Le monachisme – Saint Benoit
Le monachisme
chrétien est pratiqué de l'Antiquité jusqu'à nos jours. Il trouve son origine
dans la tradition évangélique et les pratiques spirituelles orientales. Les
moines et les moniales, au sein d'un ordre monastique, suivent en général une
règle dont la plus ancienne est la règle de saint Augustin et la plus répandue
celle de saint Benoît ; ces deux règles, et leurs nombreuses interprétations,
ont justifié des modes de vie et d'organisation variés.
La vie
monastique, le plus souvent au sein d'un monastère ou d'un couvent, qui peut
être une abbaye lorsqu'il est dirigé par un abbé ou une abbesse (de l'araméen
abba, père), connaît deux formes principales : le cénobitisme (vie en
communauté) et l'érémitisme (du grec eremos, désert : vie en solitude).
Plusieurs
hypothèses existent pour expliquer la naissance du monachisme chrétien. Les
origines sont probablement multiples (d'ordre religieux, social) et les
approches nombreuses (d'ordre historique ou théologique, anthropologique ou
sociologique), ce qui explique que les auteurs proposent des hypothèses
diverses qui établissent des rapprochements, des rapports de filiation ou
d'influence.
Dans son
Histoire ecclésiastique, l'auteur chrétien du IVe siècle, Eusèbe de Césarée,
décrit les Therapeutae (membres d’une secte juive hellénisée vivant dans des
monasterium au voisinage d'Alexandrie) de Philon comme les premiers moines
anachorètes chrétiens, identifiant leur renonciation à la propriété, leur
chasteté, leurs jeûnes et leurs vies solitaires à l'idéal cénobitique des
moines chrétiens. Jean Cassien fait remonter à l'apôtre Marc les anachorètes
dont les Thérapeutes seraient les réalisateurs. Cette hypothèse de continuité
historique entre les Thérapeutes et les moines est invalidée car la communauté
juive d'Alexandrie est détruite au début du IIe siècle.
Une deuxième
hypothèse formulée par Jean Cassien voit l'origine du cénobitisme dans la
communauté primitive de Jérusalem dans les Actes des apôtres. Cette hypothèse fragile
repose sur la vision idéalisée de cette communauté, les fondateurs du
monachisme ayant voulu se placer dans sa continuité pour retrouver l'idéal de
sociabilité chrétienne. Or cette communauté à Jérusalem était urbaine, mixte et
missionnaire alors que les premières formes de communauté cénobitique étaient
rurales, masculines et coupées du monde.
Une troisième
hypothèse martyrologique veut qu'avec la Paix de l'Église les moines prennent
le relais des martyrs pour incarner, par l'ascèse, la sainteté. Cette filiation
est difficile à établir car les premiers moines apparaissent avant la fin de la
persécution des chrétiens et font ce choix de vie alors que les martyrs
subissent.
Une quatrième
hypothèse voit dans la naissance du monachisme le développement d'une veine
ascétique attestée dans le christianisme dès l'origine, notamment dans
l'encratisme gnostique. Cette hypothèse séduisante soulève la question
d'expliquer pourquoi le monachisme n'est apparu qu'au IIIe siècle.
Une cinquième
hypothèse, émise par Peter Brown en 1983 dans Genèse de l'Antiquité tardive,
suggère que les premiers moines ont exploité un dysfonctionnement des relations
sociales et surtout du rapport au sacré. Ils remplacent les prêtres dans leurs
fonctions d'interlocuteurs directs de la divinité. Paradoxalement, ils exercent
un attrait croissant sur le monde (les gens venant les consulter) à mesure
qu'ils cherchent à le fuir. Cependant, cette hypothèse explique plus l'essor du
monachisme que son origine.
Une dernière
hypothèse fait appel à des motivations multiples pour expliquer le renoncement
aux biens terrestres et la retraite au désert : échapper à la misère sociale («
la pauvreté remplissait-elle alors les monastères plus que le chômage
aujourd'hui ? »), au mariage, au juge, au percepteur, aux persécutions
antichrétiennes…
Dès la fin du IIIe siècle,
la
chrétienté orientale commence à comporter en son sein des moines : Ces hommes
se séparent de la société pour se retirer dans des lieux déserts, le désert
étant, dans la Bible, le lieu de l’épreuve purificatrice et de la rencontre
avec Dieu.
Ils y mènent une vie d’ascèse, de prière, de travail et de solitude. Le père
incontesté de ce genre de vie est l’Egyptien Saint Antoine le Grand. Né en 251,
il mène une vie de solitude dans le désert d’Egypte jusqu’à l’âge de 105 ans.
Sa vie, écrite par saint Athanase, aura une influence considérable sur le
monachisme chrétien, tant en Orient qu’en Occident.
Saint Pacôme, égyptien lui aussi, sera le Père du monachisme communautaire
(cénobitique).
Il organisera les moines voulant vivre en communauté selon une règle bien
précise qui aura des influences, elle aussi, en Orient et en Occident.
Dès le IVe siècle, on trouve des moines dans tout le
Moyen-Orient (Egypte, Palestine, Syrie, Asie Mineure, Mésopotamie).
Cette nouvelle forme de vie chrétienne se répand en Occident, à commencer par
la Gaule et tout d’abord la Provence.
Les premiers foyers de vie monastique sont ceux de saint Cassien à Marseille,
et saint Honorat aux Iles de Lérins, après que saint Martin et ses successeurs
aient développé aussi une vie de solitude et de rayonnement évangélique dans
l’ouest de la Gaule.
Selon
l’église Chrétienne du
grec ancien monos, « solitaire ».
Etat et mode de vie des moines, et moniales. La vie
monastique varie entre forme cénobitique et érémitique. A travers leur vie et
dans la ligne de leur tradition, les moines rappellent que l’évangile est
exigeant. Le monachisme ne continue d’exister que parce qu’il est constamment
réengendré.
Naissance du monachisme bénédictin
Au VIe siècle, en Italie, s’impose alors
la figure de saint Benoît. D’abord ermite puis moine et abbé de Subiaco et du
Mont Cassin, il va être le législateur du monachisme occidental grâce à la
règle monastique qu’il a écrite pour son monastère et qui s’imposera peu à peu
à toute l’Eglise latine.
Le monachisme « bénédictin » est né. Il
s’étend de plus en plus et atteint son apogée, et une quasi exclusivité, au Xe
siècle, avec l’abbaye de Cluny (fondée en 910).
Réforme cistercienne
A la fin du XIe siècle, dans le mouvement
de la réforme grégorienne, des moines bénédictins veulent revenir aux sources
de leur propre tradition.
Ils quittent leur monastère de Molesme, en 1098, avec leur Père Abbé, Saint
Robert, pour fonder l’abbaye de Cîteaux, près de Dijon.
Ce sont les fondateurs d’un ordre qui, rapidement, couvre l’Europe de
monastères. Saint Bernard, avec une trentaine de jeunes nobles, entre à Cîteaux
vers 1112 et fonde en 1115 l’abbaye de Clairvaux. Il en reste l’abbé jusqu’à sa
mort, en 1153.
Par une vie de prière, dans la pauvreté, la simplicité et la séparation du
monde, les moines cisterciens entendaient retrouver la pureté de l’esprit de la
Règle de Saint Benoît. C’est cet esprit qui présida à la fondation de l’abbaye
de Sénanque, puis à la réouverture de l’abbaye de Lérins, sur l’île Saint
Honorat.
Le concept de
monachisme est un concept ancien et se retrouve dans de nombreuses religions et
philosophies. Au cours des siècles précédant la naissance du Christ,
l’hindouisme, le bouddhisme et le judaïsme ont tous développé des styles de vie
proposant un type de renoncement au monde tantôt en vivant comme un ascète
solitaire, tantôt au sein d’une communauté afin d’obtenir la libération, la
purification ou l’union à Dieu.
Le monachisme
chrétien s’est inspiré des exemples des prophètes Elie et Jean le Baptiste, qui
vécurent tous deux seuls dans le désert, et surtout du récit évangélique de la
lutte solitaire de Jésus contre Satan dans le désert, avant son ministère
public. À partir de l’Exode et tout au long de l’Ancien Testament, le désert a
été considéré comme un lieu de ressourcement spirituel et de retour à Dieu.
Bien qu’il y ait eu des ascètes, en particulier des femmes ascètes, parmi les
premières générations de chrétiens, ils vivaient généralement dans les bourgs
et les villes.
Saint Antoine
le Grand (251-356) fut le premier chrétien bien connu à se retirer dans le
désert. Selon la Vie d’Antoine, écrite par saint Athanase vers le milieu du IVe
s., Antoine se retira dans les déserts d’Egypte pour y mener une vie ascétique
intense dans le seul but de chercher Dieu dans la prière solitaire. Il resta
seul jusqu’à ce que sa sainteté et son humanité rayonnante attirent autour de
lui un cercle de plus en plus important de disciples. Son influence fut si
grande qu’il est considéré aujourd’hui comme le père, non seulement du
mouvement des Pères et Mères du désert des IVe-Ve s. en Egypte, mais aussi
comme le père de toute la famille monastique chrétienne.
Même si les
premiers Pères du désert vivaient en ermites, ils étaient rarement complètement
isolés ; en effet, ils vivaient à proximité les uns des autres et assez tôt des
regroupements informels commencèrent à se constituer dans des endroits comme le
désert de Nitrie et le désert de Scété. Le passage de l’ermite («anachorète»)
au moine (« cénobite ») qui vit en communauté sous un abbé, est
arrivé rapidement, lorsqu’en 346 saint Pacôme établit en Egypte le premier
monastère cénobitique chrétien.
La tradition
du monachisme de l’Eglise d’Orient est parvenue jusqu’à l’Église d’Occident
grâce à saint Jean Cassien (environ 360 – 435). Alors jeune adulte, il entra
avec un de ses amis, Germain, dans un monastère de Palestine puis partit en
Egypte pour rendre visite aux groupes d’ermites de Nitrie. Plusieurs années
plus tard, Cassien fonda un monastère de moines, et probablement aussi de
religieuses, près de Marseille, et en partie pour lutter contre des pratiques
corrompues qu’il avait trouvées dans le monachisme occidental, il écrivit deux
longs ouvrages, Les Institutions et Les Conférences. Dans ces livres, non
seulement il transmit son expérience de l’Egypte (on y trouve peut-être le
record de la plus ancienne transmission écrite de la pensée des Pères du désert),
mais il a également donné au monachisme chrétien une solide base évangélique et
théologique.
L’influence de
Cassien a été énorme et a duré pendant des siècles – même la plus petite
bibliothèque monastique du Moyen Age en Europe avait sa copie de Cassien. De
plus, Saint Benoît s’inspira de la pensée de Cassien pour écrire sa règle et
recommanda à ses moines de lire ses œuvres. Comme la Règle de saint Benoît est
encore utilisée par les moines bénédictins, cisterciens, trappistes, cela
signifie que la pensée de Jean Cassien, et la tradition du désert avec lui,
guident encore la vie spirituelle de milliers d’hommes et de femmes dans
l’Église catholique.
