mercredi 31 juillet 2024

Le parler troyen au XVIIIe siècle

 

Le langage troyen du XVIIIe

Il y a de cela deux siècles, l’historien Pierre Grosley* se penchait sur l’étude du troyen, un des parles du dialecte champenois, qu’il jugeait déjà en voie de disparition. Bien avant lui, un savant juif, le Rabbin Rachi, avait également émaillé ses textes de mots du dialecte.

Au XIXe et tout au long du XXe siècle, des maitres d’école, des instituteurs, des curés de village, des érudits locaux ont noté les mots, les phrases qui leur paraissait étranges, patois, voire argotique ; et chacun s’est plu à dire que ces façons de parler n’étaient plus que l’apanage es vieux du temps…

Pourtant, malgré les « raisons d’État » qui firent du français une langue unique et obligatoire, malgré les interdits, les blâmes, les sévices parfois, prodigués par l’enseignement officiel du début du siècle, le CHAMPEIGNAT n’est pas totalement disparu et reparait, par bribes, dans le langage populaire.

Aujourd’hui, le législateur reconnait le droit à l’existence des parlers régionaux. Les sachant, pour beaucoup moribonds, le risque n’est pas grand. Mâ, qui qui sait ? Si com eun coquatris, lou champeignat i fro’m eun cul-berciau et eun pie-d’ney ai ceuss-là qui l’creyot encrotté ! ?....




LE PARLER TROYEN

Grosley ne distingue pas la langue écrite et prononciation orale, ce qui rend ses propos assez souvent confus. Ses références au latin n’arrangent rien puisqu’on ne le prononçait pas à cette époque, comme on le prononce aujourd’hui dans une articulation dite « restituée ». Ce n’est pas la place ici de distinguer langue, dialecte, patois, parler. Disons simplement ceci :

Primitivement on parlait en Gaule le gaulois, dialecte celtique.

La langue française est avant tout l’héritière directe du latin importé en Gaule par les conquérants romains du premier siècle avant Jésus Christ. Mais, attention ! il s’agit du latin vulgaire ou latin de la conversation, langue orale fort différente de celle que l’on connait par les écrivains latins. Ce latin va, peu à peu remplacer le Gaulois (on considère qu’à la fini du IVe siècle, plus personne ne parlait Gaulois), se transformer lentement, insensiblement, si  bien que, pour certains, la question « quand a-t-on cessé de parler latin pour parler français ? » n’a proprement aucun sens, le français n’étant, comme les autres langues romanes, qu’un dialecte médiéval et moderne du latin.

A partir du Ve siècle, après les invasions des Germains, le Gallo-roman (latin parlé en Gaule) va se scinder peu à peu en trois langues : on appelle communément la langue du Nord, Langue d’Oïl, celle du sud, Langue d’Oc ou Provençal ou Occitan, celle de la région de Lyon et la Savoie, le Franco-Provençal.

La langue d’Oïl se différenciera en plusieurs dialectes : Picard, Normand, Lorrain, etc… et, évidemment Champenois. Le parler troyen est une variante de ce dialecte champenois.


La dictée champenoise 

Le samedi 25 juin 2005 s’est déroulée la première dictée champenoise à la Villa Bissinger. Les participants se sont confrontés à l’originalité du vocabulaire et des expressions champenoises. Les meilleurs dont votre serviteur, ont été récompensés.

 

dimanche 28 juillet 2024

Les bains-douches à Troyes

 

Des bains-douches à la piscine du Vouldy 

appelée également Piscine Lucien Zins

Cet établissement aura une fonction sanitaire permettant de :

- doter la population de lavoirs avec eau de sources permettant de remplacer les lavoirs à eau sale établis sur les ruisseaux sillonnant la Ville

- de proposer des bains-douches pour la population qui ne dispose pas d’eau courante

La Municipalité Clévy précise que l’établissement pourra être complété par une piscine d’eau chaude. Le site a été retenu : entre le quai Lafontaine, le quai St Dominique et la Rue du Cloître St Etienne, sur l’emplacement de l’ancienne usine élévatoire des eaux du canal


Plusieurs projets voient le jour. Ci-dessous (à gauche) le projet prévoit un réaménagement de l’usine élévatoire des eaux. Ci-dessous (à droite) le projet présente un nouveau bâtiment dans lequel apparaissent une piscine… et l’emplacement d’une deuxième piscine si nécessaire.


