucerotte à un croc ou à une crémaillère, et le
leuceron, petit récipient mobile qui recueille les « gouttes
d’huile » et évite ainsi les taches intempestives.
La
leucerotte et son leuceron sont en métal fondu (laiton).
Notons
enfin que le terme dialectal Leucerotte et son diminutif masculin Leuceron, (le
masculin devant être leucerot), nous vient du latin lucerna, lanterne de luceo,
luire.
Cet appareil d’éclairage de par sa conception comporte un défaut majeur : le moindre balancement provoque le débordement du liquide. Il faut donc que ce système reste en « position fixe ».
LA
LAMPE A COQ
Connu également sous le nom de Lampe lentille, cet appareil est conçu selon le même principe que la leucerotte mais, nettement amélioré. Le récipient à huile est une lentille creuse en fonte. La partie supérieure est percée de trois orifices : au centre, un trou servant au remplissage. Ce trou se ferme par un volet mobile dont la « poignée » zoomorphe en laiton symbolise un coq, (d’où le nom de la lampe). Pourquoi un coq ? peut-être parce que cet oiseau, en chantant, « fait lever le soleil » et, par là, fait naître la lumière…
Le second trou, plus près du bord de la lentille est surmonté d’un petit tube de fer : c’est l’orifice d’arrivée (ou de sortie) de l’air.
Enfin
la troisième, près du bord et également surmonté d’un tube (mais de gros
diamètre), sert proprement à l’éclairage.
A
cette lentille de fonte est adapté un étrier de fer formant poignée et
s’articulant de sorte que la lampe reste toujours en position horizontale. Au
milieu de cet étrier, un trou taraudé permet d’adapter soit un anneau de
suspension, soit une hampe porte-flambeau.
Ce dispositif combiné de la lentille et de l’étrier permet ainsi d’obtenir un appareil d’éclairage mobile nettement supérieur à la leucerotte.
LES SUSPENSIONS
Les
lampes à huile en « poste fixe » telles que les leucerottes ou les
lampes-à-coq devaient être suspendues. Le procédé le plus simple consistait
évidemment en une broche de fer plantée dans un mur à laquelle on suspendait la
lampe.
Pour
des fixations non permanentes, on usait d’un croc de fer qui pouvait
éventuellement être posé en équilibre sur un rebord ou bien accroché lui-même à un clou.
Un autre procédé, plus souple, le crémaillon, permettait de régler la hauteur de l’éclairage. Ces crémaillons ou cramaillots, sont le plus fréquemment en fer forgé quelquefois ouvré, très rarement en laiton.
LAMPES
D’ÉTAIN
Ce modèle en former de diabolo est encore assez fréquent dans notre région. Entièrement en étain, c’est un cylindre restreint en son milieu, le fond est un disque d’étain rapporté et soudé dans l’étranglement ; le dessus est également rapporté et en étain, il est percé de trois trous. Celui du centre, le plus gros, sert au remplissage, les deux autres sont équipées d’une languette de fer de section concave dans laquelle se posait la mèche éclairante.
Cette
lampe peut être prise à la main pour être transportée et sa faible hauteur
devait permettre de la poser sans risque de renversement.
LAMPE
A BOUGEOIR
Le principe de la partie éclairante de cette lampe est identique à celui qui vient d’être décrit pour la lampe d’étain à forme de « diabolo ». Ce qui caractérise cette coupe d’étain c’est quelle peut être considérée comme apode. En effet, le tube d’étain qui la prolonge ne permet pas de la poser mais de l’introduire dans l’orifice d’un bougeoir au lieu et place de la chandelle.
Très
connu également dans nos régions, nous pensons que ce système d’éclairage à
l’huile était destiné à remplacer les chandelles de suif pendant la période de
l’année où elles étaient presque inutilisables, c’est-à-dire durant les fortes
chaleurs.
LAMPES
A PIED
Les lampes d’étain à pied sont riches de formes. La coupe éclairante, identique à celles que nous avons décrites, elle est articulée sur un étrier lequel est pris sur un pied en forme de bougeoir. La base du pied en « soucoupe » permet de recueillir les éventuelles fuites d’huile.
Au milieu du XVIIIe siècle, un progrès important est réalisé avec la construction des lampes à pompe ; dans ce procédé l’huile est projetée de bas en haut par un système à ressort.
En
1784, le pharmacien Antoine QUINQUET (1745-1803), s’inspirant des inventions
précédentes, commercialise une nouvelle lampe connue sous le nom de lampe
Quinquet. Elle est équipée d’un réservoir latéral et d’un bec surmonté d’une
cheminée en verre. Cette lampe peut être murale ou montée sur une longue tige
verticale fixée sur un socle cylindrique.
QUINQUET entreprend la fabrication de cette lampe en s’associant avec un ferblantier-épicier, spécialisé dans la vente d’huiles épurées. Parfaitement mise au point, celle-ci restera d’usage courant jusqu’à l’avènement du pétrole dans les années 1860. En 1872, l’abbé MOIGNO précise, dans son livre intitulé “L’art des projections” : « Si l’on veut que la lanterne donne le maximum de lumière, il faut l’armer d’une mèche neuve et sèche, et la remplir d’huile de baleine camphrée chaude ». En 1788, l’épuration de l’huile de colza, par LEROY-DE-LILLE, permet d’obtenir une lumière plus blanche et dépourvue de fumée.
