jeudi 5 juin 2025

Le monachisme et l'ordre de Saint Benoit

 

Saint-Benoit portant l'Église

Le monachisme – Saint Benoit

Le monachisme chrétien est pratiqué de l'Antiquité jusqu'à nos jours. Il trouve son origine dans la tradition évangélique et les pratiques spirituelles orientales. Les moines et les moniales, au sein d'un ordre monastique, suivent en général une règle dont la plus ancienne est la règle de saint Augustin et la plus répandue celle de saint Benoît ; ces deux règles, et leurs nombreuses interprétations, ont justifié des modes de vie et d'organisation variés.

La vie monastique, le plus souvent au sein d'un monastère ou d'un couvent, qui peut être une abbaye lorsqu'il est dirigé par un abbé ou une abbesse (de l'araméen abba, père), connaît deux formes principales : le cénobitisme (vie en communauté) et l'érémitisme (du grec eremos, désert : vie en solitude).

Plusieurs hypothèses existent pour expliquer la naissance du monachisme chrétien. Les origines sont probablement multiples (d'ordre religieux, social) et les approches nombreuses (d'ordre historique ou théologique, anthropologique ou sociologique), ce qui explique que les auteurs proposent des hypothèses diverses qui établissent des rapprochements, des rapports de filiation ou d'influence.

Dans son Histoire ecclésiastique, l'auteur chrétien du IVe siècle, Eusèbe de Césarée, décrit les Therapeutae (membres d’une secte juive hellénisée vivant dans des monasterium au voisinage d'Alexandrie) de Philon comme les premiers moines anachorètes chrétiens, identifiant leur renonciation à la propriété, leur chasteté, leurs jeûnes et leurs vies solitaires à l'idéal cénobitique des moines chrétiens. Jean Cassien fait remonter à l'apôtre Marc les anachorètes dont les Thérapeutes seraient les réalisateurs. Cette hypothèse de continuité historique entre les Thérapeutes et les moines est invalidée car la communauté juive d'Alexandrie est détruite au début du IIe siècle.

Une deuxième hypothèse formulée par Jean Cassien voit l'origine du cénobitisme dans la communauté primitive de Jérusalem dans les Actes des apôtres. Cette hypothèse fragile repose sur la vision idéalisée de cette communauté, les fondateurs du monachisme ayant voulu se placer dans sa continuité pour retrouver l'idéal de sociabilité chrétienne. Or cette communauté à Jérusalem était urbaine, mixte et missionnaire alors que les premières formes de communauté cénobitique étaient rurales, masculines et coupées du monde.

Une troisième hypothèse martyrologique veut qu'avec la Paix de l'Église les moines prennent le relais des martyrs pour incarner, par l'ascèse, la sainteté. Cette filiation est difficile à établir car les premiers moines apparaissent avant la fin de la persécution des chrétiens et font ce choix de vie alors que les martyrs subissent.

Une quatrième hypothèse voit dans la naissance du monachisme le développement d'une veine ascétique attestée dans le christianisme dès l'origine, notamment dans l'encratisme gnostique. Cette hypothèse séduisante soulève la question d'expliquer pourquoi le monachisme n'est apparu qu'au IIIe siècle.

Une cinquième hypothèse, émise par Peter Brown en 1983 dans Genèse de l'Antiquité tardive, suggère que les premiers moines ont exploité un dysfonctionnement des relations sociales et surtout du rapport au sacré. Ils remplacent les prêtres dans leurs fonctions d'interlocuteurs directs de la divinité. Paradoxalement, ils exercent un attrait croissant sur le monde (les gens venant les consulter) à mesure qu'ils cherchent à le fuir. Cependant, cette hypothèse explique plus l'essor du monachisme que son origine.

Une dernière hypothèse fait appel à des motivations multiples pour expliquer le renoncement aux biens terrestres et la retraite au désert : échapper à la misère sociale (« la pauvreté remplissait-elle alors les monastères plus que le chômage aujourd'hui ? »), au mariage, au juge, au percepteur, aux persécutions antichrétiennes…

Dès la fin du IIIe siècle, la chrétienté orientale commence à comporter en son sein des moines : Ces hommes se séparent de la société pour se retirer dans des lieux déserts, le désert étant, dans la Bible, le lieu de l’épreuve purificatrice et de la rencontre avec Dieu.
Ils y mènent une vie d’ascèse, de prière, de travail et de solitude. Le père incontesté de ce genre de vie est l’Egyptien Saint Antoine le Grand. Né en 251, il mène une vie de solitude dans le désert d’Egypte jusqu’à l’âge de 105 ans.
Sa vie, écrite par saint Athanase, aura une influence considérable sur le monachisme chrétien, tant en Orient qu’en Occident.
Saint Pacôme, égyptien lui aussi, sera le Père du monachisme communautaire (cénobitique).
Il organisera les moines voulant vivre en communauté selon une règle bien précise qui aura des influences, elle aussi, en Orient et en Occident.

Dès le IVe siècle, on trouve des moines dans tout le Moyen-Orient (Egypte, Palestine, Syrie, Asie Mineure, Mésopotamie).
Cette nouvelle forme de vie chrétienne se répand en Occident, à commencer par la Gaule et tout d’abord la Provence.
Les premiers foyers de vie monastique sont ceux de saint Cassien à Marseille, et saint Honorat aux Iles de Lérins, après que saint Martin et ses successeurs aient développé aussi une vie de solitude et de rayonnement évangélique dans l’ouest de la Gaule.

Selon l’église Chrétienne  du grec ancien monos, « solitaire ».

