Les Goncourt à Rumilly-lés-Vaudes
A la fin du XVIIIe siècle, Antoine Huot acquiert la
Papeterie, un petit domaine du village de Goncourt en Haute-Marne.
Son fils a deux enfants. Du mariage de l'un naissent
deux garçons : Edmond et Jules. Le second, est l'époux de Virginie Henrys (de
la Grange aux Dîmes-Rumilly).
Leur fille Augusta prend pour mari, en 1834 Léonidas
Labille du manoir des Tourelles-Rumilly dit alors "des abbés de
Molesme."
Voici quelques extraits tirés de leur Journal et de leur nouvelle, intitulée "l'ex maire de Rumilly", dans lesquels Edmond et Jules trouvent prétexte à se moquer d’un personnage aux mœurs très particulières, une occasion surtout de très joliment parler de ce joli village.
Et tandis que
Jean Colet échafaude derrière les peupliers,la tour blanche de son église, cinq
petites tourelles élancent dans le ciel leurs pointes d'ardoise pour l'abri et
l'habitation du seigneur abbé.
9 juillet
1849. Hier, j'étais dans un château qui appartient à mon cousin, c'était le
manoir des abbés de Molesme, cinq tourelles, des cheminées géantes, de
charmants escaliers en escargot, des sculptures, des écussons tout rappelait
cette époque que 89 a guillotinée. Et j'évoquais les seigneurs, les dames, les pages, les valets,
tout ce monde magnifique de soie, de velours, d'or, superposé sur un monde de
manants.
19 août 1878.
Donc hier, il y a eu un dîner à Rumilly, visite de l'église et au castel,
longue pérégrination en voiture.
Sur les chapiteaux des colonnes qui soutiennent le
promenoir d'été, des enfants à cheval sur des cygnes font cabrer leurs montures
et les Amours à ailes rognées qui jouent du psaltérion semblent chanter, en
leurs musiques inattendues, le credo mythologique du XVIe siècle.
A midi, le
mardi gras, quand M. Jousseau passe en cabriolet d'osier devant le portail de
l'église, saint Martin sous son dais festonné ajusté aux meneaux lève son petit
bras de pierre et met sa main devant des yeux en auvent pour mieux voir. Le
soleil, jusque là endormi dans son lit de nuages gris, s'éveille et met une
mouche d'or au nez de la Vierge qui fait vis-à-vis à l'ange de l'Annonciation.
Pour entendre une voix chanter la Seine, il faut
remonter aux frères Goncourt (Edmond et Jules), qui la descendaient chaque été,
jusqu’au havre (petit port) de Bar-sur-Seine.
Leur journal, férocement cancanier quand il s’agit
des hommes, devient un hymne quand ils parlent de promenades en barque…
« A la Seine, on peut préférer les canaux ».
Canal d’Argentolles, canal des Marais, canal du
Labourat ou canal abandonné de Saint-Etienne.
Un temps, il m’arrivait de traîner là aux premiers
soleils, à suivre les anciens chemins de halage, à éviter les flaques
d’averses, à méditer sur une enfance penchée sur le long trait noir du canal du
Rhône au Rhin…
On ne dit jamais assez la puissance de mélancolie
d’un canal.
On devrait prévenir le promeneur solitaire du danger
qu’il court à les longuement fréquenter, l’avertir par de grands écriteaux
rouges et or de leur degré de nuisance, comme on le fait sur les paquets de
cigarettes et les bouteilles d’alcool :
« Canal interdit aux nostalgiques », «
Neurasthéniques s’abstenir », « L’abus de ce canal peut nuire gravement à la
santé », « Chemin déconseillé aux dépressifs », « Canal pour peintre du
dimanche, seulement ».
Prévenu, le promeneur peut alors rester les fesses
aux pierres des écluses mortes, les jambes ballant au-dessus de l’eau verte, à
observer les tignasses des algues, les feuilles sournoises des nénuphars, la
fragilité vibrionnante (qui vibrionne, qui bouge sans arrêt dans tous les sens)
des libellules, et chercher dans l’immobilité glauque le jet de lumière d’une
ablette et le fugace d’une perche soleil…
Un autre canal, neuf de ses flancs blancs, relie la
Seine en un long tuyau ennuyeux au réservoir du lac de la Forêt d’Orient.
Mais c’est un canal vierge, sans poissons et sans
noyés…
Il y a aussi l’immense poésie des mails.
Ce sont les promenades que suivent les bras de
Seine. Ils font le tour de la partie basse de la ville et tissent un collier à
leur reine.
Leur dessin, disent les dévots, forme la tête d’un
bouchon de Champagne, les insolents y devinent davantage une tête phallique.
En contre bas, l’eau n’y est pas farouche. Elle
passe, comme les touristes, parce qu’il faut bien passer quelque part.
Le baladin Charles Nodier aimait cette Seine qui s’effiloche dans ces vallons miniatures où, paraît-il, Charles le Chauve et Louis le Débonnaire aimaient à se baigner…».
Les frères Goncourt, Edmond de Goncourt et Jules de
Goncourt, ces écrivains français du XIXe siècle, ont naturellement été classés
dans « l'école naturaliste ». Ils aimaient beaucoup l’Aube, et chaque été, ils
descendaient la Seine jusqu’au petit port de Bar-sur-Seine.
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