Benoit Klopstein, Président du Cercle des Nageurs Troyens, vice-Président de la fédération française de natation et de sauvetage, et homme fort de la natation troyenne, engage un fort lobbying auprès des élus municipaux et des autres sociétés sportives. Ainsi, les 45 sociétés sportives troyennes somment, dès juin 1929, dans un courrier collectif adressé au Maire de reconsidérer le projet précédent et demandent la création d’une piscine en même temps que les bains-douches. Avec trois sociétés de natation (Les Mouettes de Troyes, l’Energie Troyenne et le Club des Nageurs Troyens), il est vrai que Troyes dispose d’un potentiel important de nageurs.

Le 28 mai 1930, sous l’impulsion du Maire Armand Privé, le Conseil Municipal considère que la construction d’une piscine s’impose. Afin de former un établissement modèle et d’éviter les complications techniques liées à une construction ultérieure, il est acté la construction :

  • de bains-douches comprenant 16 cabines de bains, 24 cabines de douches et 4 WC
  • d’un bassin de 25m x 12m d’environ 550m3
  • d’un lavoir de 48 places et d’une buanderie aménagée
  • de 104 cabines de déshabillage réparties sur 2 niveaux en passerelle
  • d’un labyrinthe hydraulique permettant aux nageurs accédant au bassin de se savonner et de se rincer

Les eaux seront déversées après filtration et épuration dans le canal ou dans la Seine.


Plan du projet final On distingue chaque espace : les douches, les bains, les lavoirs, la buanderie, au centre le bassin et le labyrinthe hydraulique. Crédits photos : Carole Bell / Ville de Troyes

La dépense totale pour la construction de l’établissement est évaluée à 3 720 000 francs.

Il est prévu que la Ville participe à hauteur de 800 000 francs et l’Etat à hauteur de 700 000 francs. La « Société d’Habitations à bon marché et de bains-douches » doit réaliser les travaux et en financer une partie pour en bénéficier ensuite d’un droit d’exploitation pour une durée de 15 ans.

Suite aux difficultés financières et la probable faillite de la « Société d’Habitations à bon marché et de bains-douches » en octobre 1932, une négociation est engagée avec la « Société des belles piscines de France » (SBPF). Seulement, la « Société d’Entreprises et de Constructions en Béton Armé » (SECBA) fait une meilleure offre à la Ville (3 500 000 francs) avec une durée de concession de 30 ans contre 40 pour la SBPF. Le projet est sensiblement amélioré et le nombre de cabines est porté de 104 à 180. Le Conseil Municipal approuve, le 25 juillet 1933, le contrat avec la SECBA et prévoit une durée de réalisation de 10 mois.

 Le 4 septembre 1934, Armand Privé, Maire de Troyes, donne le premier coup de pioche de cet établissement hydrothérapique. C’est M. Lévrier, architecte et ingénieur de la Ville qui a apporté tout son savoir-faire dans l’élaboration d’une ligne architecturale avant-gardiste pour l’époque mêlant briques, grandes surfaces vitrées et verrières en toiture.

La Motte-Tilly

 



La marquise de Maillé restaura, seule et en quelques années, l’intérieur du château de la Motte Tilly et lui redonna son faste d’antan. A sa mort, en 1972, elle confia à la Caisse nationale des Monuments Historiques et des Sites la mission d’ouvrir le domaine au public.

La marquise de Maillé demanda au nouveau propriétaire que tout soit fait pour que le visiteur ait le « sentiment d’une présence ». Voulait-elle par-là rappeler sa propre présence ? Souhait-elle lancer les prémices d’une animation pour que cette demeure en s’installe pas, à tout jamais, dans l’attitude figé d’un musée sans vie ? Ou bien désirait-elle saluer, par quelques délicates attentions, le visiteur et lui laisser, au hasard de sa promenade, le soin de découvrir « l’âme des lieux », façonnée par deux cents ans d’histoire ?

1787 : Dans deux ans éclatera la Révolution qui, pour certains sera l’couverture vers une ère nouvelles tandis que, pour d’autres, ce ne sera qu’un énorme pétard mouillé de sang.