Notre croix,
c’est la crainte du Seigneur. De même que celui qui est crucifié n’a plus la
possibilité de remuer ses membres et de se tourner là où bon lui semble, de
même devons-nous, nous aussi, régler notre volonté et nos désirs non plus selon
ce qui nous est agréable et qui nous plaît seulement, mais selon la loi du
Seigneur, là où elle nous a attachés. Celui qui est attaché à la croix ne
considère plus les choses présentes, ne pense plus à satisfaire ses passions,
n’a plus aucun soin ni aucune inquiétude pour le lendemain ; il n’est plus
excité par le désir de posséder quoi que ce soit ; il ne se laisse pas emporter
à l’orgueil, aux rivalités ni aux disputes ; il n’a plus aucun ressentiment des
injures qu’on lui fait, ni aucun souvenir de celles qu’il a subies ; bien
qu’encore en vie, il s’estime mort déjà à tous les éléments de ce monde,
l’attention de son cœur étant déjà tournée vers le lieu où il sait qu’il va
bientôt passer…
La diversité des règles, leur souplesse
d'interprétation et les buts religieux ou apostoliques poursuivis, a créé au
cours de l'histoire la grande diversité des ordres monastiques :
Les ordres hospitaliers : à la suite de
l'officialisation de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem en 1113, qui prévoyait
dans ses statuts le prononcé d'un quatrième vœu, en plus de ceux de pauvreté,
de chasteté et d'obéissance, celui de « servir nos seigneurs les malades à
l'égal de Notre Seigneur », le soin aux malades, aux nécessiteux est devenu un
choix apostolique courant, sans que ce quatrième vœu soit toujours prononcé .
Les ordres militaires : avec les
croisades et la Reconquista, la défense de la chrétienté les armes à la main
devient une question théologique réglée par le concile de Troyes en 1129 et
l'officialisation de l'ordre du Temple. La fonction des milices chrétiennes
remplie à l'origine par des laïcs est alors reprise par des moines-soldats avant
que la réappropriation par des laïcs permette plus tard le développement des
ordres de chevalerie.
Les ordres contemplatifs : à l'exemple
des moines de Notre Dame du Mont-Carmel reconnus en 1226, qui après la perte de
la Terre sainte, se replient en Occident à partir de 1238 en répandant leurs
habitudes de vie d'ermites qu'ils avaient dans les grottes du Mont Carmel. Des
femmes attirées par la prière se mettent sous leur direction pour créer un
ordre de carmélites en 1452 que Sainte Thérèse d'Avila réformera.
Même s'ils ne sont pas des ordres
monastiques, ils s'en rapprochent par certaines de leurs pratiques :
Les ordres mendiants : ils dépendent de
la charité publique pour vivre. En principe, ils ne possèdent ni
individuellement ni collectivement de propriété. Apparus avec le développement
des villes et des Universités, ces ordres vivent dans des couvents établis en
milieu urbain et se différencient des ordres monastiques en ce qu'ils joignent
vie contemplative et vie apostolique. Ce sont des religieux mais pas des
moines. Ils ont fait le choix d'une pauvreté radicale pour témoigner de
l'Évangile. On peut citer, entre autres, les Franciscains, (Ordre des frères
mineurs, portent un habit brun), fondés en 1209, les Carmes, (Ordre du carmel
ou Carmes, portent un habit marron), fondés en 1206-1214, les Dominicains
(Ordre des Prêcheurs, portent un habit blanc), les Augustins (Ermites de saint
Augustin, portent un habit noir), fondés en 1256.
Ordre de Saint-Benoît
L'ordre de Saint-Benoît, plus connu sous
le nom d'ordre des Bénédictins, est une fédération de monastères occupés par
des moines ou des moniales, les Bénédictins ou Bénédictines y suivant la règle
de saint Benoît résumée par la maxime « Ora et labora » (« prie et travaille
»). Cet ordre monastique fondé vers 529 par saint Benoît de Nursie, considéré
traditionnellement comme le plus ancien de l'Église catholique, regroupe des
organisations monastiques plus ou moins autonomes qui ont marqué profondément
le monde occidental par leur contribution essentielle dans l'économie, la
culture et la liturgie de l'Europe médiévale.
Ce n'est pas le plus ancien ordre de
l'Occident chrétien car la règle des moines de saint Augustin, celle introduite
par saint Martin pour la fondation de l'abbaye Saint-Martin de Ligugé, celle
introduite par Jean Cassien pour l'abbaye Saint-Victor de Marseille et la laus
perennis introduite en 515 à l'abbaye de Saint-Maurice d'Agaune sont
antérieures à sa fondation, mais c'est celui qui a connu le plus large succès.
Le monachisme bénédictin connaît un
premier apogée avec le rayonnement de l'ordre de Cluny puis celui de Cîteaux.
Les nombreuses difficultés qui affectent les ordres monastiques dès la fin du
XIIIe siècle suscitent de lentes réformes monastiques qui débutent au XVe
siècle avec la création d'une nouvelle institution bénédictine, la
congrégation.
Après plusieurs périodes de fort déclin,
notamment la défection pendant la Réforme protestante et la suppression des
congrégations par la Révolution, le monachisme bénédictin connaît une phase de
reconstruction au XIXe siècle et est entièrement réorganisé en 1893 par le pape
Léon XIII à l'origine de la création de la Confédération bénédictine.