Etat et mode de vie des moines, et moniales. La vie monastique varie entre forme cénobitique et érémitique. A travers leur vie et dans la ligne de leur tradition, les moines rappellent que l’évangile est exigeant. Le monachisme ne continue d’exister que parce qu’il est constamment réengendré.

 


Naissance du monachisme bénédictin

Au VIe siècle, en Italie, s’impose alors la figure de saint Benoît. D’abord ermite puis moine et abbé de Subiaco et du Mont Cassin, il va être le législateur du monachisme occidental grâce à la règle monastique qu’il a écrite pour son monastère et qui s’imposera peu à peu à toute l’Eglise latine.

Le monachisme « bénédictin » est né. Il s’étend de plus en plus et atteint son apogée, et une quasi exclusivité, au Xe siècle, avec l’abbaye de Cluny (fondée en 910).

Réforme cistercienne

A la fin du XIe siècle, dans le mouvement de la réforme grégorienne, des moines bénédictins veulent revenir aux sources de leur propre tradition.
Ils quittent leur monastère de Molesme, en 1098, avec leur Père Abbé, Saint Robert, pour fonder l’abbaye de Cîteaux, près de Dijon.
Ce sont les fondateurs d’un ordre qui, rapidement, couvre l’Europe de monastères. Saint Bernard, avec une trentaine de jeunes nobles, entre à Cîteaux vers 1112 et fonde en 1115 l’abbaye de Clairvaux. Il en reste l’abbé jusqu’à sa mort, en 1153.
Par une vie de prière, dans la pauvreté, la simplicité et la séparation du monde, les moines cisterciens entendaient retrouver la pureté de l’esprit de la Règle de Saint Benoît. C’est cet esprit qui présida à la fondation de l’abbaye de Sénanque, puis à la réouverture de l’abbaye de Lérins, sur l’île Saint Honorat.

Le concept de monachisme est un concept ancien et se retrouve dans de nombreuses religions et philosophies. Au cours des siècles précédant la naissance du Christ, l’hindouisme, le bouddhisme et le judaïsme ont tous développé des styles de vie proposant un type de renoncement au monde tantôt en vivant comme un ascète solitaire, tantôt au sein d’une communauté afin d’obtenir la libération, la purification ou l’union à Dieu.

Le monachisme chrétien s’est inspiré des exemples des prophètes Elie et Jean le Baptiste, qui vécurent tous deux seuls dans le désert, et surtout du récit évangélique de la lutte solitaire de Jésus contre Satan dans le désert, avant son ministère public. À partir de l’Exode et tout au long de l’Ancien Testament, le désert a été considéré comme un lieu de ressourcement spirituel et de retour à Dieu. Bien qu’il y ait eu des ascètes, en particulier des femmes ascètes, parmi les premières générations de chrétiens, ils vivaient généralement dans les bourgs et les villes.

Saint Antoine le Grand (251-356) fut le premier chrétien bien connu à se retirer dans le désert. Selon la Vie d’Antoine, écrite par saint Athanase vers le milieu du IVe s., Antoine se retira dans les déserts d’Egypte pour y mener une vie ascétique intense dans le seul but de chercher Dieu dans la prière solitaire. Il resta seul jusqu’à ce que sa sainteté et son humanité rayonnante attirent autour de lui un cercle de plus en plus important de disciples. Son influence fut si grande qu’il est considéré aujourd’hui comme le père, non seulement du mouvement des Pères et Mères du désert des IVe-Ve s. en Egypte, mais aussi comme le père de toute la famille monastique chrétienne.

Même si les premiers Pères du désert vivaient en ermites, ils étaient rarement complètement isolés ; en effet, ils vivaient à proximité les uns des autres et assez tôt des regroupements informels commencèrent à se constituer dans des endroits comme le désert de Nitrie et le désert de Scété. Le passage de l’ermite («anachorète») au moine (« cénobite ») qui vit en communauté sous un abbé, est arrivé rapidement, lorsqu’en 346 saint Pacôme établit en Egypte le premier monastère cénobitique chrétien.

La tradition du monachisme de l’Eglise d’Orient est parvenue jusqu’à l’Église d’Occident grâce à saint Jean Cassien (environ 360 – 435). Alors jeune adulte, il entra avec un de ses amis, Germain, dans un monastère de Palestine puis partit en Egypte pour rendre visite aux groupes d’ermites de Nitrie. Plusieurs années plus tard, Cassien fonda un monastère de moines, et probablement aussi de religieuses, près de Marseille, et en partie pour lutter contre des pratiques corrompues qu’il avait trouvées dans le monachisme occidental, il écrivit deux longs ouvrages, Les Institutions et Les Conférences. Dans ces livres, non seulement il transmit son expérience de l’Egypte (on y trouve peut-être le record de la plus ancienne transmission écrite de la pensée des Pères du désert), mais il a également donné au monachisme chrétien une solide base évangélique et théologique.

L’influence de Cassien a été énorme et a duré pendant des siècles – même la plus petite bibliothèque monastique du Moyen Age en Europe avait sa copie de Cassien. De plus, Saint Benoît s’inspira de la pensée de Cassien pour écrire sa règle et recommanda à ses moines de lire ses œuvres. Comme la Règle de saint Benoît est encore utilisée par les moines bénédictins, cisterciens, trappistes, cela signifie que la pensée de Jean Cassien, et la tradition du désert avec lui, guident encore la vie spirituelle de milliers d’hommes et de femmes dans l’Église catholique.

Notre croix, c’est la crainte du Seigneur. De même que celui qui est crucifié n’a plus la possibilité de remuer ses membres et de se tourner là où bon lui semble, de même devons-nous, nous aussi, régler notre volonté et nos désirs non plus selon ce qui nous est agréable et qui nous plaît seulement, mais selon la loi du Seigneur, là où elle nous a attachés. Celui qui est attaché à la croix ne considère plus les choses présentes, ne pense plus à satisfaire ses passions, n’a plus aucun soin ni aucune inquiétude pour le lendemain ; il n’est plus excité par le désir de posséder quoi que ce soit ; il ne se laisse pas emporter à l’orgueil, aux rivalités ni aux disputes ; il n’a plus aucun ressentiment des injures qu’on lui fait, ni aucun souvenir de celles qu’il a subies ; bien qu’encore en vie, il s’estime mort déjà à tous les éléments de ce monde, l’attention de son cœur étant déjà tournée vers le lieu où il sait qu’il va bientôt passer…

La diversité des règles, leur souplesse d'interprétation et les buts religieux ou apostoliques poursuivis, a créé au cours de l'histoire la grande diversité des ordres monastiques :

Les ordres hospitaliers : à la suite de l'officialisation de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem en 1113, qui prévoyait dans ses statuts le prononcé d'un quatrième vœu, en plus de ceux de pauvreté, de chasteté et d'obéissance, celui de « servir nos seigneurs les malades à l'égal de Notre Seigneur », le soin aux malades, aux nécessiteux est devenu un choix apostolique courant, sans que ce quatrième vœu soit toujours prononcé .

Les ordres militaires : avec les croisades et la Reconquista, la défense de la chrétienté les armes à la main devient une question théologique réglée par le concile de Troyes en 1129 et l'officialisation de l'ordre du Temple. La fonction des milices chrétiennes remplie à l'origine par des laïcs est alors reprise par des moines-soldats avant que la réappropriation par des laïcs permette plus tard le développement des ordres de chevalerie.

Les ordres contemplatifs : à l'exemple des moines de Notre Dame du Mont-Carmel reconnus en 1226, qui après la perte de la Terre sainte, se replient en Occident à partir de 1238 en répandant leurs habitudes de vie d'ermites qu'ils avaient dans les grottes du Mont Carmel. Des femmes attirées par la prière se mettent sous leur direction pour créer un ordre de carmélites en 1452 que Sainte Thérèse d'Avila réformera.

Même s'ils ne sont pas des ordres monastiques, ils s'en rapprochent par certaines de leurs pratiques :

Les ordres mendiants : ils dépendent de la charité publique pour vivre. En principe, ils ne possèdent ni individuellement ni collectivement de propriété. Apparus avec le développement des villes et des Universités, ces ordres vivent dans des couvents établis en milieu urbain et se différencient des ordres monastiques en ce qu'ils joignent vie contemplative et vie apostolique. Ce sont des religieux mais pas des moines. Ils ont fait le choix d'une pauvreté radicale pour témoigner de l'Évangile. On peut citer, entre autres, les Franciscains, (Ordre des frères mineurs, portent un habit brun), fondés en 1209, les Carmes, (Ordre du carmel ou Carmes, portent un habit marron), fondés en 1206-1214, les Dominicains (Ordre des Prêcheurs, portent un habit blanc), les Augustins (Ermites de saint Augustin, portent un habit noir), fondés en 1256.

 


 Ordre de Saint-Benoît

 


L'ordre de Saint-Benoît, plus connu sous le nom d'ordre des Bénédictins, est une fédération de monastères occupés par des moines ou des moniales, les Bénédictins ou Bénédictines y suivant la règle de saint Benoît résumée par la maxime « Ora et labora » (« prie et travaille »). Cet ordre monastique fondé vers 529 par saint Benoît de Nursie, considéré traditionnellement comme le plus ancien de l'Église catholique, regroupe des organisations monastiques plus ou moins autonomes qui ont marqué profondément le monde occidental par leur contribution essentielle dans l'économie, la culture et la liturgie de l'Europe médiévale.

Ce n'est pas le plus ancien ordre de l'Occident chrétien car la règle des moines de saint Augustin, celle introduite par saint Martin pour la fondation de l'abbaye Saint-Martin de Ligugé, celle introduite par Jean Cassien pour l'abbaye Saint-Victor de Marseille et la laus perennis introduite en 515 à l'abbaye de Saint-Maurice d'Agaune sont antérieures à sa fondation, mais c'est celui qui a connu le plus large succès.

Le monachisme bénédictin connaît un premier apogée avec le rayonnement de l'ordre de Cluny puis celui de Cîteaux. Les nombreuses difficultés qui affectent les ordres monastiques dès la fin du XIIIe siècle suscitent de lentes réformes monastiques qui débutent au XVe siècle avec la création d'une nouvelle institution bénédictine, la congrégation.

Après plusieurs périodes de fort déclin, notamment la défection pendant la Réforme protestante et la suppression des congrégations par la Révolution, le monachisme bénédictin connaît une phase de reconstruction au XIXe siècle et est entièrement réorganisé en 1893 par le pape Léon XIII à l'origine de la création de la Confédération bénédictine.

D'après le 265e pape, Benoît XVI, saint Benoît « indiqua à ses disciples comme objectif fondamental et même unique de l'existence, la recherche de Dieu ». Ce dernier étant considéré comme universel et éternel, cette quête implique l'ordre dans les tâches : évangélisation et défrichement de l'Europe, conservation et transmission de la culture classique au Moyen Âge, collation et traduction des œuvres des Pères de l'Église à partir du XVIIe siècle, éducation, etc. Au moins par deux fois, la règle du fondateur suggère même que les activités des moines ne les obligent pas à délaisser leur monastère :

« Le monastère doit, autant que possible, être disposé de telle sorte que l'on y trouve tout le nécessaire : de l'eau, un moulin, un jardin et des ateliers pour qu'on puisse pratiquer les divers métiers à l'intérieur de la clôture. De telle sorte que les moines n'auront pas besoin de se disperser au-dehors, ce qui n'est pas du tout avantageux pour leurs âmes. »

Règle bénédictine

Règle de saint Benoît*

Écrite au VIe siècle, la règle de saint Benoît connaît rapidement un certain succès, peut-être grâce à sa modération par rapport aux autres règles monastiques existant à l'époque. En 817, elle est imposée à tous les monastères de l'Empire carolingien, d'où le surnom de Père des moines d'Occident donné à saint Benoît.

Certains affirment que la devise Ora et labora (« prie et travaille ») synthétise la vie de l'ordre, bien qu'elle ne figure pas dans la règle. En tous cas, cette règle propose un équilibre entre prière et travail (le refus de l'oisiveté est central et le travail manuel est valorisé), prière personnelle et prière communautaire, gouvernement par l'abbé et participation des frères, obéissance et responsabilité de chacun.

Au IVe concile de Latran en 1215, le mot « bénédictin » apparut pour désigner les moines qui n'appartenaient à aucun ordre centralisé, par opposition aux cisterciens, qui suivent également la règle de saint Benoît, mais dont l'Ordre est assez fortement centralisé.

Néanmoins le pape Léon XIII a institué en 1893 une confédération bénédictine, union fraternelle des congrégations de moines qui vivaient sous la règle de saint Benoît (hors cisterciens et camaldules), restant sauve l’autonomie des congrégations et des monastères.

L'habit des bénédictins est en général noir (ils sont souvent appelés les « frères noirs » ou encore « moines noirs », jusqu'à l'appellation de bénédictins qui apparaît pour la première fois dans la bulle Summi magistri dignatis du 20 juin 1336 du pape Benoît XII). Les bénédictins olivétains, qui ont choisi de porter un vêtement blanc, constituent une exception à cette règle (et les moines de cet ordre sont parfois appelés « bénédictins blancs » pour cette raison). Par ailleurs, l'ordre apparenté des cisterciens a opté pour une robe blanche, ce pourquoi ils sont parfois appelés les « moines blancs » (mais ils n'appartiennent pas canoniquement à l'ordre de saint Benoît, même s'ils en suivent la règle).

Les bénédictins portent une coule noire à capuchon, et une ceinture noire autour de la taille. Le scapulaire (noir ou plus rarement blanc), habit monastique par excellence, est porté par les profès solennels lors des offices et principaux actes de la vie communautaire. En plus du fait qu'ils ne portent pas encore le scapulaire, les novices sont identifiables grâce à leur coule : celle-ci est plus courte que ceux des moines ayant achevé le noviciat ; chez les moniales, novices et jeunes professes portent souvent un voile blanc.

L'usage de se raser la tête s'est généralement maintenu à travers les siècles, avec des variantes (par exemple « couronne monastique » avant la Révolution et dans la congrégation de Subiaco avant le concile Vatican II (1962), ou « tonsure cléricale » seule dans la congrégation de Solesmes).

Aujourd'hui, les bénédictins, en plus de leur vie monastique de contemplation et de célébration de la liturgie, sont engagés dans diverses activités, notamment l'éducation, l'engagement missionnaire et les travaux érudits.

Particularités des Bénédictines

Il existe des religieuses bénédictines. Ce sont des moniales qui suivent la règle de saint Benoît. Elles auraient été instituées au VIe siècle par sainte Scolastique, sœur de saint Benoît. Leur habit est le même que celui des moines de même congrégation sauf qu'elles portent un voile à la place du capuchon. C'est à cet ordre qu'appartenaient les oblates instituées par sainte Françoise.

La congrégation des bénédictines de l'Adoration perpétuelle du Très Saint Sacrement a été fondée à la fin du XVIIe siècle par la Mère Mechtilde du Très-Saint-Sacrement.

Le premier monastère est établi au mont Cassin vers 529 par Benoît de Nursie qui y élabore sa règle. Les monastères bénédictins se répandent alors dans toute l'Europe et donnent naissance à plusieurs congrégations devenues célèbres, bien que les premiers carolingiens aient corrélé leur intérêt du monachisme à leur propre volonté de pouvoir et d'expansion territoriale. Ainsi, dans les dernières années du règne de Charlemagne un net relâchement s'instaure dans de nombreux monastères. En 817, l'empereur Louis le Pieux sur les conseils de Benoît d'Aniane tente de réformer l'institution monastique, instituant une observance uniforme dans l'ensemble des monastères et l'élection libre de l'abbé, éléments essentiels dans le développement de l'ordre bénédictin en Europe, donnant le véritable essor de la règle de saint Benoît. Les deux synodes tenus à Aix-la-Chapelle en août-septembre 816 et 10 juillet 817, par l'empereur Louis le Pieux et la publication du « capitulaire monachorum », permettent à Benoît d'Aniane de faire appliquer cette règle dans plus de vingt monastères en Aquitaine et au-delà. Par la suite, la mort de Benoît d'Aniane en 821, la dislocation de l'empire carolingien et les invasions réduisent pratiquement à néant les résultats acquis. De la fin du IXe au début du Xe siècle, la vie bénédictine connaît un net déclin, aggravé par l'habitude prise par les souverains de disposer de leurs fondations religieuses comme ils pratiquaient avec les biens fiscaux, à savoir qu'un abbé laïc prenne possession d'une enclave ecclésiastique et y réside avec femmes, enfants et sa suite, rendant la vie de clôture impossible.