Comment vivait-on sous cet « Ancien Régime » ? Il y avait, nous dit-on, trois classes : la Noblesse, le Clergé, le Tiers-Etat. Cette classification n’est qu’arbitraire. La réalité est à la fois plus simplet et plus complexe. Il n’existait que deux sociétés qui s’ignoraient et qui n’avaient entre elles que des rapports obligés : la Noblesse et le Haut-Clergé d’une part, le peuple et le bas-clergé d’autre part.

Cependant, comme les mauvais romans d’amour, un troisième larron allait se glisser entre ces deux protagonistes. Né de l’un comme de l’autre il a nom : Bourgeoisie. C’est son souffle qui déchainera la tempête…


La Motte Tilly à la fin du XVIIe

LA MOTTE TILLY


Le grand escalier et ses fausses pierres peintes sur les murs

Le nom même de la Motte Tilly indique qu’il y eut ici une motte féodale, c’est-à-dire un château-fort bâti sur une hauteur.

Tilly signifierait que ce lieu devait être entouré de tilleuls (lat. Tilia)

Cet emplacement s’élevait au bord de la Seine, à l’extrémité du parc actuel du château. Le tracé des douves qui l’encerclaient se lit encore sur le terrain.

La motte Tilly appartint successivement aux seigneurs de Tilly, aux Maison de Traînel et de Chateauvillain, aux Raguier, aux d’Elbeyne et aux Noailles. Le 24 mai 1748, le Maréchal du de Noailles cède la terre à l’abbé Joseph-Marie Terray et à son frère Pierre, Vicomte de Rosières, Conseiller du Roy.

L’abbé Joseph-Marie Terray né en 1715, n’était alors que conseiller au Parlement de Paris. Ce n’est qu’en 1769 que, protégé de la Marquise de Pompadour, il entrera dans le « trimvirat Maupeou » et deviendra Contrôleur Général des Finances, Ministre d’Etat et Ordonnateur des Bâtiments du Roi. Les mesures financières qu’il prit pour rétablir le trésor royal le rendirent parfaitement impopulaire et, en 1774, Louis XVI dut le faire remplacer par Turgot.


L'abbé Jean-Marie Terray

Au XVIIIe siècle, les « abbés de cour » (de l’araméen abba, père) n’ont que de très lointains rapports avec les prêtres (du grec presbuteros, vieillard). Il est logique à cette époque que dans une famille –même de petite noblesse- l’un des fils fasse une carrière militaire, se marie et aie des enfants qui prolongeront le nom tandis que l’autre fils devient abbé et reste –officiellement - célibataire. Cette façon de faire, approuvée par l’Église, est essentiellement dictée par le désir impérieux de conserver l’héritage indivis.



Ces fils entrant ainsi « en religion » n’ont, bien évidemment, aucune vocation pour la vie monacale et restent clercs, sans être ordonnés. Faute de la fortune des armes, ils briguent les fonctions honorifiques et recherchent la fortune de l’argent et… des femmes.  Jean-Marie Terray ne fera pas exception à la règle, et, puisque la considération vient de l’argent que l’on perd, avec indifférence, aux jeux, des maîtresses qui vous « protègent », de la magnificence du château qu’on possède et du faste des réceptions qu’on y donne, en 1754 devenu Seigneur de la Motte Tilly, il fera raser le vieux château du Moyen-Age et reconstruira une « demeure champêtre » sur une hauteur en retrait de l’ancienne motte.

Les travaux seront confiés en 1755 à François-Nicolas Lancret, neveu et filleul du peintre, auquel on doit également d’Hôte de ville de Chaumont et celui de Châteauvillain en Haute-Marne.




mardi 23 juillet 2024

Paysannerie au XVIIIe siècle

                  

La France du XVIIIe

Une cour de ferme - Nicolas Bernard Lépicié (1735-1784) Musée du Louvre - Paris

C’est encore une France essentiellement paysanne. L’ensemble des villes ne réunit que quelques 2 millions et demi d’habitants alors que la population rurale, éparpillée dans 44 000 communes, oscille, selon les auteurs entre 18 et 24 millions d’individus. Ces derniers chiffes laissent apparaitre un écart d’estimation considérable (6 millions de paysans « possibles ») par le fait que cette population comprend une frange mouvante de brassiers, journaliers, mendiants sans cesse en mouvement et difficilement quantifiable. D’autre part il apparait que si la démographie est en évolution constante depuis le XVIIe, sa courbe fluctue selon les lieux et les années. S’il y a 108 feux de recensés en 1709 à la Motte Tilly, soit environ 432 habitants, en 1723 il n’y en a plus que 68 (272 habitants estimés). En 1725 on trouve 93 feux dont 296 habitants assujettis à la gabelle mais, un an plus tard, en 1726, on retombe à 87 feux et 261 gabellants. Enfin, en 1790, on dénombre 489 habitants.

Cette population villageoise est fortement diversifiée. Les plus favorisés sont les fermiers nantis et les laboureurs qui possèdent quelques hectares de terre et des chevaux ; viennent ensuite les paysans avec quelques arpents de sol et quelques bêtes puis les paysans pauvres ayant au mieux une vache et des terres en louage ; enfin on trouve les journaliers, les brassiers et les mendiants qui n’ont, pour tout bien que leurs bras.

Chaque communauté s’organise autour d’une assemblée villageoise où chaque homme adulte a droit de vote, les femmes en étant exclues, sauf de rares exceptions. Cette assemblée élit un conseil, lequel désigne un chef de village. En fait, cette structure apparemment très démocratique, trouve vite ses limites car, en Champagne notamment le conseil décide presque toujours sans réunir l’assemblée villageoise. Quant au chef de village, choisi parmi les fermiers nantis - le choix est vite résolu -  il devient presque immanquablement le représentant du gouvernement car il est physiquement responsable de la communauté vis-à-vis du seigneur et ne tient nullement à rembourser les dettes de ses voisins ! Au contraire, son autorité peut lui permettre d’acquérir une certaine notoriété et, par là même, quelques avantages en nature ou en argent…

Il apparait présomptueux de prétendre expliquer cette vie paysanne pourtant peu éloignée de nous car, durant les deux siècles qui nous en séparent, l’évolution des mentalités et des modes de vie a été considérable.

 


Un Village de chaumières


Dans nos régions la paroisse et le finage se confondent. Le village est groupé près de son église mais il existe quelques écarts, fermes ou hameaux isolés. L’église a encore conservé dans l’esprit et dans la forme son sens latin d’assemblée, ecclesia. On s’y réunit parfois pour discuter des affaires à régler entre villageois mais, c’est plus fréquemment le cimetière, le clamard, qui sert de lieu de réunions et de discussions. Ce choix est dicté par une croyance qui veut que les démons affectionnent les lieux clos et y font dégénérer les entretiens. Le cimetière et l’église sont donc, par essence, des endroits privilégiés puisque consacrés et hors d’atteinte des maléfices.

dimanche 14 juillet 2024

Églises à pans de bois en Champagne


CARACTÈRES GÉNÉRAUX

La Champagne compte dans ses régions Est et Sud quatorze églises ou chapelles construites entièrement en pans de bois et environ autant d’autres associant ce matériau à la pierre. Ces chiffres en font, bien avant la Normandie, le principal ensemble français d’églises en bois et l’un des tout premiers d’Europe occidentale. Mais l’essentiel tient à l’intérêt de ces édifices, remarquables non seulement pour des qualités d’authenticité et de fraîcheur attendues de construction rurales, mais aussi pour leur diversité, leur originalité, leur valeur monumentale et leur environnement souvent séduisant. Ces mérites s’observent surtout dans une douzaine d’édifices principaux, d’allure variée, mais sensibles à l’évolution générale de l’architecture et qui témoignent d’une utilisation savante et méditée des techniques d’édification en colombage.

Église de l' Exaltation de la Sainte Croix  de Bailly-le-Franc (10)


Marne et la Meuse, ont gêné l’exploitation touristique, mais elles bénéficient aujourd’hui de la proximité des lacs artificiels de Champagne humide et du Parc Naturel Régional de la Forêt d’Orient. L’intérêt des historiens et des amateurs ne s’est porté qu’assez tardivement sur ces curieux édifices. Le pan de bois ne présentait pas au XIXe siècle le caractère pittoresque qu’on lui a reconnu depuis, d’autant que sur la grande majorité des églises – à la notable exception de celle de Lentilles

église St Jacques et St Philippe de Lentilles (10)

il était soigneusement dissimulé sous un enduit à la chaux (remplacé au XXe siècle par un enduit au ciment encore plus ingrat) qui en dissimulait plus ou moins l’originalité de la structure. Ce n’est qu’en 1911, à l’occasion du Congrès archéologique de Reims, que parut, sous la plume de l’architecte Tillet, la première vue d’ensemble sur le sujet. La première protection au titre des monuments historique fut prononcée en 1921 et concerna la chapelle de Soulaines-Dhuys.

Chapelle St Jean de Soulaines-Dhuys (10)

De nos jours, sur les quatorze églises et chapelles en pan de bois, quatre sont classées, et cinq inscrites, sans compter les protections d’édifices mixtes. Une autre marque de l’intérêt croissant pour ces édifices souvent modestes fut la campagne de presse qui aboutit au remontage en 1970 de l’église de Nuisement sur les bords de la retenue du Der, sous les eaux de laquelle ce village devait disparaître. Dans les années 1960 débutèrent les restaurations visant à remettre le pan de bois en valeur. La traduction première de cette politique fut l’enlèvement des enduits extérieurs - que ne conservent plus guère à présent que deux ou trois églises - sans que l’on ait cependant d’indications précises sur la visibilité du pan de bois au moment de la construction. Un autre aspect spectaculaire de ces restaurations fut le dégagement de la structure intérieure, dans certains cas -tels Longsols ou Lentilles - totalement dissimulée jusque là sous de fausses colonnes ou de fausses voûtes. 

Église st Julien l'Hospitalier et st Blaise de  Longsols (10)


Dans un cas extrême – l’église de Mathaux -, la restauration alla jusqu’à la reconstruction totale, de 1983 à 1986, de la nef et du clocher qui la précède, emportés par une tempête peu auparavant.


Église st Quentin de Mathaux (10)


Les églises en bois de Champagne : géographie et datation d'ensemble

Les églises champenoises à pan de bois subsistant de nos jours s’étendent sur un arc de cercle de plus de 200 km menant des crêtes pré-ardennaises au sud-ouest de l’Aube, en passant par Vitry-le-François, Brienne-le-Château et Troyes.

lundi 8 juillet 2024

Patois champenois

 

             Les mots d’antan

       ou  

         Quelques mots du Parler Champenois

 


Ce sont des mots encore dans la mémoire des anciens.

Remarque:

Ces mots, utilisés à l’oral, n’étant pas habituellement écrits, l’orthographe en est parfois variable et aussi la prononciation.

Le patois n’a pas droit de cité à l’école.

Certains mots qui n’ont pas d’équivalents en français standard nous paraissent si familiers que l’on ne les considère pas comme du patois ainsi s’entrucher.

Il y a parfois confusion entre parler dialectal et registre familier, argotique

Il y a les mots qui désignent un usage perdu sans être du parler champenois ainsi

paillasse pour désigner une enveloppe garnie de paille qui sert de matelas, ou encore : les (chaussettes) russes qui étaient des morceaux de toile, chiffons, servant à envelopper les pieds, à l’origine utilisées par les soldats de l’armée russe et n’ont été que récemment remplacées par des chaussettes normales mais coquassier est bien un mot de la Marne.

 

A cabido, à cabidos : Sur le dos de quelqu’un. Porter un enfant à cabidos.

Affutiaux, Futiaux: Les vêtements. Habits usagés

Argannier, arcannier: Personne gauche, maladroite. Mauvais ouvrier

Altopier: Mauvais ouvrier

S’accouver: S’accroupir

Anhotter, ahotter: Être embourbé, empêché d’avancer

Une attelée: Durée de travail dans la journée.

Avoindre, aveindre: Attrapper un objet, atteindre en faisant un effort

Avoinée: une raclée, une volée de coups, mettre une avoinée

Avoéner: nourrir à profusion. Donner de l’avoine aux chevaux (est-ce un autre mot que le précédent? L’idée d’une grande quantité de coups ou de nourriture))

Avoir les bloquets: Avoir des courbatures, des crampes

Bâche: Serpillière (la loque aux confins des Ardennes. En Suisse, vaudois: panosse)

Badrée: Pâtes à gaufres, à crêpes. Grande quantité de mélange,  éventuellement mélange pour le sulfatage des vignes.

Bagnolet: Coiffe avec une large visière, portée par les femmes pour se protéger du soleil lors du travail à l’extérieur. Faite de cretonne avec une armature de rotin ou d’osier fin. (A Vertus on dit la hâlette, titre du journal des “ragraigneux”)

Barbiche: Avoir de la barbiche, se dit d’un enfant qui s’est barbouillé en mangeant, avoir quelque chose autour de la bouche…Le mot barbiche figure dans le dictionnaire du français standard. Il s’agit plus probablement d’un usage familier de ce mot)

Bassière: Flaque d’eau. Liquide dans un fond de tonneau

Bètin: Bestiole, drôle d’animal

Boudine: le nombril

Bouvreu: Raisin encore vert à la vendange

Brousiner, broussiner: : Une petite pluie fine

Brouillasser, ça brouillasse: Pluie fine

Ça dégaille, dégailler: Au moment du dégel, ça dégaille. Terre boueuse, glissante

Un caillot: Une noix

Catherinette: Coccinelle

Carteler: Dans un chemin éviter de rouler dans des ornières trop profondes, en choisissant de rouler sur un bas-côté et le milieu du chemin.

Charbonnée: Morceaux de cochon distribués aux voisin lors de l’abattage

Charculot: Malvenu d’une portée, d’une couvée, le dernier né

Chanlatte: Gouttière

Cochelet: Repas de fête à la fin des vendanges

Coquassier, cocassier ou coquetier: le commerçant qui ramassait dans les fermes des oeufs, des volailles, des lapins et puis les revendait …

Coquemar: Bouilloire sur le coin de la cuisinière

Corasse: Grenouille

Crouni, être crouni: Fatigué, épuisé, fourbu

Cuider, ça cuide, ça décuide: Vendange plus importante que prévue, ou moins importante (vient sans doute du vieux français “cuider”:croire)

Dedrussir: Enlever des herbes, des plantes en trop pour que la plantation soit moins drue. Desserrer

Ça dégaille, dégailler: Au moment du dégel, ça dégaille. Terre boueuse, glissante

Déloqueter: déshabiller (dialectal ou argotique?)

Derne, darnu, les darnus de mai: Avoir la tête qui tourne, pris de vertige. Être un peu fou.

Drapiot: Couche, lange pour bébé

Empierger (s’): Se prendre les pieds dans quelque chose (Canton de Vaud, Suisse: s’encoubler)

Entrucher (s’): Avaler de travers (le français standard n’offre pas de mot pour cela)

Escarter, essarter: nettoyer le bois dans la coupe

Epantiau, Epantail : Epouvantail

Fouire, déclichette: La diarrhée

Ferloque: Des objets sans valeurs, des guenilles

Fier: Acide, un vin fier

Gadouille, gadouiller, gadouilleux: Boue liquide terre détrempée,  patauger dans la boue

Gouille, gouiller: Flaque d’eau

Gôyer: se salir, salir

Galette: Employé pour: tarte

Galipes: Les vignes

Geindeux: Désigne quelqu’un qui se plaint souvent. “Un bon geindeux vit vieux”

Godine: Génisse, vache

Gougnafier: Personne qui se comporte salement, qui gâche les choses

Hoché: Secoué, ivre. Sur le point de mourir. Il est complètement hoché

Hocher: Faire. Quoi que t’hoches?

Hocques: Souche de vigne, cep sec coupé au moment de la taille

Hordon: Equipe de vendangeurs

Mahonner: Marmonner

Mai: Bouquet de muguet que l’on accroche au premier mai

Maumûr, les maumûrs: Raisins qui ne sont pas mûrs. Le panier de

maumûrs. Les maumûrs sont (étaient) destinés à la rebêche, à la piquette

Menteries: Mensonges, racontars

Midauguée: Mélange de sulfate de cuivre et de chaux vive pour le sulfatage des vignes.

Mingrelle: Gros moustique

Mouziner: Bruiner, brouillasser, brousiner. Ca mousine

Moyère: Tas d’échalas dans les vignes

Nareux: Une personne sourcilleuse, difficile, exigeante, sur les aliments

Nature (vin): vin blanc avant la champagnisation. Vin nature de la Champagne

Nicasser: Rire bêtement, ricaner

Odé-e, hodé-e: Complètement fatigué-e, épuisé-e

Ourser: Il est entrain d’ourser aux champs. Travailler dans son coin

Papinette: Cuillère en bois avec un long manche pour la cuisine

Passette: Petite passoire

Patasser: Piétiner, marcher sur place

Patichonner: Malaxer maladroitement

Pétériot: Genèvrier. Autrefois attaché sur la façade des cafés, sorte d’enseigne.

Poireau: Verrue

Queurce: Pierre à affuter

Racoin: Endroit difficile d’accès. “dans tous les coins et les racoins”

Ragrainer: Ramasser les petits morceaux. Ragrainer son assiette,

ramasser les miettes sur la table, au fond du plat.

Ratabouiller: Rebouillir le vin

Récoué: Fini, mort. Défleuri

Relavette: Chiffon à laver la vaisselle

A tantôt: À tout à l’heure, à bientôt. À cet après-midi

Taugnée, brossée, avoinée: Des coups. Râclée, volée

Trésalé: Grain trop mûr, ridé

Verder, envoyer verder: projeter, aller vite

Anciennes mesures:

L’arpent 42 ares (environ) ou 8 denrées

Mot d’origine gauloise a donné: arpenter, arpentage, arpenteur. Lemot arepennem désignait ce qui est devant, l’extrémité d’un champ avant de désigner une surface 2 arpents et demi = un hectare

La denrée

La perche

Le boisseau: 12 litres (matière sèche)

Pour la semaison : six boisseaux l’arpent

Le muid : i8 hl 28

Le demi-muid

La feuillette: 137 litres

Pour mémoire, le mètre

Naissance du mètre en 1791.

Les cahiers de doléance rédigés lors de la Révolution de 1789 réclamaient une mesure universelle pour s'affranchir de l'arbitraire des unités de mesure seigneuriales.

(…) 26 mars 1791, date de création du mètre qui est défini comme la dix millionième partie du quart du méridien terrestre.

(…) il faudra attendre la loi du 4 juillet 1837, sous le ministère de François Guizot, pour que le système métrique décimal en France2 soit adopté de manière exclusive.

Prononciation

Timbre des voyelles:

Argot pour ergot

Alle (elle) a venu

Ratourner pour retourner

Les voyelles nasales parfois plus fermées

Permutations ou métathèse:

Bertelles (bretelles)

Ortrie, ostrie (ortie)

Palatalisation:

Biau (beau)

Tyuré (pour curé)

Gadouille (gadoue)

Compter les œufs :

1 oeuf, 2 “deuzeu”, 3 “trwazeu”, 4 “katroeuf”, 5 “sinkoeuf”, 6 “sizeu”,

7 “setoeuf”, 8 “huitoeufs”, 9 “neufoeuf”, 10 “dizeu”….

Et vous ? Comment comptez-vous les œufs ?

La règle étant : œuf “œuf” au singulier, œufs au pluriel prononcé avec changement du timbre de la voyelle, ouvert/fermé, et suppression du “f” en finale. “lezoeu”.

Or à date ancienne, en Champagne comme dans quelques autres régions de France, la prononciation représentée ci-dessus était courante.  A Villevenard il en était encore ainsi dans les années 50,60.

C’était si naturel que ce fut une grande surprise pour l’auteure de ces lignes de découvrir, très tard, qu’elle comptait, spontanément, les œufs de cette manière. La différence vient de la liaison en “Z” qui entraîne la modification du timbre de la voyelle et la disparition du “f” final.

Cette manière de compter semble avoir disparu chez les plus jeunes. Il faut dire aussi que l’on ne va plus guère ramasser les œufs…

 

Emploi des auxiliaires : être et avoir

Tendance à généraliser l’emploi de l’auxiliaire avoir.

Il(s) ont venu. il’ont venu pour ils sont venus

Il(s) ont mangé pour ils ont mangé (normalement avec liaison en Z)

Proverbes / expressions

T’es comme à Gourgançon à table jusqu’au menton

Un bon geindeux vit vieux

Les darnus de mai

Des pruneaux M’sieur l’curé, not’ cochon n’en veut plus.

Et les nombreux proverbes en rapport avec le calendrier et les saints liés à la culture et à la vigne…

 

Quel est le nom des habitants de Villevenard ?

Le sobriquet connu est : les cossiers…

Dans: Le lexique du paysan et du vigneron champenois de Lise Bésème-Pia, la définition proposée est : vigneron, mangeur de cosses ou fèves.

Mais dans ce cas ce nom de cossier désigne tous les vignerons champenois, pourquoi seulement les habitants de Villevenard ?

On est tenté en premier lieu de rapprocher ce mot d’un mot familier connu: cosse, avoir la cosse (être paresseux) mais le dérivé serait cossard et sincèrement on ne voit pas le moindre rapport.

Dans le dictionnaire Littré, figure le mot cosser signifiant: se heurter la tête l’un contre l’autre en parlant des béliers. Sens figuré: Il ne fait point bon cosser avec de telles gens.

Cela remet en mémoire une opinion formulée par un notaire de la région selon lequel la réputation générale des gens de Villevenard est que ce ne sont pas des gens faciles, qui ont la tête dure.

Qu’en pensez-vous?

Et pourquoi appelle-t-on les Rémois cornichons?, Les habitants de Troyes, les ribauds?

Quelques généralités…

Le français langue d’origine latine, s’est répandue, sur des bases écrites à partir de la région parisienne. À côté de cette langue commune des langues régionales n’ont pas totalement disparu. Le basque, une des plus anciennes langues d’Europe aux origines inconnues, le breton qui appartient à la branche celtique, l’alsacien, le flamand qui appartiennent à la branche germanique et des parlers romans qui appartiennent à la branche latine. Dans cette branche on distingue les parlers du domaine d’oïl, au nord de la France, du domaine d’oc, au sud et du domaine francoprovençal, Savoie, Suisse . “oïl” et “oc” sont les deux manières de dire “oui“au Nord et au Sud de la France.

Chacune de ces langues a sa propre histoire. Plusieurs d'entre elles ne sont quasiment plus parlées. Il s'agit presque toujours de langues ayant perdu toute unité, éparpillées en de nombreux patois variant parfois d'un village à l'autre. C'est le cas de la plus grande partie des langues d'oïl. Il n’existe que de rares exceptions comme le gallo qui survit grâce à l'appui des mouvements identitaires bretons ou le picard sous la forme d'un patois du nord : le chti. langues d'oïl : le francien, l'orléanais, le tourangeau, le berrichon, le franc-comtois, le wallon, le picard, le champenois, le normand, le gallo, le poitevin-saintongeais, l'angevin, et le bourguignon (cf. Henriette Walter)

 Un parler: variété de langue parlée sur un territoire restreint tout comme le patois.

Un patois: variété de langue restreinte à un petit nombre de locuteurs et parlée sur un territoire également restreint, généralement rural.

Un dialecte: ensemble de plusieurs patois partageant des caractéristiques communes.

Le dialecte champenois faisait partie des langues d’oïl. Mais sa grande proximité avec la région parisienne a fait qu’il a eu du mal à survivre. Ce qui en subsiste concerne généralement le travail de la vigne, du vin et des champs et varie souvent d’un village à l’autre.

Au XIIème siècle, Chrétien de Troyes, à la cour des comtes de Champagne est considéré comme le premier romancier de langue d’oïl. Il écrit dans une langue déjà dominée par les usages de Paris.

La Champagne linguistique correspond aux départements de la Marne, de l’Aube et de la Haute-Marne.

 

Bibliographie:

Lexique du paysan et du vigneron champenois, Lise Bésème-Pia, chez Jean-Luc Binet.

Le parler de Champagne, Michel Tamine, chez Christine Bonneton, 2009

Le Parler Champenois, Gustave Philipponnat, 1941

Petit vocabulaire du langage champenois, G.Crouvezier, 1959

Janvry-Germigny, Les mots oubliés, Guerlin-Martin& fils, Reims, 1998

Aventures et mésaventures des langues de France, Henriette Walter, éditions Honoré Champion, 2012

Revue “Lou Champaignat”, Troyes

Constitution civile du clergé (1790)

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