D'après le 265e pape, Benoît XVI, saint
Benoît « indiqua à ses disciples comme objectif fondamental et même unique de
l'existence, la recherche de Dieu ». Ce dernier étant considéré comme
universel et éternel, cette quête implique l'ordre dans les tâches :
évangélisation et défrichement de l'Europe, conservation et transmission de la
culture classique au Moyen Âge, collation et traduction des œuvres des Pères de
l'Église à partir du XVIIe siècle, éducation, etc. Au moins par deux fois,
la règle du fondateur suggère même que les activités des moines ne les obligent
pas à délaisser leur monastère :
« Le monastère doit, autant que
possible, être disposé de telle sorte que l'on y trouve tout le nécessaire : de
l'eau, un moulin, un jardin et des ateliers pour qu'on puisse pratiquer les
divers métiers à l'intérieur de la clôture. De telle sorte que les moines
n'auront pas besoin de se disperser au-dehors, ce qui n'est pas du tout
avantageux pour leurs âmes. »
Règle
bénédictine
Règle
de saint Benoît*
Écrite au VIe siècle, la règle de saint
Benoît connaît rapidement un certain succès, peut-être grâce à sa modération
par rapport aux autres règles monastiques existant à l'époque. En 817, elle est
imposée à tous les monastères de l'Empire carolingien, d'où le surnom de Père
des moines d'Occident donné à saint Benoît.
Certains affirment que la devise Ora et
labora (« prie et travaille ») synthétise la vie de l'ordre, bien qu'elle ne
figure pas dans la règle. En tous cas, cette règle propose un équilibre entre
prière et travail (le refus de l'oisiveté est central et le travail manuel est
valorisé), prière personnelle et prière communautaire, gouvernement par l'abbé
et participation des frères, obéissance et responsabilité de chacun.
Au IVe concile de Latran en 1215, le mot
« bénédictin » apparut pour désigner les moines qui n'appartenaient à aucun
ordre centralisé, par opposition aux cisterciens, qui suivent également la
règle de saint Benoît, mais dont l'Ordre est assez fortement centralisé.
Néanmoins le pape Léon XIII a institué
en 1893 une confédération bénédictine, union fraternelle des congrégations de
moines qui vivaient sous la règle de saint Benoît (hors cisterciens et
camaldules), restant sauve l’autonomie des congrégations et des monastères.
L'habit des bénédictins est en général
noir (ils sont souvent appelés les « frères noirs » ou encore « moines noirs »,
jusqu'à l'appellation de bénédictins qui apparaît pour la première fois dans la
bulle Summi magistri dignatis du 20 juin 1336 du pape Benoît XII). Les
bénédictins olivétains, qui ont choisi de porter un vêtement blanc, constituent
une exception à cette règle (et les moines de cet ordre sont parfois appelés «
bénédictins blancs » pour cette raison). Par ailleurs, l'ordre apparenté des
cisterciens a opté pour une robe blanche, ce pourquoi ils sont parfois appelés
les « moines blancs » (mais ils n'appartiennent pas canoniquement à l'ordre de
saint Benoît, même s'ils en suivent la règle).
Les bénédictins portent une coule noire
à capuchon, et une ceinture noire autour de la taille. Le scapulaire (noir ou
plus rarement blanc), habit monastique par excellence, est porté par les profès
solennels lors des offices et principaux actes de la vie communautaire. En plus
du fait qu'ils ne portent pas encore le scapulaire, les novices sont
identifiables grâce à leur coule : celle-ci est plus courte que ceux des moines
ayant achevé le noviciat ; chez les moniales, novices et jeunes professes
portent souvent un voile blanc.
L'usage de se raser la tête s'est
généralement maintenu à travers les siècles, avec des variantes (par exemple «
couronne monastique » avant la Révolution et dans la congrégation de Subiaco
avant le concile Vatican II (1962), ou « tonsure cléricale » seule dans la
congrégation de Solesmes).
Aujourd'hui, les bénédictins, en plus de
leur vie monastique de contemplation et de célébration de la liturgie, sont
engagés dans diverses activités, notamment l'éducation, l'engagement
missionnaire et les travaux érudits.
Particularités
des Bénédictines
Il existe des religieuses bénédictines.
Ce sont des moniales qui suivent la règle de saint Benoît. Elles auraient été
instituées au VIe siècle par sainte Scolastique, sœur de saint Benoît. Leur
habit est le même que celui des moines de même congrégation sauf qu'elles
portent un voile à la place du capuchon. C'est à cet ordre qu'appartenaient les
oblates instituées par sainte Françoise.
La congrégation des bénédictines de
l'Adoration perpétuelle du Très Saint Sacrement a été fondée à la fin du XVIIe
siècle par la Mère Mechtilde du Très-Saint-Sacrement.
Le premier monastère est établi au mont
Cassin vers 529 par Benoît de Nursie qui y élabore sa règle. Les monastères
bénédictins se répandent alors dans toute l'Europe et donnent naissance à
plusieurs congrégations devenues célèbres, bien que les premiers carolingiens
aient corrélé leur intérêt du monachisme à leur propre volonté de pouvoir et
d'expansion territoriale. Ainsi, dans les dernières années du règne de
Charlemagne un net relâchement s'instaure dans de nombreux monastères. En 817,
l'empereur Louis le Pieux sur les conseils de Benoît d'Aniane tente de réformer
l'institution monastique, instituant une observance uniforme dans l'ensemble
des monastères et l'élection libre de l'abbé, éléments essentiels dans le
développement de l'ordre bénédictin en Europe, donnant le véritable essor de la
règle de saint Benoît. Les deux synodes tenus à Aix-la-Chapelle en
août-septembre 816 et 10 juillet 817, par l'empereur Louis le Pieux et la
publication du « capitulaire monachorum », permettent à Benoît d'Aniane de
faire appliquer cette règle dans plus de vingt monastères en Aquitaine et
au-delà. Par la suite, la mort de Benoît d'Aniane en 821, la dislocation de
l'empire carolingien et les invasions réduisent pratiquement à néant les
résultats acquis. De la fin du IXe au début du Xe siècle, la vie bénédictine
connaît un net déclin, aggravé par l'habitude prise par les souverains de
disposer de leurs fondations religieuses comme ils pratiquaient avec les biens
fiscaux, à savoir qu'un abbé laïc prenne possession d'une enclave
ecclésiastique et y réside avec femmes, enfants et sa suite, rendant la vie de
clôture impossible.
Le monachisme bénédictin connaît une
première vague de renouvellement avec le rayonnement de l'ordre de Cluny au Xe
siècle puis celui de Cîteaux au XIIe siècle, ces deux ordres introduisant une
rupture fondamentale avec la tradition bénédictine par leur ouverture aux
catégories sociales inférieures grâce au statut de convers (simples laïcs
vivant aux côtés des moines de chœur) chargés des travaux agricoles et manuels,
et des affaires séculières d'un monastère. D'autres mouvements réformateurs
donnent naissance à de nouveaux ordres issus du vieux tronc bénédictin
(camaldules, chartreux, célestins, Sylvestrins, olivétains…). Ayant acquis une
puissance importante grâce à ses domaines et ses couvents, l'ordre bénédictin
atteint son apogée vers la fin du XIIe siècle, possédant alors en France
environ 2 000 abbayes et 20 000 prieurés, et en Europe 100 000 monastères.
Confronté aux nombreuses difficultés qui affectent les ordres monastiques dès
la fin du XIIIe siècle, l'ordre connaît une certaine désorganisation (avec
notamment le régime de la commende) et un relâchement. De lentes réformes
monastiques sont engagées au XVe siècle avec la création d'une nouvelle
institution bénédictine, la congrégation. Il s'agit d'une fédération qui regroupe
des monastères autonomes et qui est nommée d'après son fondateur, son pays
d'origine ou son saint patron, et qui permet de leur donner un pouvoir unifié.
Ces réformes ne deviennent efficaces qu'au XVIIe siècle, avec notamment la
fondation de la congrégation de Saint-Vanne en 1604, de la congrégation de
Saint-Maur en 1618, des Bénédictines de Notre-Dame du Calvaire en 1621 et des
Bénédictines de l'Adoration perpétuelle en 1653. Ce nouvel essor permet aux
effectifs bénédictins de s'élever à 150 000 membres sur les 300 000 religieux
que totalisent tous les ordres monastiques au milieu du XVIIIe siècle.
Le 13 février 1790, l'Assemblée
constituante française décide l'abolition des vœux monastiques et la
suppression des ordres et congrégations régulières. Certains bénédictins
français retournent à la vie civile (devenant parfois même maires, responsables
de bibliothèques municipales), d'autres s'exilent. Si la Révolution française
démantèle l'ordre bénédictin et le monachisme, le XIXe siècle est marqué par un
grand mouvement de renaissance en France avec Dom Prosper Guéranger qui
restaure l'ordre bénédictin en 1833 à l'abbaye de Solesmes, et Jean-Baptiste
Muard qui fonde l'abbaye de la Pierre-Qui-Vire en 1850. Les lois de 1901, 1904
et 1905 portent un coup à cette renaissance, les congrégations acceptant de se
soumettre à l'autorité de l'évêque ordinaire ou les bénédictins choisissant
l'exil, la dispersion. La situation d'exil a pu conduire à la fixation dans le
lieu où les congrégations se sont exilées ou à leur retour pur et simple quelques
décennies plus tard.
Au cours de la première moitié du XIXe
siècle, on assiste à une restauration de l'ordre bénédictin qui bénéficie de la
recharge sacrale. En 1893, toutes les abbayes et maisons bénédictines autonomes
s'unifient dans la confédération bénédictine formée par le bref apostolique Summum
semper du pape Léon XIII.
En 2005, on dénombre dans le monde
environ 8 000 bénédictins répartis dans 435 monastères ou prieurés formant 21
congrégations, 16 000 moniales et sœurs dans 840 abbayes ou maisons formant 61
congrégations.
En
France
Les plus anciennes abbayes bénédictines
sont celles de : Ligugé et Marmoutier (Tours) respectivement fondés par saint
Martin de Tours en 361 et en 372, Landévennec fondée par saint Guénolé vers
485, Saint-Germain-des-Prés fondée par Childebert Ier vers 540, Luxeuil fondé
par saint Colomban en 590, Marmoutier (Alsace) fondé vers 589 par saint
Léobard, Solignac fondé par saint Éloi vers 638.. En Normandie, l'abbaye de
Saint-Wandrille est fondée à Fontenelle en 649, suivie de nombreuses autres à
l'initiative des ducs de Normandie ou de leurs compagnons. Brantôme fondée par
Charlemagne en 769, Cluny formée vers 910. Des extensions sont existantes dans
toute l'Europe…
La congrégation de Saint-Vanne et
Saint-Hydulphe est formée à Verdun en Lorraine en 1604. Celle de Saint-Maur est
constituée en 1621 ; d'autres congrégations notables en France ont créées
(Feuillants, Camaldules, Célestins, etc.). Toutes sont supprimées en 1790 par
l'Assemblée constituante.
En 1833, quelques religieux réunis à
Solesmes en Sarthe, sous la direction de Dom Guéranger, relèvent l'ordre des
Bénédictins. Ils fondent la congrégation de Solesmes en 1837. En 1850, la
Pierre-qui-Vire est fondée par Jean-Baptiste Muard, et s'agrège à la
congrégation de Subiaco en 1859.
Aujourd'hui, les principales
congrégations bénédictines présentes en France sont : la congrégation de
Solesmes (abbaye de Solesmes, Kergonan, Ligugé, Fontgombault, Triors, Wisques,
Randol, etc.), la congrégation de Subiaco (la Pierre-qui-Vire, En-Calcat,
Dourgne, Saint-Benoît-sur-Loire, Landévennec, Belloc, Tournay, etc.), la
congrégation du Mont-Olivet (Notre-Dame du Bec, et Maylis), et la congrégation
Notre-Dame d'Espérance (Croixault, la Grainetière, etc.). Flavigny, le Barroux,
et leurs fondations respectives, n'appartiennent pas à des congrégations.
Dans
l'Empire ottoman
Les bénédictins prirent le monastère
Sainte-Marie-de-la-Miséricorde à Galata (Constantinople), en 1427 sous la
direction de Dom Nicolas Meynet, et le renommèrent abbaye Saint-Benoît. Ce
monastère et sa chapelle sont placés sous la protection de l’ambassade de
France auprès de la Sublime Porte en 1540, après la demande du roi François Ier
et l’autorisation du sultan Soliman le Magnifique, François Ier utilise le
prétexte de la protection des chrétiens des terres ottomanes pour conclure une
alliance avec la puissance musulmane, au travers d'accords intitulés « Capitulations
de l'Empire ottoman ». Des capitulations qui réglaient le statut des étrangers
dans l'Empire ottomans furent établies vers 1535-1536 entre le sultan Soliman
le Magnifique et le roi de France François Ier. Grâce à ce statut privilégié,
les bénédictins devinrent les protecteurs des populations catholiques de
l’Empire ottoman. Cette institution existe toujours, sous la forme du lycée
Saint-Benoît.
Dans
les pays germaniques
L'abbaye de Scheyern.
Les plus célèbres abbayes sont celles de
Prüm, Ratisbonne, Fulda, Ellwangen, Salzbourg, Reichenau, Beuron, Hirsau, Metten,
Scheyern, Ettal, Ottobeuren, Einsiedeln, Admont, Melk…
En
Angleterre
Les plus célèbres monastères bénédictins
se trouvent à Cantorbéry, York, Westminster, Saint-Albans.
Actuellement, la confédération
bénédictine est composée de 22 congrégations masculines comptant un total de 8
694 moines en 1995 et de 61 congrégations et fédérations de moniales et sœurs
(au nombre de 16 000) O.S.B., réparties dans 840 abbayes et autres monastères
féminins.
La confédération bénédictine est
présidée par un abbé-primat, qui est en même temps abbé du collège bénédictin
Saint-Anselme à Rome, et à qui il revient de traiter les affaires concernant la
confédération.
Les abbés de monastères groupés en
congrégation appartenant à la confédération se réunissent à Rome tous les quatre
ans en congrès.
Les monastères de moniales, sœurs et
oblates régulières peuvent être agrégés à la confédération bénédictine.
*Règle
de saint Benoît
La règle de saint Benoît est une règle
monastique écrite par Benoît de Nursie pour donner un cadre à la vie
cénobitique de ses disciples. Rédigée en 530, elle établit un mode de vie
monastique (organisation de la liturgie, du travail, des repas et de la détente
entre autres) qui provient de son expérience d'abbé à Subiaco, puis au mont
Cassin en Italie. Elle divise la journée en trois parties : la prière, le
travail et la lectio divina (« lecture divine »), soit la lecture des textes
sacrés. Ce qui la caractérise le plus est sa « discrétion », c'est-à-dire son
équilibre, sa souplesse, son souci de ne pas faire peser sur les disciples un
joug trop contraignant.
Vers 529, Benoît fonde une communauté de
moines sur le mont Cassin. Au cours des siècles qui suivent, la règle qu'il a
écrite pour ses moines est progressivement adoptée par un nombre croissant de
monastères en Occident. Au-delà de sa grande influence religieuse, elle a une
grande importance dans la formation de la société médiévale, grâce aux idées
qu'elle propose : une constitution écrite, le contrôle de l'autorité par la loi
et l'élection du détenteur de cette autorité, Benoît ayant voulu que l'abbé soit
choisi par ses frères. Au XXIe siècle, plusieurs milliers de moines et moniales
à travers le monde vivent encore selon la règle de saint Benoît.
Benoît de Nursie délaisse vers l'an 500
le confort de la vie d'étudiant à Rome pour la recherche de Dieu dans la
solitude : il s'établit d'abord à Subiaco. Fuyant les nombreux sympathisants
attirés par sa réputation de sainteté et l'hostilité dangereuse d'un prêtre
voisin, il se retire vers 529, avec quelques disciples, sur le mont Cassin, à
l'emplacement d'un lieu de culte dédié aux dieux païens. Pour faire face au
nombre croissant de disciples et organiser la vie de sa communauté naissante,
il rédige alors sa règle monastique.
En écrivant sa règle, Benoît n'a pas
cherché à créer une œuvre originale. Sa règle reprend ou s'inspire de
l'Écriture sainte, d'une tradition monastique encore jeune mais déjà riche,
d'une règle monastique probablement composée vers 500-530 : la règle du Maître.
Le lecteur y trouve aussi des passages entiers du traité Institutions
cénobitiques de Cassien dit le Roumain. Enfin, on peut noter l'influence de la
Vie des Pères (publiée par Pélage, futur pape) dont saint Basile le Grand, le
législateur du monachisme oriental, saint Augustin, saint Léon Ier le Grand,
saint Césaire d'Arles et Cyprien de Toulon.
Le premier chapitre (des diverses
espèces de moines) indique ce qu'elle n'est pas. Les deux chapitres suivants
indiquent le fondement et le lien de la société monastique : (ce que doit être
l'abbé, 2e chapitre), et la part des moines dans le gouvernement (de la
convocation des frères en conseil, 3e chapitre). Puis vient l'éducation
surnaturelle des moines, aux chapitres 4, 5, 6 et 7 (instruments des bonnes
œuvres, de l'obéissance des disciples, de l'esprit de silence, et de
l'humilité). Aux chapitres 8 à 20, Benoît pourvoit à l'organisation de la
prière liturgique et conventuelle. Puis, aux chapitres 21 à 30, il définit le
régime intérieur et la discipline du monastère. Les chapitres 31 (du cellérier
du monastère) à 57 organisent la gestion, le travail, l'alimentation des
moines, l'accueil des hôtes et l'artisanat. La section suivante, avec les
chapitres 58 (comment procéder pour la réception des frères) à 66, est relative
au recrutement, au groupement hiérarchique et au bon ordre du monastère. Les
chapitres 67 à 72 (du bon zèle que doivent posséder les moines) traitent
principalement du comportement des frères les uns envers les autres. Enfin, le
chapitre 73 est un épilogue qui place modestement la Règle comme une ébauche,
une initiation à une vie supérieure.
Le modèle de la vie monastique d'après
saint Benoît est la famille, dont l'abbé est le père (Abba) et où tous les
moines sont frères. À l'époque de saint Benoît, le sacerdoce semble avoir été
relativement rare chez les moines, et il semble que Benoît lui-même n'ait pas
été prêtre.
La journée du moine est réglée en
fonction de ce que saint Benoît appelle « Œuvre de Dieu » (Opus Dei) : c'est la
liturgie des Heures, qui rassemble les moines sept fois par jour, et au milieu
de la nuit. Cette prière en commun se fait à partir des psaumes et de la Bible.
Les offices liturgiques sont de durée variable : les trois grands offices de
vigiles (ou matines), laudes et vêpres sont plus longs, et les autres offices
de la journée (« petites heures ») sont plus courts : prime, tierce, sexte,
none et complies. Pour saint Benoît, cette prière liturgique est très
importante : « On ne préférera rien à l'Œuvre de Dieu ».
La journée commence à « la huitième
heure de la nuit », avec les vigiles nocturnes. Avant l'arrivée des bougies de
cire — au XIVe siècle —, cet office est célébré dans l'obscurité. Cela n'était
pas gênant car les moines récitaient alors par cœur les psaumes et les leçons
courtes tirées des Écritures (ils passaient le temps du noviciat à cet
apprentissage. Les vigiles sont suivies d'un temps de lecture. Puis, au lever
du jour, viennent les laudes. Les offices de prime, tierce, sexte, none se
situent, comme leur nom le suggère, respectivement à la première, la troisième,
la sixième et la neuvième heure du jour (à l'époque de saint Benoît, les
horaires sont définis d'après le soleil, donc en fonction de la longueur
saisonnière du jour). Les vêpres (Vespera), comme leur nom l'indique également,
sont l'office du soir. Après le repas et une lecture en commun, c'est le dernier
office de la journée, les complies qui précèdent le grand silence de la nuit.
En dehors des offices, les moines
s'adonnent au travail, surtout manuel : car, dit Benoît, « c'est alors qu'ils
seront vraiment moines, lorsqu'ils vivront du travail de leurs mains, à
l'exemple de nos pères et des Apôtres ». Le travail doit être organisé de telle
sorte qu'il n'oblige pas les frères à sortir de la clôture du monastère : « Le
monastère doit, autant que possible, être disposé de telle sorte que l'on y
trouve tout le nécessaire : de l'eau, un moulin, un jardin et des ateliers pour
qu'on puisse pratiquer les divers métiers à l'intérieur de la clôture. De la
sorte les moines n'auront pas besoin de se disperser au-dehors, ce qui n'est
pas du tout avantageux pour leurs âmes ».
Du temps est aussi réservé à la lecture,
à savoir l'étude de l'Écriture et des Pères de l'Église, qui constitue une
nourriture spirituelle : c'est la lectio divina. Celle-ci a une importance
toute particulière en Carême. La répartition du travail et de la lecture, les
horaires des repas sont variables selon les saisons et le temps liturgique.
Ainsi, en Carême, les frères prennent un seul repas le soir après les vêpre.
La règle décrit non seulement les divers
offices et le travail, mais aussi les modalités des repas, de l'habillement, de
l'accueil, du choix des responsables, des voyages à l'extérieur, etc. Benoît ne
prétend pas tout fixer par sa Règle et affirme souvent que c'est à l'abbé, en
fonction de la communauté, des contraintes du lieu et du temps, de régler les
détails. La règle s'applique surtout à l'aspect spirituel de la vie monastique.
Spiritualité
de la règle de saint Benoît
Benoît ayant placé sa règle sous le
patronage des grands auteurs de la vie monastique, il s'y retrouve les
ingrédients traditionnels du monachisme. Benoît, en Romain, met en place une
vie communautaire solidement structurée, sous l'autorité d'un père spirituel,
l'abbé. Il organise la vie des moines à travers trois activités principales :
la prière commune, qui s'exprime surtout dans l'Eucharistie et l'office divin
(en latin Opus Dei, œuvre de Dieu, encore appelée Liturgie des Heures), la
lecture priante de l'Écriture Sainte ou d'auteurs spirituels (c'est la lectio
divina) et le travail manuel. Comme dans toutes les traditions monastiques, la
prière occupe une place centrale. Benoît privilégie la prière communautaire,
qui s'exprime surtout dans la liturgie des heures (ou Opus Dei) ; la prière
personnelle n'est pas exclue. Il limite les exigences ascétiques, qui visent à
une recherche de Dieu plus intense par « la prière avec larmes, la lecture, la
componction du cœur et le renoncement ». Il encourage également les vertus
monastiques traditionnelles : l'obéissance conduit à l'humilité, qui conduit à
la charité. Le moine s'éloigne du monde pour chercher Dieu, et la clôture
monastique lui permet de se concentrer sur ce but. D'ailleurs, les trois vœux
bénédictins sont la stabilité à l'intérieur du monastère, l'obéissance, et la
conversion des mœurs. Saint Benoît « indiqua à ses disciples comme objectif
fondamental et même unique de l'existence, la recherche de Dieu ».
À sa mort en 547, Benoît laisse à la
postérité une communauté : le monastère du Mont-Cassin, et sa règle. Mais le
monastère est détruit par les Lombards et abandonné par ses moines en 589. La
règle, déjà copiée et diffusée, n'est cependant pas perdue. Peu après, le pape
Grégoire le Grand donne une publicité décisive à Benoît et à son œuvre en lui
consacrant tout le Livre II des Dialogues, compilation de vies de saints, parmi
lesquels Benoît de Nursie occupe une place primordiale en tant que patriarche
des moines d'Occident.
La règle de saint Benoît se diffuse dès
lors dans toute la partie chrétienne de l'Europe occidentale. Jusqu'à cette
époque en effet, il n'y a pas réellement de règle monastique commune à un grand
nombre d'abbayes, et chaque abbé dirige la communauté de moines selon sa
volonté. À la fin du VIe siècle, le pape Grégoire le Grand envoie un bénédictin
ré-évangéliser l'Angleterre : c'est le futur Augustin de Cantorbéry. La règle
de Benoît est signalée en Gaule dès 625. Son succès s'explique par le fait que,
en comparaison d'autres règles monastiques existant à l'époque (règles
concurrentes qui ne sont, au départ, que des adaptations à l'usage de
communautés distinctes : règles orientales, règles gauloises, règles
irlandaises), celle de Benoît fait preuve d'équilibre humain et de modération
ascétique : si l'office divin prend une place importante, il n'est pas
exagérément lourd, et elle ne comporte pas de pénitences extraordinaires comme
celle de saint Colomban.
Au IXe siècle la règle de Benoît prend
une importance décisive. L'empereur Louis le Pieux décide, avec le conseil de
l'abbé bénédictin Benoît d'Aniane, de l'imposer à tous les monastères de
l'Empire, c'est-à-dire pratiquement à tous les monastères d'Europe occidentale.
Le synode d'Aix-la-Chapelle, en 817, entérine cette décision. Jusqu'au XIe
siècle, les moines d'Occident seront tous bénédictins.
Au cours des siècles suivants, de
nombreuses fondations et réformes, qui sont autant de retours à la règle de
Benoît, témoignent de la pertinence de ce style de vie et de la vitalité des
fils spirituels de Benoît. En 910, la Bourgogne voit surgir une des plus
célèbres abbayes bénédictines, qui donne naissance à l'ordre du même nom :
Cluny est l'un des grands symboles et phare de la vie bénédictine. En 1098,
encore en Bourgogne, Cîteaux naît du désir de quelques moines bénédictins de
l'abbaye de Molesme de « suivre, plus fidèlement et de façon plus parfaite, la
règle du très saint Benoît ». L'ordre cistercien naissant verra la
fondation de plusieurs centaines de monastères de moines et de moniales dans
toute l'Europe. Ce sont aussi les ordres de Camaldoli (1012), celui de
Vallombreuse (1039), l'ordre du Mont-Olivet (1313) ; les réformes de
Saint-Vanne (1604), Saint-Maur (1621), La Trappe (ordre cistercien de l'étroite
observance en 1662, en 1892 ordre des cisterciens réformés de Notre-Dame de la
Trappe puis ordre cistercien de la stricte observance). En 1833, dom Prosper
Guéranger restaure l'ordre bénédictin en France, à Solesmes, bientôt tête de la
congrégation du même nom. En 1843, la congrégation de Subiaco voit le jour, à
laquelle s'affilie l'abbaye de la Pierre-qui-Vire et de nombreuses autres en
France. En 2018, un peu plus de 20 000 bénédictins et bénédictines et 4 300 cisterciens
et cisterciennes suivent encore la règle de saint Benoît.
Pour lire l'intégralité des règles de Saint Benoit, c’est ici
Jusqu'au concile de Vatican II, saint Benoît était
vénéré deux fois dans l'année en Occident : le 11 juillet (fête), date
anniversaire de la translation de ses reliques à l'abbaye de
Saint-Benoît-sur-Loire, et le 21 mars (mémoire), anniversaire de sa mort.
Lorsque le calendrier romain fut remanié par le pape Paul VI dans la suite du
concile, c'est la date du 11 juillet qui a été retenue. En Orient, saint Benoît
est fêté le 14 mars.
Les reliques de saint Benoît sont conservées dans la
crypte de l'abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire, près d'Orléans, et de
Germigny-des-Prés, où se trouve une église carolingienne, dans le Centre de la
France.
La
médaille de saint Benoît est, depuis le Moyen Âge, gage de la protection du
saint à qui la porte avec vénération.
Prière de st. Benoît :
CSPB : Crux Sanctis Patris Benedicti (Croix du saint père Benoît)
CSSML : Crux Sacra Sit Mihi Lux (Que la croix sainte soit ma lumière)
NDSMD : Non Draco Sit Mihi Dux (Que le dragon ne soit pas mon guide)
VRS : Vade Retro Satana (Retire-toi, Satan)
NSMV : Nunquam Suade Mihi Vana (Ne me conseille jamais tes vanités)
SMQL : Sunt Mala Quæ Libas (Les breuvages que tu offres c'est le mal)
IVB : Ipse Venena Bibas (Bois toi-même tes poisons)
De nombreux papes ont choisi le nom de règne de Benoît en hommage à Benoît de Nursie. Benoît XVI a choisi son nom de règne en s'inspirant de saint Benoît et de Benoît XV
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