Le monachisme bénédictin connaît une première vague de renouvellement avec le rayonnement de l'ordre de Cluny au Xe siècle puis celui de Cîteaux au XIIe siècle, ces deux ordres introduisant une rupture fondamentale avec la tradition bénédictine par leur ouverture aux catégories sociales inférieures grâce au statut de convers (simples laïcs vivant aux côtés des moines de chœur) chargés des travaux agricoles et manuels, et des affaires séculières d'un monastère. D'autres mouvements réformateurs donnent naissance à de nouveaux ordres issus du vieux tronc bénédictin (camaldules, chartreux, célestins, Sylvestrins, olivétains…). Ayant acquis une puissance importante grâce à ses domaines et ses couvents, l'ordre bénédictin atteint son apogée vers la fin du XIIe siècle, possédant alors en France environ 2 000 abbayes et 20 000 prieurés, et en Europe 100 000 monastères. Confronté aux nombreuses difficultés qui affectent les ordres monastiques dès la fin du XIIIe siècle, l'ordre connaît une certaine désorganisation (avec notamment le régime de la commende) et un relâchement. De lentes réformes monastiques sont engagées au XVe siècle avec la création d'une nouvelle institution bénédictine, la congrégation. Il s'agit d'une fédération qui regroupe des monastères autonomes et qui est nommée d'après son fondateur, son pays d'origine ou son saint patron, et qui permet de leur donner un pouvoir unifié. Ces réformes ne deviennent efficaces qu'au XVIIe siècle, avec notamment la fondation de la congrégation de Saint-Vanne en 1604, de la congrégation de Saint-Maur en 1618, des Bénédictines de Notre-Dame du Calvaire en 1621 et des Bénédictines de l'Adoration perpétuelle en 1653. Ce nouvel essor permet aux effectifs bénédictins de s'élever à 150 000 membres sur les 300 000 religieux que totalisent tous les ordres monastiques au milieu du XVIIIe siècle.

Le 13 février 1790, l'Assemblée constituante française décide l'abolition des vœux monastiques et la suppression des ordres et congrégations régulières. Certains bénédictins français retournent à la vie civile (devenant parfois même maires, responsables de bibliothèques municipales), d'autres s'exilent. Si la Révolution française démantèle l'ordre bénédictin et le monachisme, le XIXe siècle est marqué par un grand mouvement de renaissance en France avec Dom Prosper Guéranger qui restaure l'ordre bénédictin en 1833 à l'abbaye de Solesmes, et Jean-Baptiste Muard qui fonde l'abbaye de la Pierre-Qui-Vire en 1850. Les lois de 1901, 1904 et 1905 portent un coup à cette renaissance, les congrégations acceptant de se soumettre à l'autorité de l'évêque ordinaire ou les bénédictins choisissant l'exil, la dispersion. La situation d'exil a pu conduire à la fixation dans le lieu où les congrégations se sont exilées ou à leur retour pur et simple quelques décennies plus tard.

Au cours de la première moitié du XIXe siècle, on assiste à une restauration de l'ordre bénédictin qui bénéficie de la recharge sacrale. En 1893, toutes les abbayes et maisons bénédictines autonomes s'unifient dans la confédération bénédictine formée par le bref apostolique Summum semper du pape Léon XIII.

En 2005, on dénombre dans le monde environ 8 000 bénédictins répartis dans 435 monastères ou prieurés formant 21 congrégations, 16 000 moniales et sœurs dans 840 abbayes ou maisons formant 61 congrégations.

En France

Les plus anciennes abbayes bénédictines sont celles de : Ligugé et Marmoutier (Tours) respectivement fondés par saint Martin de Tours en 361 et en 372, Landévennec fondée par saint Guénolé vers 485, Saint-Germain-des-Prés fondée par Childebert Ier vers 540, Luxeuil fondé par saint Colomban en 590, Marmoutier (Alsace) fondé vers 589 par saint Léobard, Solignac fondé par saint Éloi vers 638.. En Normandie, l'abbaye de Saint-Wandrille est fondée à Fontenelle en 649, suivie de nombreuses autres à l'initiative des ducs de Normandie ou de leurs compagnons. Brantôme fondée par Charlemagne en 769, Cluny formée vers 910. Des extensions sont existantes dans toute l'Europe…

La congrégation de Saint-Vanne et Saint-Hydulphe est formée à Verdun en Lorraine en 1604. Celle de Saint-Maur est constituée en 1621 ; d'autres congrégations notables en France ont créées (Feuillants, Camaldules, Célestins, etc.). Toutes sont supprimées en 1790 par l'Assemblée constituante.

En 1833, quelques religieux réunis à Solesmes en Sarthe, sous la direction de Dom Guéranger, relèvent l'ordre des Bénédictins. Ils fondent la congrégation de Solesmes en 1837. En 1850, la Pierre-qui-Vire est fondée par Jean-Baptiste Muard, et s'agrège à la congrégation de Subiaco en 1859.

Aujourd'hui, les principales congrégations bénédictines présentes en France sont : la congrégation de Solesmes (abbaye de Solesmes, Kergonan, Ligugé, Fontgombault, Triors, Wisques, Randol, etc.), la congrégation de Subiaco (la Pierre-qui-Vire, En-Calcat, Dourgne, Saint-Benoît-sur-Loire, Landévennec, Belloc, Tournay, etc.), la congrégation du Mont-Olivet (Notre-Dame du Bec, et Maylis), et la congrégation Notre-Dame d'Espérance (Croixault, la Grainetière, etc.). Flavigny, le Barroux, et leurs fondations respectives, n'appartiennent pas à des congrégations.

Dans l'Empire ottoman

Les bénédictins prirent le monastère Sainte-Marie-de-la-Miséricorde à Galata (Constantinople), en 1427 sous la direction de Dom Nicolas Meynet, et le renommèrent abbaye Saint-Benoît. Ce monastère et sa chapelle sont placés sous la protection de l’ambassade de France auprès de la Sublime Porte en 1540, après la demande du roi François Ier et l’autorisation du sultan Soliman le Magnifique, François Ier utilise le prétexte de la protection des chrétiens des terres ottomanes pour conclure une alliance avec la puissance musulmane, au travers d'accords intitulés « Capitulations de l'Empire ottoman ». Des capitulations qui réglaient le statut des étrangers dans l'Empire ottomans furent établies vers 1535-1536 entre le sultan Soliman le Magnifique et le roi de France François Ier. Grâce à ce statut privilégié, les bénédictins devinrent les protecteurs des populations catholiques de l’Empire ottoman. Cette institution existe toujours, sous la forme du lycée Saint-Benoît.

Dans les pays germaniques

L'abbaye de Scheyern.

Les plus célèbres abbayes sont celles de Prüm, Ratisbonne, Fulda, Ellwangen, Salzbourg, Reichenau, Beuron, Hirsau, Metten, Scheyern, Ettal, Ottobeuren, Einsiedeln, Admont, Melk…

En Angleterre

Les plus célèbres monastères bénédictins se trouvent à Cantorbéry, York, Westminster, Saint-Albans.

Actuellement, la confédération bénédictine est composée de 22 congrégations masculines comptant un total de 8 694 moines en 1995 et de 61 congrégations et fédérations de moniales et sœurs (au nombre de 16 000) O.S.B., réparties dans 840 abbayes et autres monastères féminins.

La confédération bénédictine est présidée par un abbé-primat, qui est en même temps abbé du collège bénédictin Saint-Anselme à Rome, et à qui il revient de traiter les affaires concernant la confédération.

Les abbés de monastères groupés en congrégation appartenant à la confédération se réunissent à Rome tous les quatre ans en congrès.

Les monastères de moniales, sœurs et oblates régulières peuvent être agrégés à la confédération bénédictine.

 

*Règle de saint Benoît

La règle de saint Benoît est une règle monastique écrite par Benoît de Nursie pour donner un cadre à la vie cénobitique de ses disciples. Rédigée en 530, elle établit un mode de vie monastique (organisation de la liturgie, du travail, des repas et de la détente entre autres) qui provient de son expérience d'abbé à Subiaco, puis au mont Cassin en Italie. Elle divise la journée en trois parties : la prière, le travail et la lectio divina (« lecture divine »), soit la lecture des textes sacrés. Ce qui la caractérise le plus est sa « discrétion », c'est-à-dire son équilibre, sa souplesse, son souci de ne pas faire peser sur les disciples un joug trop contraignant.

Vers 529, Benoît fonde une communauté de moines sur le mont Cassin. Au cours des siècles qui suivent, la règle qu'il a écrite pour ses moines est progressivement adoptée par un nombre croissant de monastères en Occident. Au-delà de sa grande influence religieuse, elle a une grande importance dans la formation de la société médiévale, grâce aux idées qu'elle propose : une constitution écrite, le contrôle de l'autorité par la loi et l'élection du détenteur de cette autorité, Benoît ayant voulu que l'abbé soit choisi par ses frères. Au XXIe siècle, plusieurs milliers de moines et moniales à travers le monde vivent encore selon la règle de saint Benoît.

Benoît de Nursie délaisse vers l'an 500 le confort de la vie d'étudiant à Rome pour la recherche de Dieu dans la solitude : il s'établit d'abord à Subiaco. Fuyant les nombreux sympathisants attirés par sa réputation de sainteté et l'hostilité dangereuse d'un prêtre voisin, il se retire vers 529, avec quelques disciples, sur le mont Cassin, à l'emplacement d'un lieu de culte dédié aux dieux païens. Pour faire face au nombre croissant de disciples et organiser la vie de sa communauté naissante, il rédige alors sa règle monastique.

En écrivant sa règle, Benoît n'a pas cherché à créer une œuvre originale. Sa règle reprend ou s'inspire de l'Écriture sainte, d'une tradition monastique encore jeune mais déjà riche, d'une règle monastique probablement composée vers 500-530 : la règle du Maître. Le lecteur y trouve aussi des passages entiers du traité Institutions cénobitiques de Cassien dit le Roumain. Enfin, on peut noter l'influence de la Vie des Pères (publiée par Pélage, futur pape) dont saint Basile le Grand, le législateur du monachisme oriental, saint Augustin, saint Léon Ier le Grand, saint Césaire d'Arles et Cyprien de Toulon.

Le premier chapitre (des diverses espèces de moines) indique ce qu'elle n'est pas. Les deux chapitres suivants indiquent le fondement et le lien de la société monastique : (ce que doit être l'abbé, 2e chapitre), et la part des moines dans le gouvernement (de la convocation des frères en conseil, 3e chapitre). Puis vient l'éducation surnaturelle des moines, aux chapitres 4, 5, 6 et 7 (instruments des bonnes œuvres, de l'obéissance des disciples, de l'esprit de silence, et de l'humilité). Aux chapitres 8 à 20, Benoît pourvoit à l'organisation de la prière liturgique et conventuelle. Puis, aux chapitres 21 à 30, il définit le régime intérieur et la discipline du monastère. Les chapitres 31 (du cellérier du monastère) à 57 organisent la gestion, le travail, l'alimentation des moines, l'accueil des hôtes et l'artisanat. La section suivante, avec les chapitres 58 (comment procéder pour la réception des frères) à 66, est relative au recrutement, au groupement hiérarchique et au bon ordre du monastère. Les chapitres 67 à 72 (du bon zèle que doivent posséder les moines) traitent principalement du comportement des frères les uns envers les autres. Enfin, le chapitre 73 est un épilogue qui place modestement la Règle comme une ébauche, une initiation à une vie supérieure.

Le modèle de la vie monastique d'après saint Benoît est la famille, dont l'abbé est le père (Abba) et où tous les moines sont frères. À l'époque de saint Benoît, le sacerdoce semble avoir été relativement rare chez les moines, et il semble que Benoît lui-même n'ait pas été prêtre.

La journée du moine est réglée en fonction de ce que saint Benoît appelle « Œuvre de Dieu » (Opus Dei) : c'est la liturgie des Heures, qui rassemble les moines sept fois par jour, et au milieu de la nuit. Cette prière en commun se fait à partir des psaumes et de la Bible. Les offices liturgiques sont de durée variable : les trois grands offices de vigiles (ou matines), laudes et vêpres sont plus longs, et les autres offices de la journée (« petites heures ») sont plus courts : prime, tierce, sexte, none et complies. Pour saint Benoît, cette prière liturgique est très importante : « On ne préférera rien à l'Œuvre de Dieu ».

La journée commence à « la huitième heure de la nuit », avec les vigiles nocturnes. Avant l'arrivée des bougies de cire — au XIVe siècle —, cet office est célébré dans l'obscurité. Cela n'était pas gênant car les moines récitaient alors par cœur les psaumes et les leçons courtes tirées des Écritures (ils passaient le temps du noviciat à cet apprentissage. Les vigiles sont suivies d'un temps de lecture. Puis, au lever du jour, viennent les laudes. Les offices de prime, tierce, sexte, none se situent, comme leur nom le suggère, respectivement à la première, la troisième, la sixième et la neuvième heure du jour (à l'époque de saint Benoît, les horaires sont définis d'après le soleil, donc en fonction de la longueur saisonnière du jour). Les vêpres (Vespera), comme leur nom l'indique également, sont l'office du soir. Après le repas et une lecture en commun, c'est le dernier office de la journée, les complies qui précèdent le grand silence de la nuit.

En dehors des offices, les moines s'adonnent au travail, surtout manuel : car, dit Benoît, « c'est alors qu'ils seront vraiment moines, lorsqu'ils vivront du travail de leurs mains, à l'exemple de nos pères et des Apôtres ». Le travail doit être organisé de telle sorte qu'il n'oblige pas les frères à sortir de la clôture du monastère : « Le monastère doit, autant que possible, être disposé de telle sorte que l'on y trouve tout le nécessaire : de l'eau, un moulin, un jardin et des ateliers pour qu'on puisse pratiquer les divers métiers à l'intérieur de la clôture. De la sorte les moines n'auront pas besoin de se disperser au-dehors, ce qui n'est pas du tout avantageux pour leurs âmes ».

Du temps est aussi réservé à la lecture, à savoir l'étude de l'Écriture et des Pères de l'Église, qui constitue une nourriture spirituelle : c'est la lectio divina. Celle-ci a une importance toute particulière en Carême. La répartition du travail et de la lecture, les horaires des repas sont variables selon les saisons et le temps liturgique. Ainsi, en Carême, les frères prennent un seul repas le soir après les vêpre.

La règle décrit non seulement les divers offices et le travail, mais aussi les modalités des repas, de l'habillement, de l'accueil, du choix des responsables, des voyages à l'extérieur, etc. Benoît ne prétend pas tout fixer par sa Règle et affirme souvent que c'est à l'abbé, en fonction de la communauté, des contraintes du lieu et du temps, de régler les détails. La règle s'applique surtout à l'aspect spirituel de la vie monastique.

Spiritualité de la règle de saint Benoît

Benoît ayant placé sa règle sous le patronage des grands auteurs de la vie monastique, il s'y retrouve les ingrédients traditionnels du monachisme. Benoît, en Romain, met en place une vie communautaire solidement structurée, sous l'autorité d'un père spirituel, l'abbé. Il organise la vie des moines à travers trois activités principales : la prière commune, qui s'exprime surtout dans l'Eucharistie et l'office divin (en latin Opus Dei, œuvre de Dieu, encore appelée Liturgie des Heures), la lecture priante de l'Écriture Sainte ou d'auteurs spirituels (c'est la lectio divina) et le travail manuel. Comme dans toutes les traditions monastiques, la prière occupe une place centrale. Benoît privilégie la prière communautaire, qui s'exprime surtout dans la liturgie des heures (ou Opus Dei) ; la prière personnelle n'est pas exclue. Il limite les exigences ascétiques, qui visent à une recherche de Dieu plus intense par « la prière avec larmes, la lecture, la componction du cœur et le renoncement ». Il encourage également les vertus monastiques traditionnelles : l'obéissance conduit à l'humilité, qui conduit à la charité. Le moine s'éloigne du monde pour chercher Dieu, et la clôture monastique lui permet de se concentrer sur ce but. D'ailleurs, les trois vœux bénédictins sont la stabilité à l'intérieur du monastère, l'obéissance, et la conversion des mœurs. Saint Benoît « indiqua à ses disciples comme objectif fondamental et même unique de l'existence, la recherche de Dieu ».

À sa mort en 547, Benoît laisse à la postérité une communauté : le monastère du Mont-Cassin, et sa règle. Mais le monastère est détruit par les Lombards et abandonné par ses moines en 589. La règle, déjà copiée et diffusée, n'est cependant pas perdue. Peu après, le pape Grégoire le Grand donne une publicité décisive à Benoît et à son œuvre en lui consacrant tout le Livre II des Dialogues, compilation de vies de saints, parmi lesquels Benoît de Nursie occupe une place primordiale en tant que patriarche des moines d'Occident.

La règle de saint Benoît se diffuse dès lors dans toute la partie chrétienne de l'Europe occidentale. Jusqu'à cette époque en effet, il n'y a pas réellement de règle monastique commune à un grand nombre d'abbayes, et chaque abbé dirige la communauté de moines selon sa volonté. À la fin du VIe siècle, le pape Grégoire le Grand envoie un bénédictin ré-évangéliser l'Angleterre : c'est le futur Augustin de Cantorbéry. La règle de Benoît est signalée en Gaule dès 625. Son succès s'explique par le fait que, en comparaison d'autres règles monastiques existant à l'époque (règles concurrentes qui ne sont, au départ, que des adaptations à l'usage de communautés distinctes : règles orientales, règles gauloises, règles irlandaises), celle de Benoît fait preuve d'équilibre humain et de modération ascétique : si l'office divin prend une place importante, il n'est pas exagérément lourd, et elle ne comporte pas de pénitences extraordinaires comme celle de saint Colomban.

Au IXe siècle la règle de Benoît prend une importance décisive. L'empereur Louis le Pieux décide, avec le conseil de l'abbé bénédictin Benoît d'Aniane, de l'imposer à tous les monastères de l'Empire, c'est-à-dire pratiquement à tous les monastères d'Europe occidentale. Le synode d'Aix-la-Chapelle, en 817, entérine cette décision. Jusqu'au XIe siècle, les moines d'Occident seront tous bénédictins.

Au cours des siècles suivants, de nombreuses fondations et réformes, qui sont autant de retours à la règle de Benoît, témoignent de la pertinence de ce style de vie et de la vitalité des fils spirituels de Benoît. En 910, la Bourgogne voit surgir une des plus célèbres abbayes bénédictines, qui donne naissance à l'ordre du même nom : Cluny est l'un des grands symboles et phare de la vie bénédictine. En 1098, encore en Bourgogne, Cîteaux naît du désir de quelques moines bénédictins de l'abbaye de Molesme de « suivre, plus fidèlement et de façon plus parfaite, la règle du très saint Benoît ». L'ordre cistercien naissant verra la fondation de plusieurs centaines de monastères de moines et de moniales dans toute l'Europe. Ce sont aussi les ordres de Camaldoli (1012), celui de Vallombreuse (1039), l'ordre du Mont-Olivet (1313) ; les réformes de Saint-Vanne (1604), Saint-Maur (1621), La Trappe (ordre cistercien de l'étroite observance en 1662, en 1892 ordre des cisterciens réformés de Notre-Dame de la Trappe puis ordre cistercien de la stricte observance). En 1833, dom Prosper Guéranger restaure l'ordre bénédictin en France, à Solesmes, bientôt tête de la congrégation du même nom. En 1843, la congrégation de Subiaco voit le jour, à laquelle s'affilie l'abbaye de la Pierre-qui-Vire et de nombreuses autres en France. En 2018, un peu plus de 20 000 bénédictins et bénédictines et 4 300 cisterciens et cisterciennes suivent encore la règle de saint Benoît.

 

Pour lire l'intégralité des règles de Saint Benoit, c’est ici

 

 

Anne d'Autriche et ses fils priant devant saint Benoît et sainte Scolastique,
 par Philippe de Champaigne en 1640


Saint Benoit a été proclamé patron de toute l'Europe (patronus totius Europæ) le 24 octobre 1964 par le pape Paul VI, qui lui a aussi attribué les titres de messager de la paix (pacis nuntius), architecte de l'unité (unitatis effector), maître de la culture et de la civilisation (civilis cultus magister), héraut de la foi chrétienne (religionis christianæ præco) et fondateur du monachisme occidental (monasticæ vitæ in occidente auctor). Comme patron de l'Europe et de par les principes qu'il a édictés dans sa règle, il est le saint patron des scouts d'Europe.

Jusqu'au concile de Vatican II, saint Benoît était vénéré deux fois dans l'année en Occident : le 11 juillet (fête), date anniversaire de la translation de ses reliques à l'abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire, et le 21 mars (mémoire), anniversaire de sa mort. Lorsque le calendrier romain fut remanié par le pape Paul VI dans la suite du concile, c'est la date du 11 juillet qui a été retenue. En Orient, saint Benoît est fêté le 14 mars.

Les reliques de saint Benoît sont conservées dans la crypte de l'abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire, près d'Orléans, et de Germigny-des-Prés, où se trouve une église carolingienne, dans le Centre de la France.

 

La médaille de saint Benoît est, depuis le Moyen Âge, gage de la protection du saint à qui la porte avec vénération.

 


Prière de st. Benoît :

 CSPB : Crux Sanctis Patris Benedicti (Croix du saint père Benoît)

 CSSML : Crux Sacra Sit Mihi Lux (Que la croix sainte soit ma lumière)

 NDSMD : Non Draco Sit Mihi Dux (Que le dragon ne soit pas mon guide)

 VRS : Vade Retro Satana (Retire-toi, Satan)

 NSMV : Nunquam Suade Mihi Vana (Ne me conseille jamais tes vanités)

 SMQL : Sunt Mala Quæ Libas (Les breuvages que tu offres c'est le mal)

 IVB : Ipse Venena Bibas (Bois toi-même tes poisons)

 

De nombreux papes ont choisi le nom de règne de Benoît en hommage à Benoît de Nursie. Benoît XVI a choisi son nom de règne en s'inspirant de saint Benoît et de Benoît XV


Reliques de Saint Benoit, crypte de l’Abbaye de Fleury à Saint-Benoît-sur-Loire



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