Au XIXe, elles sont connues sous le nom de lampes Carcel et de lampes-à-modérateur. Selon les chroniques de l’époque « elles sont sans contredit les meilleures ; l’huile arrive avec une régularité parfaite ; elles donnent une lumière égale et éclatante ». Toutefois, leur prix est très élevé et c’est sans doute la raison pour laquelle on en trouve très peu dans nos régions.
Le
4 brumaire an IX (26.10.1800) l’horloger Guillaume CARCEL et le négociant Louis
CARREAU déposent un brevet d’invention de 5 années « pour lampe nouvelle qu‘ils
appellent« Lycnomena« ». Pour cette
invention, CARCEL obtient en 1854 un prix de l’Académie des Sciences. Cette
lampe servit à FRESNEL pour ses travaux sur les phares et fut utilisée par
DUMAS et REGNAULT en 1860 pour les essais photométriques du gaz de la ville de
Paris. Le règlement qu’ils établirent resta en vigueur jusqu’en 1920. « La
lampe Carcel a rendu de grands services en photométrie, jusqu‘aux premières
années du XXe siècle. Elle fut presque le seul étalon photométrique employé en
France et c‘est elle qui permit de définir la bougie décimale ». (1 bougie
décimale = 0,104 unité Carcel).
La lampe Carcel possède un mécanisme composé d’une pompe actionnée par un moteur à ressort que l’on remonte avec une clé située au bas de la lampe. Elle est plus compliquée et plus coûteuse que la lampe Quinquet, mais beaucoup plus esthétique. On verra de nombreux modèles en métal, en bronze, en porcelaine, en verre, etc.
LAMPES A BEC
Un autre progrès intéressant réside dans la création d’un bec dans lequel la mèche coulisse. La manœuvre étant effectuée par une petite roue dentée que l’on commande manuellement par un bouton moleté. Ce type de lampe se trouve fréquemment dans nos régions ; il reprit même du service, avec la lampe à pétrole, durant la deuxième guerre mondiale.
Par
la suite, beaucoup de lampistes déposent des brevets pour améliorer ce système
de lampes à pression : GAGNEAU en 1819, RIMBERT 1826, CARREAU 1834, FRANCHOT
1837. Certaines de ces lampes ont été réutilisées pendant les guerres de
1914-1918 et 1939-1945.
Elles
sont généralement équipée d’un mouvement d’horlogerie qui met l’huile sous
pression afin qu’elle monte jusqu’au brûleur. Celui-ci est équipé d’un côté
d’une clé pour remonter le mécanisme et de l’autre côté d’une molette pour
régler la flamme.
Quelque
soit le type de lampe utilisée, son intensité pouvait varier du simple au
double en fonction de la qualité de l’huile, de la préparation de la mèche et
de son réglage en cours de combustion. L’huile devait être de bonne qualité,
surtout dans les lampes Carcel ou les
lampes à modérateurs. On pouvait améliorer le rendement lumineux en ajoutant à
l’huile 100 grammes de camphre par litre, ce qui, pour une lampe de 8 à 10
lignes (ancienne mesure de longueur), permettait d’atteindre 13 à 16 bougies.
Malgré ces artifices, la luminosité était faible et la chaleur dégagée faisait
souvent claquer les plaques de verres sur lesquelles étaient peintes les
images. Ce type de lampe se trouvait dans nos campagnes.
ENTRETIEN
Un traité « d’économie domestique » édité par Martelet à Troyes à la fin du XIXe siècle, conseille aux ménagères de « vider entièrement la lampe puis laver l’intérieur… avec une solution presque bouillante de 30g de potasse par litre d’eau » ou bien « une fois par mois, mettre sur le feu une casserole contenant ½ litre d’eau et une noix de cristal de soude. On y met les lampes renversées (après les avoir vidées) de façon à faire tremper leur bec ; après 5 minutes d’ébullition on les retire, on les rince à l’eau fraiche. »
LES HUILES
Toutes les huiles végétales peuvent être utilisées comme huile-à-brûlé, huile de chènevis, de colza, de navette, etc. La meilleure étant l’huile de colza épurée. L’huile de chènevis donne une lumière plus rougeâtre et fait charbonner la mèche ; ces huiles étaient conservées dans des jarres de terre, notamment dans des poteries de Villadin, Soulaines-Dhuys ou d'Amance. Ces jarres étaient bouchées avec une poupée de chiffon imprégnée d’huile, pour éviter le « rancissement » à l’air puis mises en cave. Ce procédé de conservation à l’abri de l’air et de la lumière et au frais interdisait à l’huile de s’épaissir et lui gardait ses qualités « lampantes ».
En
1890, G. Belèze dans son dictionnaire de Vie pratique conseillait ainsi ses
lecteurs :
« Il
ne faut pas faire d’avance de trop grandes provisions d’huiles-à-brûler, à
moins qu’un renchérissement considérable de ce produit ne paraisse
imminent ».
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire